Nos âmes qui se cherchent - Valérie Achaintre - E-Book

Nos âmes qui se cherchent E-Book

Valérie Achaintre

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Beschreibung

Laurie, veuve et mère de famille, cherche à reprendre pied après le décès de son mari. Encouragée par ses proches, elle accepte de nouvelles rencontres. Mais lorsqu’un rendez-vous inattendu ne se passe pas comme prévu, ses doutes resurgissent. Face à Thomas, lui aussi marqué par une histoire difficile, elle s’interroge : peut-on vraiment aimer à nouveau ? Un roman sur les liens, les hésitations et le besoin d’avancer.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Valérie Achaintre est une ancienne secrétaire médicale en radiologie. Elle a traversé de nombreuses épreuves, entre deuils, maladie et résilience. D’abord portée par l’envie d’écrire sa biographie comme un exutoire, elle se tourne finalement vers la fiction. Ce roman marque le début d’une nouvelle aventure, nourrie par une passion ancienne pour la lecture.

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Seitenzahl: 198

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Titre

Valérie Achaintre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nos âmes qui se cherchent

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Valérie Achaintre

ISBN : 979-10-422-7579-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Dédicace

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À mon mari, parti trop tôt

À mes enfants, qui me donnent tant d’amour

À ma sœur, Françoise, qui m’a encouragée à écrire

À ma grande amie, Sandrine,

qui m’a inspiré le personnage de Nathalie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nos âmes qui se cherchent

 

 

 

 

 

Laurie attend depuis plus d’une heure dans sa cuisine, debout, devant la baie vitrée. Le mois de mars débute à peine, il est 18 heures, la nuit commence à tomber et son regard tente d’entrevoir la végétation du jardin qui s’étend devant elle.

La promesse du printemps qui arrive avec ses premières fleurs, les primevères et les crocus qui vont bientôt éclore, la pensée que le jardin va bientôt se parer de couleurs qui vont chasser la grisaille de l’hiver n’arrive pas à lui apporter un peu de joie.

Elle reste ainsi, immobile dans la pénombre – ne s’étant pas rendu compte que la luminosité avait décliné – dans un silence presque total, hormis le tic-tac de la pendule accrochée sur le mur, au-dessus du radiateur.

Quand il va arriver – elle y croit encore un peu –, il sonnera certainement avant de s’engager sur le chemin qui mène à la porte d’entrée, de sa démarche chaloupée, le sourire aux lèvres. À chaque fois qu’elle le voit, son cœur chavire, il exerce une telle attraction sur elle. Il portera certainement une tenue décontractée, comme toujours, jean, tee-shirt, baskets et un blouson en cuir marron de style vintage.

Elle pense que cela est étrange ce désir de lui, car il n’est pas vraiment beau, mais il dégage quelque chose de particulier, elle est tombée sous son charme dès leur premier rendez-vous.

Sa fidèle chienne, Moly, une magnifique Labrador de couleur marron, cadeau de son défunt mari Marc, est couchée à ses pieds. Elle ne comprend pas cette attente et observe Laurie d’un œil interrogatif, l’heure du repas arrive, et pourtant, sa maîtresse ne s’affaire pas dans la cuisine comme à son habitude. Moly se lève, tourne sur elle-même, se recouche à la même place et se lèche la patte droite, signe chez elle d’un stress grandissant. Moly est une véritable éponge, elle ressent la moindre émotion de sa maîtresse.

Marc avait eu un énorme coup de cœur pour elle lors d’une visite à la SPA. Il voulait faire une surprise à sa femme qui désirait un chien depuis longtemps. Il avait pris la décision de prendre un mâle, peut-être un épagneul, disait-il, et finalement il était rentré à la maison avec cette Labrador, abandonnée depuis quelques semaines, âgée d’à peine 18 mois, elles sont devenues rapidement inséparables.

Laurie reste impassible devant cette baie, le doute s’installe de plus en plus. Il lui avait dit qu’il viendrait la chercher aux alentours de 17 heures, mais l’heure du rendez-vous est largement dépassée et le plus étrange est qu’elle n’a reçu aucun appel de sa part pour expliquer son retard. Elle prend son portable posé sur la table de la cuisine, à côté d’elle. Elle vérifie encore les notifications, aucun message, aucun appel.

