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Thomas Fabre et son épouse Émilie n'aurait jamais pu concevoir que leurs vacances dans le Morvan tourneraient au pire cauchemar ! Caché au fond des bois, un homme assassiné attend qu'on le retrouve... Qui est-il ? Pourquoi est-il là ? Qui est son assassin ? Autant de questions auxquelles Fabien Tarequin, commandant de gendarmerie, va devoir trouver des réponses. Un parcours difficile l'attend qui le mènera bien au delà de l'imaginable !
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Seitenzahl: 256
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Je remercie particulièrement Martial pour son soutien, sa patience et ses conseils avisés dans cette enquête criminelle imaginaire que j'ai menée pour vous, amis lecteurs.
Merci aussi à Nicolas pour avoir partagé avec moi ses connaissances en médecine légale.
Enfin, merci à Patrick qui m'a permis de découvrir et d'aimer sa magnifique région. Ses indications ont été indispensables.
J'ai écrit cette histoire en restant au plus près de la réalité en ce qui concerne l’enquête mais je dois avouer avoir, parfois, pris quelques libertés pour la description des lieux où j'ai fait évoluer mes personnages. Cela n'enlève rien à la beauté du Morvan que j'apprécie tout particulièrement.
PROLOGUE
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
CHAPITRE 25
CHAPITRE 26
CHAPITRE 27
CHAPITRE 28
CHAPITRE 29
CHAPITRE 30
CHAPITRE 31
CHAPITRE 32
CHAPITRE 33
CHAPITRE 34
CHAPITRE 35
CHAPITRE 36
CHAPITRE 37
CHAPITRE 38
CHAPITRE 39
CHAPITRE 40
CHAPITRE 41
CHAPITRE 42
CHAPITRE 43
CHAPITRE 44
CHAPITRE 45
EPILOGUE
Depuis quelques jours, la météo était capricieuse. Le soleil apparaissait ou disparaissait derrière les nuages, au gré de son envie. La Nature s'était figée dans l'attente de la catastrophe imminente annoncée par tous les prévisionnistes.
Tous les villageois s'étaient calfeutrés chez eux, peu enclins à profiter d'une nuit pareille. Il fallait être fou pour oser braver les éléments déchaînés. Oui, être fou ou...très malin !
Et celui-là, qui regardait le ciel si noir, était très intelligent et très, très déterminé !
Cette silhouette immense était-elle celle d'un monstre venu tout droit du purgatoire ?
En tous les cas, celui ou celle qui projetait, une fois son forfait accompli, de profiter du mauvais temps pour prendre la fuite sans se faire remarquer avait tout l'air d'un individu bien mal intentionné.
Ayant planifié toute son opération pour ce jour funeste, il s'était même persuadé que la tempête qui approchait serait son alliée compatissante.
Celle-ci rendrait beaucoup plus difficile la découverte de sa victime dans ce lieu parfaitement approprié et l'enquête qui s'en suivrait serait d'autant plus difficile à mener.
Il avait tout prévu.
Complètement obsédé, l'inconnu bénissait la Nature conciliante, presque complice volontaire de son prochain crime !
Après tout, si Elle était de son côté, c'est que sa cause était juste et que son crime serait parfait.
Oui, mais peut-être pas...
Dans cette jolie région du Morvan, personne ne pouvait se vanter d'avoir connu pareil été. Même Achille Leconte, le garde forestier qui avait passé son existence à arpenter, dans tous les sens, le village de Quarré les Tombes et sa forêt, jurait n'avoir jamais souffert d'un climat aussi chaud de toute sa très longue vie.
- Bon sang de bois, jura-t-il en se grattant la tête d'un doigt squelettique, qu'est-ce qui va nous arriver ?
Le mercure de son thermomètre avait flirté avec les 40 degrés toute la journée et la température caniculaire s'était encore accentuée avec l'arrivée de gros nuages noirs. Ceux-ci avaient envahi le ciel aux alentours de 17h.
Cela ne lui disait rien qui vaille. Tout le monde espérait la pluie mais personne ne voulait du déluge !
Le retraité était pensif.
Avec ce temps, les gens allaient « perdre la boule ». Il le savait d'expérience, la chaleur pouvait rendre fou ou complètement irrationnel.
