Nulle raison d’être - Alain Debroucker - E-Book

Nulle raison d’être E-Book

Alain Debroucker

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Beschreibung

Dans le Doullenais, la mystérieuse disparition d’une fillette plonge les enquêteurs dans l’incertitude, laissant les responsabilités enfouies dans l’énigme. Les rumeurs et la confusion entourant plusieurs crimes suscitent la terreur dans la ville, et même après le décès du suspect présumé, le doute demeure. Cette intrigante fiction policière soulève une question cruciale : Être ou ne pas être ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Alain Debroucker découvre sa passion pour l’écriture au début de sa retraite. À travers la publication de ce roman, il aspire à encourager chacun, indépendamment de son âge et du jugement d’autrui, à se lancer dans l’écriture. "Nulle raison d'être" est l'œuvre de son imagination débordante.

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Alain Debroucker

Nulle raison d’être

Roman

© Lys Bleu Éditions – Alain Debroucker

ISBN : 979-10-422-1290-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ce roman est une fiction, les noms et les personnages sont utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes ou des lieux serait une pure coïncidence.

Prologue

Ce jour-là, la ville avait perdu son innocence. Une suspicion malsaine s’était traîtreusement infiltrée dans chaque rue, dans chaque maison, dans l’esprit de chaque habitant.

Des centaines de visages sombres venaient de passer devant des gerbes de roses blanches, des paniers de fleurs au pied des cercueils.

Deux femmes se forçaient à avancer sur le damier blanc et noir qui conduisait sous le soleil généreux au cœur de Notre-Dame.

Les yeux fermés, les bras entrelacés, elles étaient asphyxiées par une insoutenable douleur.

Les plus sournois regardaient, guettaient les réactions. Manifestement, tous ces spectateurs attendaient. Ils voulaient savoir. Ils avaient peur.

Dans les esprits les plus chaotiques : « Qui sera le suivant ? Une mère, un fils, une fille, un père ou soi-même ? »

La terreur et l’impuissance harcelaient tous ceux qui s’agenouillaient devant les cercueils. Dans l’ombre de ce sanctuaire, des hommes en habits sombres épiaient les afflux. Tous semblaient chercher la paix dans une prière qui s’évanouissait dans l’atmosphère évanescente de cette chaude journée d’été.

Dans cet univers mystique, ils avaient tous peur des mots qui faisaient la une.

« Avez-vous une raison d’Être ? »

1

Premier jour

Il ne savait pas exactement ce qui l’avait réveillé. Ses yeux s’étaient ouverts tout simplement. Les rideaux n’avaient pas été tirés. La fenêtre entrouverte laissait passer une forte brise. La lune épanchait de sinistres éclats sur les meubles de la chambre. Immobile, bras le long du corps, Pierre balaya la pièce du regard. Il écarta plus fort les paupières pour admettre la réalité :

Qu’est-ce que je fous dans ce lit ? pensait-il.

Était-il dans l’un de ses cauchemars qui accompagnent ses gueules de bois ? Non, les chiffres rouges projetés au plafond du réveil digital semblaient bien réels : trois heures trente-sept.

Les yeux grands ouverts, il ne parvenait pas à comprendre.

Dans un premier temps, il se concentra sur le silence, sans vraiment se préoccuper de sa présence dans ce lit, le remords sans doute. Une tension palpable et menaçante envahissait son corps.

Hier soir, comme chaque soir en l’absence de son épouse, tout commençait par un verre. Oui, ces soirées commençaient toujours, par un verre, par deux doigts de whisky dans un petit verre. Il était suivi de plusieurs autres et de deux ou trois bouteilles de bière.

L’alcool entraînait son autre lui vers des mots, des actes incontrôlables. Ses sommeils alcoolisés le plongeaient dans l’ignorance. La vérité venait bien plus tard dans les dires de ses proches, de ses amis et de ses compagnons de soûleries.

Depuis plusieurs mois, les trous noirs qui accompagnaient le dernier verre devenaient de plus en plus atroces.

Mais là, il sentait que quelque chose n’allait pas. Il était dans le lit de sa femme et pas sur le lit canapé de son bureau. Il balança ses pieds sur le sol et avança vers la porte ouverte.

Il resta comme amarré à la grève d’un interminable corridor. En dominant son angoisse, il pencha la tête pour braver un anormal vent. Au bout du couloir, la timide lampe murale clignait mollement pour finir par suffoquer.

C’est alors qu’il réalisa ce qui n’allait pas, la porte de la chambre de sa fille Nina était ouverte.

Pendant quelques secondes, il avait la sensation de revenir à la réalité. Il voulait vraiment se réveiller pour faire face à la tapageuse et forte brise qui s’engouffrait dans le couloir.

Il n’arrivait pas à démêler le vrai du faux, tout s’était effacé de sa mémoire.

Il prit une profonde respiration, et, d’un pas lent, il avança dans la pénombre, pieds nus sur les beaux parquets en bois de chêne.

La chambre de Nina était grande, trop grande peut-être pour percevoir ses faibles ronflements.

De crainte de la réveiller, il n’alluma pas. Il se rapprocha de son petit lit qui se trouve sur la gauche.

Il s’immobilisa au centre pour mieux écouter. Il ne percevait pas le moindre son en provenance du lit. Il ne détectait aucun froissement de drap. Non, personne ne se retournait dans son sommeil.

Dans sa tête, l’impétueuse brise asphyxiait les grognements, les bredouillements et même la légère respiration de Nina. Elle entrait par la fenêtre qui était ouverte en grand et maltraitait un côté de volet mal accroché. Les remous bruyants des ombres et le souffle frais dégrisaient et écorchaient son visage.

À cet instant, Pierre comprit qu’il était bien réveillé. Il ne vivait pas dans l’un de ses cauchemars.

Il plongea sur l’interrupteur. Le lit était vide. S’armant de courage, il palpa les draps froids. Son cerveau imbibé ne donnait plus aucun ordre à sa bouche. Son esprit était engouffré dans son ignorance, pourtant il devait agir.

En retournant sur ses pas, il visita les trois autres chambres. Elles étaient vides. C’est alors qu’il descendit l’escalier à toute vitesse, en conviant ses souvenirs : « Nina… Nina… Tu es où ? » Dans le hall, la grande horloge de sa grand-mère marqua quatre coups. D’habitude, il aimait le timbre singulier de son carillon, mais à cet instant, il résonnait d’une manière inquiétante.

Il inspira longuement et se força de visiter la maison, pièce par pièce, de la cave au grenier. De l’extérieur, la maison était devenue un monolithe de lumière.

Il n’entendait plus que le chien des voisins qui s’était mis à aboyer puis à hurler frénétiquement. Il réalisa qu’il était sur le seuil à l’extérieur.

En ouvrant les yeux, il vit les lumières s’allumer dans la maison d’à côté, d’en face, puis d’une autre, et encore une autre plus loin. Il se rendit compte qu’il criait. Nina ! Nina ! Il inspira profondément pour ne pas manquer d’air. Il se précipita à l’intérieur, à la recherche de son téléphone.

Son portable entre les mains, il se laissa tomber dans le canapé, la tête en arrière, les yeux fermés. Il voulait retrouver plus de lucidité.

