7,99 €
Cécile Araste décide de partir pour protéger Erwan, et garantir sa propre sécurité. Mais après un accident, elle se réveille fiancée à un homme inconnu, avec cinq ans de sa mémoire effacés. Sa volonté de comprendre sa situation et d'échapper au manoir où elle est retenue se heurte à l'indifférence de ceux qui l'entourent. Et encore, elle n’est pas au bout de ses surprises.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Curieuse d’apprendre toujours plus chaque jour,
Alexandra Penisson se sert de l’écriture tel un exutoire sur sa propre vie. À travers "Oublie et souviens-toi - Tome II", elle marque la continuité d’un bel ouvrage empreint de suspense et d'ambiance de laboratoire.
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Veröffentlichungsjahr: 2024
Alexandra Penisson
Oublie et souviens-toi
Tome II
Roman
© Lys Bleu Éditions – Alexandra Penisson
ISBN : 979-10-422-0732-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ma pensée vous est destinée,
car on s’oublie, mais moi,
je me souviens de tout,
évidemment,
ce ne serait pas drôle sinon…
Enfin, la voilà Doctoresse. Elle venait d’avoir son doctorat. Ils venaient de se rencontrer lors d’une conférence à la fac de Nantes et elle avait été subjuguée par les paroles de son confrère. L’expérience avait l’air d’être géniale. Comment un homme peut-il vivre avec les souvenirs d’une autre personne ? Une expérience prometteuse. Cependant, ce qu’elle ne savait pas, c’était les conditions dans lesquelles vivaient les patients.
Elle se dit au départ qu’elle allait s’y habituer, après tout le Docteur Royani savait ce qu’il faisait, elle avait juste à suivre le troupeau. Enfin, ce n’était pas dans ses habitudes, juste qu’elle préféra fermer les yeux et voir ce que l’expérience allait advenir.
Les patients défilaient sous ses yeux et les échecs étaient révoltants. Le Dr Royani était dans une phase où la dépression se faisait plus grande. Il convoqua alors tous les médecins et les infirmières. Il tint des paroles qui la surprirent, alors elle se demanda pourquoi continuer de se battre alors que les personnes dont elle avait confiance baissaient les bras.
Avait-elle vraiment confiance en ce médecin ? Encore une fois, ce n’était pas dans ses habitudes, mais elle était confuse.
Plus tard, le Dr Royani avait repris du courage et recommença ses expériences.
Ce jour-là, il manquait d’effectif. C’était les vacances d’été, fallait bien que le personnel puisse prendre des jours de repos.
Le Dr Royani lui avait demandé d’aller chercher le patient. Quand elle fut dans l’aile nord, elle se rendit compte à quel point les conditions des patients étaient terribles : ils étaient nus, maltraités, dans des cellules insalubres dans le froid et dans le noir.
Quand elle ouvrit la porte, le jeune garçon était frigorifié, tremblant de tous ses membres. Il ne réagissait pas. Elle lui attrapa le bras et l’emmena jusqu’à la salle d’opération.
Avec l’aide des médecins, elle réussit à le mettre sur la table. L’anesthésiste attrapa la seringue qu’il avait préparée au préalable. Il introduisit le liquide dans le bras du jeune homme qui s’endormit presque aussitôt. La jeune femme regarda les constantes vitales de son patient, pour le moment tout allait bien. L’opération pouvait commencer.
Quand celle-ci fut terminée, elle emmena le patient dans sa cellule. De retour dans l’enfer du froid et du noir. Il se réveillera probablement sans souvenir, car l’expérience aura échoué. Elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Ses pensées lui faisaient peur, mais c’était peut-être la bonne solution : ce soir, quand il sera réveillé, peut-être deux-trois heures plus tard, elle le sortira de sa prison et ils s’enfuiront loin de ce laboratoire, loin de ce massacre humain, loin de ce malade dont elle avait été en admiration. Elle partirait aussi loin qu’elle le pouvait avec le garçon. Ce jeune qui d’après son dossier s’appelait Erwan d’Ansygnie.
Ce soir, elle ferait attention aux mouvements des gardes. Elle trouvera une excuse pour l’emmener avec elle. Ce n’était pas si compliqué, elle trouvera l’excuse de vérifier sa tension ou autre et lui donner des médicaments contre les migraines. Oui elle était douée pour inventer, tout se passera bien, elle était confiante, elle devait se faire confiance, au moins dans son malheur, elle aura réussi à sauver quelqu’un.
