Nawgëlsky - Tome 1 - Joséphine Chouvet - E-Book

Nawgëlsky - Tome 1 E-Book

Joséphine Chouvet

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Beschreibung

Quelques jours après son vingtième anniversaire, le jeune Bosco est propulsé dans un univers où se mêlent magie et enchantement. Il découvre rapidement que cette dimension est menacée par l’Ennemi, un être de terreur qui tente de s’emparer du pouvoir. Grâce à une vieille légende, Bosco apprend qu’il fait partie des seuls êtres à pouvoir le vaincre. Parviendra-t-il à sauver un monde dont il ne sait rien ? Pourra-t-il déjouer les embûches de l’Ennemi et accomplir son destin ?


À PROPOS DE L'AUTEURE


Le rêve de Joséphine Chouvet a toujours été de voyager aux côtés des héros qu’elle a connus au fil de ses lectures afin de partager leurs aventures. Avec Nawgëlsky – Tome I – La légende de la Cinq Espéry, elle vit pleinement cette passion qu’elle nourrit depuis longtemps.

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Seitenzahl: 284

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Joséphine Chouvet

Nawgëlsky

Tome I

La légende de la Cinq Espéry

Roman

© Lys Bleu Éditions – Joséphine Chouvet

ISBN : 979-10-377-5575-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Fleur,

À mes amies que j’ai tant aimées,

À tous ceux que ce livre pourra faire rêver.

Prologue

La Cinq Espéry

Une brume épaisse recouvrait la terre aride, ne laissant aucun rayon illuminer le sol. Des arbrisseaux morts tombaient en poussière, couchés en travers de la route. La terre était sèche et craquelée. Des flaques d’eau trouble ondulaient ici et là, sans ordre apparent. Les seuls volatiles qu’on parvenait à apercevoir de temps en temps étaient noirs et poussaient des cris stridents. Aussi loin que portait le regard, le même paysage s’étendait, semblant ne plus finir. Le lieu aurait pu être inhabité.

Et pourtant, les cailloux se mirent à trembler à l’approche d’un pas martelant le sol. Un cheval immense galopait plus vite que le vent. Il était noir et l’on distinguait sur ses côtés de grandes ailes repliées contre ses flancs. Ses yeux étaient jaune d’or. L’étrange monture portait un être sur son dos : celui-ci arborait un long manteau des pieds à la tête. Mais la vitesse de la course retira la capuche qui masquait ses traits.

L’être avait la peau verte, des yeux magenta et des cornes ivoire de part et d’autre de sa tête qui lui donnaient un air effrayant. On devinait ses crocs pointus sous ses lèvres charnues. Une cicatrice courait sur sa face, lui barrant l’œil droit.

Bête et cavalier ne se souciaient pas de l’ambiance qui les entourait. Ils filaient sans s’arrêter. La bave écumante coulait entre les babines du destrier. Soudain, il déploya ses ailes qui se révélèrent semblables à celles de chauve-souris et prit son envol.

***

Un gigantesque château se dressait. Certaines de ses constructions étaient en ruines, le reste paraissait avoir été rénové. Une multitude de tours en pierre grise défiaient de leur hauteur le ciel voilé. Le temps avait noirci les murs. Des douves phénoménales constituaient une solide protection contre tout être indésirable. Des soldats patrouillaient, l’armure les couvrant tellement qu’on ne distinguait même plus leurs yeux.

Le cavalier arrivait. Son cheval atterrit et continua sur quelque distance sa course terrestre, avant de s’arrêter enfin devant les douves profondes, attendant qu’on le laisse passer. Les soldats l’ignorèrent. L’être à la peau verte ferma les yeux et prononça à voix basse quelques paroles inaudibles. Le pont-levis s’abaissa alors en grinçant et se posa dans un bruit sourd de l’autre côté des douves, devant le coursier. Le cavalier pénétra en trombe sur le pont-levis et dans le château. Après avoir passé une multitude de grilles qu’on avait levées devant lui, il entra dans une vaste cour. Un Humain, petit de taille, s’approcha et prit parti de s’occuper de la bête essoufflée du voyageur. Puis un autre personnage, haut et large de stature et tout semblable au nouvel arrivant, s’approcha de lui et il murmura :

« Le Maître t’attend. »

Les deux êtres s’engagèrent dans un long corridor. Rien que de la pierre. Au sol, au mur, au plafond, nul endroit où se posait le regard n’était autre que de la pierre. Une pierre gris terne. La couleur semblait avoir été bannie de cet univers. Après avoir traversé maints couloirs, escaliers, salles, tours, ils arrivèrent devant une imposante porte en bois magnifiquement sculptée mais représentant des scènes de guerre, de désastre, de sang, de terreur. La porte, tirée de l’intérieur, s’ouvrit lentement et les laissa entrer.