« Mais que fait-il »,se dit-elle ?

Ils s’étaient vus deux jours auparavant chez Thomas. Après avoir fait l’amour, se tenant étendus l’un en face de l’autre tout en lui caressant l’épaule, soudainement il lui avait proposé ce week-end en amoureux.

— Ma chérie, une petite escapade à Toulouse le week-end prochain, ça te dit ?

Surprise, Laurie réfléchit quelques instants en se mordillant la lèvre inférieure, signe physique d’un état émotionnel de stress chez elle.

— Allez, ça va être sympa, c’est moi qui gère, insista-t-il, d’une voix douce.
— Bon d’accord, tu as raison, ça va être sympa.

Il l’embrassa fougueusement puis sortit du lit. Il fila sous la douche, soulagé qu’elle ait accepté. Pourquoi aurait-elle refusé ? C’était idiot de penser ça, se disait-il.

Elle le regarda ouvrir la porte qui menait à la salle de bain attenante à la chambre, admira ce corps nu qu’elle aimait tant, remonta le drap jusqu’à sa poitrine et ensuite s’étira de tout son long, jouissant de ce nouveau bonheur.

Thomas savoura sa victoire pendant que l’eau ruisselait sur sa peau se disant que cette petite virée en amoureux allait être formidable. Laurie l’avait rejoint, elle releva ses cheveux, plaça son dos sous l’eau tiède, il la savonna et l’embrassa tendrement dans le cou. Elle tourna sur elle-même pour se rincer totalement puis attrapa une serviette posée sur le radiateur. Elle s’enveloppa dedans rapidement, se réchauffant à son contact, puis tendit une serviette à Thomas. Ils se sont séchés et rhabillés puis se sont séparés en bas de l’immeuble après un énième baiser.

Dans sa voiture, elle repensa à leur conversation. Elle ne s’attendait pas à cette proposition et avait hésité à lui donner son accord. Laurie hésitait toujours, et souvent se ravisait. Parfois elle pensait qu’elle manquait de confiance en elle ou de spontanéité. Ce nouvel amour lui semblait presque impossible, elle craignait de se tromper aussi, de s’attacher et ensuite de le perdre.

Dès qu’elle arriva à son domicile, elle posa son sac et ses clés sur le meuble d’entrée, caressa Moly quelques instants et la fit sortir dans le jardin. Elle se prépara un thé et appela sa meilleure amie Nathalie.

— Il m’a proposé de partir en week-end Nath, je suis heureuse, mais ça me fait peur aussi, ça va tellement vite.
— Profite du moment présent Laurie, lui répondit son amie pour l’encourager. Il te plaît vraiment ?
— Oui, beaucoup même !
— Alors, laisse les choses se faire, part avec lui en week-end. La peur n’évite pas le danger comme on dit.
— Tu as raison comme toujours, je manque d’assurance parfois.

Nath trouvait toujours les mots justes pour la rassurer. Regonflée de confiance, Laurie salua son amie lui promettant de la rappeler dès son retour et rédigea un petit SMS à l’attention de Thomas.

« Tu as entièrement raison, on va bien profiter, je suis ravie de ta proposition. Bisous ».

 

***

 

Ce matin-là, Laurie s’était réveillée vers huit heures, heureuse, prenant son temps pour sortir de son lit. La clarté du jour transperçait les volets et une douce lumière éclairait les murs de sa chambre couleur crème. Son linge de lit d’un vert tendre, aux motifs floraux, donnait à la pièce une ambiance bucolique et propice à la relaxation. Elle voulait savourer chaque instant qui allait la rapprocher de leur départ. Thomas lui avait seulement dit qu’ils iraient à Toulouse et que le reste devait rester une surprise.

Elle sentit une bonne odeur de café. La cafetière programmable s’était mise en marche à sept heures trente, comme tous les jours, légèrement entartrée, elle faisait un bruit de ronflement qui parvenait jusqu’à la chambre, ce qui amusa Laurie.

Elle pensait à Thomas et à leur week-end et se demanda ce qu’elle allait mettre dans sa valise. Elle s’étira de tout son long, attrapa le deuxième oreiller et le serra contre elle, se souvenant de ses caresses et de ses baisers et sentit le désir monter en elle. D’un geste, elle écarta la couette et le sourire aux lèvres se leva enfin.

