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Et si, en pleine réflexion sur le sens de sa vie, un homme croisait la route d’un interlocuteur qui répondrait à ses doutes par des questions encore plus troublantes ? Leur rencontre, marquée par des dialogues philosophiques, pourrait bien bouleverser sa vision du monde. Ces échanges suffiront-ils à éveiller en lui l’envie d’explorer les méandres de son identité et d’entamer un véritable voyage initiatique ? Un face-à-face qui promet des révélations inattendues et des surprises à chaque détour.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Gilles Perdreau est un auteur qui célèbre la grandeur de l’être humain et la puissance de la création. Dans cet ouvrage, il invite chacun à découvrir la force qui l’habite. À l’image d’un jeune oiseau, il ajoute sa plume aux mots pour s’envoler dans l’azur de ses rêveries.
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Seitenzahl: 427
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Gilles Perdreau
Mission : Aimer
Roman
© Lys Bleu Éditions – Gilles Perdreau
ISBN : 979-10-422-6089-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
— Mais que se passe-t-il dans ce monde pour que tout parte en vrille ? Quelle signification donnerai-je à ma vie ? Pourquoi m’attristé-je tant ? Pourquoi autant de haines, de trahisons, de médisances, de mensonges, d’indifférences, de meurtres se multiplient-ils ? Pourquoi ai-je l’impression de tituber ou de voir chanceler les gens autour de moi ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond sur cette Terre ? Dois-je inventorier toute cette misère ? Ne puis-je contempler autre chose ? Comment se construit le cœur de l’homme ? D’où proviens-je ? Où vais-je ? Comment remplirai-je mon existence ?
Depuis plusieurs mois, Charles se traîne piteusement. Il se pose beaucoup de questions sur la vie, et toutes celles qui demeurent sans réponse l’attristent. Il ne parvient pas à se sortir de cet état malgré sa bonne humeur naturelle. Son esprit taquin et blagueur ne suffit plus à rétablir cette disposition innée. Ça l’afflige au plus haut point, car cela ne correspond pas à sa personnalité. À quarante-trois ans, il se situe dans la force de l’âge. Les multiples sports qu’il a pratiqués, depuis sa jeunesse, lui ont permis de se tenir en forme, nonobstant les excès auxquels il s’adonnait avant de rencontrer Chloé. Charles aime rire et amuser la galerie autour de lui. Mais, aujourd’hui, il roule sans but précis. Il s’attarde là, assis au volant de sa voiture, le regard hagard ! D’un coup, une montée d’adrénaline l’envahit et il s’écrie :
— Que m’arrive-t-il ?
L’horloge du tableau de bord indique 17 h 30 et la nuit règne déjà, dans ce début de soirée d’hiver tandis que le thermomètre affiche tout juste 2 °C. Grises comme le temps, ses pensées l’étouffent. Elles prolifèrent en trop grand nombre, à son goût. Ça lui donne la sensation qu’elles se multiplient de manière exponentielle. Rien ne semble pouvoir stopper ce flot incessant, telle une houle furieuse et perpétuelle qui lance ses déferlantes sur les rochers de la côte atlantique, pour la sculpter de ses assauts répétés. Elles se fracassent, inlassablement, au fond de son cerveau et le hantent, sans cesse.
Un déluge d’interrogations le taraude de nouveau.
— Pourquoi les infos diffusées par les mass media s’axent-elles toujours vers les malheurs ou les catastrophes du monde ? Pourquoi les émissions de télévision tendent-elles à abêtir ? Pourquoi semblent-elles formater ceux qui les regardent ? Pourquoi nous incitent-elles à croire en l’authenticité de la TV-réalité ? Pourquoi nous exhortent-elles à juger autrui, alors qu’on ne parvient pas à se jauger soi-même ? Pourquoi nous prône-t-on tel exploit, qui n’intéresse que celui qui le réalise ? Pour quelle raison se transformer en « top model » ou en athlète de haut niveau ? Pourquoi tente-t-on de nous contingenter dans des compartiments, tels que les signes zodiacaux, les gros ou les maigres, les sportifs ou les sédentaires, les gays ou les hétéros, les partisans de clans politiques, religieux ou autre ? Pourquoi nos sociétés s’ingénient-elles à nous diviser, nous limiter et nous inciter à nous catégoriser ? Pire, pourquoi hommes et femmes se confondraient-ils ? Ne reflètent-ils pas la richesse de leur unicité ? Mais où me conduit ce monde ?
D’un coup, le sourire de Chloé, sa princesse, le tire de ses pensées moroses. Un rayonnement de béatitude éclaire son visage. Il se souvient du jour où il proclama le « OUI » qui scella leur union devant le maire de la commune. Elle étincelle dans son cœur, tel l’astre brillant du plein midi. Quand elle se trouve à ses côtés, il s’enflamme de joie, de paix et de bien-être. Depuis leur rencontre, elle illumine son quotidien pour son plus grand bonheur.
— ASSEZ ! Ça ne continuera pas ainsi, ad vitam aeternam ! profère-t-il, à voix haute, seul dans sa voiture. Je ne supporte plus ce temps gris, à longueur d’année ou presque. Je désire du soleil, de la clarté. Je ressens un besoin impérieux, de vitamine D. Je solliciterai une mutation pour déménager dans le Sud.
La décision prise, il en discutera avec sa tendre et jolie épouse, dès qu’il rentrera chez eux.
Chloé, quant à elle, n’espère que cela. Son cher mari lui apparaît malheureux depuis trop longtemps à son goût. Elle ne se l’explicite pas.
— Dois-je en assumer la responsabilité ? Et la cause, d’où provient-elle : de mon fait ou du sien ? Me parlera-t-il ?
Ces questions la hantent. Elle a bien remarqué, ces dernières semaines, qu’il tentait de lui confier ses tracas, mais il ne lui avait donné aucune piste à explorer. Il taisait ses réflexions, ses doutes, ou, encore, ses zones d’ombres. Il l’accablait par un mutisme inhabituel.
— Sait-il, au moins, par où commencer ? songe-t-elle.
Il lui exprime souvent combien il l’aime. Et ça la rassure ! Ce soir, dès qu’elle l’aperçoit dans l’entrée, elle subodore qu’il désire lui parler. Elle lui laisse le temps de se débarrasser de son manteau, l’embrasse tendrement et lance :
— Bonsoir, mon chéri ! Dis-moi, si je me trompe, mais je pressens que tu souhaites m’apprendre quelque chose…
— Effectivement ! Je n’en peux plus de ce temps grisâtre.
Charles lui sourit, puis enchaîne :
— Si je demandais ma mutation dans le Sud, qu’en penserais-tu ? Ça m’embrume la tête et je ne m’en sors pas.
À l’annonce de cette suggestion, un élan d’allégresse la propulse dans les bras de son bien-aimé. À la vue de son sourire qui emporte tout sur son passage, son pouls s’accélère et un sentiment de félicité l’envahit. Chloé prend une profonde inspiration et lui déclare :
— J’accepte avec grand plaisir, mon amour ! Je retrouverai du travail n’importe où. Ma clientèle fidèle me considère comme une professionnelle de la coiffure. Je détiens une haute qualification dans mon job et je fournirai des lettres de recommandation, si nécessaire.