Cette salle était remplie de convives silencieux. Certains avaient la peau verte comme les nouveaux arrivants ; d’autres étaient petits et étaient d’un gris tel qu’ils auraient été invisibles si personne ne s’était tenu derrière eux ; une multitude d’êtres étranges se tenaient dans la foule semblablement. Un long tapis brun entouré de soldats armés jusqu’aux dents était déroulé au centre de la longue salle et courait jusqu’à un endroit surélevé où trônait un siège. Un personnage s’y tenait assis, appuyé sur les accoudoirs noirs.

L’être semblait ne pas avoir de corps palpable. Juste du brouillard opaque recouvert par une pèlerine plus noire que les ténèbres.

Lorsque les deux personnages parvinrent devant lui, ils mirent un genou à terre et gardèrent la tête baissée longtemps, dans un silence de mort. Puis une voix inhumaine, émise par l’être terrifiant de brume, semblant sortir des entrailles les plus sombres de l’histoire, leur ordonna :

« Relevez-vous. »

Les intéressés se redressèrent de concert. La voix reprit, gloussant :

« Glorc, mon fidèle Zorbag. Tu es revenu, dit-il au voyageur.

— Oui, Sire. Votre Majesté peut compter sur moi, répondit ledit Glorc. »

Le roi émit un gargouillement et aussitôt, une bulle les recouvrit, lui et son interlocuteur. À l’extérieur de cette bulle, personne n’entendait la conversation.

« J’espère pour toi, car je vais t’envoyer en mission de la plus haute importance. »

Glorc ravala sa salive. Il fallait qu’il réussisse cette mission à tout prix ou il n’en avait plus pour longtemps à vivre encore. Sans s’en soucier, l’autre reprit.

« As-tu déjà ouï l’histoire de la Cinq Espéry ?

— Oui, Sire. Cette vieille légende qui n’existe pas. Vous n’avez pas à vous en souci…

— JE NE T’AI PAS DEMANDÉ TON AVIS ! cracha le roi. »

Glorc eut un infime sursaut en arrière. Il était allé trop loin. Aussitôt, son interlocuteur se détendit, ses épaules, dont le contour était dessiné par la cape, se détendirent.

« Tu l’as déjà entendue ?

— Oui.

— Quelle est-elle ? »

Glorc poussa un soupir exaspéré mais s’exécuta :

« Il y a longtemps, cinq généraux des armées ennemies vous ont battu et humilié à Lonngabel. Ils vous ont repoussé jusqu’ici, vous condamnant à une vie de misère, sachant pourtant bien que vous reprendriez des forces pour attaquer de nouveau : ils ne pouvaient pas faire plus. Leurs cinq descendants pourraient, selon la légende, vous anéantir définitivement. Mais…

— Parfait. C’est tout ce que je te demande et rien de plus. Gare à toi. Vois-tu, cette “vieille légende”, comme tu l’appelles, existe bel et bien, aussi vraie que tes deux cornes sur ta tête, stupide Zorbag. Vous avez beau être effrayants avec vos cornes et votre peau verte, la force de ton peuple a beau être sans égale, vous ne suffirez pas à annuler cette légende, encore moins à la contrer. La bataille de Lonngabel m’a ruiné. Mais je suis prêt à reprendre le contrôle du monde et tout sera à moi.

— Les Zorbags vous seront toujours fidèles.

— Pourquoi le seraient-ils ? »

La question désarçonna complètement Glorc. Il y a très longtemps, le roi immortel qui se tenait en face de lui avait passé un accord avec les Zorbags, le peuple de Glorc. Le roi leur avait juré, en échange de leur fidélité, de leur donner une partie des territoires qu’ils obtiendraient après leur victoire. Pourquoi le roi remettait-il en question cet accord ? Pourrait-il les trahir ? Malheureusement, c’était possible et si c’était le cas, ils ne pouvaient pas renoncer à leur fidélité jurée : le roi les anéantirait. Il était beaucoup trop puissant. Il avait besoin d’aide, certes, pour conquérir un monde entier mais détruire certains peuples lui était d’autant plus facile que de lever le petit doigt. La peur clouait les Zorbags sur place. Glorc ravala sa salive et sa fierté. Le roi reprit la parole :

« Revenons à ce que nous disions. Le temps de l’accomplissement de la légende approche et bientôt les cinq descendants de ces généraux se lèveront contre moi. Je veux que vous les accueilliez. Ils seront un petit divertissement avant la bataille que nous allons mener. Aucun prisonnier. Ai-je été clair ?

