Mix-up - Philippe Hourtané - E-Book

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Philippe Hourtané

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Beschreibung

Un conflit interracial et religieux avait déjà fait des ravages, réduisant d’un tiers la population mondiale. Rien ne semblait capable d’arrêter cette spirale destructrice. Les morts restaient souvent sans sépulture et l’humanité se trouvait à un point critique de son histoire, où l’autodestruction paraissait inévitable. Cependant, des scientifiques français vont faire une découverte cruciale. Ils proposent de « mixer » les gènes de toute l’humanité pour sauver ce qui subsiste. Reste alors la question de comment convaincre des milliards de personnes d’accepter cette solution audacieuse.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Philippe Hourtané a développé sa propre vision de la littérature au fil de ses lectures. Pour lui, la lecture est une expérience immersive qui nous emmène en voyage, tandis que l’écriture nous donne le pouvoir de choisir notre destination. Auteur de nombreux récits pour ses enfants et petits-enfants, il a finalement donné vie à cet ouvrage qui lui est apparu comme une évidence il y a plusieurs années, inspiré par l’amour attentionné et inconditionnel d’une chatte envers sa portée.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Philippe Hourtané

Mix-up

La solution était en nous

Roman

© Lys Bleu Éditions – Philippe Hourtané

ISBN : 979-10-422-0670-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma femme Anna

Lundi 13 octobre 2031, 10 h 30

Salle de réunion Bureau des Nations Unies,

Genève, Suisse

La grande salle sonnait un peu vide. La réunion qui avait été organisée dans l’urgence absolue à la demande du président français n’avait eu que très peu de temps pour être préparée. On n’avait donc convié que les membres des délégations, certes réduites, mais qui étaient présentes, pratiquement en permanence dans les locaux des Nations unies et cela depuis que le chaos avait mis les pays dans un état de crise totale.

Il y avait les représentants du G20, les représentants de l’organisation de la coopération islamique, les représentants de l’UA (Union Africaine), l’ambassadeur d’Israël à Berne et une délégation papale.

Des petits groupes s’étaient formés : par affinités, langues, couleurs de peau ou religions. Tous se regardaient avec animosité. Comme personne ne connaissait le sujet qui serait abordé, chacun dans son groupe, s’interrogeait en chuchotant. Rapidement, les sons s’intensifièrent et l’atmosphère lourde se chargea d’une électricité presque palpable, tel un gros nuage qui ne tarderait plus à éclater.

Le silence se fit quand M. Issa Courage,ancien ministre du Commerce extérieur kényan, et depuis quatre ans secrétaire général de l’ONU entra dans la salle. C’était un homme souriant et toujours d’humeur égale. Son humilité et sa réputation d’honnête homme faisait qu’il était respecté par tous.

Il se dirigea vers son pupitre en s’aidant de sa canne. Derrière lui, un écran géant s’était allumé et on pouvait y lire en caractères gras « Allocution de Monsieur le Président de la République française Monsieur Delevier. LA SOLUTION EST EN NOUS ». C’était ce sous-titre qui intriguait le plus vivement les délégations.

Des casques neufs, traducteurs de langue, avaient été distribués et toutes les personnes présentes dans la salle s’en équipèrent.

M. Courage commença son discours d’une voix morne et fatiguée qu’on ne lui connaissait pas.

— Mesdames et Messieurs, avant tout je tiens à vous remercier d’être présents. Cette réunion est d’une importance capitale et je vous demande d’être attentif et de ne pas intervenir durant son déroulement. Comme vous le savez tous, la terrible situation où nous nous trouvons a commencé en Slovénie il y a déjà trois ans.

Immédiatement, des murmures de réprobation et des huées fusèrent de la salle. M. Courage leva les bras, paumes ouvertes pour demander le silence.

— Calmez-vous, Messieurs ! calmez-vous ! Il parlait d’une voix forte et tremblante.

Il paraissait épuisé, et on voyait bien qu’il faisait un effort particulier pour parler. La salle se calma, et il reprit :

— Je sais bien que chacun d’entre vous connaît cette triste histoire, et a déjà participé à de très nombreuses réunions sur le sujet, mais parfois il est salutaire de revenir sur le passé afin de réaliser à quel point nos erreurs successives, nos mauvaises décisions et notre manque de courage nous ont conduits à ce désastre.

