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Milène Goldman, également connue sous le nom de Malice, participe à sa toute première mission. Elle pénètre avec succès dans un bâtiment en ruine, accompagnée de soldats en tenue de combat, et élimine rapidement ses ennemis. Cette mission est le début d’une série d’aventures pour Malice, qui deviendra plus tard connue sous le surnom de « l’ange qui défie la mort ».
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après des années de dévouement à la lecture et à l'écriture,
Frédéric Perenes signe avec "Mon nom est Malice", son second roman.
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Seitenzahl: 355
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Frédéric Perenes
Mon nom est Malice
Roman
© Lys Bleu Éditions – Frédéric Perenes
ISBN : 979-10-422-1436-4
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1998
L’entrepôt devant lequel, la police se trouvait, n’était pas un banal entrepôt de banlieue, où des hommes allaient chaque matin gagner leur vie, en chargeant et déchargeant des camions, à longueur d’année. Cet entrepôt-là avait attiré depuis plusieurs semaines l’attention de la police, car un bâtiment de cette taille pouvait contenir énormément de matériel. Il aurait dû faire l’objet d’un va-et-vient important. Or, le seul véritable va-et-vient de ce lieu, était celui de lourdes voitures allemandes haut de gamme, aux vitres surteintées.
Il n’avait pas fallu longtemps pour que le voisinage, d’habitude si peu enclin à bouger, ne s’en inquiète auprès des autorités. La police avait donc placé le site, sous une surveillance accrue et bien entendu ce qui intéressait de trop près la police, ne mettait pas longtemps à se savoir ailleurs. Ragots et histoires en tous genres avaient dépassé le cadre du quartier. Et finalement des services d’un tout autre genre, avaient été mis en alerte.
Pour les services secrets, ce n’était pas une mission de premier ordre. Elle convenait parfaitement à un novice, qui avait déjà commencé de faire ses preuves. On envoya donc sur ce terrain un jeune agent connu sous le nom de Malice. À l’aide de Condor, un agent plus chevronné, Malice se mit rapidement en relation avec la police locale. Mais le premier contact entre la jeune espionne et les policiers du cru ne fut pas des plus facile.
Malice était une jeune femme de vingt-deux ans, qui, avec un certain succès, avait effectué jusque-là, quelques missions, sous les ordres d’autres agents plus aguerris. Pour la première fois de sa vie d’espionne, elle se retrouvait aux commandes d’une affaire et c’était pour elle une immense fierté. Pour une jeune femme, ce n’était pas vraiment facile de débuter dans un monde de machos, les a priori étaient légion.
Vêtu d’une robe noire toute simple, de jolis escarpins, coiffée et juste maquillée d’un fin trait de rouge à lèvres, Malice était superbe, comme toujours. Un peu trop peut-être, lorsqu’elle débarqua de bon matin la tête haute, dans le commissariat de police local. Avec sa carte de mission et son badge de lieutenant, elle demanda à voir la commissaire et annonça de but en blanc, à cet officier supérieur, qu’elle prenait l’affaire en main.
Celui-ci, en vieux briscard qu’il était, crut d’abord à une mauvaise plaisanterie et rit quelques instants de bon cœur. Puis, aussitôt après invita sèchement la jeune femme à quitter son bureau. Mais Malice, entraînée à plus dur qu’un homme qui crie un peu fort, n’était pas de celles qu’on impressionne avec des mots.
« Sortez de ce bureau mademoiselle. La plaisanterie a assez duré, ne m’obligez pas à vous faire expulser ! » ordonna-t-il.
« Monsieur le commissaire, je ne suis pas ici pour vous amuser ! » rétorqua-t-elle, sans s’affoler.
La jeune femme, campée sur sa position, ne fit pas le moindre geste en direction de la porte. Droite comme un I, les bras croisés sur la poitrine et les yeux plantés dans ceux de l’officier, elle ne rata pas une miette de ce qui se tramait. L’homme avait appuyé sur un petit bouton d’alerte, caché sous le plateau du bureau. Les renforts ne tarderaient pas à débarquer.
Aussi, lorsque trois policiers en uniforme arrivèrent pour la jeter dehors, Malice sortit le grand jeu. Elle balança le premier le nez par terre, cravata le deuxième par le col, pour le faire s’agenouiller avec force, avant de rire du troisième, qui pointait une arme sur sa tempe. Ce n’était pas très orthodoxe, mais ce fut une manière efficace de s’affirmer.
Condor, son tuteur du moment, qui observait la scène depuis le couloir, choisit d’intervenir à ce moment-là. Ce n’était pas tant pour aider la jeune femme, que pour sortir les policiers de cette mauvaise passe. Car il n’avait guère de doute sur l’issue de la confrontation. Les policiers allaient passer un mauvais quart d’heure.
« Monsieur le commissaire, permettez-moi de me présenter ! » lança-t-il de sa voix forte, mais calme, en retirant l’arme braquée sur la tempe de Malice de la main du policier qui la tenait nerveusement.
« Vous êtes qui vous ? » répliqua l’officier.
« Colonel Paul Victor et la jeune femme ici présente est la lieutenante Annabelle Hugo ! » reprit Condor en posant calmement sa carte de police, sur le bureau du commissaire.
« Pardonnez-moi pour cet accueil, mon colonel, je pensais à une mauvaise blague ! »
« J’ai l’air de vouloir rire, capitaine ! » ajouta Condor, toujours calme, les mains posées sur le rebord du bureau.
« Non mon colonel ! » s’excusa l’autre.