— Ou… oui, Votre Splendeur. »

La bulle s’estompa, les rendant audibles aux personnages qui patientaient tant bien que mal.

Le roi remonta sur son trône et éclata d’un rire lugubre.

« Et bientôt, le monde et sa Terreur seront à moi ! »

Chapitre 1

L’homme et le loup

C’était la nuit noire dans la forêt, mais Walsckhum ne s’en était pas aperçu. Même le jour il y faisait noir comme dans un four.

Il avançait prudemment dans ce silence inquiétant, sursautant à chaque brindille qu’il faisait craquer sous ses sabots de bois. Il frissonna.

La chemise toute déchirée ne devait pas lui offrir beaucoup de chaleur, pas plus que son pantalon qui était fait de feuilles adroitement superposées entre elles. Celui de départ avait dû subir un sort plus grave que celui de la chemise… Et les pieds nus dans les sabots auraient sans doute avancé plus vite s’ils n’étaient pas ralentis par ce bois taillé qu’on appelait injustement « chaussures ». Si elles étaient là, c’était simplement pour protéger Walsckhum de quelques serpents ou autres bestioles indésirables.

Mais ce n’était pas de froid que Walsckhum avait frissonné. C’était de peur.

Pourtant, il en fallait beaucoup pour ébranler le courage de ce garçon.

Ses larges épaules avaient dû dégager le chemin des branches plus d’une fois. Les grands yeux bleu clair, s’il n’avait pas été en cet endroit à cet instant, auraient pétillé de détermination comme on en retrouve rarement. Un nez légèrement pointu accompagnait en un parfait accord les lèvres charnues du jeune homme. Ses cheveux châtain foncé retombaient en boucles brunes sur sa face d’un ovale parfait.

Il s’était arrêté et regardait droit devant lui.

Deux yeux jaunes semblaient défier ses bras puissants. Si on s’habituait à l’obscurité, on aurait distingué des crocs acérés qui auraient brillé au clair de lune mais celui-ci n’était pas assez puissant pour percer l’épais feuillage de la forêt.

Cette dernière se nommait Envaya mais dans sa partie nord, réputées étaient ces créatures dangereuses et inconnues. Cette partie de la forêt était d’ailleurs à juste titre surnommée la « Forêt Noire ».

Lentement, Walsckhum saisit un long et maigre bâton qui ne devait pas servir à grand-chose, sinon à effrayer son adversaire qui d’ailleurs semblait amusé plus qu’autre chose. Il se mit en position d’attaque.

Walsckhum se mit à paniquer, réfléchit à toute allure. Il choisit la retraite plus que l’affrontement. Il n’avait pas assez de force pour une telle chose. Il aligna ses longues jambes en un pas rapide et cadencé. Il aurait volontiers voulu courir mais ses forces et ses souliers de fortune ne le lui permettaient pas.

Le loup, car c’en était un, marchait deux pas derrière celui qu’il avait choisi comme victime.

Walsckhum pleurait. Des larmes lui léchaient les joues pour venir arroser la terre meuble. Des larmes de rage, de colère, de peur… d’impuissance aussi. Comme pour répondre à l’appel de ses pleurs, la pluie se mit à tomber avec une violence inouïe. On en voyait rarement de telles au-dehors de la Forêt, mais Walsckhum était habitué. Cela faisait un an qu’il errait dans cet horrible territoire, il en avait vu des pires.

Néanmoins, cela sembla calmer la peur et l’instinct de survie du garçon. Trempé par le mélange de ses pleurs et de la pluie battante, il empoigna son bâton. Si ses forces l’avaient totalement abandonné, sa volonté seule le faisait tenir debout.

D’un geste désespéré, il envoya valdinguer, l’une après l’autre, ses chaussures de fortune. Aucune n’atteignit le loup qui semblait goûter le doux instant de la situation. Sa fourrure emmêlée par la fureur du ciel lui donnait un air plus effrayant encore. Walsckhum ralentit son allure et se mit à marcher normalement. Il atteignit finalement une minuscule clairière, si petite que c’est à peine si le loup pouvait s’y tenir tout entier à côté de sa victime. C’était plus un trou dans le feuillage qu’autre chose. Malgré cela, la lune jeta son éclat sur ce pelage meurtrier.