Son meilleur ami, après avoir passé des heures à désherber sous un soleil de plomb, avait souffert d'une insolation sévère et s'était enfermé dans le congélateur pour se rafraîchir. Le pauvre en était mort...
- Et Marcel était sain d'esprit ! s'exclama le bonhomme. Qu'allaient donc inventer les détraqués cette fois-ci ?
Le silence s'installa autour de lui. Plus un frémissement, plus un chant d'oiseau. La Nature, figée, était dans l'attente...
Survolant du regard le jardin endormi, le vieil homme poussa un soupir. Son épouse avait planté, à la naissance de leur premier enfant, des rosiers de toutes les couleurs qui embaumaient l'air encore aujourd'hui.
Cela faisait huit mois maintenant qu'elle était partie et pas un jour ne passait sans qu'il se souvienne des jours heureux. Maudit cancer ! Sa femme si gentille lui manquait toujours autant.
- Je te rejoindrai bientôt tu sais, murmura-til. Et pourquoi pas cette nuit ?
Un soupçon de sourire s'attarda sur son visage alors qu'une petite larme, se frayant un passage sur sa joue pâle et parcheminée, atteignait discrètement l'encolure de sa chemise.
De fil en aiguille, son esprit s'égara, comme engourdi par les fantômes de sa vie d'avant qu'il invoquait de plus en plus souvent.
Il secoua ses frêles épaules.
Y avait-il eu de bons moments, cette dernière semaine, qui méritaient d'être évoqués pour noyer son chagrin ?
Rien de particulier ne revenait à sa mémoire. Enfin, un détail surgit, lui accordant, enfin, une petite seconde de bien-être.
- Oui c'est ça, s'exclama-t-il content.
Un randonneur l'avait salué de la main tout à l'heure, avant de disparaître dans les bois.
-Ah comment s'appelait-il déjà ?
Cela n'avait, en fait, aucune importance...
Ce sourire échangé avait été son rayon de soleil.
Avec une acuité nouvelle, d'autres images se succédèrent derrière ses paupières fermées : le passage du facteur avec qui il avait bavardé, le traiteur qui lui avait ramené ses courses et sa petite fille qui avait téléphoné. Et aussi ces éclats de voix vers dix neuf heures quand plusieurs véhicules s'étaient garés sur le petit parking jouxtant sa propriété.
Bien sûr qu'il n'avait rien distingué à cause de la végétation très haute entre l'aire de stationnement et son bout de jardin mais il avait prêté l'oreille et entendu discuter plusieurs personnes. Cela l'avait distrait...
A quoi était-il réduit quand même, lui qui ne bougeait pratiquement plus de son fauteuil.
Il écoutait les sons !!! Il imaginait la vie des autres...
Fataliste, Achille avait fini par décider que les vacanciers n'avaient pas de comptes à lui rendre...
Préférant continuer à méditer sur son passé, il les avait oubliés, tout simplement. Cela n'avait plus d'importance...
Un énorme chat gris sauta brusquement sur les genoux du vieil homme qui sursauta.
- Je crois bien avoir somnolé Minou, tu as eu raison de me réveiller. Allez viens, on rentre. Franchement je risque le malaise si on reste là. Je ne me sens vraiment pas bien ce soir. Jetant un oeil sur la montre qu'il portait au poignet (un cadeau de sa fille pour son anniversaire), Achille comprit que le temps s'était arrêté pour lui bien plus que plusieurs minutes. Il était déjà vingt et une heures.
Se levant péniblement de son banc, exténué et nauséeux, le vieux monsieur avança à pas lents vers la porte de sa petite maisonnette.
L’oeil larmoyant, il parvint péniblement à son petit salon et s'installa avec plaisir dans son fauteuil préféré.
Prenant un petit comprimé pour calmer les battements désordonnés de son coeur, il se servit un verre de citronnade glacée. Le calme l'envahit bientôt et, se sentant mieux, il dégusta quelques chocolats, son péché mignon. Enfin, la carafe et une assiette de biscuits à portée de main, le nonagénaire se saisit d'un album de photographies pour le parcourir avec nostalgie. Celui-ci, usé à force d'avoir été manipulé, renfermait sa vie entière. Bientôt, l'attention d'Achille se concentra sur un cliché jauni.