Erwan et Cécile mangeaient leurs pains au chocolat avec une tasse de café pour elle et un bol de chocolat chaud pour le jeune homme.
Gregor, un fermier sexagénaire, les avait accueillis après avoir entendu du bruit dans sa grange. Les animaux les avaient trahis, mais la chance était de leur côté sachant que cet homme était l’incarnation de la bonté même. Ils lui étaient redevables pour tout ce qu’il faisait pour eux.
L’homme était assez costaud avec une moustache grise sous le nez. Quant à la maison, elle était assez grande. Elle avait appartenu à sa femme qui des années plus tôt avait succombé à une leucémie.
Sur la cheminée, il y avait des cadres de sa famille, de ses deux garçons et d’une jolie petite fille qui aujourd’hui tenait un haras. Il était fier de sa famille, de ce qu’elle était devenue. Il était fier de ses enfants et parlait avec amour de sa femme décédée beaucoup trop tôt. Il avoua alors à ses invités que Cécile ressemblait à sa fille et qu’Erwan était aussi beau que ses garçons.
Quand la jeune femme sortit de la maison, Erwan ne put que la suivre, il le savait, sans elle, il n’était rien. L’expérience avait échoué, il n’eut aucun souvenir, le voilà amnésique, ne connaissant que cet endroit. Il fallait tout apprendre.
En tout cas Cécile était confiante, il apprenait vite, il avait une grande capacité d’adaptation, le seul problème, c’était qu’il parlait peu, voir quasiment pas. Parfois le traumatisme était tellement violent que le choc traumatique pouvait faire perdre la voix. Depuis qu’il avait compris ce qui lui était arrivé, les mots ne sortaient plus.
La jeune femme faisait le tour de la ferme et s’arrêta près des chevaux. Elle expliqua à Erwan, comme elle l’aurait expliqué à un enfant, que pour donner à manger à un cheval, il fallait mettre sa main bien droite pour laisser l’équidé manger à son creux.
Erwan arracha alors de l’herbe et la donna à l’étalon qui les avait rejoints.
Le garçon avait vingt ans, plutôt beau, et une corpulence qui lui allait bien. Il avait gardé en mémoire tous les gestes du quotidien que le cerveau gardait dans la mémoire procédurale. C’était la mémoire rétrospective et la mémoire épisodique qui avaient été touchées principalement.
Erwan avait beaucoup de talent dans le dessin entre autres. Il s’asseyait sur une marche et recopiait ce qu’il voyait. Cécile aimait beaucoup le regarder. Elle le savait au fond d’elle qu’il allait faire de grandes choses, mais pour le moment, elle devait se concentrer sur ce qui était nécessaire.
Gregor appela ses invités, il avait quelque chose à leur dire. Le soir était arrivé à une vitesse dingue. La lune était si belle et les étoiles ne faisaient qu’embellir ce rideau noir qu’était le ciel.
Cécile se mit à rire nerveusement.
C’est ainsi que la semaine passa plus vite qu’ils ne l’auraient pensé.
Gregor avait signé les papiers avec ses nouveaux locataires.
Ils étaient enfin chez eux, dans une maison qui leur plaisait énormément, où Erwan pourrait se reconstruire des souvenirs.
Un soir, le jeune homme arriva avec un livre dans les mains. Une autobiographie, celle de Julie Grégory avec son livre : Ma mère, mon bourreau.
Cécile mit ses mains sur la bouche et une larme coula sur ses joues. Pour la première fois depuis plus d’un mois, Erwan avait prononcé un souhait, il voulait devenir psychiatre. Elle ne pouvait être que fière de lui. Elle le prit alors dans ses bras et l’enlaça fermement.
Il y avait, cependant, quelque chose à faire de plus important. Erwan ne pouvait pas garder son nom de famille. C’est avec la plus grande joie que Cécile lui donna le sien.
Pour cela, il n’y avait qu’une solution, faire la demande auprès du ministre de la Justice. La raison qui poussait Cécile à faire changer le nom de famille du garçon était tout à fait légitime : les personnes du laboratoire ne devaient pas le retrouver, pour rien au monde. C’est avec plaisir qu’elle proposa à son protégé la possibilité de lui donner son nom.