La bête était immense. Elle mesurait à peu près un mètre cinquante au garrot et ses crocs aiguisés étincelèrent sous l’éclat de l’astre.

La mâchoire serrée de la sensation d’impuissance, Walsckhum saisit son bâton et se mit en position de défense. Il n’avait pas besoin de voir que le loup perdait patience, comme un réservoir qui se vide lentement. Puis soudain, sans prévenir, l’animal disparut.

Walsckhum souffla. Il tomba à genoux sur la terre trempée, mais un grondement lui fit relever la tête. Le loup s’était juste déplacé et se tenait sur un rocher surélevé, pour être plus à l’aise. Il se tenait en position d’attaque, prêt à bondir. Walsckhum n’eut pas le temps de réagir. D’un saut formidable, le loup se jeta sur sa proie. Il y eut un hurlement de terreur, puis, plus rien.

Le silence recouvrit peu à peu le feuillage obscur, portant la douleur d’un nouveau deuil.

Chapitre 2

B 256

« Plus vite, Dralsing ! Plus vite ! »

Le cheval rejeta la tête en arrière, hennit puissamment et accéléra à une vitesse telle que son cavalier ne distinguait plus les arbres qui se trouvaient de part et d’autre de sa monture. Il pouvait juste apercevoir, à une distance de quatre-vingts mètres environ à sa droite, un épais filet bleu. C’était un fleuve.

La vitesse avec laquelle le personnage évoluait ne faisait qu’accentuer le froid des rafales fraîches du soir.

« Bien Dralsing ! Continue ! » lança pourtant le jeune homme à son destrier. Ils continuèrent ainsi leur course, remontant en sens inverse le cours de l’eau.

Ils arrêtèrent leur folle chevauchée dans une vaste clairière. Le cavalier mit pied à terre devant une petite hutte dont le toit était fait de chaume. De ce toit dépassait un conduit de cheminée, d’où il ne sortait aucune fumée. À gauche de la maison se trouvaient deux petites écuries. Et à droite de la même hutte se trouvait un puits alimenté par le fleuve.

« C’est bien mon grand », murmura le cavalier à l’oreille de son cheval. Il conduisit sa monture dans le box de droite. Celui de gauche était vide. Le jeune homme s’assura que son cheval avait tout ce qu’il lui fallait. Puis il entra dans la hutte.

L’intérieur était composé d’une unique pièce. Deux lits, une armoire, un placard, une table, une cheminée, deux tabourets meublaient cette salle à vivre. Les habitants se lavaient dans le fleuve. Deux petites fenêtres faisaient entrer la lumière du dehors.

Le cavalier retira sa cape couleur taupe et l’accrocha au porte-manteau. Le jeune homme était châtain clair. Ses yeux vert saphir brillaient de malice. Il se saisit des légumes posés dans un coin de la pièce et remplit rapidement une belle marmite. Bientôt, se dégagea de la petite maisonnée une délicieuse odeur de soupe.

Soudain, on frappa à la porte :

« Famir ! »

Le jeune homme se leva et alla regarder par le petit trou en haut de la porte d’entrée qui tenait lieu d’œil-de-bœuf. Dehors, une jeune fille attendait, souriante. Il ouvrit la porte. La jeune fille entra.

Elle était très belle. Elle avait des cheveux châtain foncé dont les deux mèches de devant étaient retenues derrière sa tête par un fin ruban vert mousse, de la même couleur que sa cape. Elle possédait les mêmes yeux verts que le jeune homme. Une robe rouge brique l’habillait jusqu’aux chevilles. Elle posa sa cape sur le porte-manteau, à côté de celle du jeune homme.

« Bonsoir Elëa ! Tu as passé une bonne journée ?

— Bonsoir Famir ! Ma journée a été quelque peu fatigante. Bah, tu sais, les journées au marché n’ont rien de très reposant. Vendre les deux sangliers a été une tâche plutôt ardue. Mais bon, on s’en sort quand même. Et toi ?

— Oh, moi ? J’ai eu une journée habituelle, à s’ennuyer à la maison. »

Elle alla s’allonger sur l’un des deux lits et posa sa sacoche par terre. Elle ferma les yeux longuement. Famir la regarda avec tendresse. Sa sœur jumelle avait toujours été là pour lui depuis la mort de leurs parents. Il était prêt à tout faire pour elle. Elle se redressa et le regarda droit dans les yeux.