Il y arriva tellement bien que le sommeil le prit par surprise et l’entraîna dans un pays enchanté.
Mais, brusquement, mal à l'aise et suffoquant, le garde forestier releva la tête, émergeant avec peine d'un rêve merveilleux. De grosses gouttes d'eau, frappant la vitre avec acharnement, l'avaient sorti de son apathie bienfaisante. Ouvrant des yeux lourds de fatigue, il ne put distinguer les meubles de sa salle à manger.
L'obscurité avait tout envahi et l'absence du ronronnement rassurant du climatiseur lui confirma que l'air ne circulait pas bien.
Tout était devenu très noir...
- C'est irrespirable, constata-t-il à haute voix s'étonnant que l'atmosphère de sa petite maison si tranquille d'ordinaire soit devenue ainsi oppressante.
Un éclair bleuté troua le ciel d'encre devant la fenêtre et Achille fut abasourdi par son intensité.
Soudain, les lampes, que le vieil homme avait pris soin d'allumer en rentrant, brillèrent et s'éteignirent plusieurs fois pour, enfin, cesser de fonctionner complètement. Mistigri, le chat de gouttière se précipita sous un meuble, miaulant et crachant de peur. Un volet mal fermé se mit à claquer quelque part et une branche d'arbre s'abattit régulièrement sur le toit, provoquant des chocs sourds et lugubres.
- Oh ce n'est pas normal tout ça ! C'est...
Achille ne trouva pas le mot approprié pour exprimer son ressenti.
- Bon sang, j'en ai connu des tempêtes mais celle-là, elle est noire comme l'enfer, gémit le retraité en soupirant avant de se décider à se lever pour constater les dégâts.
Mais le courant revint, lui épargnant de circuler dans le noir.
Achille, tout courbaturé, parlait tout seul, maugréant contre l'averse, l'orage, la nuit et la vieillesse. Il se décida finalement à rejoindre son lit pour s'y reposer plus confortablement.
Heureusement que sa maison était de plein pied, songea-t-il.
Ayant passé l'âge de jouer les fanfarons, le mieux était, pour lui, de rester tranquille, c'était une évidence.
La climatisation se remit en marche et lui apporta un léger soulagement.
- Pas de pyjama aujourd'hui, s'autorisa-t-il.
Encore habillé et bien calé sur ses oreillers, Achille écouta le bruit du vent puissant et les craquements sinistres de la vieille maison. Il s'attendait presque à la voir s'envoler à tout moment.
Posant enfin la main sur le dos rassurant de son petit animal familier maintenant calmé, il somnola...
Le tonnerre le surprit de nouveau et il s'éveilla alors que l'horloge égrenait douze coups !
- Minuit ! constata-t-il, attentif.
Mais cela ne s'arrêtait pas et Achille tressaillit, perplexe, en se redressant dans son lit.
- Ma foi, c'est sûrement la foudre. Non, impossible.
Le vieil homme compta :
- Un, deux... Bon sang, ça, c'est une arme ! C'est sûr ! Des braconniers ? Ah j'y suis. Ce sont encore les frères Boutrouille ! De véritables empêcheurs de tourner en rond ces deux là ! Il n'y a qu'eux pour sortir par une nuit pareille et s'amuser à réveiller les braves gens. Je téléphonerai à la gendarmerie demain matin pour le signaler.
Il écouta :
- Encore deux coups ! Alors là, ils exagèrent. Enfin, il n'entendit plus rien d'autre que le bruit de la pluie.
- Oh, décida-t-il, je deviens trop vieux pour vivre ici tout seul. Qu'est-ce que je pourrais faire contre ces deux là de toutes façons ?
Rien !
Devant ce constat amer, le vieil homme chancela.
- Je crois avoir atteint mon compte de bravoure pour ce soir. Je vais finir par y rester.
Les yeux maintenant fermés, Achille se sentait épuisé.
Il s'écroula sur l'oreiller tellement il se sentait mal et perdit connaissance.
Une minute ou plusieurs heures s'écoulèrent avant qu'il ne reprit conscience. Le corps douloureux , il jeta un oeil à la fenêtre.
Une petite voix dans sa tête lui rappela qu'il n'avait pas fermé sa porte et la frayeur l'envahit tout entier.