Charles ressent l’effet terrible qu’elle produit sur lui. Pour un peu, il ne se contrôlerait plus.
Pourtant, il peut sembler distant, voire un peu froid, à qui ne le connaît pas vraiment. Ceux qui le côtoient régulièrement savent qu’il possède un cœur généreux, prêt à s’ouvrir à tous. Cependant, il s’emprisonne, trop souvent, dans les pièges des carapaces qu’il s’est construites, au fil des ans, pour se protéger de tout désagrément déjà vécu ou à venir.
Après ces émotions, Charles s’accorde quelques jours de réflexion avant de demander sa mutation, en bonne et due forme, à la direction de son département. Il attend naturellement le début d’année et profite des vœux qu’il adresse à son responsable hiérarchique pour l’en informer. À sa grande surprise, ce dernier ne bronche pas, mais le questionne sur ce qui le pousse à souhaiter changer de région. Charles, qui prévoyait cette réaction, ne se départ pas et expose les motifs de cette décision sans, bien sûr, évoquer les turbulences qui l’assaillent actuellement. Il met l’accent sur l’énergie bienfaisante qu’il éprouve lorsqu’il participe aux réunions de leur centre de BANYULS/MER. Il ressent un bien-être indicible qu’il imagine propice à exercer une dynamique communicative, aussi bien dans son travail que dans sa vie privée.
À peine quinze jours plus tard, son chef le convoque pour lui notifier l’acceptation de sa demande en ces termes :
— Un poste se libère, à BANYULS/MER, à la suite du départ d’un de tes collègues pour raisons personnelles. Ton vœu de mutation tient-il toujours ?
D’un ton enjoué, Charles lui répond spontanément :
— Oui, bien entendu !
— Pourrais-tu entrer en fonction début avril et t’y rendre deux semaines auparavant afin de régler la passation des dossiers avec ton prédécesseur ?
À ces mots, Charles se retient de sauter de joie dans les bras de son responsable hiérarchique. Son visage s’éclaire en même temps qu’il imagine ses yeux briller comme des boules de Noël. Il s’entend alors énoncer :
— Je te remercie, de tout cœur, pour la confiance que tu m’accordes. Comment t’exprimerais-je toute ma reconnaissance et la satisfaction, tu me procures ?
— Rien ne se produit par hasard ! Tu possèdes les compétences requises pour t’acquitter des objectifs à atteindre. Nous considérons que tu t’y épanouiras sur le plan professionnel et personnel pour notre satisfaction mutuelle.
Charles n’en revient pas.
— Merci, mille fois !
Sur ces mots, il prend congé et sort des locaux de la direction. Il monte dans sa voiture et prend la route de son bureau actuel. Il termine sa journée de travail et rentre chez lui. Il décide de ne pas appeler Chloé pour l’informer des derniers évènements. Il préfère le lui formuler de vive voix. Une bouteille de champagne attend dans le réfrigérateur.
— Quelle bonne occasion de la sabrer ! pense-t-il.
Dès qu’elle arrive, elle devine, de suite, qu’il lui annoncera quelque chose. Le visage de Charles parle de lui-même. Ses traits de fatigue accumulés s’estompent comme neige au soleil, tant il rayonne de gaieté et de sérénité. Quand il lui déclare que son patron entérine sa mutation et que sa prise de fonction s’effectuera mi-mars, elle ne peut retenir un cri d’exultation qui provient du fond du cœur. Elle vient enlacer son homme de ses jolis bras doux et affectueux. Elle l’embrasse chaudement, se love contre lui en appréciant la vigueur de ses biceps. Cette tendre étreinte se prolonge quelque peu, le temps de digérer cette bonne nouvelle. Charles lui propose d’ouvrir la bouteille de champagne pour fêter l’évènement. Elle ne se fait pas prier. Elle ne résiste pas à ces bulles enchanteresses.
Ce moment délicieux passé, ils décident de s’attaquer aux choses sérieuses, sans tarder. Ce délai de deux mois leur suffira-t-il pour trouver une habitation ? L’employeur de Charles, dans le souci d’accompagner ses salariés, se charge des frais du déménagement. Sa préparation ne posera pas de tracas supplémentaire ! Lors de leur premier périple pour prospecter des logements sur place, Chloé en profite pour démarcher quelques salons de coiffure. Elle ne les visitera pas tous, car le deuxième lui propose de l’embaucher. Elle commencera début avril. Emportés dans cette dynamique providentielle, ils dénichent la maison qui leur convient et organisent leur transfert.
— Quelle aubaine ! songe-t-elle. Tout s’annonce sous les meilleurs augures.
Emmanuel respire la sérénité. Il se sent en accord avec lui-même. Il désire perdurer dans la zénitude plutôt que de succomber à la minutie, quasi maladive, qui lui gâchait l’existence auparavant. Dorénavant, il s’intéresse aux espaces de sa personnalité qu’il ambitionne encore d’améliorer. Il souhaite les dégager de toute interférence inadéquate. À l’heure actuelle, tout devient limpide. Depuis bientôt trente-cinq ans, les murs de la forteresse de ses certitudes s’effritent. À vrai dire, ils s’écroulent, par pans entiers. Ils ne forment qu’un amas de décombres qu’il s’attache à déblayer, au fur et à mesure, pour y voir de plus en plus clair.
Il avait entamé sa carrière professionnelle avec un caractère insouciant et audacieux. Il avait usé de toute l’arrogance de la jeunesse pour obtenir la reconnaissance qu’il recherchait à tout prix. Rien ne lui résistait. Il osait tout. Il ne craignait personne pour atteindre ses objectifs. Il lui semblait tout connaître comme s’il était né avant ses grands-parents. Cela ne lui suscitait aucune question. Il fonçait droit devant jusqu’au moment où ses premières interrogations existentielles apparurent. Au début, il n’y prêta pas attention. Rapidement, il dut se rendre à l’évidence. Elles devenaient beaucoup trop nombreuses pour les ignorer. Il devait réagir. Elles tendaient à gâcher ses nuits, déjà écourtées par le rythme de travail effréné qu’il s’imposait. Maintenant, elles commençaient à le tarauder en pleine journée.
À bien y réfléchir, il évalue le début de ce harcèlement, aux alentours de la trentaine, à la suite de l’éclatement son premier couple. Cadre commercial à l’époque, la grande distribution constituait sa clientèle. Dévoreur de romans policiers, il visitait régulièrement les sphères « librairies » de ces établissements. Puis, un jour, il désira changer d’univers littéraire. Il s’arrêta, pour une fois, devant une tête de gondole où s’exposaient des livres d’horizons complètement différents, au lieu de se diriger vers son rayon préféré. « L’Alchimiste » de Paulo Coelho se présenta à lui comme une évidence. Il parcourut la dernière de couverture et décida de l’acheter. Il garde un excellent souvenir de cette sorte de roman initiatique. Il lui semblait correspondre, à ses besoins, en cette période où il observait sa deuxième histoire de couple exploser. Telle la première, elle se transformera en peau de chagrin. Quand il en acheva la lecture, il ne s’imaginait pas qu’il s’engageait sur le chemin d’une grande aventure qui le conduirait jusqu’à une remise en question intégrale de son fonctionnement interne. La démolition de la forteresse qu’il se bâtissait, depuis si longtemps, s’entamait en prélude d’une reconstruction totale. Son orgueil en pâtira rudement et il mettra un genou à terre.