« Tu me prends pour une idiote ? Je sais très bien que tu es sorti aujourd’hui ! Ta journée soi-disant tranquille à la maison n’existe pas ! Je le sais très bien ! Ta cape est pleine de boue ! »

Famir leva un sourcil interrogateur. Son cœur battait la chamade et il n’en voulait rien laisser paraître. Savait-elle donc tout ? De ses escapades ? De ses mensonges ?

« Je l’ai lavée hier. Pendant que tu es allé nettoyer l’écurie. La boue ne se colle pas sur une cape qui reste bien au chaud ! Tu es sorti aujourd’hui ! »

Famir regarda Elëa. Il soupira. Jamais il n’aurait cru que des détails aussi infimes puissent lui sauter aux yeux ainsi. Il se trahissait lui-même.

« Et de plus, continua-t-elle, Dralsing est censé rester à l’écurie. Si c’était le cas, il n’aurait pas les jambes aussi musclées. Elles sont aussi musclées que celles de Comète ! Ce n’est pas normal ! Le jour où tu l’as recueilli, on avait convenu qu’il reste ici ! Et depuis la mort de Père et de Mère, on avait aussi convenu qu’on resterait un jour sur deux, chacun à notre tour, à la maison pour veiller sur elle. C’est tout ce qui nous reste des parents, c’est tout ce qui reste de notre enfance. Avec les temps qui courent, c’est plus prudent. Pourquoi est-ce que tu sors ? Pourquoi ? Tu te fous donc de tout, de ce qu’on dit, de ton père, de ta mère, des chevaux, de ta sœur jumelle ? Le jour où tu reviendras après ta petite escapade et que la maison sera en feu, tu feras quoi ? »

Elëa s’était brusquement enflammée et elle lui envoyait telle une gifle des paroles douloureuses et Famir ne savait que dire pour sa défense. Il savait qu’il avait tort, mais il détestait se faire ainsi rabrouer comme un petit enfant. Elëa étai rouge de s’être tant échauffée. Elle se tut. Famir s’inquiéta beaucoup. Il ne fallait pas qu’elle sache. Pas ça. Il se mit à espérer profondément qu’elle ne devinât pas ce qu’il faisait.

« Je ne me fous pas de tout et je ne me fous pas de père et de mère ! Tu n’as pas le droit de me dire ça ! Personne n’a jamais attaqué la maison ! Qui viendrait mettre le feu à Envaya ! La partie sud-est tout habitée ! Pour quoi faire ? Hein ? Réponds-moi ! Tu ne sais pas ce que je ressens. Tu ne connais pas aussi bien ma vie que moi je ne la connais. Tu ne sais rien de moi ! »

Il fulminait. Il s’était lui aussi laissé emporter. Avant qu’Elëa ait pu le retenir, il enfila sa cape et s’élança au-dehors pour aller vers Dralsing. Il harnacha sa monture avec des gestes très rapides, sans doute mille fois répétés. Au moment où sa sœur pénétrait dans l’écurie, il avait déjà disparu.

Famir se mit à pleurer. Il ne pouvait pas laisser sa sœur dire qu’il ne pensait pas à ses parents. Il se souvint de ce jour, où, avec Elëa après une journée où ils avaient beaucoup ri, ils avaient attendu leurs parents. Au bout de trois jours, ils s’étaient sérieusement mis à trouver le temps long. Une amie de leur mère était venue leur dire qu’ils ne reviendraient plus jamais. Toute sa rage et sa tristesse contenues depuis toutes ces années ressortaient. Ses larmes coulaient sur ses joues jusqu’à venir perler sur son menton. Il goûta la saveur de quelques-unes quand celles-ci déviaient leur trajectoire pour pénétrer entre ses lèvres.

Le vent lui fouettait le visage. Sous ce souffle puissant et bercé par le galop régulier de Dralsing, Famir se calma et ses larmes disparurent. Il avait laissé son destrier le mener où bon il lui semblait. Après avoir observé autour de lui, Famir comprit que son cheval l’emmenait vers le marché. Il se laissa faire.