Elle prit sa douche et appliqua sur ses cheveux mi-longs un masque qu’elle laissa posé une bonne dizaine de minutes. Pendant ce temps elle avala un café avec une tartine beurrée, ensuite elle se rinça les cheveux, les sécha et s’habilla rapidement.

Une heure après elle était au supermarché du coin afin de se procurer des croquettes pour Moly et croisa une amie, Josiane, qui avançait vers elle sur le parking avec un chariot rempli à ras bord.

— Je suis contente de te voir Laurie, comment vas-tu ? lui dit-elle d’un ton jovial.
— Plutôt bien et toi.
— Toujours aussi occupée avec la boutique et toi le boulot ?
— Ça va, toujours autant de travail, mais j’ai pris ma journée, je pars en week-end ce soir.
— Tu as l’air radieuse, y aurait-il un homme derrière cette jolie mine enjouée ? osa-t-elle lui demander.
— Oui, tu as vu juste Josiane. J’ai fait une rencontre il y a quelques semaines et nous partons tous les deux à Toulouse.
— Je suis très heureuse pour toi. Dès que c’est possible, on déjeune ensemble, je veux tout savoir.

Josiane lui fit un clin d’œil complice, ensuite, elles se séparèrent sur le parking du supermarché, promettant de se voir rapidement.

Josiane faisait partie de ses meilleures amies, mais elles se voyaient peu, la boutique de décoration qu’elle gérait lui demandant beaucoup de temps. Elles s’étaient connues lorsque leurs enfants respectifs étaient au collège. À l’époque, elles se rendaient mutuellement service pour les conduire jusqu’à leur établissement et avaient développé, depuis, une relation amicale basée sur le partage et une confiance mutuelle. Elle était maman de deux filles, dont l’une d’elles, Clara, était dans la classe des jumeaux de la 6e à la 3e.

Josiane était divorcée depuis plusieurs années et disait ne pas avoir le temps pour vivre en couple. Son magasin était sa seule raison de vivre après ses deux enfants. C’était une femme volontaire qui savait ce qu’elle voulait et Laurie appréciait leurs échanges qu’elle trouvait enrichissants.

Laurie la regarda s’éloigner en lui faisant un dernier signe de la main et jeta un coup d’œil à sa montre. Le temps filait, elle se précipita dans le supermarché pour acheter les croquettes de sa chienne. Elle pensa qu’il fallait qu’elle se dépêche un peu, elle devait faire sa valise, ranger sa chambre et emmener Moly chez Madame Martin. Elle avait sollicité sa voisine pour s’occuper de sa chienne pendant ses trois jours d’absence. Elle attrapa le sac de croquettes, se dirigea rapidement vers la caisse automatique qui était disponible et régla en carte bancaire.

Dès son retour à son domicile, elle fila dans sa chambre, déposa deux jeans dans sa valise avec trois sweats, un chemisier, sa lingerie et ajouta sa trousse de toilette.

Après avoir mis de l’ordre dans sa maison, elle promena Moly dans le quartier puis la laissa chez Madame Martin.

— Merci beaucoup, Colette, je serai de retour dimanche soir, certainement vers 19 heures.
— Pas de souci Laurie, elle a l’habitude d’être avec moi, tout va bien se passer.

Après une dernière caresse à Moly et un dernier merci à Madame Martin, Laurie retourna chez elle pour attendre Thomas, son esprit était déjà à Toulouse.

Amour quand tu nous tiens…

 

***

 

Laurie jette un rapide coup d’œil à la pendule, voilà deux heures maintenant qu’elle patiente. Elle comprend enfin qu’il ne viendra pas, elle en est certaine maintenant et d’humeur morose prend son téléphone et décide d’appeler Nathalie :

— Voilà un bon moment que j’attends Thomas, il ne viendra plus, je le sens. L’histoire était trop belle, l’homme trop intéressant, je suis terriblement déçue, j’y ai cru bêtement.
— Je comprends ta déception, je ne sais pas quoi te dire, passe à autre chose il ne te mérite pas c’est certain. Lui dit son amie avec compassion.
— C’est plus compliqué que cela Nath. J’ai tellement ressenti en moi cette envie d’être avec lui, cette sensation d’avoir trouvé mon double. Tu imagines, un seul regard et cette envie de vivre à travers le sien, de se sentir femme à nouveau.
— Tu te remets à peine du décès de Marc, tu n’es plus maîtresse de tes réactions, laisse le temps guérir tes blessures, dans quelque temps tu l’auras oublié.
— Je suis crédule certainement.
— Non tu es une femme lumineuse et fragile, une proie facile pour ce genre d’homme.