— Le chantier se poursuit toujours, mais quel bonheur de voir ma gloriole se dégonfler, à vue d’œil ! s’exclame-t-il.
Il se battit, pourtant, bec et ongles pour conserver son assurance. Son statut, son apparence, ses ambitions, ses illusions et le cortège de ses préjugés, a priori, certitudes, interprétations et postulats fumeux, sur lesquels s’appuyaient ses théories hasardeuses, ne résistèrent pas. Il méconnaissait beaucoup de choses, alors qu’il se figurerait détenir la vérité. Il affirmait un tas d’inepties en croyant dur comme fer ses proclamations et, maintenant, il s’en rendait compte. Tel un aveugle dont la canne blanche virevolte dans un magasin de porcelaine, il détruisait tout sur son passage.
— Quel désastre ! constate-t-il. Comment, et par qui ou par quoi, me laissai-je obnubiler de la sorte ? Demeurerai-je un raté comme mon père me le répétait, si souvent, dans mon enfance et mon adolescence ?
Pour tenter d’échapper aux spirales qui le tiraient vers le bas, il s’abonna à une revue de psychologie. Il consulta quelques livres qu’elle conseillait en matière de développement personnel, spiritualités diverses et variées, romans initiatiques et philosophiques. Mais, rien ne concourut à le satisfaire ou à mieux l’éclairer. Son regard changeait, mais toutes ces lectures l’embrouillaient, un tantinet. Il ressentait une soif, d’ordre métaphysique, mais il ignorait dans quelle direction se tourner et vers qui ? Son âme errait en plein désert et s’asséchait dans ce milieu aride.
Charles, assis sur ce banc depuis environ une heure, laisse son esprit gambader à sa guise. Il lève les yeux et observe l’homme qui se tient sur celui d’en face. D’après son apparence, il le considère de vingt-cinq à trente ans son aîné. Ce matin de début d’automne, le soleil se pare de son plus bel éclat dans un ciel qui affiche un bleu azuréen immaculé. L’atmosphère s’agrémente d’une température particulièrement douce pour la saison.
— Quel endroit magique pour m’accorder une pause et analyser ma condition actuelle ! songe-t-il.
Le belvédère, situé entre le cap d’Ona et la plage du Fontaulé, s’imposa comme le lieu idéal quand il envisagea de s’octroyer ce temps d’introspection. D’ici, la vue sur la ville et les vignes ancestrales qui l’entourent coupe le souffle à qui souhaite s’extasier. D’ailleurs, la commune regorge de points de vue panoramiques sur l’arrière-pays et sur la côte. Il pouvait, tout aussi bien, se rendre à la tour Madeloc, au col de BANYULS ou encore à la chapelle de la Salette. À cet instant, il se souvient de ce superbe poème d’Isabelle CALLIS-SABOT intitulé « BANYULS ». (1)
C’est la fin de l’été. Déjà la Tramontane
Tourmente la colline et rafraîchit la mer.
Sur la place déserte à l’ombre des platanes
Je rêve des beaux jours et des rivages clairs.
Demain je quitterai ma terre catalane
Le jardin, la maison, les parents, les amis
Et le vieux Puig del Mas où chantent les sardanes
Qui font battre les cœurs au soleil de midi.
Comme il est noble et beau le pays de mon père !
Aussi pour le garder, majestueusement
La tour de Madeloc veille sur les Albères,
Sur l’âme du village et sur le firmament.
Pendant ce temps, Emmanuel se lève de sa place. Il se dirige vers Charles et vient se positionner à son côté. Puis, il se tourne vers lui et engage la conversation :
EMMANUEL : Excusez-moi, monsieur !
Charles sursaute légèrement, en entendant Emmanuel s’adresser à lui. Il se reprend très vite et répond :
CHARLES : Oui !
Emmanuel ajoute, sur un ton chaleureux et cordial :
EMMANUEL : Vous captivez mon attention, bien malgré moi. Je me trouve assis sur le banc en face du vôtre, depuis plus d’une heure, et vous me semblez préoccupé !
Charles rétorque, avec beaucoup de gentillesse dans la voix :
CHARLES : Oh, ne vous tracassez pas ! Je profite de la vue et du calme qui prévalent dans ce lieu magnifique, en cette fin de saison touristique. J’escomptais que la beauté de ce site, renforcée par les richesses historiques et culturelles qui s’en dégagent, m’inviterait à la méditation ?
EMMANUEL : En effet, vous optiez pour un bon choix. Cet emplacement s’avère idéal pour ça ! Saviez-vous que la tranquillité ne régna pas toujours ici ?
CHARLES : Non. Mais qu’insinuez-vous par là ?
EMMANUEL : Louis XIV nommait BANYULS : « la République contrebandière ».
CHARLES : Vous me l’apprenez !
EMMANUEL : On raconte, au village, qu’en 1793, les troupes espagnoles en route vers l’invasion de la région se heurtèrent à la résistance acharnée des habitants du pays lors de la célèbre Bataille du col de BANYULS. Les avis restent partagés quant aux motivations de ces derniers. Civisme français ou réflexe de contrebandiers menacés dans leurs recels, nul ne le révéla ! À l’époque, ça trafiquait, effrontément, à BANYULS ! Ses pêcheurs en firent commerce pendant au moins deux siècles, le tout, dans une impunité quasi totale. Louis XIV se déclara « impuissant » face au caractère incontrôlable et insoumis de la gent locale (2). Ceci mis à part, je vous donne raison : cet endroit s’avère vraiment opportun à la méditation.
CHARLES : Imagineriez-vous que j’hésitai avant que ce lieu s’impose à moi ?
EMMANUEL : Cela ne m’étonne pas. Difficile de choisir ! Comment déterminer vers où se tourner, entre la côte découpée par les assauts de la Méditerranée, les vignes en terrasses ou les rues du village, formées d’escaliers en pierres qui s’égaient de fleurs et plantes, aussi agréables au nez qu’aux yeux ?
CHARLES : Effectivement ! Ce décor d’exception m’éblouit tous les jours.
EMMANUEL : Dans ce havre de paix réside un terrain riche pour les artistes. Maillol et ceux qui le précédèrent ou lui succédèrent n’affirmeraient pas le contraire. De fait, ils en profitèrent pour notre plus grande satisfaction ! D’ailleurs, BANYULS/MER et la côte Vermeille continuent d’attirer les inspirés amoureux des merveilles locales. De nombreux ateliers y naissent et expriment leurs talents avec passion.
CHARLES : J’adore les visiter, tout comme je ne me lasse pas du sentier littoral ! Quel site magnifique !
EMMANUEL : Il possède une faune et une flore uniques. On peut y observer les Armérias à jolies fleurs roses, les Thymélées hirsutes avec leurs belles couleurs jaunâtres, du thym, du romarin et tant d’autres espèces végétales.
CHARLES : En me promenant dans l’arrière-pays, j’y relevai la présence de figues de Barbarie, de pivoines sauvages, ainsi qu’une abondance de gibiers.