Arrivé au marché sur la place principale d’un petit village, Famir attacha son cheval à une barre prévue à cet usage, où d’autres bêtes buvaient avidement. Les marchands commençaient à ranger leurs étalages. Derrière lui, le jeune homme entendit deux voix d’hommes discuter :

« Ah, j’suis bien content ! La somme qu’j’ai eue, tu t’en doutes pas, hein ? Une fortune en un seul jour, c’est beaucoup, et tout ça grâce à mon beau sanglier. Maint’nant qu’ils s’font rares…

— Ouais, on en voit de moins en moins. Ils partent comme des petits pains, à une vitesse fulgurante. Faut être les premiers à arriver pour en avoir un… »

Famir n’en écouta pas plus long. C’était la première fois qu’il détectait un mensonge chez sa sœur. Il n’avait pas eu de mal à comprendre ; les sangliers étaient pratiquement introuvables. Avec deux sangliers, Elëa avait dû les vendre en un rien de temps ! Et le reste de la journée, elle avait sans doute fait autre chose, certainement pas une paisible journée au marché !

« Famir ! »

Une voix familière l’interpella. Il se retourna et aperçut sa sœur sur Comète.

Ils étaient tous les deux d’accord, ils allaient devoir s’expliquer.

Arrivés à leur chaumière, ils ouvrirent la porte de leur habitation. Le feu dans la cheminée illuminait l’intérieur. Ils s’installèrent autour de la table, sans un mot. Famir servit le bouillon. C’est Elëa qui rompit le silence :

« Tu fais quoi pendant ta journée, si tu ne restes pas à la maison ?

— Les dames d’abord. »

Elëa soupira. C’était la première fois de toute sa vie que son frère était galant, et ce n’était pas pour la bonne cause.

« Euh… Tu sais ce qui se passe en ce moment, au Conralbor ? »

Famir hocha la tête. Elëa poursuivit, embarrassée :

« Eh bien… Tu sais que l’Ennemi cherche des espions ?

— Oui.

— Sans réfléchir, je me suis engagée à son service. Et je suis à sa disposition le reste de la journée. Mon nom d’espion est B256. Voilà. Et toi ? »

Elëa fut très étonnée en entendant :

« Pareil. Je suis A158. »

Elle leva les yeux vers son frère, ahurie. Elle n’aurait jamais pensé que Famir avait eu la même stupide idée qu’elle. Elle continua :

« Tu sais, dans deux jours, on sort de nos dix-neuf ans. Maman disait que chez les Humains, les dix-huit ans, ils appellent cet âge “l’âge majeur”. C’est un âge où ils sont considérés comme adultes, comme personnes capables de faire leur vie raisonnablement. J’y ai bien réfléchi, j’arrête d’être son espionne. C’est ma décision de ce que les gens du peuple de Maman appellent “majeur”. Je veux le faire avant d’avoir dix-neuf ans.

— Tu sais quel sort l’Ennemi réserve à ceux qui abandonnent leur poste ?

— Oui, j’en suis bien consciente. Mais je ne peux pas continuer à faire ça. C’est certain, rien n’est perdu. Je suis persuadée qu’il faut chercher à reconstituer la légende de la Cinq Espéry.

— Euh… C’est pas pour te vexer, mais je trouve ton idée un peu… ridicule : ils ne seraient pas assez forts pour le vaincre.

— En tout cas, c’est ma décision à moi. Je quitte mon poste, et je lui résiste. De plus, je sais que je ne suis pas la seule à penser ça. Et toi, que vas-tu faire ?

— Moi, je dois réfléchir. »

Il se leva, se dirigea vers la porte.

Elëa le laissa faire. À chaque fois qu’il devait prendre une décision importante, il allait dans une clairière non loin de leur maison. Il prit une lanterne, car la nuit était presque complètement tombée, dehors. Il monta sur Dralsing, et s’en alla dans la nuit noire.

Mais au lieu d’aller dans une clairière, comme l’avait supposé sa sœur, il longeait le bord du fleuve. Il connaissait déjà sa décision. Il repensa à tout ce que lui avait dit sa sœur.

Ainsi, elle était B256 ! B256, B256… Ce serait terrible pour elle si quelqu’un la dénonçait, elle serait punie d’une mort atroce. Il préférait ne pas y penser. Il accéléra sa monture pour pouvoir agir avant de changer d’avis. Ce qu’il allait faire lui déchirerait le cœur, mais il tenait à sa propre vie.

Au bout de dix minutes, il arriva devant un pont de pierre qui enjambait le cours d’eau. Il s’y engagea. De l’autre côté, il attacha son cheval à une branche, et il siffla, deux doigts dans la bouche, trois petits coups répétés. Puis il attendit.

Au départ, seul le silence de la nuit répondit à son appel.

Enfin, lentement, des bruits de pas très discrets et lointains purent se distinguer. Ils se rapprochèrent. Et enfin, voici qu’une hideuse créature surgit d’entre les arbres. Famir la regarda sans peur. Ce n’était pas la première fois qu’il en voyait une.