Les vociférations reprirent et se calmèrent d’elles-mêmes presque aussitôt.

— La Slovénie était jusqu’à lors un pays d’une stabilité exemplaire depuis l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. Ce pays a institué un système politique stable, multipartite et démocratique, caractérisé par des élections transparentes, une presse libre et le respect des droits de l’homme. Puis, il y a trois ans, les grèves, les manifestations incessantes, la colère du peuple, les émeutes de plus en plus violentes ont mis le pays à feu et à sang. Les revendications de chacun venaient s’agglutiner en strates successives de plus en plus violentes. Les forces de l’ordre, débordées, épuisées et sans directives ont fini pas baisser les bras. Les militaires prirent alors la suite.

L’écran derrière l’orateur se mit à projeter des images de grèves, de manifestations, de barricades enflammées et de répressions sanglantes.

— Au début, le peuple manifestait pacifiquement, mais au fil des mois et des années, n’ayant pas les réponses attendues, ne se sentant pas considéré et parfois méprisé, ayant l’impression qu’il n’y avait plus d’écoute et encore moins de réponse, la fureur a augmenté, la haine s’est installée. Les manifestants ont formé des groupes plus virulents. Il y avait ceux qui réclamaient un plus fort pouvoir d’achat, ceux qui revendiquaient plus de justice sociale, ceux qui appelaient à plus de contrôles aux frontières, ceux qui voulaient carrément fermer les frontières et donner une priorité à la Nationalité et ceux qui voulaient moins de taxes et moins d’impôts. Le gouvernement n’avait toujours pas de réponse… ou n’avait pas les bonnes. C’est alors que les affrontements entre groupes ont débuté. En quelques jours, les rues se sont embrasées et les premiers morts sont tombés sur les trottoirs. Une guerre sournoise, sans véritable ennemi déclaré, une guerre insidieuse a alors démarré. La Slovénie contre toute attente s’embrasait. Ce pays était si petit et il n’avait jamais fait parler de lui, alors personne n’a cru que ça allait durer. Première GRANDE ERREUR !

Dans la salle, des protestations, des sifflets, des cris, des vociférations fusaient de partout.

M. Courage fixait la salle, le visage fermé. Il paraissait impassible pourtant il perdait patience. Tout à coup, à la stupeur générale, il se mit à crier :

— NOUS N’AVONS RIEN VOULU VOIR !

Instantanément, tous les regards se tournèrent vers lui. Il continua plus posément :

— Oui nous n’avons rien voulu voir. Un déni général comme si tout allait s’arrêter, comme si tout cela n’était qu’un épiphénomène sans réelle importance en comparaison de tout ce qui se passait dans le monde… Comme si nous n’y étions pour rien.

Le silence retomba aussitôt. Chacun, sans vouloir se l’avouer, se sentait quand même un peu responsable, mais ne l’avouerait jamais. Le secrétaire général continua plus calmement. Des photos et des vidéos de guerres civiles du monde entier étaient maintenant projetées sur l’écran.

— En quelques semaines, ces soulèvements populaires se sont transformés et les affrontements raciaux ont pris le pas sur les revendications sociétales. Ni le gouvernement slovène ni aucun dirigeant européen, ni même d’ailleurs du reste, n’a su prendre la mesure de ces événements et nul n’a voulu agir de peur que ce qui était devenu maintenant une guerre civile ne contamine comme une gangrène son propre pays. Une autre GRANDE ERREUR ! Malgré cela, la porosité des sociétés humaines, leur mondialisation, a fait que ce qui n’avait été qu’un soulèvement populaire est parvenu en à peine quelques mois à enflammer comme une torche de violence, l’Europe puis la planète entière. Cette guerre interraciale a déjà décimé près d’un tiers de la population mondiale. Les hommes, comme aux pires heures de l’histoire de l’humanité, cherchent dorénavant à s’entre-tuer pour une couleur de peau, pour des cheveux trop frisés ou trop blonds, des yeux trop différents, un autre Dieu ou une autre manière de le prier. La situation est inextricable. Même la nationalité ne compte plus. Vous pouvez vivre dans un pays depuis plusieurs générations, mais si vous n’avez pas la bonne couleur de peau, la bonne religion, alors malheur à vous, vous n’êtes pas au bon endroit. Les différences de religions sont venues surinfecter une situation déjà dramatique. On peut aujourd’hui mourir pour ces différences. L’ennemi est partout. Il est dans le pays, dans la ville dans le quartier, dans la rue et parfois même sous son propre toit.