Un visage était collé au carreau.
- Mais, je le reconnais, hoqueta-t-il.
La physionomie souriante dont il se rappelait n'avait plus rien à voir avec le méchant rictus qu'il venait de surprendre.
L'ombre disparut et Achille surprit le léger bruit de la porte qui s'ouvrait. Il s'affaissa en arrière incapable d'en supporter davantage !
Son coeur se mit à battre comme un forcené dans sa poitrine et une douleur insoutenable le terrassa.
Quand l'individu s'approcha de lui, Achille n'était déjà plus en état de répondre...
Son ultime pensée avait été de comprendre que, comme il l'avait prédit, le mal rodait bien dans sa forêt...
Souriant, l'inconnu regardait ses mains. Celles-ci ne trembleraient pas. A travers ses gants, ultime protection pour ne laisser aucune empreinte, il les devinait pourtant moites de transpiration.
Dans sa tête, comme un puzzle, s'imbriquaient des faits précis.
Il y avait d'abord eu le repérage du coin puis le choix de ses complices, la capture de sa victime et enfin la frayeur et la soumission de celle-ci.
La chance de trouver ce jeune homme sans morale pour arriver à ses fins était en soi une véritable aubaine. Sa copine l'avait suivie. Ces témoins gênants mais nécessaires qui avaient fait, par ailleurs, du bon boulot feraient partie de la liste des dégâts collatéraux commune à ce genre d'affaire.
Dégâts collatéraux ?
Un nerf contracté dessina une affreuse grimace sur sa lèvre supérieure.
Il y avait eu, dans un autre temps, un autre dégât collatéral et...
Brusquement, comme la boite de Pandore, la porte de sa conscience s'ouvrit et le chagrina une petite seconde. L'air déterminé, affiché depuis des années, se fissura. Devait-il renoncer ?
Non, impossible !
- Bon, la pluie est mon alliée ce soir et la forêt respectera mon secret, se persuada-t-il. Le regard perdu, la silhouette fantomatique se tourna vers le trou qui servait de fenêtre et contempla, sans les voir, les arbres et les broussailles qui entouraient cette maison choisie avec soin.
Faiblement éclairée par des bougies, on pouvait peut-être la distinguer du dehors mais encore aurait-il fallu que quelqu'un ait eu le courage de s'en approcher !
Sa confiance en lui était absolue. Tout était prêt !
Un début de migraine enserra pourtant ses tempes comme l'aurait fait les serres d'un oiseau de proie. De la sueur s'écoula le long de sa colonne vertébrale et son rythme cardiaque s'emballa. Mal à l'aise dans ses vêtements trop chauds et pressé d'en finir, l'abominable personnage balaya ses dernières hésitations d'un geste de la main.
Longiligne, tout vêtu de noir, il ajusta sur son visage un masque grimaçant. L'issue serait fatale au prisonnier et peu importait que celui-ci le vit mais, songeant que cet accoutrement le terroriserait bien davantage, il avait décidé de retarder, le plus possible, l'inévitable face à face.
Se retournant vers son complice, le scélérat lui affirma : - Allez, c'est l'heure...
L'autre comprit immédiatement.
« La cabane de l'ermite » comme on l'appelait par ici, résonna bientôt de cris et de plaintes. Les coups de tonnerre s'alternaient, parfaitement synchronisés, avec les cris de la victime. Cette masure à l'abandon, difficilement accessible, était le témoin impuissant d'une violence inouïe.
C'était une ruine noircie dont le toit et les murs tenaient encore debout par on ne sait quel miracle. Le diable avait du passer par là !
Il y avait à la place de l'unique fenêtre, une bâche déchirée et les quelques planches vermoulues qui tenaient lieu de porte, avaient cédé sans difficulté à un brusque coup d'épaule.
Le lieu était à l'image de l'assassin, un mélange d'horreur et de folie.
La propriété n'étant pas entretenue, l'herbe avait poussé partout. De longues branches d'arbres ployaient vers le sol inégal et des buissons d'épineux avaient envahi chaque mètre-carré disponible. De plus, l’énorme tronc d'arbre qui en bloquait l'accès, à une cinquante de mètre de là, était devenu, en quelques années, le meilleur des gardiens.