« Bonsoir » dit-il tout simplement.

La créature lui répondit, d’une voix rauque :

« Je m’appelle M984, le Zorbag. Et vous ?

— Je suis A158. Je suis un Alzibur.

— Pourquoi me déranger à cette heure ? »

Famir repensa à B256, à sa sœur. Il laissa de côté son rôle de frère pour prendre celui d’espion, ferma les yeux et prononça dans un souffle :

« C’est juste pour vous avertir que B256 a l’intention de démissionner. »

Chapitre 3

La belle Allemagne

« Ah ! On est arrivé ! L’hôtel Der Fuerstenhof ! Bienvenue, tout le monde ! »

La façade de l’hôtel était magnifique. Elle était toute blanche, et, si on ne prenait pas en compte les chambres qui se trouvaient dans le toit, on voyait trois étages.

Ils y entrèrent. Le guichet les accueillit fort bien, en demandant à quels noms ils avaient réservé. Un grand jeune homme, aux cheveux noir de jais et aux yeux marrons, Thomas, les informa sur leurs noms, en indiquant bien que la chambre qu’ils avaient réservée comportait normalement quatre lits. Le monsieur leur assura que ces précautions avaient bien été prises. On leur confia la clé de la chambre numéro 229, au troisième étage.

« Bosco ?

— Oui, Tom ?

— Peux-tu installer nos affaires dans cette chambre pendant que nous payons ?

— Bien sûr ! »

Bosco était un jeune homme amical au teint mat, aux cheveux châtains et aux yeux bruns qui rendaient son regard profond. Il prit les affaires de tous les voyageurs du groupe, prit les clés et monta dans l’ascenseur. Arrivé au bon étage, il chercha la chambre correspondante, qu’il ouvrit. Il posa toutes les valises derrière la porte toute peinte de vert.

La chambre était très charmante à son goût. Un parquet sur lequel il était agréable de marcher tapissait le sol. Quatre lits soigneusement préparés se trouvaient contre les murs de la chambre et à côté de chaque lit, se trouvait un placard. Sur le mur du fond, dans lequel se découpaient deux grandes fenêtres, il y avait une petite commode. Dessus, on voyait, posée, une boîte en forme de pavé, en verre. Sur la face du fond était accrochée une boussole. Une porte se trouvait tout au fond de la chambre et, en l’ouvrant, Bosco y vit une magnifique salle de bain, dont des carreaux couleur ivoire couvraient le mur, et des mosaïques qui alternaient la couleur beige et le rouge rubis, sur le sol. À travers l’une des deux fenêtres, Bosco contemplait le soleil couchant. Les rayons de l’astre venaient rayonner jusque dans la chambre.

Il repensait aux évènements de cette journée qui était celle du lendemain de son anniversaire de vingt ans : ses amis et lui avaient organisé de longue date cette petite semaine vacancière, dans le but de se retrouver pour un long moment sans trop être préoccupé par leur travail. Si ce voyage était un prétexte pour fêter son anniversaire, c’était surtout un petit cadeau qu’ils s’offraient à tous les quatre, lui, Stanislas, Xavier et Thomas. Ils rêvaient depuis longtemps à ce petit moment privilégié entre eux.

Soudain, il fronça les sourcils ; il avait un pressentiment étrange. Comme si quelque chose dans cette chambre n’allait pas. Il regarda à nouveau la boussole, et s’aperçut que son aiguille se dirigeait du côté du soleil couchant, c’est-à-dire le côté ouest. Bosco vérifia avec sa propre boussole, dont l’aiguille n’indiquait pas la même direction. Ses amis entraient dans la chambre alors que Bosco comparait encore les deux boussoles.

« Coucou Bosco ! Une lettre est déjà arrivée. Elle est pour toi ! »

Bosco ouvrit proprement l’enveloppe. À l’intérieur se trouvait une carte. Voici le texte qu’elle contenait :

« Mon cher Bosco,

Joyeux anniversaire encore une fois ! Je n’arrive pas à croire que tu aies vingt ans !

J’espère que votre voyage s’est bien passé. Si j’ai bien compris, tes amis et toi êtes allés à Kempten, dans l’hôtel Der Fuerstenhof, je crois ? J’aurais bien aimé vous accompagner ! Pour mes études, j’étais moi aussi partie pendant six mois dans le sud de l’Allemagne. Je crois que j’ai compris que ce n’est pas que pour toi que ce voyage est organisé ! J’imagine que tes amis en profitent aussi pleinement… Embrasse-les de ma part ! Je pense que tu vas passer une semaine merveilleuse. Profite bien de ton séjour en Allemagne.