À cette nouvelle, Erwan ne pouvait qu’être heureux : la personne qui l’avait sauvé, en plus de le garder près d’elle, voulait lui donner son nom. Il lui promit alors de tout faire pour honorer son nom de famille, et comme elle, devenir un grand médecin.
C’est alors que le jeune homme se mit à travailler d’arrache-pied. Il passa le clair de son temps à faire des recherches ou à lire des bouquins : il apprit à apprécier les livres du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, le psychiatre-psychanalyste Jacques Hochmann, Philippe Jeammet, Alain Ehrenberg, ou bien Christophe André… Tous ces innombrables auteurs le suivirent dans son apprentissage de la médecine.
Très vite, Cécile comprit que son jeune protégé avait une intelligence remarquable et qu’il allait vite se faire un nom. Elle avait foi, elle y croyait, elle espérait et chaque jour qui suivit son apprentissage, ses doutes et ses inhibitions s’évaporèrent.
Quant à elle, il fallait bien payer le loyer, manger, payer les factures, elle trouva un petit boulot en tant que médecin neurologue en intérim. Forcément, quand un intérimaire honorait un contrat, celui-ci recevait une prime, donc ses revenus augmentaient favorablement pour le grand plaisir du ménage.
Un soir, elle arriva chez elle éreintée. La journée avait été longue et pleine d’imprévu. Elle qui voulait sortir de la routine, elle était servie, mais ce jour-là avait été riche en émotion.
Ce fut la première fois qu’elle tomba sur cette maladie, et que ce fut elle qui avait l’entière responsabilité de cette jeune fille de dix-sept ans. Cette jeune fille avait pour prénom Sarah. Malheureusement, elle fut atteinte de ce qu’on appelait une leucodystrophie. Une maladie pourtant si rare qui avait touché la moelle épinière ainsi que le cerveau. Ce long processus de souffrance était arrivé à terme. La jeune fille qui fut entièrement paralysée, mourut quelques semaines plus tard.
Cécile dut faire face à la peine monstrueuse de ses parents qui ont vu mourir leur seule et unique fille. Elle ne trouvait pas les bons mots pour les consoler, elle n’était vraiment pas douée pour ces choses-là.
Elle aurait beau essayer de se mettre à la place du couple, jamais elle ne pourrait ressentir la souffrance de ces parents. Elle n’avait pas d’enfant, elle avait simplement Erwan. Était-ce un peu comme son fils ? En tout cas, tous les soirs, elle priait le ciel pour qu’il ne lui arrive rien. Elle l’aimait plus que tout au monde et sa présence lui fit un bien fou et l’encourageait dans sa réussite.
Une nouvelle journée s’annonçait pour Cécile. Elle se prépara un café et le posa sur la table de la cuisine. Elle ouvrit les volets et ne vit que la lune à travers quelques nuages fougueux. Elle portait un polo qui affinait les courbes de son joli corps.
Elle alla ensuite chercher son sac dans son bureau et passa devant la chambre d’Erwan. Celui-ci semblait dormir comme un bien heureux. Elle regarda le bureau rempli de bouquin avec un ordinateur au centre. Elle ne sut que trop quoi penser face à tout ça. Il devait être fatigué, mais il était courageux d’apprendre tout seul. L’année prochaine, peut- être qu’il pourra rentrer à la fac. Elle connaissait pas mal de professeurs, donc ce serait facile de le faire entrer.
Cécile sursauta et se retourna pour faire face au jeune homme.
Elle se rapprocha du lit d’Erwan et s’assit sur celui-ci. Elle prit le garçon dans ses bras et l’enlaça. Elle mit sa main sur sa joue.
Cécile n’eut de réponse, elle regarda Erwan se rallonger. Elle sortit de la pièce et récupéra sa veste, ses clés et son cartable qui était toujours dans ses mains.
Quand elle sortit de chez elle, elle prit le temps de fermer la porte. Elle prit sa voiture et faufila entre les véhicules. Il était à peine sept heures et demie que la ville de Nantes était bondée par les piétons, les vélos, scooters et voitures.
Une fois arrivée au CHU, elle se stationna sur une place réservée aux médecins de l’hôpital. Elle sortit de sa voiture et se dirigea vers l’établissement, puis après cinq minutes pour traverser l’hôpital, elle rentra dans les vestiaires où il y avait déjà deux de ses confrères.