Laurie raccroche au bord des larmes.

Elle reste dans la cuisine encore quelques minutes puis se fait une raison, du moins essaye-t-elle et décide de s’installer dans le salon renonçant à attendre son arrivée. Par automatisme elle allume le téléviseur, juste pour avoir un bruit de fond, elle reste ainsi dans ses pensées pendant un long moment. C’est l’heure du journal régional, le présentateur évoque la dernière tempête qui, une fois de plus, a grignoté le trait de côte. Rien de rassurant qui pourrait la sortir de sa tristesse.

« Tout va à vau-l’eau », se dit-elle.

Elle s’assoit dans le fauteuil face au téléviseur, recouvre ses genoux d’un plaid gris. Elle n’a pas l’énergie pour allumer un feu de cheminée, mais finalement change d’avis, la pièce est froide en cette saison et la flamme la réconfortera un peu, pense-t-elle.

Elle charge le foyer avec quelques pommes de pin, du sarment de vigne et deux petites bûches. Elle répand ensuite un gel qu’elle enflamme avec un briquet. Elle regarde la flamme quelques instants, pensive, puis finalement se rassoit et attrape son téléphone posé sur la table basse.

« Il a peut-être eu un accident », se dit-elle.

Elle vérifie encore son écran, la sonnerie est bien active, les notifications aussi et il y a du réseau, mais toujours pas de nouvelles de Thomas.

Elle ne sait plus ce qu’elle doit faire, mais au fond d’elle-même, elle a compris, elle le sentait très hésitant parfois et avec un peu de recul elle avait trouvé cette idée de week-end presque trop belle. Elle pensa que s’il avait changé d’avis il aurait pu le lui dire, elle aurait compris, ils auraient remis cela à plus tard.

La nuit est tombée et une lampe allumée sur la table basse donne une ambiance douce et chaleureuse à son intérieur fraîchement repeint, mais cela n’est pas suffisant pour la réconforter. Un frisson lui rappelle qu’il faut alimenter un peu la cheminée alors elle rajoute une bûche dans l’âtre.

Ensuite, Laurie décide d’aller récupérer Moly chez Madame Martin. Quoi qu’il en soit, elle ne pouvait pas la laisser chez elle puisqu’elle ne s’absentait pas, cela n’aurait pas été convenable, et avec Moly à la maison, elle se sentirait moins seule. Lorsqu’elle sonne chez sa voisine, il est presque 20 heures.

— Bonsoir Colette, désolée de vous déranger, je viens récupérer Moly, mon week-end est annulé, lui dit-elle d’un ton embarrassé.
— Rentrez donc quelques instants Laurie. Rien de grave j’espère.
— Non, un petit contretemps, c’est juste partie remise.

Elle patiente quelques instants dans l’entrée le temps que sa voisine lui donne les croquettes et la laisse de Moly. Une bonne odeur de soupe s’échappe de la cuisine et alors qu’elle ne s’y attend pas Madame Martin lui demande :

— Vous avez dîné Laurie ? J’ai fait une bonne soupe maison, si ça vous dit ?
— C’est gentil Colette, mais je préfère rentrer.
— Comme vous voulez Laurie.
— Merci encore Colette, je vous laisse, bonne soirée.
— Bonne soirée Laurie.

Madame Martin n’était pas dupe, elle avait remarqué sa mine triste, mais resta discrète. Laurie décide de faire un petit tour dans le quartier avec Moly pour décompresser un peu, il fait nuit noire et l’air se rafraîchit sérieusement alors elle accélère le pas et prend le chemin du retour après une dizaine de minutes.