Les premières images étaient celles de sa déchéance, de ses fautes, de ses peurs, de son secret. Pourtant, il voulait se souvenir de sa soirée, mais tout était nébuleux.

Nina était dans le fauteuil, face à l’énorme écran plasma. La porte d’entrée venait de claquer dans le départ de Sandrine. Bien sûr ! Tout était silencieux. Il voyait son reflet, une ombre dans la baie vitrée, un verre à la main, son ombre… oui… non. Puis un jet de fraîcheur venant de nulle part l’emporta dans un trou noir.

Pendant cette longue absence, ses joues s’étaient creusées d’inquiétude.

Son cœur s’était serré par médiocrité. Il fixait la bouteille de Clan Campbell vide, les deux verres sur la table basse. Son regard se porta sur les photographies sous cadre disposées sur la cheminée, sa femme, ses deux filles et son fils.

Que s’était-il passé ?

Pierre sentait une vague de panique l’envahir et décida d’appeler les gendarmes :

— Pierre Durant à l’appareil. Je voudrais parler au capitaine Olivier Laro, dit-il en s’efforçant de contrôler sa voix : « J’ai peur que quelque chose ne soit arrivé à ma fille… Nina… sept ans… Elle n’est plus dans la maison, avait-il ajouté spontanément. »

Le standardiste de la gendarmerie de Doullens identifia aussitôt son interlocuteur.

— Attendez, Monsieur, avant de réveiller le capitaine vous pouvez m’en dire plus. Vous me dites… plus dans la maison.

Dans son écoute, Pierre avait été emporté par des leurres, des débris de vérités :

Était-elle là ? Était-il là aussi ? Non ! Il y avait personne ? Je suis donc… Du… mal… À Nina ! Non ! Non !

En forçant sa mémoire, il revient inconsciemment à la réalité.

— Oui, je me suis endormi. Le vent et la fraîcheur m’ont réveillé. Il y avait de la lumière dans le couloir. Si… enfin non… Je suis allé dans la chambre… de Nina… Elle n’y était pas. Elle…

Pierre laissa sa phrase en suspens afin de trouver les mots justes.

— Elle n’était plus… là… disparue, finit-il par dire. La fenêtre était ouverte en grand. Elle… Nina, ma petite fille… Ma princesse a été kidnappée !

— OK, je préviens le capitaine, Monsieur Durant. Ne faites rien. Nous arrivons.

2

Pierre était effondré dans son canapé. La lueur étrange qui brillait dans ses yeux était de la peur mêlée de tristesse. Ses joues rouges s’étaient creusées par manque de sommeil. Tout ce qui lui restait d’énergie était submergé par la frustration de ne plus savoir :

Ne pas craquer, se disait-il, sans en savoir la raison. Ne pas paniquer, pensait-il en fixant la bouteille de Clan Campbell vide et les deux verres sur la table basse. Il lui était impossible de bouger. En levant les yeux sur les photographies posées sur le petit vaisselier, son estomac se noua comme une corde d’amarrage. Il détourna son regard livide, pour se concentrer sur les bruits de l’extérieur. Ne plus savoir ce qui s’était passé lui faisait froid dans le dos.

Kidnappée… Nina… quand ? Pourquoi ?

Il tendit l’oreille vers la voix qui venait à lui. Il semblait la reconnaître. Cela ne le rassurait pas, au contraire. La présence des verres le tracassait. Perdu dans ses pensées, il sursauta presque en entendant la voix face à lui :

— Monsieur Durant… Pierre… vous avez évoqué une disparition. Pouvez-vous me dire ce qui s’est passé ? Le chuchotis venait d’Olivier.

Pierre leva la tête sur l’homme face à lui. Il plissa les yeux, quelque peu étonné, puis haussa les épaules pour ajouter d’un ton bas, presque timide :

— J’en sais rien, capitaine.

Son esprit n’était pas prêt pour une conversation. Olivier et son lieutenant Romain à deux pas en arrière attendaient une réponse.

Olivier connaissait Pierre pour avoir procédé à son retrait permis, cinq mois plus tôt. Il avait même un attachement particulier et professionnel avec son épouse, Sandrine, médecin-urgentiste à l’hôpital de Doullens et bénévole chez les pompiers.

Olivier se pencha légèrement pour poser une main sur l’épaule de Pierre :

— Je t’écoute, Pierre ?

N’ayant aucune réponse, d’un mouvement circulaire des yeux, il observa les lieux. Une belle et grande cuisine blanc laqué donnait sur une large et longue pièce à vivre, salle à manger, salon, impeccablement rangée, bien décorée et agréablement meublée. Deux spacieuses baies vitrées s’ouvraient sur un agréable espace de verdure ni trop grand ni trop petit. La maison semblait spacieuse. La décoration n’arborait aucun signe de richesse, mais une certaine aisance financière. Pierre semblait être un étranger dans ces lieux.

Olivier ne pouvait dire s’il était accablé par la tristesse, par l’alcool ou par la fatigue.

Les trois à la fois, pensait-il.

Devant le mutisme de l’homme, il se retourna. Entre Romain et lui passa une onde de compréhension mutuelle.

L’homme n’est pas clair.

Romain avança d’un pas à côté d’Olivier, bien en face de Pierre.

— Pardonnez-moi, Monsieur Durant, s’excusa Romain d’une voix calme. Vous nous avez appelés pour signaler la disparition de votre fille. Vous pouvez nous en dire plus ?

Pierre leva la tête, sans vraiment regarder ni l’un ni l’autre. Il fixait la table basse. Une lueur furtive traversa son regard, comme s’il venait d’avoir une révélation, un message divin, une vision.

— Je me suis réveillé, commença-t-il en se posant une fraction de seconde. La porte de la chambre de Sandrine était ouverte. Il y avait des… Oui, une lumière dansait dans le couloir. Il y avait du vent. Je me suis avancé jusqu’à la porte. Je suis allé voir dans la chambre de Nina. Elle n’était plus là.

Sa voix claire et tremblotante chavira soudainement dans la confusion.

— Pourquoi… j’étais dans la chambre de Sandrine ? ajouta-t-il.

Les deux gendarmes étaient, face à un homme qui était incapable de rassembler ses souvenirs. Peut-être même qu’il ne comprenait même pas la raison de leurs présences.

— Donc votre fille n’était plus dans sa chambre, et vous avez fait quoi ensuite ? continua Romain.

— J’ai fait le tour de la maison et je ne l’ai pas vue.

— Sa chambre est à l’étage ?

Après une longue absence :

— La chambre de qui ?

Olivier prit assise sur le fauteuil face à Pierre :

— La chambre de Nina, de votre fille, Monsieur Durant, quémanda-t-il.

Pierre fixa son interlocuteur et un curieux sourire muet laissa vite place à une lueur de regret, de honte sur son visage :

— Ah oui… en haut… à droite de l’escalier… celle au fond du couloir. Elle est restée ouverte… Je crois.

— Bon, nous allons monter. Ensuite, vous nous raconterez ce qui s’est passé, finit par dire Olivier.

— Ouais… mais je ne sais pas. Je vous ai tout dit.