Après un bref silence, il dit tout bas :

— Il est, au sein même de cette salle aussi, malheureusement. Nous sommes revenus au Moyen Âge et même pire.

Puis, d’une voix forte, il martela :

— Nous devons dépasser cela ! Nous le savons tous ! Nous devons trouver une solution ! Nous devons faire quelque chose ! Le temps d’agir est arrivé ! assena-t-il, à bout de force.

Épuisé, M. Courage, dont les cheveux avaient blanchi en quelques semaines, descendit de l’estrade et s’écroula dans son fauteuil, au premier rang de la salle.

Les murmures redoublèrent.

Tout à coup une voix, dans les haut-parleurs résonna :

— Mesdames et Messieurs, si vous voulez bien faire silence, M. le président de la République française !

La salle bourdonna encore quelques instants puis le silence se fit. Le chef du gouvernement français, Monsieur Delevier, était un homme d’une soixantaine d’années, une ligne encore svelte bien que l’on devinât désormais sous sa chemise, un petit ventre rebondi. Il dégageait, malgré sa petite taille, une présence, une prestance, une classe bien aidée par des talonnettes qui lui permettaient de paraître plus grand que ses 1,65 m. Vêtu de costume sur mesure toujours du meilleur goût, c’était un orateur né. Il savait captiver l’attention du public, et sa voix de stentor pouvait captiver une salle bondée.

Il arriva jusqu’au pupitre. Le président sourit avant de prendre la parole :

— Mesdames et Messieurs, je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre présence ici. Le gouvernement français, comme chacun des membres dans cette salle, j’en suis persuadé, est à la recherche d’une solution à la crise qui a embrasé notre planète et qui fait courir l’humanité à sa perte. Je suis heureux que TOUS ici (il appuya sur le TOUS) nous en soyons convaincus. Je tiens à m’excuser de l’invitation un peu cavalière à cette réunion, mais j’ai profité de votre présence au sein de l’ONU afin de réunir un maximum de dirigeants en un temps très court. Nous sommes, pour la plupart d’entre nous, et bien malgré nous, quasiment en permanence dans ces lieux depuis très longtemps. Trop longtemps. Pourtant, nous menons des réunions stériles depuis des mois et nous sommes tous inquiets et épuisés. Mais nous ne quittons pas la table des discussions ! Cela prouve bien que chacun de nous désire une réelle solution qui soit la meilleure pour son pays.

Après un court instant pendant lequel il promena son regard pour jauger l’assemblée, il reprit :

— Nous voudrions, le gouvernement français et moi-même ainsi que quelques partenaires, vous présenter et surtout vous proposer une solution. Peut-être s’agit-il là de l’ultime chance de sauver l’humanité. Mais avant de vous en parler plus en détail, je souhaite partager une expérience avec vous.

À ce moment-là sur un geste de la main du président, les portes principales à lourds battants s’ouvrirent et une trentaine d’infirmières en blouses blanches et le sourire aux lèvres, portant chacune un petit enfant dans les bras, avancèrent doucement dans l’allée centrale. Les dames avaient pour consigne de se porter au-devant d’un membre de l’assemblée, avec un enfant d’une couleur différente de ce dernier et de lui demander de le prendre dans ses bras. En cas de refus, elles le déposaient sur leur genou. La scène dura quelques minutes et tous les enfants avaient maintenant changé de bras. Toutes les personnes présentes paraissaient étonnées, mais ravies. Il y en avait de tous les pays de tous les âges entre 6 mois et 3 ans. Certains pleuraient d’autres riaient dans les bras de son porteur et prenaient un air étonné en entendant qu’on s’adressait à eux dans une langue inconnue pour lui.

Un grand brouhaha avait suivi un étonnement général et certains, qui s’étaient d’abord offusqués de ce stratagème qui leur paraissait machiavélique, se laissaient aller maintenant à l’ambiance bon enfant. L’étonnement et la contrariété laissèrent place à des sourires, des rires et des airs attendris.

Des images de la salle étaient retransmises sur l’écran géant. Elles montraient pour la première fois dans ce lieu de travail, les grands de ce monde attendris, tenant un enfant dans leurs bras.