EMMANUEL : Que pensez-vous des « Peu de Galls » ?
CHARLES : De quoi s’agit-il ?
EMMANUEL : La légende raconte que ces canaux remontent au temps des templiers. Habitués au climat méditerranéen, ces derniers connaissaient les impacts dévastateurs que provoquent des averses rares, mais violentes. Ils savaient qu’elles pouvaient tout emporter sur leur passage. La nécessité de les contenir s’imposait. Dans un premier temps, ils sculptèrent la montagne, en mettant en place une culture des vignes en terrasses. Puis, afin de guider les eaux de pluie, notamment les plus furieuses, ils créèrent tout un réseau de tranchées construites en pierres sèches. Ils se montraient assez larges et profonds pour minimiser les effets néfastes des sautes d’humeur de dame Nature. Leur ressemblance à un pied de coq leur a valu le nom de « Peu de Galls » en catalan.
Charles se remémore un orage qu’il vécut, pas longtemps après leur arrivée à BANYULS/MER.
CHARLES : Cela me paraît tout à fait approprié, car ces orages en mettent plein la vue !
EMMANUEL : Vous employez les mots qui conviennent ! De fait, ils construisirent plus de six mille kilomètres de ces murettes et conduits, en pierres sèches, pour les dompter.
CHARLES : Quel chantier phénoménal !
EMMANUEL : Les doit-on aux templiers ou aux paysans déjà sur place ? Aucun survivant n’en témoignera ! Pour information, la commanderie du Mas-Deu contrôlait la seigneurie de BANYULS-CERBÈRE. On découvrit le cartulaire de celle-ci dans ses archives. Il s’intitule « El libre de la creu blanca » (Le livre de la croix blanche) (3). Mon cher monsieur, je vous souhaite la bienvenue à BANYULS DE LA MARENDA !
— Je ne regrette pas ma venue, ici ! songe Charles.
CHARLES : Vous me régalez presque autant que ces succulents vins doux naturels qui portent le nom de cette jolie bourgade.
Emmanuel, le sourire au coin des lèvres, affiche un air taquin et rétorque :
EMMANUEL : C’est gentil pour eux ! Et, sans indiscrétion, comment les consommez-vous ?
CHARLES : Je les aime à l’apéritif, mais je les apprécie, encore plus, lors de repas, tant en accompagnement de plats « sucrés-salés » qu’en desserts.
EMMANUEL : Parfait ! Il ne vous reste plus qu’à les expérimenter dans vos préparations culinaires.
CHARLES : Je m’y essaie, de temps en temps, tout comme je m’exerce à trinquer à la « régalade ».
EMMANUEL : L’art de boire au porró exige de la pratique.
CHARLES : Quand j’observe les gens du cru, je me sens comme un piètre amateur. Je dois, vraiment, m’entraîner si je désire le partager avec mes amis de passage.
Emmanuel se pare d’un très large sourire et s’exclame :
EMMANUEL : Fous rires garantis !
Ce jeune homme dont le regard pétille de sincérité plaît à Emmanuel. Pris d’intérêt et de curiosité, il ose lancer :
EMMANUEL : Puis-je vous poser une question ?
CHARLES : Bien sûr !
EMMANUEL : Votre accent se distingue de la gent locale. Je m’interroge sur votre région d’origine ainsi que sur les raisons qui vous amenèrent en Occitanie.
CHARLES : Pour tout vous révéler, je vis le jour dans l’ouest de la France. Ensuite, mon activité professionnelle occasionna plusieurs délocalisations nécessaires. L’entreprise dans laquelle je travaille, actuellement, possède une agence, ici même. J’y vins, à intervalles réguliers, pour différents stages, formations et réunions. Puis, j’y passai plusieurs périodes de congés et, tout naturellement, j’en tombai sous le charme. Quel bonheur d’y habiter, dorénavant ! Tous les matins, mes yeux s’extasient devant tant de beautés et ne me rassasient jamais. Je profite du soleil, pendant plus de trois cents jours par an, des vignes qui se colorent de teintes, plus chatoyantes, les unes que les autres, au fil des saisons. Et, que dire de ces montagnes qui se jettent dans cette mer d’un bleu majestueux ? Elles ravissent mes regards.
EMMANUEL : Que demande le peuple ?
CHARLES : Voilà, j’aime cette contrée ainsi que les Banyulencs et les Banyulencques que j’apprends à connaître. Leur caractère bien trempé et leur franc-parler, agrémentés d’une sincérité et d’une bonté de cœur, m’enchantent, de plus en plus.
EMMANUEL : Cette description des habitants que vous évoquez provient, en partie, des différents royaumes qui se succédèrent pour régir cette province. Chacun y apporta sa touche, sa note, sa culture, son histoire, sa tradition particulière. Qu’elles émanent d’Aragon, de Majorque, de Castille, de Catalogne puis de France en 1659, ces gouvernances consécutives enrichirent ce district de traces indélébiles qui s’apprécient encore. Cependant, les Banyulencs n’acceptèrent pas l’autorité de la France aussitôt après la signature, entre Louis XIV et Philippe IV, du Traité des Pyrénées qui sépara la Catalogne, en deux. Plusieurs siècles s’écouleront, avant que ceux-ci épousent la langue française. (4)
Charles n’en demande pas plus ! Ce matin, cette vue imprenable sur BANYULS/MER et ses alentours le conduisit là où il le désirait et, il en ressent le plus grand bien. Ce monsieur, avec qui il échange, semble sincère et sympathique. De plus, il l’instruit de beaucoup de choses sur sa nouvelle région d’adoption. Qui sait, si d’autres ne suivront pas ? Il se régale de la quiétude qui prédomine, ici. Ce lieu approprié lui permettra-t-il d’échapper à ses préoccupations cérébrales ? Il s’y sent tellement bien qu’il imagine qu’il l’aidera à relativiser, voire à lâcher prise.
— Pour ceci, ça demeure une autre paire de manches, songe-t-il.
Pour l’instant, toutes ses tentatives se sont soldées par des échecs. À cette pensée, les traits de son visage se figent et Emmanuel s’en aperçoit. Il lui dit, avec beaucoup de douceur, de respect et de compassion.
EMMANUEL : Lorsque, nous discutions, vous affichiez un aspect serein et agréable. Soudain, votre physionomie se transforma. Sans désirer me montrer indiscret, tout se déroule-t-il selon vos souhaits ? Pardonnez mon intrusion ! Peut-être vous importunai-je d’une manière ou d’une autre ? Dans ce cas, je vous présente toutes mes excuses.
Charles s’étonne que cet homme, qu’il ne connaissait pas, quelques minutes auparavant, détecte ses émotions si facilement. Néanmoins, il se contrôle afin que rien ne paraisse et répond :
CHARLES : Non, cela ne me dérange pas que vous me posiez cette question. Je présumais que la magie de ce lieu s’avérerait parfaite pour m’évader du quotidien, me resituer, voire me débarrasser de toutes mes tensions. Malheureusement, j’en déduisais que toutes mes tentatives pour y parvenir se conclurent par des échecs.
Pris de compassion, Emmanuel demande gentiment :
EMMANUEL : En connaissez-vous la cause ?