Seuls quelques privilégiés avaient osé arpenter le chemin à peine praticable pour investir la cabane. C'était des voyous ou des drogués qui se sentaient invulnérables et audessus des lois. Ils squattaient l'endroit, attendant des jours meilleurs qui n'étaient jamais venus.
Les gens « biens », eux, avaient sciemment évité la fréquentation de ce lieu de perdition car leur réputation en aurait inévitablement souffert.
Aujourd'hui, la tempête ajoutait une touche de noirceur à l'aspect désolé de ce logis insalubre que les oiseaux et les animaux sauvages avaient déserté depuis longtemps.
La forêt elle-même retenait son souffle.
Le malfrat se félicita d'avoir trouvé le coin idéal.
Il l'avait repéré quelques semaines auparavant, lors d'un voyage dans la région afin de finaliser ses plans. Personne n'avait pu deviner que le bus qui venait de déverser dans le village une horde de touristes, transportait aussi quelqu'un ayant de plus sombres desseins que la visite d'une l'église du XVI siècle dont tout le monde louait la beauté.
L'autobus avait fait une pause-déjeuner dans une brasserie en bordure de la forêt et c'est en posant des questions, mine de rien, sur les lieux atypiques des environs qu'il avait fait la connaissance de l'ancien garde forestier attablé devant une bière. Pour une fois, sa compagne de toujours l'avait laissé tranquillement papoter et il en avait bien profité.
Devant les vacanciers séduits par les environs boisés et à l'aise dans ce bar familial, celui-ci avait évoqué pour eux les endroits touristiques à ne pas manquer mais aussi ceux qui étaient à éviter. Il avait, notamment, rappelé la triste réputation d'un lieu-dit au beau milieu des bois.
Les langues se déliant toujours autour d'un bon verre, le vieil homme, passionné par sa région, avait expliqué que des jeunes gens avaient investi une vieille cabane il y avait de ça plusieurs années comme s'ils en étaient les réels propriétaires, en négligeant les règles les plus élémentaires de prudence. Ceux-ci allumaient régulièrement un feu dans la cheminée partiellement détruite et ce qui devait arriver arriva : un soir d'automne, un incendie avait ravagé la bâtisse et chassé de justesse les vauriens qui s'y trouvaient. Deux de ces parasites avaient certainement traîné dehors l'un de leurs copains profondément endormi avant de déguerpir mais celui-ci avait fini par s'asphyxier avant l'arrivée des secours. Un troisième larron, sous l'emprise de substances illicites, avait été retrouvé par la police, nu et complètement hébété, errant autour des ruines en braillant qu'il avait vu le diable dans les flammes rouges qui léchaient les murs.
- Oh, s'étaient exclamés certains, enthousiastes alors que lui avait juste souri. Insistant sur le côté dramatique de l'histoire, l'aubergiste avait ajouté que depuis cette histoire, la majorité des habitants de la région pensait la cabane hantée...
- En effet, avait-il précisé devant un auditoire captivé, certains chasseurs avaient raconté y avoir aperçu des lumières bizarres les soirs de pleine lune et avoir entendu des cris affreux certainement venus tout droit de l'enfer...
Le récit avait pris de l’ampleur au fur et à mesure et lui les avait trouvés complètement idiots de croire de telles inepties.
- Que sont devenus ces jeunes ? avaient alors demandé un adolescent curieux ?
Le vieil homme avait avoué son ignorance. Les délinquants avaient été interrogés puis ils s'étaient volatilisés et la vie avait continué comme avant.
Le garde forestier avait, par ailleurs, insisté sur l'inutilité de visiter un tel endroit.
- Depuis cette soirée catastrophique, personne ne se risque plus de ce côté de la forêt. La végétation a repris possession de cet endroit maudit et aucune voiture ne peut s'en approcher. Vous perdriez votre temps et risqueriez de vous blesser inutilement. N'y allez pas !
- Oh, les autres n'iraient pas ! avait-il songé, mais Lui n'était pas les autres !
D'autres consommateurs s'étaient bientôt joints à la conversation et avaient frissonné d'effroi devant certains détails sans deviner que l'un d'entre eux était plus que fasciné par ce récit morbide.
Il cherchait un lieu tranquille, il l'avait trouvé.