Pour chacun, cet enfant ne leur ressemblait pas et les images sur l’écran de la salle auraient certainement déclenché un tollé dans leur pays d’origine si elles avaient été diffusées à cet instant où les populations en étaient arrivées à détester la différence.

Après quelques minutes, les infirmières qui regardaient la scène en souriant reprirent dans leurs bras les bambins et se retirèrent rapidement.

Quand la porte se referma derrière elles, la grande majorité de l’assistance avait encore un sourire attendri sur les lèvres. Ils se regardèrent les uns les autres et les masques de sévérité reprirent le dessus.

Le président Delevier reprit le micro.

— Nous oublions trop souvent, nous, LES ADULTES, que le racisme, l’égoïsme, la haine et bien d’autres vils sentiments qui déchirent les hommes n’existent pas lorsqu’on est un enfant. Ce sont des défauts que, malheureusement, nous acquérons au fil de notre existence, oubliant que nous sommes de passage sur cette terre. Les parents volontairement ou involontairement inculquent leurs idées à leurs progénitures. Vous l’avez à peine constaté et certains d’entre vous peut-être pour la première fois. Lorsque l’on tient un enfant dans ses bras, c’est d’abord un petit être faible que l’on tient, un petit d’homme. Ce sont nos instincts primaires humains qui prennent le dessus. Nous ne voyons plus aussi nettement les différences de langue ou de couleur de peau et nous serions prêts à inclure ce petit dans notre clan, notre famille. Nous ressentons naturellement le besoin de le protéger.

De légers murmures et des hochements de têtes parcoururent l’assemblée. Il prit cela pour de l’approbation.

— Je vois que nous sommes d’accord et c’est bien naturel.

Il se tourna vers l’écran afin de suivre la fin du film qui défilait.

Depuis la sortie des enfants et pendant que le président parlait, une vidéo était projetée derrière lui. Sur l’écran le mystère de la vie humaine. La course du spermatozoïde gagnant l’accès à l’ovule, puis le développement de ce qui deviendra un petit être humain. À aucun moment on ne voyait le père ou la mère.

Vint le temps de l’accouchement.

À ce moment le président Delevier leva la main et la vidéo fut mise sur pause. Tout avait été bien réglé.

Il prit une gorgée d’eau pour s’éclaircir un peu la voix… Chaque personne présente savait ou plutôt sentait que le moment pour lequel ils étaient réunis était arrivé.

— Là où nous, les hommes politiques, avons échoué, les scientifiques français ont mis au point une solution qui pourrait mettre fin au déchirement de la race humaine. Une solution radicale où n’y aura pas de gagnants... mais surtout, pas de perdants.

La salle entière était en ébullition, des airs d’incompréhension se lisaient sur les visages. Des groupes formaient maintenant de véritables conciliabules en s’invectivant et regardant avec fureur d’autres groupes. Mais qu’est-ce que la science pouvait bien faire contre une guerre entre les hommes ? Étaient-ils en train de perdre leur temps ? Cette millième réunion allait-elle être archivée sans suite ?

Le président, levant ses mains ouvertes dans un signe d’apaisement, reprit la parole et la salle fit silence.

— S’il vous plaît, s’il vous plaît Messieurs, Dames ! Je suis certain que nous tous ici nous ne voulons plus nous entre-déchirer, nous anéantir. Nous cherchons tous depuis trop longtemps, une solution pacifique qui pourrait faire le moins de pertes humaines possible. Nous ne serions pas encore à chercher une solution qui vaille pour tous si cela n’était pas le cas. Arrêtons de nous disputer. Je vous offre la possibilité de sauver votre pays, votre continent. NOTRE HUMANITÉ ! dit-il en criant.

Le silence se fit.

Il désigna l’écran et la vidéo repris.

Les mains d’une sage-femme blanche aidaient un bébé noir à venir au monde. Les mains déposaient doucement le petit être sur le ventre blanc de sa maman tandis que son papa grand blond aux yeux bleus plein de larmes était secoué de spasme de joie.

Dans la salle des Ooooh ! Outrés, des cris, des insultes et des Ouuuuuuh ! Réprobateurs et indignés. Dans l’ensemble tous étaient sidérés, muets de stupéfaction par ce qu’ils venaient de voir. De ce qu’on osait leur projeter à la figure. M. Delevier secoua les bras, agita ses mains et tapota son micro. Enfin il put reprendre la parole.