Romain regarda longuement son capitaine en secouant la tête, en signe d’abandon. À ses yeux, c’était une cause perdue d’avance. Ils n’auront aucune explication plausible, pour l’instant.

Mentalement, Romain était resté sur l’étrange timide sourire : « À quoi joues-tu, mon bonhomme ? »

— Je vais avant tout visiter le bas, Capitaine, suggéra Romain.

— Tu m’attends pour le haut.

— OK !

Olivier mit des gants de latex et emporta la bouteille et les deux verres, dans la cuisine à côté de plusieurs canettes de bière vides. De la fenêtre de cuisine, il visita des yeux l’admirable jardin, en se retournant sur Pierre :

Quel gâchis, pensait-il.

La visite de Romain avait été rapide. Olivier alla le rejoindre aux pieds de l’escalier :

— Je t’écoute ? demanda-t-il.

— Tout est clean. Les portes et fenêtres sont fermées de l’intérieur. Le canapé du bureau est transformé en lit.

— Cela ne me surprend pas. Depuis son problème d’alcool, le couple ne va plus trop bien.

— Vous croyez à son histoire de kidnapping, capitaine ?

Une courte hésitation précéda la réponse :

— Je ne sais pas. C’est curieux.

Olivier s’immobilisa au bas de l’escalier en fixant le sol. Des chaussons roses au bas des marches retiennent son attention. Olivier stoppa Romain par le bras :

— Je vais appeler la scientifique et une équipe pour faire le tour du voisinage. On jette un rapide coup d’œil, sans rien toucher.

L’escalier en chêne clair conduisait à un long couloir traversant de six portes. Ils partirent vers la droite, vers une porte fermée et deux portes face-à-face, ouvertes. Ils restèrent dans le passage en visitant des yeux les chambres, l’une avait bien un lit légèrement défait et l’autre semblait inoccupée, un lit non fait, une chambre d’ami. Olivier avança dans la chambre parentale pour visiter le coin salle de bain et la partie dressing. Il observa très vite le côté uniquement féminin. En poussant la porte du fond, Romain découvrit une belle et grande chambre, au volet fermé, de toute évidence la chambre du fils, qui était restée dans le passé, dans sa parure de jeunesse. Olivier confirma que c’était bien la chambre de l’épouse.

Romain fronça les sourcils :

— Mais pourquoi venir se coucher dans le lit de sa femme ? s’interrogea-t-il à haute voix. On est bien d’accord, sa chambre, c’est le bureau en bas ?

— Il était complètement bourré. Il ne savait plus ce qu’il faisait.

— C’est bien ça qui m’inquiète, capitaine.

La banale réponse d’Olivier n’avait convaincu ni lui ni Romain. Ils reprirent leur visite, la porte au centre du palier était une grande salle de bain. Ils avançaient sous la clarté de l’aurore qui venait de la fenêtre au fond du couloir. Sur les deux portes face à face, une seule était ouverte, la chambre de Nina.

La fenêtre était totalement ouverte. Le lit défait attestait une récente présence. Un téléphone portable était posé sur une petite table de chevet. Sur le petit bureau, il n’y avait qu’un ordinateur portable fermé. Les étagères au-dessus de l’écritoire étaient couvertes de livre, de photos et de jouets.

C’était la chambre d’une fillette tranquille et d’une grande simplicité, sans idéalisation particulière.

Romain poussa la porte en face et perçut une chambre plus adonisée, de toute évidence, celle de sa sœur. Il rejoint Olivier en visitant la chambre des yeux :

— Le père est à côté de ses pompes. Rien ne dit que la gamine a été kidnappée, dit-il.

Il avança vers la fenêtre et se pencha à l’extérieur.

— Pour l’enlèvement par la fenêtre, il faut une échelle. D’ici, je ne vois aucune trace sur la pelouse fraîche. Il n’y a aucune marque sur le parquet.

Au rez-de-chaussée, il n’y a aucune trace d’effraction. Sans être un expert, le ou les kidnappeurs sont entrés par la porte d’entrée.

En suivant le raisonnement logique de son lieutenant, Olivier scrutait la pièce en profilant les événements.

— Une fugue, Romain, finit-il par dire.

Romain ouvre la petite armoire en bois blanc assortie au lit.

— OK, elle part sans prendre de vêtements, sans son sac, sans téléphone portable, en robe de chambre. Elle prend soin de préparer son sac d’école. Vous savez quoi sur le couple.

— Tu connais où tu as déjà croisé la mère ? Sandrine est urgentiste à l’hôpital de Doullens, bénévole chez les pompiers. Lui est commercial pour un laboratoire pharmaceutique. Il a eu une suspension de permis de six mois pour conduite en état d’ivresse. Elle doit prendre fin bientôt. Ils ont deux filles et un fils. Le grand-père a trois agences immobilières, Amiens, Abbeville et celle de Doullens, rue du Bourg.

— Vous croyez que l’on peut envisager un enlèvement pour une demande de rançon ?

— Je n’en sais rien. Mais c’est possible. Malgré leur simplicité, il semble y avoir de l’argent.

— Supposons, capitaine, il serait idiot de passer à l’acte dans la maison, en présence du père. Cela demanderait de la préparation, un poste d’observation. Puis il y a les deux verres. Il y avait quelqu’un avec le père. Non, l’histoire du père n’est pas claire, capitaine.

Olivier ne peut qu’adhérer aux conclusions de Romain.

— T’as raison, allons voir ce qu’il dit, en attendant la cavalerie.

En arrivant dans le hall, ils se séparèrent. Olivier alla prendre place dans le fauteuil en face de Pierre. Il n’avait pas bougé d’un pouce. Romain voulait visiter les extérieurs, pour se faire une idée de cette étrange situation.

Olivier réfléchit quelques instants devant l’apathie de Pierre.

— Je ne vais avoir aucune réponse, mais essayons. Nous allons essayer de reconstituer votre soirée, Pierre.

Olivier s’était exprimé d’un ton apaisant. Pierre leva la tête, lança un regard de côté, et secoua la tête en signe d’approbation.

— Racontez-moi votre soirée. Après le départ de votre épouse, car je suppose qu’elle est de service cette nuit.

Pierre jeta un coup d’œil à sa montre.

— Oui, jusqu’à six heures. Je ne l’ai pas prévenue.

Olivier resta bouche bée, devant l’étonnante et spontanée réaction de Pierre.

— On va le faire, ajouta-t-il, en reprenant son tête-à-tête. Alors que s’est-il passé ?

— Je ne sais pas. Sandrine est partie comme d’habitude. Nina était dans le fauteuil devant la télé. Ensuite je… ne m’en souviens plus.

— Qui était avec vous ?

— Personne.

— Pourquoi, il y avait deux verres ?

— Non, il n’y avait personne.

— Vous vous êtes réveillé vers quelle heure ?

— Vers trois heures trente…

Pierre posa un regard ennuyé sur Olivier :

— Oui vers trois heures trente… dans la chambre de Sandrine… et… je vous ai appelé de suite.

— Une heure après, votre appel a été enregistré à quatre heures trente-deux, affirma Olivier. Qu’avez-vous fait pendant une heure ?