En posant des questions anodines et en s'extasiant sur la beauté des maisons, des paysages et sur la couleur du ciel, il avait discuté avec les habitants du temps trop chaud pour la saison et les avait écoutés se plaindre. Chacun l'avait trouvé avenant et attentif à l'histoire régionale. Ah, comme il avait mystifié tous ces idiots !
Ce souvenir amena un pétillement amusé dans son regard.
- Oh, ils finiraient bien par comprendre mais ce serait trop tardivement et tout serait accompli.
Le bus était reparti avec des touristes excités. Surtout lui qui savait exactement comment procéder pour maintenant atteindre son but. Sa compagne s'était endormie et il avait bien apprécié ces moments de tranquillité.
Effectivement, il était revenu un mois plus tard pour préparer son coup.
Après avoir pris le métro et le train depuis son domicile et loué un véhicule sous un faux nom, il avait gagné Avallon et s'était installé confortablement dans un petit hôtel anonyme.
Une surveillance discrète de sa future victime, violente et narcissique, avait démontré que l'imbécile était régulier comme une horloge dans le déroulement de ses journées, qu'il faisait profil bas tout en essayant de recréer autour de lui un réseau de malfrats mais que son passé le desservait beaucoup.
Il n'avait eu aucun mal à le piéger.
Prudent, préférant passer pour un touriste ordinaire décidé à parcourir les bois à la découverte des fées et autres lutins de légendes, il s'était trouvé un accoutrement imparable : chaussure de randonnée et sac à dos dans lequel se trouvaient, en plus d'une bouteille d'eau, une machette et des outils divers. Ses yeux étaient cachés par des lunettes de soleil et un chapeau enfoncé sur ses oreilles complétait sa tenue de camouflage.
S'étant garé plus d'une fois sur le petit parking à l'orée de la forêt et sur les conseils avisés du vieux Achille, il avait suivi à pied et très souvent, un parcours entouré de haies et de taillis. Il s'était aventuré vers la roche aux Fées, un amas curieux de gros rochers enfouis depuis des millénaires. Il avait vu la roche percée et d'autres lieux-dits afin de brouiller les pistes et de distraire le vieil homme qui aimait l'interroger à chacun de ses retours.
Et puis, enfin, très à l'aise dans le sous-bois, il avait pu aborder le sentier de la fameuse maison abandonnée dont il avait très vite repéré le toit. Cachée par des arbres centenaires, le lieu lui était apparu sombre, sinistre, idéal !
Après avoir passé de nombreuses heures à dégager l'accès piétonnier recouvert de végétation, il se souvenait avoir regagné son hôtel, très content de la progression de son travail et heureux de partager sa joie avec elle.
Personne ne l'ayant interpellé durant toutes ses incursions, il en avait déduit être invincible, réaliste et chanceux.
Puis il s'était grimé (c'est fou ce qu'une paire de lunette, des lentilles de contact et une perruque pouvaient transformer un visage) et s'était rendu dans les villages voisins. Après avoir éclusé plusieurs bars durant une semaine et suivi son instinct, il avait trouvé sans difficulté majeure ceux qui l'aideraient à atteindre son objectif : un abruti et sa copine qui le considéraient maintenant comme un ami de confiance. Ceux-ci fumaient des joints mais n'étaient pas contre goûter à autre chose, surtout le garçon. Lui faire miroiter plusieurs doses gratuites en échange d'un petit service l' avait convaincu que la chance tournait.
Le gars était un rustre. Ayant compris ce qu'il attendait de lui : mettre une raclée à un caïd du coin, l'idiot n'avait même pas envisagé que sa vie à lui ne tiendrait plus qu'à un fil une fois l'affaire conclue.
Tranquillisé par le soutien de ces complices éphémères, c'était devenu un jeu d'enfant de passer à l'acte.
Albert Durock se croyait intouchable, il allait voir en quoi consistait ses certitudes !
Après toutes ces années terribles, agir sans remord et sans peur serait comme une rédemption ! Le destin était en marche, leur destin à tous les deux…
La flamme de plusieurs bougies tremblotait dans la petite pièce. Ce côté surnaturel nullement recherché à l'origine, n'était pas pour lui déplaire. L'éclairage succinct accentuait sa carrure et lui donnait un aspect funèbre, approprié aux circonstances.