Après une longue discussion, une bonne explication et quelques mots d’excuse, tout rentra dans l’ordre. Malice pourrait enfin prouver toute son efficacité sur un autre terrain.
Il lui manquait certes l’expérience, mais Malice avait pour elle, la motivation, l’intelligence et la minutie. Si les premiers jours furent difficiles, du fait principalement de la rancœur, qu’il y avait entre les trois policiers, le commissaire et la jeune femme, elle ne tarda pas à faire preuve, d’une compétence sans failles.
Trois semaines plus tard, il ne restait plus qu’à boucler l’affaire et Malice était follement excitée à l’idée de mener son premier assaut, en tant que chef de mission. De la première, jusqu’à la dernière seconde, elle resta professionnelle.
Devant l’entrepôt, tout était en place. De l’autre côté du bâtiment, Condor attendait, avec son talkie-walkie, l’ordre d’attaquer. À côté de la jeune femme, le commissaire revenu à de meilleurs sentiments, à son encontre, était ravi de l’épauler. Tout était prêt. Elle regarda sa montre, releva le nez et…
« Trois, deux, un, go… ! » lança-t-elle tranquillement.
Le mur qui se trouvait face à la jeune femme explosa et aussitôt une douzaine d’hommes en tenue de combat, s’engouffra par la brèche. Sans attendre que la poussière retombe, Malice, arme au poing, entra derrière eux. Quelques coups de feu plus tard, la première mission était une réussite totale.
De cette mission découlait la suite de sa carrière. La jeune femme qui avait débuté par une simple petite attaque d’entrepôt en région parisienne, devint au fil du temps, un redoutable agent. On lui confia des missions de plus en plus difficiles et de plus en plus loin du territoire français.
Malice, tout comme Condor, Vipère, Épervier ou Scorpion devint très rapidement, un élément incontournable des services secrets. Pas un échec, pas une bavure à son actif. Durant trois années, elle mena à bien des missions parmi les plus dangereuses et dans les endroits les plus redoutés au monde.
Pour être efficace, un agent secret doit avoir sa spécialité. Condor était un agent spécialiste de la surveillance et de l’infiltration dans le Maghreb, Vipère faisait de même en Afrique. Scorpion était un nettoyeur, un agent chargé d’éliminer d’autres espions. Malice devint spécialiste du contre-espionnage. Elle s’infiltrait dans les groupes du Moyen-Orient, s’informait et les désagrégeait de l’intérieur. Elle menait une vie trépidante, excitante et ne ratait pas une occasion pour s’offrir une bonne bagarre.
Condor et Malice n’en finissaient pas de se rendre d’une mission à l’autre. Et, celle qui venait s’annonçait autrement plus difficile, que les précédentes. Six mois entiers de travail avec la complicité de la police française. Car cette fois, c’était en plein territoire national qu’il fallait évoluer. Malice eut donc, pour la première fois, l’honneur de diriger une mission.
La jeune femme attendait patiemment que Condor soit en place, de l’autre côté du bâtiment. La radio grésilla.
« En place ! » annonça Paul.
« Reçu ! » répliqua le policier qui tenait la radio.
Le plan épervier avait été déclenché pour cet assaut. Il avait l’avantage, lorsqu’il était en place, de pouvoir combiner effectif de police, ambulances, pompiers, militaires, agents secrets et toutes les autorités compétentes.
Mais épervier, dissimulait tout autre chose, qu’un simple nom de code pour une mission sensible. Lorsque la mission fut accomplie, Malice le découvrit avec stupéfaction. Ce nom de code était celui d’un agent bien particulier, une façade pour couvrir l’intervention du grand patron des services secrets, en personne. Celui-là même qui se faisait appeler, Monsieur.
Il débarqua, encadré par deux solides gaillards en costume chic, dès la fin de l’assaut et vint en personne saluer les deux agents. Il s’approcha d’abord de Condor et Malice vint à son tour.
« Annabelle, ma petite, je crois que cette fois encore, vous avez accompli des merveilles ! » salua-t-il.
« Je fais de mon mieux », répliqua-t-elle.
Un immense sourire lui barrait les lèvres. Épervier congédia les policiers et ne garda que son escorte, pour veiller sur les deux survivants de l’assaut.
« Paul, Annabelle. Je vous présente Kadar Allori, chef du mal nommé groupe, Al Géry ! »
L’autre leva sur lui des yeux brillants de haine et cracha sur les chaussures du français. Épervier s’accroupit devant lui, le regarda droit dans les yeux. Puis sortant son arme, il sourit et lui tira une balle, juste entre les deux yeux.
« Enchanté de t’avoir connu, Kadar et adieu, connard ! »
Malice était atterrée, devant la violence dont venait de faire preuve Épervier. Condor semblait ne pas y attacher d’importance. Peut-être n’était-elle pas aussi prête qu’elle le croyait ?
Elle respira profondément, évita de croiser le regard des deux hommes et se résigna à ignorer ce qu’elle venait de voir. Lorsque le chef des services secrets s’en alla, avec son escorte, sans que personne ne l’arrête, elle ne dit pas un mot et se contenta de détourner le regard.
Désignant deux policiers qui se trouvaient tout près de l’entrée, Épervier les invita à retrouver Annabelle et Paul à l’intérieur. Le commissaire vint à la rencontre de Condor.
« Que faisons-nous, souhaitez-vous le questionner ? » demanda-t-il à Condor.
Étant le plus expérimenté des deux agents secrets, Condor avait toujours les faveurs de la police, Malice avait rapidement compris qu’elle ne parviendrait pas à changer cette fâcheuse habitude. Pourtant, cette fois, elle s’irrita de voir ainsi son autorité bafouée. Condor voyant que ses joues s’empourpraient, tenta de ramener le calme en elle.