— J’ai cherché Nina.

— Pourquoi ne pas prévenir votre épouse, un voisin ?

— Je ne sais pas. Je voulais la retrouver.

Olivier sait qu’il ne va rien retirer de cet homme. Romain revient vers lui.

Il va le rejoindre dans le hall.

— Alors ? demanda Romain.

— Il ne sait rien. Il est complètement à l’ouest.

— J’ai fait le tour, rien à signaler. Les gars de la scientifique sont arrivés. J’ai demandé de lui faire une prise de sang au plus vite. Nos hommes vont inspecter la zone et commençaient une petite enquête de voisinage, en toute discrétion.

— Pour l’instant, nous ne sommes pas sûrs qu’il y a Kidnapping. Nous devons avoir une idée précise des circonstances au plus vite. Je vais rester avec la scientifique, pour faire activer les choses. Toi, va prévenir la mère à l’hôpital.

Olivier venait d’accepter le comportement suspect de Pierre.

Dix minutes plus tard, Romain conduisait en direction de l’hôpital, tout en s’efforçant de séparer mentalement les faits, sans impliquer le père.

Il sait que les parents, les proches, sont les premiers à figurer sur la liste des suspects. À cet instant, il ne pouvait qu’approuver. Pourtant, un quelque chose le troublait. Un quelque chose d’indéfinissable, qu’il ne parvenait pas à cerner.

Le père ne mentait pas. Il n’était pas homme à faire du mal à un enfant, surtout pas à sa fille. Il ne le voyait pas, comme un homme à fuir ses responsabilités. Même éméché, en cas d’accident, il aurait tout fait pour sauver sa fille.

Il arriva vite sur le parking des urgences. Les deux mains sur le volant, il s’immergea dans la quiétude paresseuse de ce matin de printemps. Les faibles rayons de soleil semblaient vouloir dissimuler la dramatique noirceur d’une disparition d’enfant.

Il était là immobile, la peur au ventre. La peur d’être incapable de trouver les mots pour rassurer une mère. Pour une raison qu’il ne pouvait contrôler, il avait du mal à penser qu’elle était saine et sauve. Il trouva la force de sortir.

3

La maison en face de celle de la famille Durant est le siège social d’une petite entreprise familiale : la TMP (Transport et Messagerie Picard), leur entrepôt est Rue de Lucheux.

Véronique Déchant gère l’entreprise de chez elle. Elle est l’amie de Sandrine, de Pierre et une mère de substitution pour Nina.

Ce soir-là, comme tous les soirs de service de Sandrine, Véronique avait rendu visite à Nina. Il était vingt heures trente lorsqu’elle referma le petit portail de la propriété de la famille Durant. Comme à son habitude, Pierre avait été indifférent à son va-et-vient dans la maison. Il était resté dans son canapé, devant la télé. Elle s’était attardée pour un simple bonsoir.

Un tout va bien et un je suis pressé Nico, doit venir.

En repartant, elle ferma la porte d’entrée à clé, sur un :

— Quel malheur ?

Il était vingt et une heures lorsque son frère Nicolas arriva avec son fourgon. Il était venu pour enlever une caisse qui se trouve dans le garage. Une livraison de dernière minute pour le matin même, avant quatre heures trente du matin.

Nicolas resta pour dîner, Véronique lui proposa de rester dormir dans la chambre d’ami. Il accepta, mais préféra dormir sur le canapé pour ne pas déranger.

Vers vingt-trois heures, Véronique était allée se coucher. À chaque début de sommeil, la discorde entre sa fille et elle avait la fâcheuse manie de venir la hanter. Depuis, elle vivait dans le remords.

Elle s’était réveillée subitement. Les paupières à demi closes excitèrent son attention. Le petit écran posait sur la table de chevet, indiquait deux heures trente-deux. Elle avait la sensation d’avoir dormi plusieurs heures. Un pli soucieux sur le front donna raison au bruit.

C’est le camion de Franck. Il est déjà rentré ? songea-t-elle.

Elle tendit l’oreille et entendit son mari parler à voix basse à son frère. Elle savait qu’il n’allait pas la rejoindre, trop fatigué.

Il va prendre un bain chaud et s’installer sur la chaise longue dans la véranda, avant de repartir tôt, conclut-elle.

Une tasse de café en main, Franck était resté longuement à la fenêtre de la cuisine, à observer la maison de Pierre. Il y avait un quelque chose de différent. Il se frotta le sommet de la tête comme trouver ce qui clochait, mais rien d’anormal.

En traversant le salon sous les ronflements de son beau-frère, il s’installa sur la chaise longue pour un court repos.

À quatre heures douze, le fourgon de Nicolas roulait lentement. Il arriva à l’adresse indiquée sur le bon de livraison et se gara le long du trottoir, à cette heure les rues étaient désertes. Il jeta un coup d’œil à sa montre, il était légèrement en avance. Il but une gorgée de café tiédasse de sa thermos de plus de deux jours, pour soulager sa petite gueule de bois. Il fixa l’entrée de la maison, elle semblait dormir. Il resta plusieurs minutes les mains sur le volant, puis alla à l’arrière du véhicule. Il descendit la rampe de déchargement, et emporta avec un diable la caisse de bois. Il traversa le petit jardin pour la déposer devant l’entrée, à l’heure précisée par le client.

En reprenant le chemin inverse, il crut entendre un son, comme un fort soupir, un râle. Il se retourna en observant la caisse. Puis son regard se porta sur une silhouette de derrière les rideaux. Quelqu’un l’attendait. Il prit la direction de l’entrepôt.

Franck était parti peu de temps après, Nicolas. En sortant de l’entrée de sa maison avec son camion, les fenêtres de la maison de pierres s’éclairèrent les unes après les autres.

Putain de camion, se dit-il. Je réveille le quartier. La Véro va encore gueuler.

Il prit la direction de la N25. Ses paupières basses par manque de sommeil étaient soulignées d’un trait amusé aux lèvres. Véronique était restée au lit. Elle n’avait pas tenté de savoir, les raisons de son retour, avec le camion, ce qu’elle avait en horreur.

Il resta main sur le volant, devant la grand-porte métallique de l’entrepôt sans déclencher son ouverture. Vitre ouverte, il écoutait le silence. Les images, les mots du passé lui revenaient en mémoire. C’était le soir de la confrontation mère, fille. Le soir où la rudesse des mots avait transformé sa vie. Ils étaient gravés au fond de son crâne :

— Je te déteste ! Je vais quitter cette baraque ! avait dit Clara, sa fille.

Ce jour-là, Véronique avait sorti de ses gonds. Au matin, Clara n’était plus là.

Elle avait disparu. Elle n’avait rien emporté, ni son téléphone, ni ordinateur, ni vêtement, ni papier d’identité.

5 minutes plus tard, il était devant son bureau encombré de bons de livraison. Il ne parvenait pas à se mettre au travail. Il pivota sur son fauteuil pour faire face à la fenêtre. Ce matin, il était rentré pour parler de Clara à son épouse. Il n’avait pas trouvé la force de le faire, en jugeant qu’il était trop tôt. Il aurait voulu sortir de ses mensonges. Soudain, la porte s’ouvrit sur le sourire de Nicolas. Il tenait une grosse enveloppe en papier gris à la main :

— Elle était dans la boîte, dit-il.

