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Nazzarena raconte le drame qu’a vécu la mère de l’auteure à ses quinze ans et qu’elle a découvert à sa mort. Une malédiction qui les a poursuivies, ses deux sœurs et elle, jusqu’à ce jour. Aujourd’hui en partageant cette histoire, Lidia Rainoldi souhaite rendre au fantôme ce qui lui appartient, pour délivrer les jeunes générations. Si son amour de la lecture date de l’enfance, celui de l’écriture est né, comme pour beaucoup, à l’adolescence. Depuis, Lidia écrit presque tous les jours, comme pour donner corps à ses réflexions ! Certaines sont ensuite consignées dans un grand cahier, toutes les autres sont détruites.
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Seitenzahl: 77
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Lidia Rainoldi
Nazzarena
© Lys Bleu Éditions – Lidia Rainoldi
ISBN : 979-10-377-8813-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À ma filleule Pauline Vergalito et ses sœurs Emeline et Ludivine
À ma famille, à mes sœurs Sonia et Marina, mes témoins de vie
À mon professeur de terminale, Madame Ligot
À mon ami Christian Virmaux
Quoi qu’on écrive, on s’y prend toujours le plus tard possible, parce que c’est déchirant l’écriture, ça vous arrache quelque chose d’intime.
Françoise Giroud
Ce texte a été rédigé deux ans après le départ de ma mère, en novembre 1997, puis poursuivi en 2001 et « oublié », pour être repris en 2020, parce que ça me rattrape, parce que je ne pourrai pas m’en défaire et continuer sans le poser, pour de vrai.
Je ne souhaite donc pas modifier mes sentiments et ma façon d’écrire de l’époque, ni même le contenu et le style. Je l’ai donc, simplement terminé.
On ne peut pas toujours faire ce que l’on veut faire au moment où on le désire, il faut quelques fois, pour certaines raisons, se sentir apte à le faire. Après digestion.
Un personnage d’un autre temps, d’une autre planète qui me rend visite et à qui je raconte mon histoire, celle de Nazzarena.
Un nom fort et chaud, comme des charbons incandescents. Un nom d’où la violence coule comme la lave d’un volcan en éruption. Un ton glacial et des yeux de braise. Les yeux du Diable. En personne. Une femme merveilleuse en somme.
Une voix légère comme celle du rossignol et aussi puissante que le vouvoiement qui force le respect, la distance entre elle et nous, lorsqu’elle se mettait en colère. La Folcoche d’Hervé Bazin, Nazzarena, ma mère.
Du haut de son piédestal où je l’avais juchée, elle nous regardait vivre, pauvres larves perdues. La toute puissante génitrice devant laquelle Dieu lui-même se serait mis à genoux.
Elle puisait sa force dans le désespoir, le malheur et les larmes, puis comme le Phénix renaissait de ses cendres, plus belle que jamais, plus forte, grandie de quelque expérience inconnue du commun des mortels.
Belle. Belle et schizophrène. Ma jolie maman, fine et légère, qui venait nous accueillir à la sortie de l’école. À cette époque, je ne faisais que l’aimer, de toutes mes forces bien sûr. Quel est l’enfant de sept ans qui n’aime pas sa mère ?
Ce n’est que plus tard que je me suis mis à l’admirer. Discrète et secrète, elle ne montrait pas sa force et le scorpion qu’elle était nous plantait en douce un aiguillon dans les veines. Quelques fois dans le cœur. Comme le chat, il lui arrivait de ne pas occire sa proie du premier coup de griffes et s’amusait à nous faire souffrir, tout doucement, gentiment, pantins désarticulés dans les mains d’une enfant sauvage.
Peu après son départ, j’ai découvert le petit cahier rouge dans lequel elle racontait ses rêves, dans un style inachevé comme lorsque l’on se parle à soi-même, à mi-mots, telles des réflexions ponctuant tout haut ce que l’on pense tout bas.
Et là, au travers des lignes écrites pour elle seule, se profilait l’inacceptable. Les doutes enfermés dans les limbes de mon cerveau se réveillèrent prenant forme dans son rêve aux cinq fontaines. L’anaconda aux grands yeux ouverts, éventré sur l’étal, me livrait entre les lignes, le monstre abject qu’il était. Il suffisait de fouiller dans les mots couchés là, tout près, excréments englués par les entrailles de la bête pour comprendre.
Qu’avait-on fait à ma petite maman pour vouloir sans cesse s’échapper par-delà les miroirs ? Quels rêves lui avait-on empêché de voir bourgeonner, à l’aube de son quinzième printemps ? Et comment enfanter bien plus tard, sans être dégoûtée par la vie ?
Et cette rage avec laquelle elle nous insufflait le désir de vivre en croquant la vie à pleines dents, était-ce pour masquer ce vent fétide et léger qui jusqu’à aujourd’hui ne m’a jamais quittée ?