« C’est le lieutenant Hugo qui dirige cette affaire ! » annonça-t-il.
« Mettez-le au frais, je dois faire mon rapport », ordonna la jeune femme, avant d’ajouter. « Je viendrais le voir dans deux heures ! »
« Bien madame ! » s’inclina l’adjudant qui se trouvait là.
Malice et Condor avaient mené la mission, jusqu’à son terme. Mais ils savaient pertinemment qu’une mission terminée en appelait inévitablement une autre. Milène avait besoin de prendre une pause.
« Je te paye un café, mon grand ! » proposa-t-elle lorsqu’ils furent seuls, loin des oreilles indiscrètes.
« Merci petite, tu as été géniale et j’ai été content de revoir, mais je rentre. Pour moi, c’est une affaire classée. »
Malgré sa déception, Milène n’en laissa rien paraître. Un simple compliment de la part du grand Condor était plus qu’elle n’espérait.
« À la prochaine rencontre, Condor ! »
« À bientôt, Malice ! »
Déjà, l’homme s’éloignait sans se retourner. Malice se sentit soudain seule et nostalgique et comme chaque fois qu’elle se sentait mal, elle repensait à Franck, son âme sœur. Un dernier salut de la main et Condor disparut au coin de la rue.
Malice était un monstre de sang-froid, mais la petite Milène Goldman tapie au fond de l’esprit de l’espionne endurcie, avait presque les larmes aux yeux. Elle n’avait que vingt-deux ans, avait tué des gens, avait parcouru le monde, fait l’amour avec de nombreux hommes, assistée à des spectacles et des dîners incroyables. Mais elle n’avait aucune attache, pas un homme dans sa vie, pas un seul ami, pas un endroit où se réfugier, pour vivre sa propre vie.
Elle sécha ses larmes, avala une grande bouffée d’air et partit de son côté. De retour à Paris, interrogatoire musclé, rapport et débriefing, la routine habituelle d’une fin de mission l’attendait. Depuis quatre ans qu’elle travaillait d’arrache-pied pour les services secrets, elle n’avait pas eu le moindre congé. Deux jours par ici, trois par-là, elle était sans relâche sur la brèche. Elle avait besoin de souffler. Son rapport remis, elle s’engouffra dans le bureau d’Épervier.
« Monsieur ! » commença-t-elle. Sans attendre d’avoir été invité à prendre la parole.
L’homme lui désigna le fauteuil face à lui.
« Je t’en prie, assieds-toi, petite, je sais ce que tu vas dire ! » coupa-t-il aussitôt.
« Vraiment ! » reprit-elle avec défi, mais en acceptant de s’asseoir.
« Ma chérie je fais ce métier depuis plus de trente ans et ça se voit sur toi, tu es épuisée ! » commença-t-il.
« À ce point ! » s’étonna-t-elle.
« Malice est l’un de nos meilleurs agents, mais la petite Milène a besoin de vacances. Je le sais, je le vois », reprit-il, en glissant une petite enveloppe sur le bureau.
Épervier ne disait jamais rien au hasard. Il avait utilisé le véritable nom de la jeune femme, Milène Goldman. Cela faisait cinq ans que personne ne l’avait plus appelé ainsi. Elle ouvrit l’enveloppe, y trouva un passeport à son véritable nom, une liasse de dollars, une carte de crédit et un billet d’avion pour les Bahamas.
« Pas d’entourloupe ? » questionna-t-elle les larmes au bord des yeux.
Mais elle connaissait la réponse. Jamais les services secrets n’utiliseraient sa véritable identité pour une mission. Ils avaient fait disparaître Milène Goldman, cinq ans auparavant, pour couvrir sa famille et ses amis. Annabelle Hugo était désormais son véritable nom, celui de Malice. Milène était une jeune femme sans histoire.
« Je ne veux pas vous revoir, avant que votre bronzage ne soit parfait ! » ordonna l’homme en souriant.
« Si je ne craignais pas de ternir votre image, je vous embrasserais ! » s’amusa-t-elle.
« Foutez-moi le camp de ce bureau ! » gronda-t-il.
Milène se leva en serrant l’enveloppe contre son ventre, mais il la retint au dernier moment.
« Une dernière chose ! »
« Oui Monsieur ! »
« Vous laissez vos clés ici et vous ne passez pas par votre appartement. Annabelle Victor est aux abonnés absents. Lorsque vous reviendrez, ce passeport et cette carte de crédit que vous détenez reviendront dans ce bureau ! »
« Bien entendu, Monsieur, » répondit Milène.
Elle fit demi-tour, retira son holster et ses armes, déposa le tout sur le bureau et posa son sac à main, près du fauteuil.
Les Bahamas étaient l’endroit rêvé pour se détendre. Loin de la France, loin du Moyen-Orient, de toutes ses attaches et de tous ses petits tracas. Milène s’offrit un véritable bol d’air. Plages, farniente, promenade à vélo ou à pied, elle profita au maximum de tout ce que lui offrait ce petit paradis, niché au milieu d’un océan bleu-turquoise. Durant quinze jours, elle était redevenue Milène Goldman et la sublime jeune femme brune qu’elle était devenue, n’avait pas besoin de jouer un rôle.
Milène attirait les regards et les convoitises. Sa beauté naturelle éblouissait chaque endroit où elle faisait son apparition. Les hommes la regardaient avec envie, les femmes avec parfois de l’envie, mais bien plus souvent de la jalousie. Elle fut abordée de nombreuses fois, se fit offrir quelques cocktails, des dîners, mais nul homme ne l’intéressait. Malice refusait rarement un petit extra, mais Milène était une jeune femme discrète et timide.