Charles sourit à son interlocuteur et, en lui désignant sa tête de la main, réplique avec prévenance :
CHARLES : Je crois que le bazar qui régente mon cerveau depuis un certain temps diminue mes capacités à m’en délivrer. Je désirerais tant que mes pensées reflètent la limpidité du ciel de ce matin. Ça se bouscule tellement dans mon crâne que j’envisagerais presque son implosion si j’y réfléchissais trop. Quand je tente d’éclaircir la situation, je m’imagine en train de démêler les brins d’une pelote de laine qui représenterait ma vie. Le même scénario se reproduit sans cesse. Soit le fil que je tire se brise, soit il s’enchevêtre, encore plus ! Vous comprendrez que ce matin, assis sur ce banc, je ne cherche qu’à me débarrasser de cet imbroglio pour, enfin, apercevoir un peu de lumière dans tout ce brouillard.
EMMANUEL : Et ça dure depuis longtemps ?
CHARLES : Vous posez là une bonne question. À proprement parler, je ne saurais y répondre avec exactitude.
EMMANUEL : Me permettez-vous de vous conter une épreuve que je vécus ?
CHARLES : Bien entendu !
EMMANUEL : Elle m’amena dans un état, à peu près similaire au vôtre, si j’interprète correctement vos propos. Le groupe agroalimentaire qui m’employait décida de rapprocher deux de ses filiales. Cela se déroula en deux étapes. Celles-ci œuvraient sur le même marché qui, lui-même, se divisait en deux catégories (le commerce de proximité et la grande distribution). Cette fusion débuta par les détaillants qui ne totalisaient que quinze pour cent du chiffre d’affaires, à l’époque. Celui des comptes importants interviendrait plus tard. L’encadrement se roderait à la stratégie pour ne pas risquer de conflit avec l’ensemble de la force de vente. À ce moment-là, j’exerçais une fonction de manager commercial, depuis quinze ans, dans ce dernier secteur. Je travaillais pour ce groupe depuis vingt-deux ans. Mon métier représentait ma vie ! Et tout s’arrêta d’un seul coup, car je ne pressentis pas mon licenciement.
CHARLES : Difficile d’encaisser un choc comme ça, je suppose !
EMMANUEL : Oui ! Mais à vrai dire, j’en subis un pire que celui-ci. Pardonnez-moi, car « pire » n’exprime pas, exactement, le terme approprié…
CHARLES : Je vous en prie !
EMMANUEL : Cela se produisit quatre ans auparavant. Je participais à un entretien individuel d’évaluation avec le directeur commercial en place. Je l’appréciais autant sur le plan personnel que professionnel. Je lui accordais toute ma confiance et mon estime. Il pratiquait un management proche, respectueux et convivial dans lequel « l’humain » importait beaucoup. Lors de cet entretien, nous échangeâmes sur divers sujets. Puis il me dit :
— Emmanuel, tes résultats me rendent perplexe. D’un côté, tu atteins tes objectifs quantitatifs et ça me convient. D’un autre, tes performances qualitatives ne me satisfont pas. Tu prends trop ta fonction à cœur ! Tu en demandes trop à ton équipe. Tu dois devenir plus zen !
Les bras m’en tombèrent ! Je craignis, à cet instant, de défaillir complètement. Heureusement, je me tenais assis, en face de lui. L’idée de m’intéresser trop à mon métier m’abasourdit ! Elle me figea ! Je pressentais que le ciel s’écroulerait sur ma tête et je ne réagissais pas. Vous en rendez-vous compte ?
CHARLES : Pas vraiment. Comment me mettrai-je à votre place ? Je ne maîtrise ni la fonction commerciale ni le management. Comment pourrais-je éprouver vos enjeux ?
EMMANUEL : Je comprends la complexité de percevoir les sentiments des autres, sans expérimenter les tenants et aboutissants de leurs vécus. Qui discernerait comment ils ou elles s’édifièrent ou se déconstruisirent ? En outre, même en les connaissant, qui garantirait la fiabilité de ces raisonnements ?
CHARLES : La tétanisation dont vous parlez ne remonterait-elle pas à plus longtemps que cela ? Qui prêterait une attention particulière à des empreintes, invisibles ou presque, laissées dans sa mémoire ? Dans votre cas, ne renaquirent-elles pas à la suite du choc que vous traversiez ?
EMMANUEL : Probablement ! Cela date de mon enfance. Mon père me répéta, pendant des années, que j’étais un « bon à rien ». J’œuvrais comme un forcené pour me prouver le contraire et, ainsi, éviter que les autres partagent son opinion. Je me donnai à fond pour performer.
CHARLES : Mais, comment définir la réussite ?
EMMANUEL : J’imaginais que le succès professionnel prévalait à mon aboutissement personnel. Qu’une fois trouvé, il me garantirait la paix intérieure et me rendrait apte à fonder un foyer ! Il satisferait à la stabilité de mon couple et au bonheur de ma famille. Pour atteindre mon but, je devais me prouver que je détenais les capacités nécessaires et le démontrer à mon entourage. Mais, comment détruire cette image du « bon à rien » que je n’assumais pas ? Dès lors, comment assurer ma tranquillité et la partager avec mes proches ? Je travaillais tellement que j’en perdais le sommeil. Trois à quatre heures par nuit me suffisaient. En tout cas, je m’en persuadais. Je pensais, sans cesse, à mes réalisations, celles à venir ou à inventer, pour devenir le meilleur afin de rester bon ou reconnu comme tel. Mon quotidien s’étalait, souvent, sur des journées de dix-huit heures d’activité. Mon job accaparait mon esprit. Il m’obsédait à la limite de l’addiction. Champion de la frustration personnelle, je courrais après une gloire inaccessible en me conformant aux aspirations de l’entreprise. Au reste, je n’accordais aucune importance à m’écouter et envisageais, encore moins, de diriger mon attention vers mon Être intérieur. J’ignorais ma vraie nature, ma véritable identité et mon pouvoir créatif. Mon combat ressemblait à celui de Don Quichotte contre les moulins à vent. L’ennemi ne résidait pas au-dehors, mais en dedans !
CHARLES : L’illusion n’agit-elle pas sournoisement ?
EMMANUEL : Pourquoi guerroyais-je avec les regards environnants ? Pourquoi refusais-je d’affronter le mien ? Je me trompais de cible. Je péchais par manque de discernement. Je subissais une manipulation que je ne percevais pas…
CHARLES : Que sous-entendez-vous par là ?
Emmanuel réfléchit quelques secondes et se remémore un certain nombre de situations vécues avant de continuer.
EMMANUEL : Le jeu de la compétition me piégea sans que je l’anticipe.
CHARLES : Pourriez-vous préciser votre pensée, s’il vous plaît ?
EMMANUEL : En préambule, je différencie le sport du challenge et l’esprit sportif de celui du compétitif. Le sport porte des valeurs édifiantes, tant pour notre vie personnelle que sociétale. Si je devais n’en citer que quelques-unes, je commencerais par le respect. Il s’exprime au niveau des règles intrinsèques de chaque discipline, mais aussi envers soi-même et tous les intervenants qui pratiquent ou arbitrent l’activité exercée. L’honnêteté suivrait de près, car elle reflète notre noblesse de cœur et nous honore. De plus, le sport produit l’humilité indispensable pour nous construire. Elle nous apprend à rebondir lorsque nous subissons des échecs.