Il observa un silence profond afin que chacun reprenne ses esprits. Le président savait qu’il fallait aller à l’essentiel maintenant. Il leva les deux bras et demanda le silence puis toussa dans sa main fermée. Le président dut patienter encore plusieurs minutes pour que la cacophonie retombe.

— Il est temps d’en venir aux explications, reprit-il enfin.

Il parlait en détachant chaque mot, chaque phrase afin que la compréhension soit totale.

— Nos savants ont mis au point un traitement par injection, qui permet une modification des gènes transmis à sa descendance lors de la procréation. Une sorte de « vaccin » d’humanité.

La salle était divisée entre stupeur, fureur, horreur, intérêt, et perplexité.

De nouveau, le brouhaha s’intensifia.

Le Président frappa du poing sur le pupitre

— Voulez-vous bien faire silence et écouter jusqu’à la fin ! sommes-nous toujours des personnes civilisées ?

Le silence se fit immédiatement, et il continua comme si l’audience était suspendue à ses lèvres.

— Ainsi, une femme enceinte pourra porter un enfant qui sera complètement le sien et celui de son conjoint, mais qui pourra être totalement différent de ses parents. Cet enfant pourra alors naître avec des traits : Caucasoïde, Mongoloïde, Australoïde, Capoïde, Congoïde ou un mélange de ces gènes. Je vous pose alors une question : Comment appellerons-nous ce petit enfant naît de nos propres ventres ? Face de craie ? Négro ? Bougnoule ? Jaunisse ? Ou d’autres noms pires encore ? Non ! nous l’appellerons fils, fille, petit, gamin, bambin, etc. Nous l’appellerons par son prénom, car il fera partie de notre famille, de notre clan. Il sera sans condition, intégré et aimé. Il sera complètement de notre famille. De la famille des hommes.

Cette dernière phrase fit stopper les quelques personnes qui, maugréant, s’étaient levées en direction de la sortie. Ils revinrent s’asseoir lentement sous l’insistance de certains de leurs collègues. Tous ici savaient que malgré des semaines, des mois d’efforts, aucune solution viable n’avait été trouvée par la diplomatie et que durant ce laps de temps des milliers de personnes à travers le monde étaient mortes. L’urgence était de trouver une solution. Qu’elle quelle fut et d’où qu’elle vienne.

Mais la majorité des membres de l’assemblée s’invectivait, des cris et des injures fusaient maintenant de partout et le président français avait toutes les peines pour faire revenir le calme. Beaucoup étaient choqués, personne n’était d’accord, mais aucun ne quittait la séance. « C’est de bon augure pensa Delevier ».

— Je ne vous demande pas un accord immédiat. Il nous a fallu du temps à nous aussi pour faire ce cheminement et pour oser vous le proposer. Il s’agit pour nous tous ici d’abandonner comme un habit, tout ce qui fait nos différences extérieures. Nos spécificités se retrouveront dans nos cultures, nos histoires et nous les partagerons, nous les proposerons à travers le monde sans arrière-pensées ni désir d’imposer nos volontés propres. Cela pourrait représenter un nouveau départ pour l’espèce humaine.

À son tour, M. Stanfridge, ministre des Affaires étrangères en Angleterre, se leva et, sur invitation du président français, s’approcha. Le représentant anglais avait eu une entrevue avec le Président Delevier quelques semaines avant la réunion, et avait donc eu le temps d’intégrer LA solution.

C’était un homme sec, une silhouette longiligne et très maigre. Il devait mesurer au bas mot 1,90 m, ses cheveux gris qui couvraient son front auraient pu faire croire qu’il était plus âgé que son âge alors qu’il n’avait pas encore 52 ans.

Il salua le Président français d’un signe de la tête, se tourna vers l’assemblée et commença son discours sans prendre le temps de saluer cette dernière.