Un short, un tee-shirt ample, un simple maillot de bain ou un jean et des baskets. Loin des robes de soirée et des tenues parfois extravagantes de Malice, Milène était simplement heureuse de découvrir l’effet, qu’elle pouvait produire sur les hommes. Entre dix-sept et vingt-deux ans, elle n’avait connu que des espions et des gens peu fréquentables. Jamais elle n’avait eu de vrai contact, avec des gens normaux. Se faire draguer, sourire, éconduire poliment. Elle n’eut qu’une seule fois l’obligation, de faire appel à la sécurité, de la résidence où elle logeait. Malice n’aurait eu aucun mal à neutraliser l’homme qui insistait lourdement, mais Milène n’était pas cette femme, froide et implacable.
Elle resta trois semaines avant de se décider à regagner la France. Milène s’était bien amusée aux Bahamas, mais son bronzage était parfait. Elle commençait déjà de s’ennuyer.
Abandonner ses habits de Milène pour redevenir Annabelle/Malice ne lui pesait pas. La jolie petite brune, timide, n’eut aucun mal à redevenir l’espionne, qui commençait de se faire un nom. Sans valises, dans son jean, son tee-shirt blanc et ses baskets, elle pénétra par la porte arrière du restaurant chic, qui servait de couverture aux services secrets, descendit par un ascenseur invisible au plus profond des catacombes et posa l’enveloppe, avec passeport et carte de crédit sur le bureau d’épervier.
« Bonjour Monsieur ! » lança-t-elle avec un sourire malicieux.
« Bonjour Malice, je vous attendais impatiemment ! »
Une valise que Malice connaissait bien, un sac de sport et son sac à main étaient posés sur le bureau, attendant tranquillement la jeune femme. Rien n’échappait à cet homme.
Devant un épervier toujours aussi indéchiffrable, Milène retira jean, tee-shirt, soutien-gorge et basket, puis enfila sa chemisette couleur gris-vert, assortie à ses yeux, son tailleur beige et ses chaussures à talon court. Elle mit du rouge sur ses lèvres, se noua les cheveux en queue de cheval, enfila son holster et glissa son arme à l’intérieur.
« Votre bronzage me semble parfait, jeune fille, commença-t-il. Prête pour retourner au combat ? »
Il fit glisser un dossier sur le bureau, après que l’espionne fut assise face à lui.
« Apte au service, monsieur ! » répondit-elle, en attrapant le dossier.
Tranquillement, assise dans son fauteuil confortable, en face de son patron, Malice consulta le dossier posé sur ses magnifiques jambes, qu’elle croisait et décroisait presque négligemment.
La jeune femme avait tout essayé pour le dérider ou pour ne serait-ce, que lui arracher un début de réaction, mais Épervier était imperturbable. Lorsqu’elle eut fini de lire le dossier, elle se leva, se pencha en avant pour lui montrer d’autres atouts, déposa le dossier sur le bureau et s’en retourna son sac sur l’épaule, un petit sourire sur les lèvres. Épervier avait baissé son regard pendant une fraction de seconde sur son décolleté. Malice, un, Épervier, zéro, se dit-elle.
Satisfaite, elle remonta en surface, traversa le restaurant par la grande porte et s’en retourna chez elle, en marchant tranquillement le nez au vent. L’air frais de Paris la ramenait à la maison. Malice était de retour.
En son absence, ni les alliés ni les ennemis de la nation n’avaient chômé. Après avoir démantelé un nouveau groupuscule issu du mouvement Al Gerry, pendant que la jeune femme était absente, les Américains avaient de nouveau besoin de ses services. Elle devrait aller plus loin encore, qu’elle n’était jamais allée.
L’un des chefs du groupe terroriste était mort des mains d’épervier, mais une tête étant coupée, une autre allait rapidement repousser. Les précieux renseignements que Malice avait recueillis, en cuisinant l’ultime survivant, avaient conduit les alliés, de plus en plus près du cœur, de la mouvance d’Al Gerry.
Le temps du renseignement et du fignolage étant révolu, il fallait sortir l’artillerie lourde, pour s’attaquer au noyau dur du mouvement. Une seule solution, se rendre jusqu’à la base, en terre musulmane, couper d’autres têtes et détruire l’œuf, avant qu’il n’éclose à nouveau. Cette nouvelle mission était de loin la plus périlleuse de toutes.
Pour cette mission, Condor était de retour et c’était la meilleure des nouvelles pour Milène. Nul autre que Paul et Annabelle Victor ne pouvait s’approcher de la base, sans éveiller de soupçon. Les Américains avaient déjà perdu plusieurs espions de haut rang, parce qu’aux yeux des extrémistes, être américain était déjà suspect. Un grand entrepreneur français et sa jeune et jolie compagne, un peu naïve, attiraient moins l’attention.
Condor avait été son mentor. Ils avaient travaillé ensemble à de nombreuses reprises et cet homme, lui avait presque fait oublier Franck, son amour à jamais disparut dans les méandres de l’espionnage. Sa vie avait désormais pris un nouveau tournant, il fallait qu’elle pense à autre chose. Franck était son passé, Condor était son présent. Elle l’appréciait énormément, il serait peut-être également son avenir.
Paul Victor, le nom d’emprunt de Condor, ayant noué de solides contacts, avec des personnages importants de la scène politique locale, il fut facile de se rendre en Syrie, pour y faire un travail de longue haleine. Mariés officiellement depuis tout juste un an, Paul et Annabelle en profitaient également pour s’offrir un voyage de noces, avec un peu de retard.