- Déjà vingt-trois heures, observa-t-il au cadran lumineux de sa montre.
L'obscurité, dehors, était totale. Des nuages cachaient la lune et les étoiles. Une odeur particulière montait du sol, senteur de décomposition et d'humidité qui prenait à la gorge tel un parfum lourd et entêtant. L'orage, précédé d'une succession brutale d'éclairs bleus, avait fini par éclater, le servant parfaitement dans sa mise en scène macabre. Des trombes d'eau s'étaient déversées sur ce trou perdu et avaient masqué les cris du condamné maintenant évanoui.
Indifférent à la scène qui venait de se dérouler, le malfrat regarda l'homme affalé, semblant presque déjà mort.
Son acolyte avait fait du bon travail. La batte de base-ball sanguinolente en était la preuve.
Celui-ci, d'ailleurs, essayait d'attirer son attention.
- Euh... je peux partir ? demanda-t-il, n'en menant pas large.
Prenant peu à peu conscience de ce qu'il venait de faire, le jeune homme, l'excitation retombée, appréhendait, non sans raison, que ce guet-apens ne l’entraîne lui aussi vers une issue très incertaine ! Surtout qu'il avait dû avouer n'avoir pas retrouvé le téléphone de la victime. Ni dans son manteau, ni sur lui !
- Il est très certainement tombé durant le transport vers la cabane, s'était-il expliqué d'une petite voix.
Cette réaction de gosse après l'explosion de violence dont il avait fait preuve montrait bien à l’assasin que son choix avait été judicieux. Il n'avait rien à craindre lui-même de ce benêt qu'il tenait sous son contrôle. Même contrarié, il s'en était tenu au plan initial.
Tendant les deux petits sachets de poudre blanche promis sans les lâcher complètement, le scélérat s'écria :
- Pars, casse-toi ! Surtout pas un mot à quiconque car si jamais j'apprends que tu m'as trahi, je te tuerai de mes propres mains et ta copine avec !
Le tonnerre retentit alors, comme un rappel à l'ordre. L'adolescent, blême et terrorisé acquiesça pendant que l'autre éclatait d'un rire sonore.
- Je vous jure, on ne dira rien, c'est sûr. Faites-moi confiance...
Les sachets changèrent de mains. Le jeunot recula vers la porte et sans demander son reste, la franchit à toute vitesse. Après avoir glissé dans la boue et s'être relevé tant bien que mal, il fila dans les ténèbres.
- Ha ha ha, c'est ça imbécile, cours rejoindre ton amoureuse et profitez bien du peu de temps qu'il vous reste !
Nul doute ne subsistait dans l'esprit du fanatique que cette drogue de sa composition les ferait planer juste un instant avant de les faire atterrir très brutalement dans les feux de l'abîme ! Aucun de ces deux témoins ne vivrait assez longtemps pour le dénoncer.
Les enquêteurs ne soupçonneraient pas tout de suite les implications de leur disparition et quand bien même, ils auraient un suspect parfait dont les empreintes étaient disséminées un peu partout.
La pluie avait repris et des éclairs trouaient sans cesse le ciel d'encre, s'accordant parfaitement à l'humeur belliqueuse de la canaille qui monologuait. L'air était lourd, chargé d'émanations nauséabondes, de mucus et de sang.
Un gémissement le fit se retourner et il entrevit, sans s'y attarder, le décor glauque qu'il s'était approprié en guise de théâtre privatisé.
Des mégots de cigarettes parsemaient le sol et des verres sales embarrassaient la table dont un des pieds avait été rafistolé. La clarté apportée par les bougies n'était pas très forte mais suffisante pour remarquer, dans un coin, de vieux papiers d'emballages. Quelques vieilles seringues en verre côtoyaient des canettes vides. Un vieux matelas évidé et sale servait de refuge à des cafards hideux.
La crasse était partout.
Des insectes rampants, dérangés dans leurs habitudes, fuyaient maintenant vers des trous creusés dans les lattes branlantes du plancher vermoulu. Deux rats aux yeux vicieux, spectateurs intéressés par la récente scène de torture s'empressèrent de regagner leur cachette qu'ils partageaient avec plusieurs souris et autres animaux répugnants. Ce spectacle à la lueur du jour était parfaitement repoussant. Il l'avait constaté durant son repérage. La nuit, c'était encore pire.