— Mesdames, Messieurs, nous sommes tous ici pour décider si l’espèce humaine continue ou cesse d’être. Voilà tout ! cria-t-il sans micro. Tout le monde comprenait l’anglais. Un silence se fit. Il reprit plus paisiblement :
— Le peuple d’Angleterre est fatigué de voir ses familles, ses frères, ses enfants, s’entre-déchirer sur son sol et à travers le monde. Dans la vie « d’avant » (il insista sur le mot), nous avions tous, pour la majorité, l’habitude de côtoyer des personnes à la peau plus ou moins sombre ou plus ou moins colorée… Bien entendu, les a priori ont toujours existé, il se trouvait toujours une barrière invisible, un préjugé tenace, mais nous cohabitions quand même. Aujourd’hui la différence n’est plus tolérée et la situation humaine est devenue déshumaine. Se côtoyer, s’assimiler, se mélanger, FU-SIO-NNER. Tout cela n’existe plus dit-il d’une voie triste. Il faut tirer un trait sur ce que ce monde a été et découvrir ensemble ce que la chance a mis entre les mains des scientifiques français. À l’instant, j’ai volontairement utilisé le mot « fusionner », car il s’agit exactement de cela… Les gènes de notre espèce doivent fusionner pour l’avenir de l’humanité.

Son regard fit lentement le tour de l’assemblée, comme s’il voulait regarder chaque personne présente dans les yeux. Puis il reprit d’une voix forte :

— Mesdames, Messieurs les représentants de l’humanité, le gouvernement britannique est aujourd’hui prêt pour ces changements, ce sera difficile, mais il faudra convaincre les femmes et les hommes de notre planète. Vous tous qui êtes ici depuis des semaines, des mois, vous savez qu’il n’existe aucune autre solution, aucune autre issue... à part l’extinction de la race humaine.

Dans un coin, les représentants D’Israël, du Pape et du Pakistan étaient en grande discussion. Nous n’avions plus le temps pour l’organisation et la préparation de réunion. On discutait dorénavant même dans les couloirs de l’ONU, on s’interpellait, on s’invectivait aussi. Les représentants en avaient pris l’habitude c’est pourquoi personne ne prêtait attention à eux.

Le Président Delevier, qui avait relevé le mot « chance » dans le discours de Stanfridge, fit une moue dubitative ne sachant pas s’il s’agissait d’un hommage à la recherche française ou d’une énième pique dont les Anglais avaient l’habitude envers les Français. Il sourit. Ce n’était pas le moment de répliquer ni de polémiquer. La chance n’avait rien à voir là-dedans et seul le génie français... Mais déjà Stanfridge se rasseyait lentement dans son fauteuil, laissant la place au président français qui reprit le micro.

Dans la salle, le brouhaha était tel, qu’il dut pratiquement hurler pour que les regards se tournent vers lui. Chacun se rassit. Le président put prendre la parole :

— Messieurs, je vous en prie, prenez le temps de la réflexion et ne laissez pas vos convictions prendre le pas sur la raison. Monsieur Stanfridge vous l’a dit, il s’agit réellement de ce que nous pouvons appeler dorénavant une fusion humaine et c’est maintenant ! Notre dernière chance. Et soyons-en certains, dans 3 ou 4 générations nos descendants auront oublié les différences physiques qui ne sont dues, ne l’oublions pas, qu’à la géogénétique et non à un choix personnel. Nous n’avons pas d’autre alternative et c’est pourquoi il faut que tous ici nous en soyons convaincus. Il nous faudra beaucoup de courage pour surmonter les écueils qui nous attendent au sein même de nos populations. Dans 48 heures je vous invite à revenir dans cette salle. Vous aurez ainsi le temps de contacter vos gouvernements ou décideurs respectifs. J’espère que vous reviendrez pour rejoindre ce projet historique. Mes équipes resteront durant ces prochaines heures à votre disposition pour répondre à toutes vos interrogations. Je vous souhaite d’être aidé dans vos réflexions et méditations par le meilleur des esprits. Mesdames, Messieurs, bon courage, je sais que vous en avez !

Sur ces derniers mots, le président tourna le dos à la salle et s’éloigna du pupitre.

L’assemblée reprit ses murmures. Alors que le président français allait descendre de l’estrade, le Premier ministre marocain l’interpella en français :

— Monsieur Delevier s’il vous plaît ! Comment allez-vous vacciner des millions de personnes qui sont réfractaires à l’idée de mélanger leurs gènes à d’autres, de perdre un peu de leurs personnalités quelque part ? Avez-vous pensé à la question ?