Ils s’installèrent aux frais d’un richissime patron d’import-export local, dans un grand hôtel de Lattaquié, le principal port du pays. Mais, bien que jolie et pleine d’attrait, cette ville ne revêtait pas une grande importance, ni dans leur voyage ni dans leur action. Ils jouèrent à merveille leur rôle d’invité, mais la quittèrent sans remords, quelques jours plus tard, pour s’attaquer à la première partie d’un long périple.
Paul et Annabelle Victor voyagèrent à travers tout le pays. Ils se rendirent à Alep, deuxième ville du pays par la population, mais première par l’attrait touristique qu’elle pouvait susciter. Vint ensuite Damas. La capitale de la Syrie présentait moins d’intérêts pour les touristes qu’ils étaient, mais beaucoup plus pour les deux espions.
C’est dans cette ville que se trouvaient, les pôles stratégiques des réseaux islamistes du Levant. Dans un souci de parfaire leur couverture de touristes, les jeunes mariés se rendirent jusqu’à l’oasis de Palmyre, en plein cœur du désert et bien qu’en mission, ils profitèrent pleinement de la beauté du site. Pour compléter la panoplie, ils virent aussi les ruines de Doura et Mari, autres lieux de pèlerinage touristique obligatoire.
Toujours accompagnés par des hôtes très prévenants, ils firent ainsi consciencieusement le tour, de tout ce qui était à voir. À chaque minute de leur voyage, ils gardaient les yeux grands ouverts et bien que réellement éblouis par la grandeur des monuments syriens, ne rataient rien de ce qu’il se passait autour d’eux. Il ne leur échappa pas que dès le début de leur périple, ils étaient surveillés de près. Ils jouèrent donc à merveille leur rôle de jeune couple en voyage. Bras dessus, bras dessous, ils ne se quittaient jamais, embrassades à gogos, commentaires idiots sur les beautés du pays. Ils développaient toute une panoplie du parfait voyageur imbécile.
Condor était de plus en plus impatient de voir les agents locaux entrer en action et s’inquiétait de ne rien voir venir. Aucun contact n’avait été tenté, aucune approche même subtile. Malice se contentait, du moins en apparence, d’apprécier le voyage. Mais une bonne dose d’action ne lui aurait pas déplu. Elle prenait de plus en plus de plaisir à jouer ce rôle de belle épouse, rôle qui commençait à lui coller à la peau. La jeune femme avait de plus en plus de facilité, à le prendre pour autre chose qu’une simple couverture.
Milène appréciait la compagnie de Paul et en venait parfois à espérer qu’il pourrait se transformer en réalité. Quoi de mieux qu’un espion pour vivre avec un autre espion ? Trois jours avant leur départ prévu, les choses se mirent enfin en place.
Il était encore tôt le matin, lorsqu’un homme vint se présenter à la porte de la résidence des époux Victor. Malice vêtue d’un simple peignoir, tant sa nuit avec Condor avait été agitée, vint sans hâte jusqu’à l’interphone, déclencha la caméra. Un homme élégamment habillé se présentait à elle, avec une politesse raffinée.
« Madame Victor ? » demanda-t-il, dans un français qui, malgré un fort accent, était parfaitement compréhensible.
« Oui, que puis-je pour vous ? » répondit-elle, poliment.
« En fait ! Madame, si vous me permettez, c’est votre mari que je souhaiterais rencontrer ! »
« Vous savez qu’il est encore tôt ! » grommela-t-elle, pour le principe.
Malice, malgré une expérience de plus en plus solide, ne reconnaissait pas l’accent de l’homme. Il n’était pas européen ou américain, pas arabe non plus et encore moins asiatique. Mais elle savait déjà que c’était le premier contact, tant attendu par Paul Victor.
« Pardonnez mon intrusion si matinale, mais c’est de la plus haute importance ! » s’excusa-t-il.
« Paul ! Il y a ici un homme, qui voudrait te parler ! »
La voix de son compagnon se fit entendre en haut des escaliers.
« J’enfile une tenue appropriée et j’arrive, mon amour. Fais-le entrer », ordonna-t-il.
« Entrez dans la cour et roulez jusqu’à la porte d’entrée, je vous ouvre ! » reprit-elle, en appuyant sur l’ouverture du grand portail de la résidence, qui coulissait déjà en silence.
Deux longues années plus tôt, Milène avait appris à ses dépens que l’on n’ouvre jamais une porte, sans avoir une arme à portée de main. Vêtue d’un simple peignoir, elle s’engouffra dans la cuisine toute proche et trouva un pistolet, là où elle l’avait caché. Elle retourna vers la porte d’entrée pour attendre sagement que l’homme se présente.
Le gros SUV qu’il conduisait se garait déjà devant l’entrée, quand elle déverrouilla pour se présenter face à lui. Elle avait une poignée de secondes d’avance. Main dans le dos pour dissimuler l’arme, elle se glissa au-dehors en peignoir, qui, sous la lumière du soleil levant, était un peu transparent. Mais Malice s’en moquait, face à un homme, cette presque nudité était une autre arme. Pendant qu’il reluquerait son corps, il ne regarderait pas ailleurs.
Tandis que l’homme descendait de voiture, elle regarda attentivement de part et d’autre de la maison, mais il était visiblement seul. Condor apparu quelques instants plus tard, dans son dos. N’oubliant pas de déposer un petit baiser sur les lèvres de sa compagne, il s’empara discrètement de l’arme qu’elle dissimulait, la glissa dans sa ceinture.