CHARLES : Ne nous incite-t-il pas à développer nos forces et à travailler sur nos propres faiblesses ?
EMMANUEL : Les chemins de la victoire passent, parfois, par des étapes où la défaite l’emporte. Mais n’accordons aucune importance à celle-ci, dans la mesure où elle se présente à nous, afin que nous la gérions pour bénéficier d’un meilleur équilibre. En fait, elle nous enseigne le « savoir perdre », indispensable à toute pédagogie, car on ne remplit pas un verre plein ! Dès lors, nous en apprenons beaucoup sur nous-mêmes si nous retenons ses leçons.
CHARLES : En effet, qui le cherche, trouve son maître ! Nul ne naît champion !
EMMANUEL : Le sport nous sort de notre zone de confort en nous ouvrant à un certain dépassement de soi. À force de l’expérimenter, nous déterminerons les limites à ne pas franchir afin de préserver notre santé tant physique que psychologique.
CHARLES : Me permettez-vous de vous suggérer quelques idées ?
EMMANUEL : Avec plaisir !
CHARLES : Pour ma part, je pense qu’il développe le goût de l’effort, si important pour tenir nos engagements et la persévérance pour résister en cas de difficulté. Cela fortifie la confiance en soi et, par extension, contribue à renforcer une camaraderie envers les pratiquants avec lesquels nous partageons la même discipline et un esprit d’équipe si nous exerçons un sport collectif. Dès lors, des liens de fraternité et de solidarité se tissent et facilitent notre intégration dans cet entourage communautaire spécifique ainsi que dans la société.
EMMANUEL : Je confirme que réussir une action de groupe grâce à une détermination commune constitue une victoire qui s’apprécie au-delà du résultat. Accordez-moi, d’enfoncer le clou et d’affirmer qu’il représente une forme d’éducation ludique et efficace. De fait, il nous offre de nous amuser dans notre loisir préféré tout en créant un environnement idoine où le corps et l’esprit se dynamisent de concert et s’harmonisent pour un enrichissement personnel et un plaisir partagé.
CHARLES : Cela ne nécessite-t-il pas de réfréner nos passions afin d’éviter des engagements trop vifs ?
EMMANUEL : Effectivement ! La sagesse nous invite à tester différentes disciplines afin de détecter celle qui nous correspond le plus.
CHARLES : Quand le sport exercé suscite trop de débordements, la quête de la stabilité ne prime-t-elle pas ?
EMMANUEL : Accordez-moi d’emprunter ces mots de Victor Hugo pour vous répondre :
« Mettre tout en équilibre, c’est bien ; mettre tout en harmonie, c’est mieux. »(5)
CHARLES : Tant que l’objectif de s’améliorer soi-même prévaut sur celui de vaincre des adversaires, je vous rejoins.
EMMANUEL : L’essentiel consiste-t-il à remporter des victoires sur les autres ou sur soi-même ? La sérénité s’obtient, souvent, après un combat intérieur ! Je maintiens que l’activité, physique ou intellectuelle, produit des effets bénéfiques pour l’efficience de notre métabolisme, la gestion de nos émotions et de notre mental, de même de notre moral, si sa pratique demeure équilibrée. Mais gare à la volonté qui nous motive !
CHARLES : Je ne comprends pas !
EMMANUEL : La compétition relève de la confrontation. Elle exhibe : « Que le meilleur gagne ! » sur son étendard. L’ambition de la victoire, coûte que coûte, peut entraîner des comportements condamnables et déboucher – rarement, heureusement – sur une aversion de l’autre.
CHARLES : Ne le constate-t-on pas dans la conduite de certains supporters surexcités ?
EMMANUEL : Quand l’adversaire à combattre se dénature en ennemi à abattre, le danger de s’égarer sur les chemins du fanatisme et de la haine accourt à grandes enjambées. L’obsession à prendre l’ascendant sur autrui révèle un biais de caractère dont les répercussions, tant psychiques que physiologiques, s’avèrent fâcheuses.
CHARLES : Battre les autres ne qualifie, en rien, une fin en soi !
EMMANUEL : Un des gros écueils de ces tournois consiste à n’apprécier la valeur d’un individu que de façon comptable. Dans ce cas, seule, la performance prime !
CHARLES : Cela ne réduit-il pas l’évaluation des intervenants à sa plus vile expression ?
Emmanuel affiche de grands yeux taquins et lance :
EMMANUEL : Si je poétisais, j’accorderais la performance avec la concurrence. Mais, trêve de plaisanterie ! Ne nous y trompons pas ! La compétition nous illusionne quand le résultat devient la norme.
CHARLES : Quoi qu’on en pense, chacun ne désire-t-il pas donner de la valeur à son existence ?
EMMANUEL : En effet ! Dès lors, pourquoi nous opposerions-nous à des tiers quand le combat se déroule entre soi et soi ? J’ajouterais que pour celui qui s’efforce de tendre vers la meilleure version de lui-même, la progression compte, presque plus, que la réussite. De fait, elle figure un voyage vers la sérénité qui chemine le long de rivières paisibles, traverse des champs et des vergers où la nourriture foisonne et sinue au milieu de paysages qui rivalisent tous de beautés.
CHARLES : Vu sous cet angle, je veux bien vous accompagner !
EMMANUEL : Je vous avoue que je m’essayai à plus d’une vingtaine de sports différents, depuis ma jeunesse. Dans chacun d’eux, j’appris à honorer les participants et les règles de chaque discipline. Tout ceci développa cet esprit d’émulation, si gratifiant, pour le ou les vainqueurs. Je m’aperçus, pourtant, au fil des rencontres, que l’attitude de certains de mes co-compétiteurs ne démontrait plus les intentions et marques initiales de respect. Cette conduite me surprit et me chagrina, tout à la fois.
CHARLES : Ça ne m’étonne pas !
EMMANUEL : Les enjeux, la ferveur générale, le besoin de m’affirmer, la foule en délire – je plaisante quand je dis ça – et mon ego surdimensionné m’aveuglaient. Je réfléchis et constatai, à mon grand désespoir, que je me comportais comme eux.
CHARLES : Tout le monde peut se tromper ! L’erreur ne demeure-t-elle pas humaine ?
EMMANUEL : Nous connaissons la première partie de cette locution romaine ;« errare humanum est ! » On l’attribue souvent à Sénèque, mais elle existait auparavant. Par contre, sa suite :« sed perseverare diabolicum ! »se révèle moins populaire. Elle signifie : « mais, persister s’avère diabolique. »(6)
CHARLES : Ça paraît logique ! Pourquoi nous entêterions-nous dans nos plantages ?
EMMANUEL : Effectivement ! Dès lors, réagissons très vite, si cela se produit. Reconnaissons notre bévue et pardonnons-la-nous. Ne nous jugeons pas avec sévérité. Accueillons-nous avec bienveillance et douceur. Ainsi, nous nous ouvrirons à autrui dans le même état d’esprit. L’ego ambitionne que nous estimions notre valeur en nous comparant à autrui. Il souhaite nous tyranniser et régner en maître absolu dans notre vie. Il prétend nous dicter sa théorie, et, s’il le peut, par dommage collatéral, l’imposer aux autres…
CHARLES : Ne nous induirait-il pas en erreur, sous prétexte que la première partie de cette formule ancestrale nous en dédouanerait ?