Il avança pour la déposer sur le bureau, sous indifférence de Franck qui la laissa de côté. Ils évoquèrent ensemble les tâches de la journée. Nicolas quitta le bureau sur un :

— Salut, bonne journée et à ce soir.

Les yeux sur l’enveloppe, Franck saisit un coupe-papier pour l’ouvrir et en sortit le contenu. Après plusieurs secondes de réflexion, il remit l’ensemble des documents dans l’enveloppe et l’emporta avec lui.

4

De retour de l’hôpital, Romain était resté avec les hommes à l’extérieur. La visite de la zone n’avait rien donné. Les voisins proches n’avaient rien vu d’anormal. Enfin si, l’agitation inhabituelle chez Véronique. Romain avançait sur les petites dalles en direction de la porte d’entrée. Il voyait par fenêtre, Olivier immobile, silencieux face au canapé.

Arrivé sur le seuil de la maison, il visita des yeux, la route, les maisons, le portail automatique, ouvert, le bas muret surmonté d’une grille de plus d’un mètre, le portillon fermé. Il serra les paupières et tenta d’imaginer le scénario tel qu’il avait dû se dérouler.

Il fait nuit. Il fait nuit noire. Depuis la crise énergétique, il n’y a plus d’éclairage dans les rues. Le ravisseur laisse son véhicule sur le bord de la route, passe au-dessus des grilles. Il entre par une des fenêtres du bas. Pierre est endormi. Dix minutes plus tard, il revient avec la fillette dans les bras. Il avait pris soin d’ouvrir le portail de l’intérieur avec la télécommande.

Après réflexion possible, peu probable, trop de risques d’être vu. En plus aucune trace de pas sur la pelouse ni effraction. Comment fait-il pour refermer le portail ?

Un autre scénario lui vient à l’esprit :

Une voiture passe le portail, qui s’ouvre devant elle. Une silhouette sort calmement du véhicule stationné à côté de la 508. Pas visible de la rue. Il ouvre la porte avec une clé ou on lui ouvre. Après un long moment, il ressort avec la fillette dans ses bras. La pose dans le coffre, ou sur la banquette arrière de sa voiture. Il repart et le portail se referme. Il y a donc complicité du père.

Les yeux fermés, il chuchotait sa désapprobation en haussant la tête.

Le père est bourré ? Complètement cuit dans le canapé. L’individu a la clé et une télécommande, il entre, monte à l’étage, drogue la petite. Ensuite, il descend, emporte le père dans la chambre de son épouse, pourquoi ? Si c’est un proche, il sait que Pierre dort dans le bureau. Puis il redescend avec la petite et l’emporte. OK l’individu a la clé de la maison, la télécommande, donc un proche. Comment il a su que Pierre était éméché ? Il devait surveiller où il était à l’intérieur. Les deux verres, implication du père.

En libérant ses rétines, il examina la rue, aucun véhicule en stationnement sur la route, les voitures sont soit au garage, ou dans les entrées des propriétés. Il observa l’une après l’autre les fenêtres sombres ou lumineuses des maisons. Son estomac se noua.

Si ce n’était pas un proche. L’individu a observé les faits et gestes de la famille, pendant plusieurs jours, sans être repéré… dans ce type de résidence, impossible de ne pas être remarqué.

Dans l’esprit de Romain vient de naître la thèse de l’accident, un simulacre de disparition.

Mais pourquoi ? Il est ivre, donc complicité.

Le capitaine était venu à côté de lui en silence. Lui aussi regardait la rue et l’agitation des uniformes et des hommes en blanc. Romain sursauta presque en entendant sa voix :

— À quoi penses-tu ? murmura Olivier.

Romain resta sans bouger :

— J’ai un drôle pressentiment. Les hommes n’ont rien. Si kidnapping il y a, l’individu est entré par la porte. Donc il avait la clé et la télécommande du portail ? Dans le cas contraire qui lui a ouvert, de l’intérieur ?

— Ouais, ça tient la route. Pour la prise de sang, Pierre n’a fait aucune résistance, n’a posé aucune question. Il reste sur ses positions, il ne sait plus.

Romain était obsédé par le portail.

Il était ouvert à leur arrivée, par qui ?

— Lorsque nous sommes arrivés, le portail était ouvert, capitaine ?

— Eu… Oui… je suppose que c’est Pierre, après nous avoir téléphoné.

— Vous êtes sûr ?

— Non, franchement je n’ai pas posé la question. Tu lui demanderas plus tard, lorsqu’il aura retrouvé ses esprits.

Romain laissa cela de côté, la façon d’entrer dans la propriété, dans la maison l’embarrasse.

— Ouais… finit-il par dire. Que dit l’adjudant de la scientifique ? questionna-t-il.

— Je suis venu te chercher pour monter le voir.

Ils montèrent, à l’étage, en partageant la même appréhension.

Rien n’est clair dans cette disparition.

Ils restèrent dans le bâillement de la porte de la chambre, deux hommes en blanc inspectaient tous les coins.

— Alors, monsieur, qu’en pensez-vous ? demanda Olivier.

— Personne n’est entré ni sorti par la fenêtre. Il semble qu’il ne manque aucun vêtement. Son sac de sport, son cartable d’école sont prêts pour ce matin. Son téléphone portable aussi, un ado ne partirait pas sans lui.

C’est bizarre, il n’y a aucune couverture ni couette. Pourtant, les nuits sont encore fraîches. Il faut voir ça avec la mère. Aucune trace de chaussures, de pas, sur le parquet à l’étage, ni dans l’escalier, ni dans le hall. Il y a bien des traces de terre sur le tapis à l’entrée. Mais c’est peut-être dû, aux entrées et sorties du père, qui cherchait sa fille.

Tous les prélèvements ont été faits, capitaine.

Pour moi, le kidnappeur est entré par la porte. Il avait une clé ou on lui a ouvert.

— Une fugue peut-être, chef ? interrogea Romain.

— Tout est possible, Lieutenant. Donc, elle aurait changé de vêtements. Elle serait descendue en pantoufles. Elle aurait mis ses chaussures, se serait assise sur la dernière marche, ce qui expliquerait que les chaussons étaient dans le sens de la sortie. Mais alors, dites-moi, lieutenant, pourquoi elle emporterait sa chemise de nuit sous son bras ? Pourquoi, elle partirait sans rien prendre ?

L’adjudant marque une longue seconde de silence, pour rependre en les fixant.

— C’est le père qui dit qu’elle a disparu. Pour l’instant, rien ne prouve qu’elle a été enlevée. Que dit-il, capitaine ?

— Rien, il était encore sous l’effet de l’alcool.

— Vous savez, comme moi, que l’on distingue trois types d’enlèvement, un membre de la famille, un proche est de loin le plus courant. Un pervers, un malade ou un inconnu laisse des traces. Nous n’avons rien pour l’instant, capitaine. Une demande de rançon pourrait fournir une indication. En son absence et contenu de l’absence d’indices, de messages. J’exclurais l’idée d’un inconnu ou une motivation d’ordre sexuel. Elle aurait été enlevée dans la rue. Je soutiens l’idée d’un proche, d’un habitué des lieux.