« Rentre t’habiller ma chérie, je m’occupe de monsieur. »
Non sans avoir reluqué les fesses de Milène, au travers du tissu léger, l’homme se présentait désormais devant la porte. Il tendit une main qu’il voulait résolument ferme.
« Bonjour monsieur Victor, pardonnez mon intrusion. »
« À qui, ai-je l’honneur ? » répondit Paul, en broyant la main de l’homme, qui ne broncha pas.
« Je me nomme Omar Brandt, je suis entrepreneur, comme vous et j’ai eu vent de votre visite dans notre beau pays », expliqua l’autre.
L’homme semblait plus apte à manier la langue de bois, que le crayon, le compas et la règle. Il mentait et Condor le savait.
« En quoi puis-je vous être utile ? » demanda l’espion pour l’inciter à se lancer plus avant.
Malice était réapparue, vêtue d’un short très moulant et d’une chemise non boutonnée, qu’elle avait nouée sur le devant. Elle ne portait aucun sous-vêtement. Elle était un peu plus habillée que précédemment, mais n’en était que beaucoup plus sexy. Aussitôt, le regard de l’homme se braqua sur la jeune femme. « Bien joué petite », se dit Condor qui n’en resta pas moins de marbre, malgré la difficulté qu’il avait lui aussi à rester concentré.
Un silence troublé s’installa. La jeune femme sourit, faussement naïve. L’homme était déstabilisé. Après un long silence, il reprit néanmoins.
« Vous êtes bien Paul Victor, le grand entrepreneur ! »
Ce n’était pas une question, mais une affirmation. L’homme avait besoin de retrouver le fil de l’histoire, qu’il avait probablement longuement préparé. Milène était le grain de sable de son engrenage.
« Grand ! Je ne sais pas si je mérite ce qualificatif, mais je crois que je suis bien la personne que vous décrivez. »
« Pas de fausse modestie, monsieur. Nous connaissons tous les deux votre réputation ! » reprit le dénommé Omar.
Un jeu étrange s’engageait entre les deux hommes, c’était à celui des deux qui serait le dernier à se dévoiler. Condor souriait en attendant que l’autre continue son histoire. Le regard de l’homme allait de l’espion à Milène, qui lui jouait un sale tour, en prenant des pauses lascives.
L’autre comprit enfin que Condor n’était pas prêt à s’avouer vaincu. Il décida d’abandonner la première manche à son adversaire et commença à dévoiler, une part du mystère qui l’amenait à sa porte.
« Voilà, monsieur Victor ! Depuis plusieurs mois, nous avons pour projet de construire un grand ensemble hôtelier près d’Alep et nous cherchons une personne de très grande compétence, pour mettre ce projet en place ! »
L’homme fit une pause et attendit que Condor prenne la parole, mais le français semblait prendre un malin plaisir à le laisser parler seul. Voyant qu’il n’avait plus d’échappatoires, Omar Brandt décida donc de continuer son long monologue.
« C’est un très grand projet, voyez-vous et personne dans ce pays n’a les capacités et les moyens de le mener à son terme ! »
Condor fit enfin un premier pas.
« Ne restez pas dehors. Annabelle va aller nous chercher du thé frais et nous pourrons discuter dans le patio. »
L’homme ne se fit pas prier. Entra et sur invitation de l’espion, alla s’installer, avant de reprendre. Débarrassé de la présence de la délicieuse épouse de Paul Victor, Omar Brandt retrouvait des couleurs et de l’assurance.
« Nous avons appris que vous étiez en visite dans notre beau pays et je me permets donc de vous déranger pour vous faire part d’une offre ! Je sais que la manière n’est pas très orthodoxe, mais je n’ai pas trouvé de meilleure solution, pour vous contacter rapidement ! »
Cette fois, Condor prit la parole, mais pas pour rassurer son interlocuteur, il décida d’enfoncer le clou.
« D’accord, mais je suis en congé et surtout, comment êtes-vous arrivé, jusqu’à moi ? »
« Voyons Monsieur Victor ! Comme vous, j’ai mes sources ! »
L’homme s’interrompit aussitôt. Milène venait de refaire son apparition. Elle déposa un plateau sur la table et repartit silencieusement.
« Monsieur Brandt, je suis un homme d’affaires. Aussi, je vais vous accorder trente minutes ! »
« Vous êtes bon seigneur ! »
De l’autre côté d’une vaste baie vitrée, Milène continuait à jouer son rôle à la perfection. Vêtue d’un bikini minimaliste, elle plongea, tête la première, dans la piscine et nagea langoureusement d’un bord à l’autre. Les deux hommes échangeaient avec virulence. À plusieurs reprises, elle s’arrêta de nager face aux hommes, sourit et repartit dans l’autre sens.
Ce fut, lors de l’une de ces courtes pauses, que Condor tapa à la vitre, invitant la jeune femme à les rejoindre. Dégoulinante, elle saisit une serviette pour essorer ses cheveux, franchit la baie vitrée et se posta tout près du dénommé monsieur Brandt, qui ne ratait pas une miette du spectacle.
Peau dorée par le soleil, ventre plat et lisse, jambes minces, poitrine ronde aux tétons tendus par le tissu mince, cheveux sombres bouclés, yeux clairs. « Une déesse », songea Brandt.
« Monsieur Brandt et moi sommes convenus de nous revoir ! Nous allons prolonger notre séjour ! » lança Condor sur un ton neutre.
« Ok, super ! » répliqua gaiement la jolie brune.