Je t’embrasse très fort ! Reviens vite me voir ; tu me manques déjà !

Ta Maman qui t’aime

PS 1 : J’ai écrit cette lettre alors que tu étais encore à la maison pour qu’elle arrive dès le premier jour.

PS 2 : Cette enveloppe contient quelque chose qui contribuera au paiement de l’hôtel et aux petits souvenirs que tu voudras rapporter. »

Derrière ce petit mot se trouvait un billet de cinquante euros.

Bosco se retourna vers ses amis et leur récapitula le contenu de la lettre, puis les remercia de la part de sa maman.

Ce soir-là, pour commencer joyeusement leur semaine, ils allèrent dîner dans un petit restaurant pittoresque.

Lorsqu’ils rentrèrent dans leur chambre, il était minuit passé et ils s’endormirent bien vite. Bosco, lui ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il était trop heureux pour s’endormir tout de suite. Enfin, il trouva une position et confortable, et ses paupières se baissèrent doucement.

Un bruit le réveilla et le maintint hors du repos. Une espèce de petit tic-tac d’horloge, mais beaucoup plus rapide et incongru. De plus, il n’y avait pas d’horloge dans la chambre, Bosco l’avait très bien remarqué dès leur arrivée. Il se leva, car il savait que s’il ne trouvait pas la cause de ce bruit, il mettrait encore beaucoup de temps à fermer les yeux puis à s’endormir et il voulait être en pleine forme pour profiter à fond de son séjour.

Son oreille l’orienta vers la petite commode. À la faible lueur des lampadaires du dehors, il vit que l’aiguille de la boussole tournait à une vitesse folle.

Rassuré, il se recoucha et goûta à un repos bien mérité jusqu’au lendemain.

Chapitre 4

La boussole

Au petit matin, Xavier se réveilla. Il n’y avait personne. Redressé sur sa couche, il se demanda ce qu’il faisait dans un lit qui n’était pas le sien et dans une chambre qui n’était pas la sienne. Il se souvint alors de tout. Bosco, Tomas, Stanislas, le restaurant… Il se leva d’un bond. Aujourd’hui, ils avaient prévu d’aller au château de Neuchwanstein, à quelque temps d’ici en car. Ou alors ils allaient prendre la voiture qu’ils allaient louer. Il n’était pas matinal, il le savait bien. Il ne voulait pas retarder ses amis qui l’attendaient déjà sûrement.

Il les retrouva dans la cantine de l’hôtel, en train de petit-déjeuner.

« Ah ! Le petit Xav est bien matinal ! Allez, viens t’asseoir ! Pour le petit-déj, faut que t’ailles te servir dans le self là-bas ! On t’attend mais dépêche-toi quand même un peu ! »

« Désolé !

— Mais ne t’inquiète pas, voyons ! On est en vacances ! Relaxe-toi un peu, mon vieux ! Dans une heure, on part chercher une voiture de location et après on file au château de Neuchwanstein jusqu’au déjeuner.

— Ça marche ! »

Quand ils furent prêts, pour se mettre en forme, ils se mirent à courir dans la rue pour aller vers le garage de location le plus proche.

Avant de commencer la visite, Bosco voulut remplir sa gourde d’eau pour aller boire.

Il s’éloigna de ses amis et chercha un point d’eau. Les toilettes étaient propres et bien entretenues, mais sans aucune trace de lavabo ou de robinet. Après avoir fait trois fois le tour des toilettes, il s’éloigna encore un peu plus et devant lui, il vit à son plus grand étonnement la boussole. Il la ramassa, la retourna entre ses mains et s’aperçut que c’était bien celle de l’hôtel : elle était désorientée. Il reprit ses recherches. Il n’y fit pas attention jusqu’à ce que le tic-tic entendu la nuit même se fit entendre à nouveau.

L’aiguille avait repris sa course folle et tournait si vite que le jeune homme ne la voyait plus. Au bout d’une minute, l’aiguille s’immobilisa net. Elle était orientée dans une direction qui n’était ni le nord ni l’ouest.

Bosco, curieux, suivit cette voie qu’on lui indiquait et trouva les robinets derrière un gros rocher. Une fois qu’il eut enfin rempli sa gourde, alors et seulement l’aiguille se remit à tourner sur elle-même.

Bosco en fut éberlué. Jamais il n’avait rencontré quelque chose de si incongru mais qui lui retenait autant l’attention.