L’adjudant posa un regard à la fois préoccupé et placide, comme pour exprimer ses doutes.

— J’ai cru comprendre, reprend-il, que le père soutient qu’il était seul et qu’il n’a plus de permis de conduire, mon capitaine ?

Romain, qui partageait le même sentiment, devance Olivier.

— Oui, en apparence il était complètement bourré. Il s’est réveillé dans le lit de sa femme, alors qu’il dort dans le bureau. Il simule peut-être une amnésie.

— L’analyse de sang confirmera, lieutenant. Mais allez voir mes gars à l’extérieur, capitaine. Le lieutenant a peut-être raison. La 508 aurait été déplacée. Elle est fermée.

— Vous êtes vraiment sûr qu’elle a bougé ? insiste Olivier.

— Mes gars sont formels. Le véhicule a bougé cette nuit. Ce qui est étrange, c’est que le moteur est froid, très froid. Ce qui veut dire qu’il n’a pas roulé longtemps, ou pas du tout. Il nous faudrait les clés, Capitaine.

— Si je vous suis mon adjudant. Le ravisseur aurait utilisé la voiture ? réitère Olivier.

Romain sort de sa réserve, en suspectant directement Pierre :

— Supposons que la fillette a eu un accident. Le père panique, emporte sa fille pas très loin. Il appelle un proche. Ils composent un scénario et simulent une amnésie. Il nous appelle avant le retour de son épouse.

Olivier hausse les épaules en agitant négativement la tête :

— OK le père. Mais pourquoi laisser deux verres ? Pourquoi prendre sa voiture ? Avec son ami, ils avaient largement le temps de faire autrement.

— Messieurs, attendez les résultats des analyses avant toute supposition.

Une chose est sûre, la fillette n’est plus là. Je vous ai dit que la voiture a simplement bougé. Il faut…

Soudain, des hurlements de femme se propagent dans la maison.

— Espèce d’ivrogne ! Elle est où, Nina ?

Olivier et Romain descendent les escaliers à toute vitesse. Dans sa course, Olivier demande à Romain d’aller voir l’histoire de voiture.

Sandrine était effondrée sur l’un des deux fauteuils, le visage baigné de larmes, les cheveux en bataille et les bras au long de corps. Pierre écoutait sans dire un mot. Elle plongea ses yeux dans ceux du capitaine.

— Vous l’avez retrouvée, capitaine ? murmura-t-elle.

Devant la tristesse de cette femme, Olivier se sentait inutile, impuissant par manque de renseignements. Il devait en savoir plus pour lancer une enquête pour enlèvement :

— Malheureusement, pas pour l’instant. Le problème est que votre mari ne se souvient de rien.

— Cela ne me surprend pas !

— Nous aurions besoin de votre aide, madame.

Pierre aurait voulu protester, mais aucun mot ne sortait de sa bouche. Conscient qu’aucun mot ne comblerait la colère de son épouse.

— Vous pouvez me dire ce qui s’est passé avant de quitter la maison.

— Comme d’habitude, à partir de dix-sept heures, je reste avec Nina pour ses devoirs d’école. Je pars vers dix-huit heures quarante-cinq. Le dîner est toujours prêt. Elle doit prendre sa douche, se coucher vers vingt heures. Ce qu’elle fait chaque soir après avoir envoyé un message à sa sœur. Presque chaque soir lorsque je suis de service, Véronique passe la voir. Elle habite en face, c’est une amie, et sa nounou en quelque sorte.

— Et votre mari était où ?

— Là où il est, dans le canapé ! Devant la télé, avec un verre à la main, je suppose.

Olivier repense à l’histoire du portail ouverte ou pas, du portillon.

— Lorsque vous avez quitté la maison, vous avez fermé votre portail, je suppose ?

— Oui, bien sûr il reste fermé pour la nuit et même le jour. Il n’y a que Véronique qui a une clé du portillon qui reste toujours fermé à clé.

Mentalement, le problème est résolu, Pierre a ouvert après son appel.

— J’ai une question un peu plus personnelle, comment…

Le capitaine avait à peine fini sa phrase que Sandrine répondit :

— Je vous arrête, capitaine. Nous sommes en instance de séparation. Il vient de trouver un logement. Pour l’instant, il dort dans le bureau.

Sandrine plongea ses yeux dans ceux de Pierre. Malgré la situation, le haïr était plus difficile qu’elle ne l’aurait cru. Même en colère, elle gardait secrète une onde d’amour. Lui restait muet.

— Oh, repend-elle, les années de confinements l’ont tué. Il a sombré dans l’alcool avec le travail à la maison. Le séminaire qui suivit l’a complètement changé. Puis il y a eu ce dîner avec des collègues qui s’est terminé par un retrait permis. Enfin vous le savez mieux que personne, puisque… Oh, il n’a pas l’alcool mauvais. Le plus grave c’est qu’il ne sait plus ce qu’il fait, ce qui dit.

— La 508 devant le garage est à votre mari. Elle était là lorsque vous êtes parti.

— Oui, elle est conduite soit par Ella ou un copain, pour visiter certains clients. Vous savez, c’est un très bon commercial, un bon père et un formidable mari. On ne comprend pas ce qui se passe.

Soudain, Sandrine semblait être perdue dans ses pensées. Elle avait les yeux sur les photos encadrées, posées sur les meubles. On y voyait Nina bébé, enroulée dans une couverture rose pâle. Nina, toute petite faisant ses premiers pas. Nina à son premier jour de maternelle. Nina était entourée par sa sœur, son frère, sa mère.

Soudain, les mots du capitaine la firent réagir :

— Nina aurait pu… Fugué.

— FU…GUE ! Fugué, Nina… Non ! Elle est bien dans sa tête.

Sa sœur revient pratiquement toutes les semaines. Lorsque je suis de service samedi et dimanche, elle vient la chercher. Elles partent souvent avec leur père ou leur grand-père au Crotoy dans la maison de mon père ou sur Amiens chez lui. Comme vous voyez, ils s’attendent à merveille même avec mon père.

Gabin les accompagne souvent. Non… Non… capitaine, une fugue, c’est impossible. En plus, vous avez Véro, sa nounou, elle habite en face et passe pratiquement chaque soir.

Olivier laissa son regard dériver dans la maison, sur les meubles. Aux murs, les photographies sous cadre exprimaient le bonheur. La présence de Romain dans le hall attira son attention.

— Je vous laisse, un instant.

Olivier resta sur seuil. Il écoutait Romain tout en écoutant à l’intérieur.

— Les gars de la scientifique sont formels, la 508 a bougé cette nuit. Pour eux, elle a bougé, mais n’a pas roulé, elle ne serait pas sortie de la propriété. Il serait bon de regarder à l’intérieur du véhicule ?

Olivier recule d’un pas, dans le hall.

— Madame vous avez les clés, de la voiture de votre mari ? demanda-t-il.

— Oui, regardez dans la coupe sur le meuble d’entrée, répondit Sandrine.

— On peut y jeter un coup d’œil.