« Ça ne te dérange pas ? »
« Pas du tout, je suis bien ici. Et puis les affaires sont les affaires ! » reprit-elle en souriant.
Brandt était soulagé. La tension chuta visiblement et l’homme prit congé peu après.
« Ils ont enfin mordu à l’hameçon ! » lança Milène dès qu’il fut parti.
« C’était moins une ! » répondit Paul.
« Tu dois être soulagé, maintenant ! »
« Oui. Je commençais à croire que notre mission allait échouer lamentablement. »
« On fait un rapport ou nous continuons ? »
« Pour le moment, nous continuons seuls. Je ferais un rapport détaillé, dès notre retour à Paris ! »
Malice qui ne manquait jamais de poser les bonnes questions, marqua un temps d’arrêt et reprit.
« Comment s’y sont-ils pris, pour te faire engager dans un projet comme celui-là ? »
« Nous sommes à l’origine de ce projet », s’amusa-t-il. « Lorsque les Syriens ont commencé à parler de construire un ensemble hôtelier. Les entrepreneurs français, ont sauté sur l’occasion, pour avertir le ministère et nous avons fait des propositions d’entraide. Pour mener à bien ce type de projet, il faut certes de l’argent, mais surtout des moyens techniques. Ils ne les ont pas. »
La conversation continua un long moment. Assise à la place d’Omar Brandt, Milène échangeait tranquillement avec Condor. Elle était curieuse et bien que le monde de l’espionnage fût un monde très secret, Condor n’hésita pas à s’ouvrir un peu plus à sa jeune compagne.
« Comment as-tu fait pour devenir un architecte aussi réputé ? Je veux dire, architecte, ça demande de longues études », demanda la jeune femme.
« Tu es une surdouée pour les langues, n’est-ce pas ! » demanda-t-il.
« Oui ! Je crois pouvoir l’affirmer. Mais je faisais déjà des études de langue, quand j’ai été recruté ! »
« Moi, c’est pareil ! Avant d’être recruté, j’envisageais sérieusement de devenir architecte, j’étais doué pour ça. »
« Oui, mais une réputation comme celle de Paul Victor ne se construit pas sur du vent ! »
« Sous le nom de Paul Victor, j’ai pris part à de nombreux projets de plus en plus importants. Avant de te prendre sous mon aile, j’avais déjà sept ans de métiers ! »
Ils discutèrent une partie de la matinée, sans dévoiler totalement leur passé. Pas de nom, pas de lieu, juste quelques bribes de leur existence personnelle. Milène revint au temps, où elle n’était qu’un enfant et le fait de parler ainsi de son existence passée, réveilla en elle des souvenirs, qui ne firent qu’attiser ses émotions envers Condor. Elle aimait cet homme.
Lentement la discussion dériva vers la mission nouvelle qui s’annonçait palpitante. Condor donna à Malice les ficelles nécessaires à la bonne poursuite de la mission, la prochaine entrevue avec Omar Brandt serait décisive.
Il ne lui restait désormais que quelques heures pour se préparer, mais la jeune femme laissa son esprit divaguer. Des souvenirs refaisaient surface.
1994
À quinze ans, celle qui deviendrait la célèbre Malice n’était encore que la petite Milène. C’était un très joli petit brin de fille. Mais la jeune femme s’ennuyait beaucoup dans la vie. Milène Goldman, car c’était son véritable nom, avait de grandes difficultés à s’intégrer. Heureusement que les services secrets l’avaient découverte.
Que faire de son avenir, quel métier choisir, quelle carrière embrasser ? Milène brillait dans bien des domaines, mais aucun en particulier ne semblait attirer son attention. Qu’elle aurait bien pu être la vie de cette jeune femme, si les services secrets ne s’étaient pas intéressés à elle ? Heureusement, elle n’aurait pas à se poser la question. Milène possédait des dons intellectuels ou physiques, tout à fait remarquables. En ce qui concerne l’intelligence, par exemple, elle aurait pu être informaticienne, travailler dans le marketing ou la gestion. Elle était incroyablement douée, pour tout ce qui avait attrait à la logique, aux mathématiques et aux ordinateurs. Elle avait également un véritable don pour les langues étrangères. Anglais, Espagnol, Italien, Allemand et quelques rudiments d’Arabe. Milène menait des études de langues et se trouvait tout en haut de la hiérarchie des bons élèves.
Physiquement, elle avait largement les capacités, pour devenir une bonne professeure de sport. Elle était une excellente danseuse et maîtrisait également l’aïkido, le karaté et touchait à plusieurs autres sports de combat, dans lesquels la plupart des garçons de son âge n’atteignaient pas son niveau.
Milène avait l’esprit de compétition, aimait la confrontation, voire la bagarre. Pourtant, en dehors des salles de sports, elle ne se battait pratiquement jamais, car plutôt solitaire, elle n’avait pas beaucoup d’adversaires. Les garçons se battaient pour elle, mais elle ne se battait jamais pour eux.
Milène avait physiquement un autre don, la beauté. Ses jambes fines et musclées, sa poitrine ferme et avantageuse étaient des atouts incontestables qui auraient fait d’elle un superbe mannequin. Elle avait les mensurations quasiment parfaites. Elle n’était pas grande, un mètre soixante-cinq tout juste, mais sa beauté naturelle, son teint mat et ses yeux bleu clair, faisaient tourner les têtes et briller les yeux des hommes, à chacune de ses apparitions.
Mais rien de tout cela ne l’intéressait. Aucun de ces avenirs si prometteurs ne l’attirait réellement. Elle aimait la bagarre, elle était belle et intrépide, et s’ennuyait profondément, de sa vie sans surprises.