EMMANUEL : Toujours insatisfait et belliqueux, il aspire à créer la zizanie dans notre for intérieur. Il désire que nous nous endurcissions pour, soi-disant, résister ou affronter les attaques présumées de l’extérieur. Ne répète-t-il pas après Nietzsche ?
« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »(7)
Mais plus fort que quoi ou que qui ? Un petit enfant adopte-t-il cette attitude martiale envers lui-même ou autrui ?
CHARLES : Non !
EMMANUEL : Alors, pourquoi obéir à cet ego envahissant, égoïste et péremptoire ? Pourquoi succomber à ces comportements destructeurs ? Pourquoi tomber dans ses pièges, ces miroirs aux alouettes, comme ceux de la compétition, de la concurrence, de tous les accessits, médailles et diverses récompenses, au détriment du bien-être psychique et corporel, de la générosité et du partage ? Pourquoi écumer et enrager sans cesse pour des futilités ?
CHARLES : Quel intérêt ?
EMMANUEL : Tout à l’heure, je vous affirmais que l’obsession à prendre l’ascendant sur les autres révèle un biais de caractère dont les répercussions, tant spirituelles que physiologiques, s’avèrent fâcheuses.
CHARLES : Je m’en souviens.
EMMANUEL : Cette attitude produit la hargne des mauvais jours, ce fameux sang d’encre, capable de nuire à n’importe qui. Pourquoi nous obstinerions-nous à suivre une voie aussi dangereuse ?
Charles réfléchit un instant, puis lance :
CHARLES : Les autoroutes de la facilité ne conduisent jamais aux plus beaux sites à visiter. Des chaussées plus étroites les desservent !
EMMANUEL : Bien exprimé ! Je retiendrai cette phrase. Elle m’impacte beaucoup ! Les sirènes, de ce monde, ne hurlent-elles pas, en boucle, les mêmes messages, à qui veut les écouter ?
CHARLES : Cela me remémore cet extrait de l’Odyssée, « alors qu’Ulysse et son équipage reviennent de l’île des morts. À l’heure où ils s’apprêtent à se diriger vers les sirènes, Ulysse se souvient des mots de Circé :
— Méfiez-vous, car vous rencontrerez des sirènes. Si vous prêtez attention à leur chant, elles vous attireront avec elles et vous mourrez en vous écrasant sur les rochers. Tu devras préparer des boules de cire pour les mettre dans les oreilles de tes compagnons et pour éviter qu’ils ne les entendent. Je te laisse le droit de les écouter, mais à une seule condition. Tu devras te faire lier au mât de ton embarcation et quand tu supplieras tes compères de te détacher, ils devront resserrer tes sangles.
Ulysse confectionne des boules de cire et les donne à son équipage qui le ligote au mât du navire. Puis, Ulysse et ses hommes arrivent au royaume des sirènes. Celles-ci chantent d’une intonation mélancolique :
— Viens, donc par ici, Ulysse, arrête ton bateau et rejoins-nous.
Ulysse implore ses collègues de le délier pour converger vers elles, mais ils résistent et compriment ses sangles. Enfin, ils s’éloignent, peu à peu, d’elles. » (8)
EMMANUEL : Les comportements actuels diffèrent-ils ? Le roi Salomon le soulignait dans ses écrits qui datent, d’environ trois mille ans : « Rien de nouveau sous le soleil ! » (9)Les scénarii se rodent, mais se renouvellent au fil des jours. Tel Ulysse, qui ne voyagea pas seul, choisissons notre être intérieur pour l’instituer « compagnon intègre et dévoué ». Il nous protégera de ces voix enjôleuses que représentent les « sirènes » hurlantes de ce monde. À l’exemple de don Quichotte, qui s’imaginait batailler avec des géants lorsqu’il attaquait des moulins à vent, elles espèrent détourner notre attention des véritables combats à mener pour nous empêcher d’obtenir une paix profonde.
CHARLES : Suggéreriez-vous que notre enveloppe humaine figure un véhicule qui nous transporte lors de notre passage sur terre, à l’instar du bateau d’Ulysse ?
EMMANUEL : Oui ! Mais qu’incarnons-nous réellement ? « Notre vie, ici-bas, ne ressemble-t-elle pas à une ombre qui disparaît tout à coup ? Ne séjournons-nous pas, en tant que résidents transitoires, tout comme nos ancêtres ? » (10)
CHARLES : Certainement, mais comment nous situerions-nous sur notre parcours temporel ?
EMMANUEL : Ne recherchons-nous pas, sans cesse, un ancrage solide pour éviter de nous fracasser sur les dangereux récifs, qui nous attendent quand des courants contraires nous emportent ?
CHARLES : Qu’entendez-vous par là ?
EMMANUEL : Tant que nous ne prenons pas position dans notre nature spirituelle, nous nous dandinons à la manière d’un œuf. N’oscille-t-il pas quand on le lâche après l’avoir placé sur une table en escomptant qu’il tiendrait, tout seul, debout ? N’espérons pas obtenir de la sérénité et de la stabilité, à ce compte-là !
CHARLES : Mais, quel étalon choisirions-nous pour nous évaluer ?
EMMANUEL : De fait, qui possède, exactement, les mêmes caractéristiques que nous ? Quelle entité au nom de ses dirigeants, sa culture, sa constitution, ses promulgations, ses enseignements, ses religions et leurs dogmes, se targuerait de nous égaler, voire de nous surpasser ?
CHARLES : Vous affichez une très haute estime de vous-même, si je ne me trompe.
Emmanuel sourit et répond :
EMMANUEL : Pour vous confier le fond de ma pensée, ma petite personne compte peu et beaucoup, à la fois. Peu, dans la mesure où je ne représente qu’un huit-milliardième de la population mondiale. Et, beaucoup, car chacun de nous détient un pouvoir qui dépasse, de loin, toute imagination. Le fait que peu connaissent leur beauté, leurs capacités et, surtout, leur valeur me peine énormément. Du coup, ils manquent d’assurance et vacillent, à qui mieux mieux.
CHARLES : Attention à l’omelette géante !
À ces mots, ils explosent de rire tous les deux. Charles poursuit :
CHARLES : Vu sous cet angle, je perçois mieux votre point de vue. J’entrevois que vous magnifiez tant les gens que l’idée de les confronter entre eux équivaudrait à prendre appui sur un roseau.
EMMANUEL : On peut le formuler ainsi ! L’ancrage que j’évoque réside au fond de nous ! Un chêne imposant, aux puissantes racines, le symbolise. Dès lors que nous élirions notre être intérieur comme notre fidèle compagnon de voyage, il nous y lierait, à notre demande, si l’envie nous prenait, de rejoindre ces satanées sirènes.
CHARLES : Oui, mais le vent peut arracher un arbre.
EMMANUEL : Alors, autant que possible, évitons les tempêtes en discernant les mots cachés dans ces messages ressassés, à longueur de temps.
CHARLES : Mais leurs chants ne se diffusent-ils pas partout ?