Arrivée chez elle, après avoir rangé les affaires de Moly, elle retourne dans le séjour, se réchauffe devant la cheminée, rallume la télé et une fois de plus plonge dans ses pensées.

Elle se demande pourquoi elle est allée aussi facilement vers cet homme ? C’est quoi l’amour finalement, un désir irrépressible, une envie d’être avec l’autre tout simplement, le regarder, le sentir, le toucher ou tout bêtement la peur du vide qui s’installe dans votre vie au point de vouloir croire que vous êtes fait l’un pour l’autre. Des larmes lui montent aux yeux.

Où es-tu Thomas ?

 

***

 

Quand il se réveilla, ce matin-là, Thomas pensa qu’il allait vivre une belle journée. Depuis quelques semaines il côtoyait une jolie femme et devait la retrouver le soir même pour une escapade amoureuse de trois jours à Toulouse.

Il sortit de son lit, se prépara un café bien corsé et fila rapidement sous la douche. Il avait un planning très chargé et ne voulait pas prendre du retard. Il s’habilla rapidement, se servit une part de brioche avec une bonne couche de confiture d’abricot, et après avoir avalé son café, descendit quatre à quatre l’escalier.

Il croisa Me Genty, sa voisine. Elle s’amusa de le voir si pressé, se plaqua contre la cloison pour le laisser passer en se disant qu’il était plus souriant ces derniers jours, une femme peut-être ? Cette idée lui fit plaisir.

— Bonjour, Thomas, vous êtes bien pressé ce matin.
— Oui, en effet, bonjour, Me Genty, j’ai une grosse journée. Ah au fait, je serais absent quelques jours, surtout ne vous inquiétez pas.
— Très bien Thomas, profitez bien surtout. À bientôt.

La voisine de Thomas portait bien son nom. Petite « grand-mère » de quatre-vingts ans, très coquette et encore dynamique, Mme Genty était une femme affable qui s’inquiétait du bien-être de ses voisins. Elle vivait seule, sur le même palier que Thomas au deuxième étage de la résidence, et mettait un point d’honneur à monter et descendre les marches de l’immeuble à son rythme sans jamais prendre l’ascenseur.

« Je fais ma séance de gym », disait-elle à ses voisins avec le sourire, lorsqu’ils insistaient pour qu’elle emprunte l’ascenseur.

Elle avait vite sympathisé avec Thomas. Lorsqu’elle le croisait, elle lui demandait des conseils quand une petite douleur musculaire se faisait sentir, et pour le remercier elle lui apportait une part de gâteau à l’orange, sa spécialité. Très coquette, elle ne sortait jamais sans être maquillée. Elle portait des bijoux en or et du Chanel n° 5, « comme Maryline », aimait-elle rappeler, non sans humour.

Thomas aimait beaucoup Mme Genty et Mme Genty le lui rendait bien.

Il était arrivé très rapidement sur son lieu de travail situé à quelques kilomètres de son domicile. Son planning de kinésithérapeute était toujours bien rempli, il avait de grosses journées et ce matin-là son premier patient devait arriver à 9 heures. Il jeta un rapide coup d’œil à sa montre, il était à peine 8 h 50, il avait encore un peu de temps et prit quelques minutes pour envoyer un message à Laurie.

« Bonjour ma chérie, je viens te chercher aux alentours de 17 h 15, mon dernier patient est noté à 15 h 45, pense à prendre des chaussures de marche ».

Son cabinet de kinésithérapie était composé de trois pièces. On y rentrait par une petite salle d’attente qui donnait ensuite sur la plus grande pièce. Il y avait installé sa table de massage et au fond, près de la fenêtre, son bureau. Dans l’autre pièce, disposée en enfilade, il y avait tout le matériel pour faire pratiquer à ses patients les exercices nécessaires à leur rééducation. Il avait peint les murs en gris clair, accroché quelques affiches représentant l’anatomie humaine et branchait un diffuseur d’huiles essentielles qui donnaient à son cabinet une ambiance relaxante. Son sérieux et sa gentillesse lui avaient permis de développer rapidement sa patientèle.