Lorsqu’à presque seize ans, le destin par l’entremise d’un petit homme étrange vint frapper à sa porte, elle fut immédiatement enthousiasmée, par la proposition étonnante qui lui fut faite.
Il lui proposa, non pas de rejoindre l’armée, la police ou encore les hautes sphères de la politique. Ce qu’il lui proposa, comme il la nommait lui-même, c’était de rejoindre l’élite fantôme. Il lui expliqua que certains services, inconnus du grand public, s’avéraient beaucoup plus importants que tout ce que le public en question pouvait imaginer.
Milène pouvait, si c’était son choix, servir la nation, tout en ayant une vie palpitante et pleine d’aventure. Ce n’était pas tant les mots qui la firent presque immédiatement accepter, mais cette éloquence naturelle qu’avait le petit homme. Il brillait dans son regard, il éclatait dans sa gestuelle, son attitude, comme un plaisir indéfinissable à faire ce qu’il faisait. Le petit homme rond était enthousiasmé comme un débutant, presque autant que Milène pouvait l’être à l’écoute de ses paroles.
Il proposa donc à Milène de finir son année scolaire, d’obtenir ou non son diplôme, ce n’était pas important pour eux et de rejoindre une nouvelle école, son école. Elle obtint pour sa propre dignité, son diplôme avec une excellente note, fit ses bagages, embrassa ses parents et se prépara dès l’été, à s’y rendre en septembre.
Cette nouvelle école était, en fait, un établissement très spécial. Bien plus étrange encore que la véritable raison de son existence, c’était sa position reculée. L’école était située dans un petit château de style renaissance, niché sur un promontoire, au beau milieu d’une forêt de la région grenobloise.
L’école « des ombres », comme l’appelaient les élèves et les professeurs, regorgeait de surprises. D’abord parce qu’il n’y avait pas de salles de classe, avec tables et chaises bien rangées. Mais l’école contenait de nombreuses pièces, où des petits groupes semblaient échanger avec leurs professeurs, et non pas travailler, au sens classique du terme.
Ensuite, parce que le site, superbe au demeurant, était très isolé, peut-être même coupé du monde, pendant les mois d’hiver. Enfin parce que l’internat était obligatoire et que chaque élève se devait de rester discret, sur son enseignement et sur le site lui-même.
À son arrivée, Milène fut placée, comme tous les autres, dans un groupe de six élèves, pas plus de six par groupe, c’était la règle pour un bon apprentissage. Ce nombre était petit et ce qui l’était encore plus, c’était le nombre de groupe. Il n’y en avait que cinq, soit trente élèves par année.
Cela confortait Milène, dans la notion d’élitisme qu’avait tenté de lui démontrer le petit homme rond, qui était venu la recruter quelques mois auparavant. Ce petit homme, après l’avoir déposé devant l’entrée du château, avait ensuite disparu de sa vie, ce n’était qu’un recruteur.
Le plus intrigant vint ensuite. Lorsqu’elle en discuta avec son entourage, ses parents, ses rares amis ou ses anciens professeurs, personne ne connaissait l’existence de cette école. Il n’y avait nulle trace, dans les nombreuses archives qu’elle consulta, de l’existence de cet établissement. Milène, qui, pendant ses études, menait parallèlement de petites enquêtes pour le site web du lycée, essaya bien d’en savoir plus par l’entremise d’Internet, et là encore, échoua lamentablement. Elle entrait dans un établissement qui n’existait pas et malgré toutes les questions que déclencha son entourage, toutes les réticences qu’il pouvait y avoir à rester dans un tel lieu, elle n’abandonna pas.
Septembre était donc venu et Milène s’en était allée. Dès son arrivée, elle eut enfin plus de détails, sa curiosité et sa patience étaient récompensées. L’école de l’ombre formait, en fait, toute une élite chargée de défendre les intérêts de la France, auprès de multinationales ou de nations amies. Elle formait également, à faire face aux ennemis de la nation. Deux mots lui vinrent aussitôt à l’esprit « services secrets ».
Milène ne savait pas très bien en quoi consisterait son rôle, mais pour l’instant elle voulait continuer et quoi de mieux que de devenir espionne, pour avoir une vie exaltante.
Mais le chemin était long et parsemé d’embûches pour en arriver là. Il fallait d’abord passer par de nombreuses épreuves, s’entraîner durement et continuellement, en apprendre beaucoup et en très peu de temps. Ce rythme effréné n’était pas pour déplaire à la jeune femme. Milène adorait les challenges et la compétition et nous étions bien là, dans une compétition. Car, dès les premières semaines, les abandons furent nombreux.
L’enseignement, dans l’école des ombres, comptait trois années. Trois premières années, qui n’étaient là que pour éliminer les plus faibles, trier les élèves, trouver leurs vocations, leurs points forts et éprouver leur motivation. Trois années, d’un tremplin vers d’autres formes d’apprentissage. Mais encore fallait-il les accomplir. Pour cela, chaque nouvel arrivant n’était pas laissé à l’abandon. Tout était précis, cadré, étudié, pour qu’il avance au mieux de ses capacités.
La solution adoptée était qu’après six mois d’étude, après élimination des plus faibles, chaque élève de première année était confié aux soins d’un élève, de seconde ou de troisième année. Ce serait, pour les six mois suivants, son seul contact permanent. C’était pour chacun des deux élèves, ancien et nouveau, une première épreuve à passer. Un nouveau test. Aucun choix, pas de possible échange, l’établissement désignait le mentor et son bizut et chacun devait s’en accommoder.