Le président revint vers le micro, car il voyait que cette question primordiale intéressait tout le monde. Il attendit que le silence se fasse à nouveau dans l’assistance pour que tous puissent entendre sa réponse. Il dit :

— Chaque chose en son temps mon cher Monsieur le premier Ministre Boularbi.Nous avons une solution. Je vous en donnerai tous les tenants et les aboutissants dans 48 heures lorsque nous nous retrouverons dans cette salle et si nous sommes tous d’accord. Il faudra alors encore un accord unanime pour sa mise en place. Il est inutile, pour l’instant, de discuter d’autre chose. Je rappelle que la solution de la vaccination est tellement importante qu’elle doit être prise à l’unanimité ou nous ne pourrons l’appliquer. Il sourit. Je suis certain que nous ferons bloc, tous ensemble. Dans le cas contraire… il secoua la tête en laissant retomber ses bras le long de son corps en signe de dépit sans finir sa phrase.

Delevier salua l’assemblée et sortit de la salle.

Salle de réunion Bureau des Nations Unies, Genève, Suisse

Mercredi 15 octobre 2031, 18 h 30

La salle était pleine à craquer. Tous les décideurs de notre planète connaissaient maintenant la proposition française. La réunion, initialement prévue pour 10H00 avait dû être repoussée de neuf heures afin de laisser le temps à plusieurs délégations de s’accorder en coulisses sur les termes du futur texte qu’il fallait, chacun le savait, ratifier à l’unanimité avant la fin de la semaine. Chaque gouvernement avait rapatrié en urgence ses personnalités les plus importantes et avait eu le temps d’interroger ses propres scientifiques sur la faisabilité d’un tel changement et sur les conséquences que cela entraînerait. L’heure était grave et les mines de chacun des émissaires gouvernementaux étaient sévères.

La salle, pourtant habituée à des éclats de voix, des cris et des injures, était plongée dans un silence de cathédrale. Habituellement, même les velours de grosses côtes, les tentures, les étoffes de coton et de lin tressé n’arrivaient pas à amortir et à étouffer complètement les vociférations qu’on pouvait y entendre. Toutes les personnes présentes finissaient de prendre place en se glissant entre les rangées de sièges.

La présidence française, à l’initiative de la réunion et en accord avec le secrétaire général de l’ONU, Monsieur Issa Courage, n’avait pas voulu mettre en place le protocole habituel pour le placement des différents invités. Ainsi, chaque délégation en entrant dans la salle était invitée à tirer au sort un numéro qui correspondait à une zone, un rang et un siège. Une hôtesse veillait simplement à ce que les différents groupes disposent de suffisamment de sièges. Bien sûr, chaque délégation avait été préalablement prévenue de ce changement d’usage. Plus d’une avait été surprise et en colère contre ce genre de mesure, qui aurait pu passer, il y a encore quelques jours, pour une grave insulte. Bien sûr plusieurs d’entre elles avaient catégoriquement refusées avant de se raviser de peur de ne pouvoir assister à cette réunion qui apparaissait déjà comme la plus importante jamais organisée en ce lieu. L’instant était grave et chacun, connaissant l’importance de sa présence, passa outre ses réticences car le monde ne pouvait pas, décemment, prendre cette décision sans lui. Un tournant historique auquel il fallait bien obligatoirement participer.

Monsieur Delevier avait choisi ce stratagème afin que nul ne soit à l’écoute des avis de ses amis, alliés ou partenaires. Il voulait que chacun vote en son âme et conscience, sans influence aucune, sans parasitage politique. Les chuchotements prirent fin lorsque la délégation française se présenta à l’entrée, suivie de la délégation anglaise et de celle des États-Unis d’Amérique. Les Français, qui devaient pouvoir être vus de tout le monde, ne s’arrêtèrent pas et se dirigèrent vers la tribune.

Monsieur Stanfridge, ministre des Affaires étrangères anglais, plongea la main dans le bol transparent où se trouvaient les boules qui contenaient les numéros de zones.

Zone Q 6, annonça le commissaire chargé du tirage au sort.

Après avoir vérifié que cette zone disposait d’assez de places, une hôtesse pria les Anglais de la suivre. Elle les guida jusqu’à deux rangées où ils seraient entourés des Pakistanais et des Jamaïcains et non loin des Canadiens. Les Américains se retrouvèrent quant à eux, au pied de la tribune officielle. Tout le monde était maintenant assis et on pouvait mesurer la solennité de l’instant au silence étourdissant et presque suffocant, complètement inhabituel pour l’endroit.