Il enchaîna les rendez-vous, accordant le maximum d’attention à chaque patient, avala une salade à treize heures, factura les actes du matin, puis le dernier patient ayant quitté le cabinet, rangea un peu son bureau avant de se mettre en route. Il jeta un dernier coup d’œil derrière lui, il n’avait rien oublié, éteignit la lumière et ferma la porte à clé.

Alors, l’esprit léger, d’un pas décidé, il rejoignit sa voiture, déposa sa veste sur le siège arrière et vérifia que sa valise se trouvait bien dans le coffre. Il voulait être certain de ne rien avoir oublié pour que tout se passe pour le mieux. Il était un peu tête en l’air depuis quelques jours, l’amour se disait-il et son lot de petits nuages qui le transportaient et l’étourdissaient. Il se laissait faire par ce sentiment de bien-être et lâcher prise lui faisait un bien fou en ce moment.

Il sentait le sentiment amoureux naître en lui, mais ne s’était pas déclaré à Laurie. D’une nature réservée, il s’était dit que peut-être, durant leur séjour à Toulouse, il lui avouerait ses sentiments et il espérait au fond de lui qu’elle en ferait de même. Ils ne se connaissaient que depuis quelques semaines et il ne voulait pas l’effrayer, conscient que Laurie était une femme très sensible.

Laurie répondit rapidement à son SMS.

« Bonjour, mon cœur, je serai prête, à tout à l’heure ».

Assurément, cette femme était un nouveau rayon de soleil dans sa vie depuis qu’il avait entamé une procédure de divorce il y avait quelques mois.

 

***

 

Thomas roule tranquillement pour sortir de la ville et prendre la voie rapide, la circulation est dense comme tous les vendredis, deux flux incessants de véhicules qui se croisent avec son lot de conducteurs imprudents.

« Il faut que je sois vigilant », se dit-il, tout en jetant un coup d’œil dans ses rétroviseurs.

Enfant, il se demandait ce qu’il adviendrait si aucun véhicule ne sortait de la ville pendant que des centaines y rentraient ? Des embouteillages monstrueux qui provoqueraient une immobilité totale, des conducteurs exténués qui en viendraient aux mains réglant leurs frustrations à coups d’injures et de coups de poing. Le chaos !

Il allume la radio, monte le son, la station diffuse un titre du groupe Indochine qu’il aime beaucoup « un été Français ».

Il entonne le premier couplet qu’il connaît par cœur.

 

« Encore

Un jour dans ma vie

Où je n’ai pas envie

De rester en place

Encore un lundi sans vie

Où je ne subis que le temps qui passe

Mardi c’est l’estomac noué

À rester enfermé

Et à marcher au pas

Mercredi je rêve d’une autre vie

Si tout pouvait s’arrêter là

Histoire d’avoir le choix… »

 

Le soleil se voile légèrement, c’est une belle journée de Mars qui se termine et la météo annonce encore un beau week-end même si les températures sont encore fraîches en cette période.

La ville rose les attendait avec ses températures un peu plus élevées.

Ensuite, il aimerait emmener Laurie au Cirque de Gavarnie. Le site était merveilleux et facilement accessible avec de bonnes chaussures et un sac à dos. Sous le soleil de printemps qui pointait son nez, ce paysage majestueux ne pouvait être que plus grandiose.

Il aimait découvrir de nouveaux lieux, néanmoins, son ex-femme avait toujours une objection à formuler lui faisant perdre son enthousiasme au point de le faire douter du bien-fondé de ses propositions.

À cette époque il était devenu l’ombre de lui-même, sa chose à elle…

 

***

 

Thomas était âgé de trente ans quand il s’était marié avec Martine. Il n’avait jamais vraiment été heureux avec elle, sauf peut-être les premiers mois de leur relation.

Ils avaient fait connaissance sur le lieu de travail de Martine, d’une façon tout à fait banale. Alors qu’ils prenaient leurs repas au réfectoire, ils s’étaient retrouvés côte à côte et avaient rapidement échangé leurs numéros de téléphone. Thomas faisait un stage à l’hôpital d’Angoulême pendant sa formation de kinésithérapeute et Martine travaillait au service facturations.

Il était vite tombé sous le charme de cette belle brune au style un peu sophistiqué, portant toujours des talons hauts et un rouge à lèvres carmin qui lui allait parfaitement au teint.