Cette cabane servait certainement encore à l'occasion mais sa surveillance des lieux n'avait, en aucun cas, révélé de présence régulière. Et ce mauvais temps qu'il avait attendu avec tant d'impatience dissuaderait toute visite intempestive ce soir-là. Il n'était pas inquiet.
- Ah, pensa-t-il, sarcastique, la police aura du fil à retordre quand le cadavre sera découvert. Ils seront surpris, écoeurés et comprendront difficilement le pourquoi de cette mascarade.
Curieusement, cette idée lui plaisait beaucoup.
- Je suis le meilleur, soliloqua-t-il.
Beaucoup d'indices, il y avait veillé, perturberaient les forces de l'ordre dans leurs recherches. Et quand, enfin, ceux-ci verraient de quoi il retournait, alors lui, et cela depuis longtemps, serait hors d'atteinte !
Un cri interrompit sa réflexion morbide.
L'homme qu'il avait pris soin de faire entraver sur une chaise, par son complice, reprenait connaissance.
Émergeant peu à peu de ce qu'il pensait être un cauchemar, sa victime couinait doucement.
- Merde... qu'est-ce...qui m'est arrivé ?
- Ainsi, vous êtes réveillé ! observa la silhouette impassible au-dessus de lui.
Mais le supplicié ne réagissait pas.
- Non, pas encore totalement je crois, reprit la voix. Voilà qui va vous y aider !
La victime reçut une gifle magistrale qui lui décrocha la mâchoire. Puis, son bourreau dirigea vers lui, la lumière aveuglante d'une puissante lampe torche. Secouant la tête sous la douleur, il vit des étoiles lumineuses se mettre à danser sur sa rétine.
C'était effroyable et le prisonnier réprima à grand peine l'écoeurement qui le menaçait. Réfléchissant à toute vitesse, il essaya de se souvenir d'un détail, un tout petit détail qui l'aurait renseigné sur son tourmenteur.
« Punaise », qu'avait-il fait pour mériter un tel sort ?
Le goût métallique du sang emplissait sa bouche. Ses yeux peinaient à s'ouvrir et un mal de crâne épouvantable menaçait de le rendre fou. Pourtant, il appelait de ses voeux le néant bienfaiteur afin de pouvoir échapper à cette agonie qui le rongeait.
En fait, il souffrait de partout ! Son dos était au supplice et ses épaules étaient en compote ! Il respirait difficilement et pensait bien avoir des côtes brisées. Ressentant sur sa joue un déchirement cuisant, l'homme se souvînt de la cire brûlante que l'un des deux cinglés avait fait couler au-dessus de son visage.
- Misère, murmura-t-il épouvanté. Il s'en était fallu « moins une » pour qu'il perde un oeil !
Ce grand gaillard, d'habitude si arrogant, était complètement terrifié.
Son tortionnaire dirigea alors la lumière vers la partie basse de son propre visage masqué.
L'affolement de sa victime augmenta encore d'un cran devant cette apparition de croquemitaine noir et grimaçant.
Ne plus penser, ne plus sentir, ne plus penser...
Le malheureux tenta de fermer son esprit à cet environnement cauchemardesque en inventant une litanie qui n'eut aucun effet.
Il avait peur, il avait enduré l'intolérable et il perdait le compte de tout ce qu'il avait subi. D'ailleurs, où était-il ? Pourquoi était-il entouré de toutes ces bougies qui se consumaient autour de lui en dégageant une odeur infecte. Et ce bruit infernal qui raisonnait au-dessus de sa tête accentuant sa migraine, qu'est-ce que c'était ? Allait-il être la victime d'une messe noire ou pire encore ? Enfin, brusquement, il se souvint...
La fille, le garçon, son impression de vertige, cette eau fraîche qu'il avait bu au goulot puis la voiture et enfin la forêt, la petite marche au milieu des arbres et ce déchirement ressenti derrière la nuque après avoir franchi le seuil de la cabane !
Sa présence ici devenait de plus en plus difficile à concevoir. Allait-on l'y abandonner ?
Il allait mourir là, comprit-il enfin. C'était devenue une certitude même pour son esprit embrumé.