Comment un être aux capacités extraordinaires peut-il rater son éclosion, arrivé si près du but ? Ma mère s’était bien défendue dans le taudis que furent les quinze premières années de sa vie, cependant, l’aiguillon du scorpion qu’elle était a fini par lui être fatal. En effet, lorsque l’animal, qui ne sait pas nager, veut traverser la rivière sur le dos de la tortue, il ne peut s’empêcher de la piquer même au détriment de sa propre survie. Et lorsque celle-ci lui demande ce qu’il a fait, il ne peut répondre que c’est inhérent à sa condition de scorpion.
Dans la difficulté et l’adversité, dans un premier temps, le scorpion qu’est ma mère ne se hisse jamais vers le haut. Il lui faut d’abord entraîner les autres vers le fond avec lui. Après seulement, il remontera. Mais il est souvent seul, les autres ayant péri.
C’est ce qui a toujours caractérisé ma mère. C’est ce qui l’a perdue. Déchirée entre le bien et le mal, le bonheur et la souffrance, d’une manière anormale, hors normes.
Maman, pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ? Notre amitié n’était donc pas assez forte pour que tu me livres l’inacceptable ? Pourquoi m’as-tu laissé deviner ? Était-ce par pudeur ou par jeu ?
Tu sais très bien que mes oreilles auraient pu entendre ce que tu avais à livrer. Et ton petit cahier rouge n’aurait que confirmé ce que je pensais. Depuis longtemps, je soupçonnais l’immonde, mais un cœur d’adolescente ne peut exprimer un sentiment diffus et non-dit, il ne peut que sentir, ressentir.
À mon tour, du haut de mes quinze ans et malgré le lien qui nous unissait, je n’ai pu que supputer, subodorer... Était-ce un jeu entre toi et moi, ou un rébus presque indéchiffrable monté pièce par pièce à l’intention d’un quelconque détective de l’amour suffisamment armé de patience pour se promener dans les dédales de ta psychologie aussi fine qu’anormale ? Toutes les informations distillées durant ta trop courte existence étaient bien élaborées comme un rébus.
Alors, disons que de tous, j’ai été la plus perspicace et aujourd’hui j’ai mis à jour ton secret. Ou bien, y a-t-il quelqu’un qui t’est proche, qui sait tout depuis toujours et qui n’a jamais rien dit ? Si c’est le cas, il me pardonnera cet écrit.
Après un long travail de recherche, de pérégrination en pérégrination, j’ai aligné bout à bout des informations, des impressions, des sentiments et des situations qui, au vu des dires de la famille et surtout au vu de ton petit cahier rouge, m’ont permis, petit à petit, de tout comprendre.
À mon tour, je vais essayer de te livrer le message comme je le ressens. Tu me diras un jour ce que tu en penses. Tu me diras si j’ai bien compris.
Toute ma vie, je n’ai fait que courir après toi. Toute ma vie, tu m’auras échappé. Et durant toute ma vie, je ne pourrai te rejoindre. Cependant, depuis que tu es partie, c’est comme si enfin tu m’avais ouvert les bras, comme si enfin, tu avais fini par accueillir la petite fille qui est en moi, celle-là même que tu as abandonnée dans les bras de femmes aimantes peu après sa naissance. Et les années passées loin de toi, privée de ta présence, c’est seulement aujourd’hui que je suis capable de les juguler.
J’ai toujours voulu mériter ton amour. Je me suis toujours dit que si je me montrais à la hauteur de tes exigences, alors enfin tu m’aimerais et plus jamais tu ne m’abandonnerais comme tu l’avais fait, sûrement à cause de ma méchanceté ou de tout autre comportement indigne d’un enfant aimable.
J’avais dû être bien peu aimable, voire pas aimable du tout pour mériter cela. Et je m’ingéniais à établir des performances dans tous les domaines à portée de mes moyens, mais jamais je n’ai reçu les suffrages de cette femme sévère, si merveilleuse qu’était ma mère !
En réalité, je t’adorais et ne te reprochais rien ! Seulement depuis ces années, chaque fois que je crée, j’éprouve une douleur physique que je ne parviens presque jamais à surmonter et abandonne mes efforts ! Le tout renforcé par une disposition filiale pour tout ce qui touche aux arts ne fait qu’avorter mes tentatives.
Dépositaire d’une aptitude, d’une capacité artistique, je ne disais rien et ne faisais rien, comme honteuse d’un savoir qui n’en était pas un. Apeurée par l’interdit maternel d’une part, renforcé par cette culture occidentale et judéo-chrétienne délicieusement culpabilisante d’autre part, qui condamne, qui fait que ce qui est naturel n’est pas digne d’intérêt.