— Bien sûr.

Olivier, clé en main, entraîna Romain vers la voiture. Il demanda à l’adjudant de la scientifique de venir le rejoindre. L’adjudant en gants de latex ouvrit la portière avant, puis les autres, à l’intérieur, rien d’anormal. En faisant le tour, il contrôla le dire de ses hommes.

— Ils ont raison, capitaine, elle a bien bougé cette nuit. On l’aurait simplement déplacée pour la remettre presque à sa place, confirma l’adjudant.

Romain et Olivier l’avaient suivi à l’arrière du véhicule. Les trois hommes restèrent comme paralysés dans l’ouverture du coffre.

L’adjudant sortait doucement une couverture rose. Les deux bras levés, il l’exposa comme un linge sur une corde :

— C’est les mêmes motifs que la parure de lit. Pas de doute, elle vient de la chambre de la petite. Elle est légèrement humide. Il me semble qu’elle est là depuis peu. Elle est propre, pas de traces particulières. Sans analyse, impossible d’en dire plus, capitaine.

Olivier était resté sans mot. L’adjudant fouille le coffre, rien de plus :

— Il faut que l’on emporte le véhicule, dit l’adjudant.

Olivier, perdu dans ses pensées, répondit machinalement :

— Oui… oui… Bien sûr.

Sandrine regardait, par la baie vitrée, les trois hommes devant la couverture. Ses grands yeux se remplissaient d’horreur et de douleur. Dans l’expression des visages, elle lisait la culpabilité de Pierre. Elle posa les deux mains sur la bouche pour ne pas crier. Les larmes coulaient lentement sur la joue. Elle se retourna légèrement pour regarder le haut de la tête de son mari :

— Non, c’est impossible.

Elle alla rejoindre Pierre. Elle prit place sur le bord du fauteuil face à lui. Elle se rapprocha le plus près possible de son visage. Elle ne trouvait pas de mots. Ses yeux en larme étaient voilés par de lointains souvenirs. Tout était enchevêtré en elle, comme bloqué par une grande douleur. Son ventre se contracta comme pour retenir son souffle dans l’attente de trouver les mots. Soudain :

— Que s’est-il passé, mon chéri ?

Un court silence accueillit les mots de Sandrine. Pierre hocha la tête, comme accablé par la douceur de son épouse, et leva les yeux.

— Je ne sais pas.

La voix de Pierre se brisa, des larmes lui gonflaient les paupières. Il essuya les yeux à l’aide d’un mouchoir en papier. Lorsqu’il leva de nouveau son visage vers Sandrine, il était tout brillant. Elle venait d’avoir des réponses, avait acquis la certitude que Pierre n’était pas coupable. Elle n’avait jamais été aussi nerveuse de toute son existence. Il n’était pas question d’ajouter aux absences de Pierre, sa colère, sa détresse.

5

Nina se réveilla dans le noir. Elle entendait des bruits, des voix. Sa première pensée était que son père et sa mère étaient là. Et que ce matin, ils avaient trouvé une raison de discuter sans se disputer. En ouvrant grand les yeux, elle n’était pas dans sa chambre ni dans son lit. Elle ne savait pas où elle se trouvait. Allongée, immobile, elle tendait l’oreille vers les chuchotements, parfois nerveux et parfois calmes, qui lui parvenaient du trait de lumière de sous la porte. Elle croyait reconnaître l’une des voix. Le timbre d’une voix de femme lui était familier. Les tonalités plus agitées étaient celles d’un homme. Impossible de mettre un visage sur les mots. Plutôt de la rassurer, cela l’inquiétait davantage. Elle ne comprenait pas pourquoi on l’avait amenée ici ni comment elle était venue. En scrutant les profondeurs de l’obscurité, elle sentait un regard invisible, une présence. Elle se recroquevilla un peu plus dans le haut du lit. Soudain, de légers grincements transformèrent une porte en un puits de lumière faisant apparaître une ombre. La silhouette d’une femme, elle était grande et mince, ses longs cheveux de cuivre luisaient. Ses courbes et sa chevelure cuivrée la plongèrent dans une grotesque réflexion :

— Non, ce n’est pas… elle ? Non… Ce n’est pas Tati Véro ?

Elle visita rapidement la pièce des yeux, des rideaux sombres cachaient deux fenêtres aveugles. Sur la droite, une porte ouverte montrait un coin toilette. L’ameublement était des plus sommaire : un lit, une longue table collée au mur de gauche, une chaise. Elle voyait un écran télé, des jeux vidéo, des livres, cela l’effraya de plus en plus. Elle en voyait assez pour avoir peur, tous ces objets lui étaient familiers. Ils ressemblaient à ceux de sa chambre. Dans sa tête d’enfant, la similitude n’était pas bon signe. Elle serra les paupières pour empêcher ses larmes de couler. Elle se concentra sur la voix qui venait de la lumière :

— Tu vas rester ici peu de temps, ma chérie. N’aie pas peur. Ton père va venir te rejoindre. Bientôt.

Les mots étaient à la fois moqueurs et bienveillants.

Elle aurait voulu répondre, savoir, mais son cœur battait à tout rompre. En levant la tête, elle serra les paupières et scella ses lèvres.

Elle entendait à nouveau les gonds grincer, le cliquetis épais d’un verrou de fer. La clarté soudaine d’une seule ampoule au plafond la plongea dans l’inquiétude.

Elle n’aimait pas l’endroit où elle se trouvait. Pourtant, tout lui était familier. Il y avait une de ses robes sur la chaise, les mêmes jouets, les mêmes livres sur la table. Elle était dans sa chemise de nuit préférée. Elle était sur son édredon rose. À son grand désespoir, il n’y avait pas son téléphone ni son ordinateur portable. Elle aurait voulu parler à sa sœur.

Soudain, la porte s’ouvra à nouveau, sur une silhouette plus masculine. Elle était aussi mince. Elle semblait aussi jeune. Elle avançait d’un pas calme. Son visage était un masque blanc et lisse. Les yeux étaient des trous sombres. Son attitude n’avait rien d’effrayant, ni de plaisant, banal même. Elle venait en tenant un plateau dans les bras et le posa sur la table. En se retournant doucement, il calma son anxiété, ses peurs même :

— Il n’y a aucune raison pour avoir peur. Je t’apporte tes gâteaux, ta boisson favorite, Nina. Ce midi, tu auras des coquillettes-jambon. Tout est comme à la maison, comme le veut ta mère…

Après court silence :

— Comme le voudrait la bonne et la charitable doctoresse.

De forts rires hystériques envahirent la piècepour se terminer par :

— Et ton père… ce libertin alcoolique.

Dans ce tumulte de rires suaves et âpres, la silhouette se fractionna en un corps de femme et d’homme. Pendant une fraction de seconde, Nina avait été face à deux êtres, deux ombres, deux intonations.

— Oh, excuse-moi, ma chérie. Je me laisse emporter, mais tu n’as nulle raison d’avoir peur.

Un autre léger rire accompagna un murmure lointain.

On n’a nulle raison d’avoir peur, lorsqu’on a nulle raison d’être.