— Dix-neuf heures début de la séance ! annonça dans différentes langues une voix dans le micro.

Le Premier ministre français, Monsieur Calisson, qui avait pris place derrière le pupitre, prit alors la parole.

— Mesdames et Messieurs bonjour. Tout d’abord, Monsieur le Président de la République et moi-même tenons à vous remercier infiniment de l’intérêt que vous avez tous porté à notre projet. Celui-ci vous a interrogé à plusieurs titres et vous avez tous eu des dizaines de questions à poser à nos experts durant les dernières 48 heures. J’espère que vous avez pu avoir toutes les réponses à vos légitimes inquiétudes et que celles-ci ont pu vous rassurer. Il n’est nullement besoin de rappeler à nouveau l’urgence de la situation dans laquelle se trouve l’ensemble des pays sur notre terre, l’ensemble de l’humanité. Il ne s’agit plus de gagner une guerre de race, de religion ou de territoire. Il s’agit de survie. Et uniquement de cela. Nous espérons que vous êtes confiants dans l’action désintéressée de notre gouvernement et que vous ne lui attribuez aucun calcul machiavélique, aucun dessein malsain. Confiant en votre lucidité et votre logique nous avons déjà ordonné à nos laboratoires la fabrication de plusieurs millions de doses de vaccination. Mais bien sûr ce ne sera pas assez. Nos amis anglais et américains ont aussi été sollicités et conscients de l’inéluctabilité de la situation ont aussi commencé la fabrication. Nous aurons besoin de plusieurs d’entre vous afin de participer à la fabrication et à la distribution de millions d’autres doses. Nous allons vous demander la mise en fabrication de nouvelles doses. Je pense à plusieurs pays qui maîtrisent ce genre de technologie et qui disposent des laboratoires nécessaires. Nous aurons besoin de la Russie, de l’Arabie, de la Chine, d’Israël, de l’Iran, du Brésil par exemple et en général de tous les pays voulant prendre directement part à l’opération. Il faudra que les vaccinations démarrent en même temps partout sur terre et sur un laps de temps d’une durée de trois mois au maximum.

La salle était étrangement silencieuse. D’habitude juste à l’évocation d’un nom de pays ennemi ou d’une couleur de peau spécifique ou même d’un précepte religieux il se faisait toujours entendre des cris et quolibets et parfois on en venait aux mains. Surtout ces dernières semaines. Mais aujourd’hui rien de tout cela. Monsieur Calisson continua.

— Je suis certain que le bon sens de chacun d’entre vous fera que nos différentes rivalités soient intelligemment et pacifiquement dépassées. Car il y aura des écueils à surmonter, le gouvernement français n’est ni dupe ni naïf. La bonne volonté et la sincérité sont les maîtres mots de cette opération. Il s’agit là de la première pierre posée pour une nouvelle Humanité. Il est nécessaire que cette pierre nous la posions et scellions tous ensemble et d’une manière stable et immuable.

Quelques rares applaudissements polis se firent entendre dans la salle.

Le Premier ministre leva la main afin de demander à nouveau le silence et continua.

— Si vous le voulez bien, nous allons directement procéder au vote sur le principe, avant d’aller plus loin. En effet, il est inutile de poser les conditions de mise en place d’un protocole si nous ne sommes pas tous d’accord sur l’idée même de cette « fusion humaine », dit-il en reprenant les termes du ministre Stanfridge.

— Il faut que nous soyons tous convaincus du bien-fondé de notre décision, car sans unanimité forte et sincère cette action sera vouée à l’échec. Je vous demanderai donc, comme nous-mêmes et nos alliés l’avons déjà fait, de passer outre une partie de vos convictions qu’elles soient d’ordre spirituel, politique ou racial. Il nous a fallu beaucoup de temps, de réflexion, de discussion et parfois de dispute depuis que nous avons découvert cette ultime chance, pour oser vous la proposer. Je sais aussi que nous ne vous avons pas laissé beaucoup de temps pour y réfléchir, mais nous n’avons plus assez de temps pour le perdre en vaines paroles.

Nous vous proposons une porte de sortie, certes difficile, mais honorable pour tous.