EMMANUEL : Doit-on, pour autant, y succomber ou s’y contraindre systématiquement ?
CHARLES : Suggéreriez-vous que nous pouvons refuser la compétition ?
EMMANUEL : « Pourquoi ne graverions-nous pas cette maxime “connais-toi toi-même”, sur notre front, comme elle apparut sur le fronton du temple de Delphes ? » (11) Cela nous libérerait de cette fâcheuse tendance à nous comparer à autrui puisque nous découvririons l’être majestueux que nous incarnons. Pour quelle raison, n’userions-nous pas de notre libre arbitre, en la matière ?
CHARLES : Ne nous enseigne-t-on pas la compétition depuis notre plus tendre enfance ? Ne nous y incite-t-on pas, de mille manières ? Ne s’inscrit-elle pas, désormais, dans l’esprit d’une immense majorité des gens ?
EMMANUEL : Le groupe qui m’embauchait n’y dérogeait pas. Il la nourrissait savamment dans son management.
CHARLES : L’entreprise qui m’emploie l’utilise également ! Elle et ses semblables ne l’affublent-elles pas du joli nom de « challenge » ?
EMMANUEL : Mais, qu’en déduirait-on si on s’apercevait qu’on pipe les dés à tout bout de champ, qu’on ignore les règles sciemment ou, tout simplement, qu’elles n’existent pas ?
CHARLES : Tous les coups sont permis !
EMMANUEL : Dans moult domaines, je me surpris à observer des femmes et des hommes défier leurs maxima ou pire, les lois de la nature pour se positionner sous les feux de la rampe. Et, tout ceci, pour recevoir une gloire, aussi éphémère qu’illusoire, capable de les entraîner vers leur plus grand péril.
CHARLES : Quel esprit les convainc donc à dériver hors limites ou à se dépasser de la sorte ?
EMMANUEL : Notre vie nous décevrait-elle tant, si nous ne battions pas des plafonds ou n’accomplissions pas des exploits aux confins de nos possibilités ou en bravant les règles de sécurité ? Comment étancherons-nous notre soif si nous nous abreuvons à cette fontaine d’eaux frelatées ?
CHARLES : Cela me rappelle un article d’Alain Constant paru dans le journal « Le Monde » en février 2008 (12). « L’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport finalisa une étude qui portait sur les performances physiques des athlètes, de haut niveau ! Il passa au crible, 3 263 records du monde homologués, établis depuis 1896, des cinq disciplines olympiques suivantes : (athlétisme, natation, cyclisme, patinage de vitesse, haltérophilie). Ils en concluent que dès 2027, la moitié de ces records atteindront, à 99,95 %, leur valeur limite. »
EMMANUEL : Je connais quelqu’un qui les appelle « les conquérants de l’inutile ». Que deviendront-ils, si cela se confirme ? Qui prédirait si un plongeur tiendrait plus de quinze minutes en apnée, si nous traverserions le Pacifique à la rame en moins de vingt jours ou si nous courrions un marathon dans l’Everest en moins de deux heures ?
CHARLES : Même, si la liste des records du monde homologués dans ces cinq disciplines olympiques s’épuisait, des exploits à battre ne subsisteraient-ils pas pour qui souhaite en découdre ?
EMMANUEL : Mais, où s’arrêtera cette poursuite folle qui enhardit ces nouveaux conquistadors ? Et pourquoi certains espèrent-ils se dépasser à 200 %, voire 300 % ?
CHARLES : En effet, quel sens donner à cette démarche ? Pourtant, cela sert de choux gras à nos médias « chéris » qui confortent ces addicts de la performance, à ingurgiter leur nourriture malsaine !
EMMANUEL : Je constate, depuis longtemps, que les « informations » – si on peut les appeler ainsi – diffusées par les « moyens de communication de masse » présentent de moins en moins d’intérêt. Cela proviendrait-il du fait que la grande majorité d’entre eux appartient, seulement, à quelques richissimes propriétaires qui souhaiteraient contrôler les publications ou annonces véhiculées ?
CHARLES : Dans ces conditions, quels journalistes travailleraient avec les coudées franches, pour traiter de toutes les questions d’actualité ?
EMMANUEL : Et, que deviendraient ceux qui dérangeraient leurs patrons (actionnaires privés ou d’état) ? Si on ne les censure pas, ne les briderait-on pas ?
CHARLES : Dès lors, pourquoi s’étonner que les faits divers, les « chats écrasés », les futilités et autres « miroirs aux alouettes » envahissent cet espace ? Quid des thèmes censés apporter de réelles connaissances sur l’environnement, la société, l’économie, la politique, les actions sanitaires et sociales ? Quid de la gestion de l’exécutif quant à l’utilisation de nos impôts ou du respect de ses engagements ? Quid de l’influence des lobbyistes, à tous les niveaux ? Quid des conflits d’intérêts dont profitent nombre d’intervenants pour prodiguer la bonne parole ? Les questions ne pullulent-elles pas ?
EMMANUEL : Du coup, je vous rejoins et me pose, aussi, cette question : « Quel salarié oserait publier les sujets qui incommodent sa hiérarchie ? »
CHARLES : Un voile opaque ne prive-t-il pas de lumière chaque individu qui désire recourir à son libre arbitre ? Qui confrontera ces banalités, pour ne pas dire, ces boniments avec notre devise nationale « Liberté, Égalité, Fraternité » ? Comment ceux qui mentent effrontément aux citoyens prouveraient-ils qu’ils honorent la France dans toute son histoire ?
EMMANUEL : Heureusement, certains usèrent de courage et de ténacité pour défier la doxa médiatique et dévoiler des scandales et tromperies en tous genres.
CHARLES : Je vous approuve, mais ils se révèlent peu nombreux !
EMMANUEL : Puis-je vous proposer un petit jeu ?
CHARLES : Ça marche !
EMMANUEL : Supposez que les pratiques de ceux qui dirigent le monde, par et surtout pour l’argent, s’affichent au grand jour. Comment pensez-vous qu’ils agiraient ou réagiraient ?
CHARLES : Pardi, j’en rêve ! Ces individus qui composent le gratin ne souhaitent surtout pas que celui-ci sente le brûlé. N’usent-ils pas de rétention d’informations sur leurs faits et gestes pour parer à tout embrasement intempestif ?
EMMANUEL : Leurs parties d’échecs se disputent, principalement, entre élites.
CHARLES : Ceux qui s’imaginent puissants, parce qu’ils détiennent de grandes fortunes, ne figurent-ils pas des pantins manipulés par l’esprit rétréci de leur nombril ?
EMMANUEL : Ils s’évaluent, peut-être, dans le dessus du panier de ce monde.
CHARLES : Ne placent-ils pas leurs pions où ils le désirent afin de gouverner, à leur gré, en sous-main ?
EMMANUEL : « En excluant le peuple, celui-ci meurt par manque de connaissances. » (13) Pour ce faire, ne l’inondent-ils pas « de nouvelles », d’émissions ineptes et de futilités ?
CHARLES : Ainsi noyé, son cerveau s’appauvrit, sa vigilance diminue et sa capacité à réagir s’estompe.
EMMANUEL : Trop d’informations tuent l’information ! Cela s’emploie communément dans la stratégie de la grenouille.