Ce chuchotement semblait de venir de l’autre pièce, des murs, il était suivi de :

— Oui, nulle raison d’être. Ne pas être, telle fut sa volonté et pourtant je suis et tu es à mes côtés.

La silhouette se retourna en gloussant, avança vers la porte et la verrouilla sur un :

— Ce n’est qu’un jeu, Nina.

La voix, les voix avaient été étrangement calmes. Les timbres à la fois menaçants, et débonnaires étaient quelque peu confus.

Nina s’était tue, pour mieux comprendre. Son esprit était embrouillé. On ne lui voulait pas de mal. Elle était retenue prisonnière, par jeu. Tous les objets personnels soulageaient ses angoisses tout en désavouant ce jeu.

Si c’est un jeu, il est stupide… Maman ! Papa, pensait-elle.

Dans sa tête, il n’y avait plus qu’un visage, celui de sa sœur. Elle se mit à sangloter doucement sur l’oreiller, en se concentrant sur la fusion des voix de l’autre pièce :

Elle… longtemps… pourrait… mon amour… père… Tôt là.

Les timbres étaient différents, parfois emportés et parfois amusés.

Elle ne percevait que des mots dans des phrases indéchiffrables. Des bourrasques de rires dissonants lui glacèrent le sang dans ses veines. Elle retint ses larmes. Soudain, la maison sombra dans le silence. Elle avança à la table, observa son petit déjeuner :

C’est vraiment un jeu, mais un jeu à la con, Papa, se dit-elle.

6

Véronique s’était réveillée avec le ronflement du camion. Elle avait sa présence en horreur, par respect du voisinage. Son esprit était embué par le manque de sommeil. Ses paupières à demi ouvertes calfeutraient encore les images de son rêve, de son cauchemar obsessionnel.

Le soleil éclairait une grande roue, des manèges se dispersaient sur le champ de foire. La lueur des néons dansait, rythmée par des cris, des musiques. Des odeurs de pop-corn, de barbe à papa épaississaient l’air. Près d’une barrière, deux fillettes dégustaient une gaufre avec appétit. Elle observait avec fascination ces petites têtes blondes, portant le même T-shirt et même short en jean aux lèvres maculées de poudre blanche. En aspirant le regard des deux gamines, sa respiration s’accéléra au point de les reconnaître. Nina était avec sa fille Clara. Les petites filles se mirent à marcher dans sa direction. Puis elle se voit marcher entre les deux fillettes en se tenant par la main.

Ces images inondaient son cœur de bonheur, au point de l’emporter dans son réveil. Ce matin, une curieuse pollution lumineuse polychrome traversa les persiennes, comme pour l’inviter à se lever. Elle regarda le réveil sur la table de chevet, cinq heures dix-huit. Elle s’adossa au dos de lit, pour mieux se concentrer sur les bruits, les voix du dehors. Elle tourna la tête vers la fenêtre calfeutrée avec l’intention d’aller voir. Le reste de fatigue défia sa curiosité, elle n’avait qu’une seule idée en tête.

Pourquoi Franck était-il revenu avec le camion ? Pour m’emmerder, bien sûr.

Elle descendit dans la cuisine et resta immobile devant la fenêtre. Deux gendarmes et une silhouette blanche étaient à l’arrière de la voiture de Pierre. Sandrine, son amie, était en larme derrière la baie vitrée du salon. En inclinant la tête, elle perçut les cheveux de Pierre sur le dessus du canapé. Machinalement elle mit la cafetière en marche, et sortit pain et beurre.

Elle ouvra la fenêtre. Des voix, portées par le vent, figèrent son sang dans ses veines, son cœur n’avait plus d’aubade.

La petite Nina aurait disparu, elle aurait été kidnappée.

Elle était comme paralysé par le chuchotement de la cafetière. Elle se retourna, à la recherche d’une chaise. Ses yeux se posèrent sur un post-it jaune collé au frigo :

— Je suis rentré plus tôt que prévu. Excuse-moi, pour le camion, j’étais trop crevé et je voulais prendre une douche.

Debout, les mains au dossier de chaise, elle observa les trois hommes face à une couverture rose. Celle de Nina. Elle écoutait les papotages des voisins, sans vraiment les écouter. Derrière sa baie vitrée, la tristesse de Sandrine lui ranima de vieux souvenirs.

— Oh, ma chérie, c’est terrible ce qui t’arrive. Ne n’inquiète pas, je serais là.

Elle sortit et resta immobile sur le seuil de l’entrée. Elle se tordait les mains, comme si elle était rongée par une appréhension de culpabilité. Son estomac était noué, comme une corde. Elle avait une brutale envie de traverser la route.

Elle se dit que la banalité des mots pouvait être terrible. Elle prit une profonde respiration pour se donner du courage. Les événements bruyants de cette nuit faisaient déjà écho parmi le voisinage.

Elle retourna à l’intérieur. Une tasse de café à la main, elle regardait l’étrange chorégraphie des uniformes bleus et blancs qui s’animaient sous les faibles rayons de soleil. Les souvenirs lui revenaient en mémoire, en ravalant ses larmes, elle baissa les yeux sur la photo de sa fille. Elle l’avait contemplée des millions de fois, mais jamais avec autant de tristesse. Elle posa les deux mains sur le bord de la table, comme pour contenir une violente vague d’émotion. Devait-elle prévenir Franck ? Après réflexion non, plus tard. Étrangement, la présence de Franck et celle de son frère devenait angoissante.

Soudain, on frappa à la porte, un gendarme était face à elle.

— Je suis sergent-chef, Marc. Serait-il possible de vous poser quelques questions, Madame ?

— Bien sûr, entrez.

En entrant, le sergent-chef donna de courtes explications, sur la disparition de Nina. En l’écoutant, elle avait bien compris que la présence des deux véhicules avait été évoquée. Elle conta donc l’agitation de cette nuit et sa visite habituelle à Nina vers vingt heures trente.

Marc avait noté chaque détail avec attention, en insistant sur les espaces-temps.

Véronique avait été comme à son habitude, franche et directe. Elle avait parlé de son projet d’aller voir son amie et sa rétractation à plus tard, après le départ des gendarmes.

Marc la remercia, tout en demandant de rester à leur disposition pour un éventuel complément d’informations, ce que Véronique accepta sans hésitation.

Elle observa une dernière fois par la fenêtre. Elle inspira profondément, comme pour arrêter ses larmes, et partit dans la salle de bain.

Marc jugea cette source d’informations intéressantes. Il allait pouvoir plus ou moins évaluer l’heure de la disparition. Il alla à la rencontre d’autres voisins.

Bien sûr, sans intention diffamante, les événements chez Véronique avaient été cancanés.

7

Les trois hommes à côté du véhicule étaient dans l’embarras, tout accusait le père. Olivier avait les yeux rivés sur le visage en larme de Sandrine.

— Que fait-on pour le père Romain ? demanda Olivier.

Romain regarda dans la même direction. Il blâmait mentalement à l’avance toutes décisions.

— Elle perd sa fille. En embarquant son mari, celui-ci devient un présumé coupable. Il y a de quoi péter les plombs.

Il fixa l’attention de l’adjudant, tout en emportant celle d’Olivier.