Hypolite était un médecin chirurgien grand avec ses un mètre quatre-vingt-cinq, ses cheveux relevés et ses lunettes en demi-lune posées sur le nez. Avec ses trente-cinq ans à tout casser, il était proche de Cécile et la respectait pour son parcours. En effet Cécile était connue pour ses recherches et sa thèse qu’elle avait écrite sous la direction d’un professeur émérite de neurologie.
Quant à sa relation avec Hélène, ce n’était pas ça. Cette femme aussi était respectée, mais sa froideur faisait fuir plus d’un, surtout en ce qui concerne les internes. Ces jeunes médecins préféraient aller avec Cécile. Sa douceur et son intelligence attiraient ces jeunes gens.
Hypolite et Cécile sortirent des vestiaires. Sa blouse blanche lui donnait une certaine classe.
Près des bureaux des secrétaires médicales, des étudiants attendaient avec des dossiers dans les mains.
Elle s’approcha du groupe, suivie de Hypolite.
La jeune neurologue n’en croyait pas ses yeux. Qu’est-ce qu’il faisait là, dans cet hôpital ? L’aurait-il suivi ? Non c’est impossible, cela n’est qu’une coïncidence tout simplement…
Elle marcha suivie de Hypolite dans le couloir avec les internes.
Cécile s’arrêta à quelques mètres de la chambre.
Le jeune homme reprit la parole. Surtout ne pas montrer quoi que ce soit…
Cécile resta un moment dans le silence, elle regarda le jeune qui lui souriait. Elle se retourna, frappa à la porte et vit une femme souffrante qui la regardait avec supplication. Elle devait absolument faire quelque chose pour elle, déjà l’emmener passer une IRM pour voir l’évolution de la maladie.
Elle expliqua à sa patiente qui elle était, elle se présenta à elle et présenta les internes qu’était avec elle. Elle expliqua également que le but de l’opération serait de greffer des cellules souches, une des seules solutions qui avait été trouvée pour stopper la maladie.
Ce que la patiente désirait avant tout, c’est que la maladie puisse ralentir pour atténuer les symptômes.
Cécile savait que cette méthode peu utilisée en France pouvait être dangereuse. Avec toutes les précautions, elle avait dû faire signer une décharge en cas de problème avec l’opération. Mais il fallait savoir que le taux de mortalité était très faible, mais on ne sait jamais.
Cette méthode n’avait été quasiment pas pratiqué en France, cette dame avait déboursé des milliers d’euros. Elle avait vu cette expérience dans un article en provenance de la Russie.
L’heure arriva. Cécile choisit un des internes qui l’accompagnerait durant l’opération, le choix était vite fait.
La neurologue était assise sur une chaise dans le réfectoire de l’hôpital. Elle était toute seule autour d’une table pour quatre personnes. Elle commença à manger son steak trop cuit quand elle vit arriver le jeune étudiant qui s’assit en face d’elle.
Elle regarda dans l’assiette du jeune homme.
Cécile ne répondit pas, elle continua son repas en silence. Elle sentit l’interne un peu nerveux, mais ne fit rien, elle attendait avec impatience qu’il lui dise ce qu’elle voulait entendre. Et ce fut venu aussi vite qu’elle le voulut.
Cécile ne lui répondit pas et préféra changer de sujet. En cet après- midi, elle avait une patiente à s’occuper. Puis, une infirmière arriva à la table avec les images de l’IRM passée dans la matinée par l’un des internes.
Elle regarda l’image scrupuleusement et vit une tache blanche du côté de lobe frontal. Elle se leva, ne prit pas le temps de dire quoi que ce soit et courut dans son bureau. Il y avait une urgence.
Toujours et encore des urgences qui venaient et qui s’en allaient. Mais le plus important dans ce genre de métier c’est de tout faire pour sauver la personne qui souffre, sachant que dans chaque maladie, il y avait la partie sombre que l’on aimerait éviter.
Quand elle arriva chez elle, il était vingt-deux heures. Erwan l’attendait sur le canapé et ne lui dit rien. Elle posa son cartable sur la table et s’en alla dans sa chambre. Elle ne prit le temps de se déshabiller qu’elle fut déjà couchée.
Erwan s’approcha du lit et s’assit à côté d’elle.
Erwan lui parlait, mais elle s’était déjà endormie. Il sortit alors de la pièce la laissant dans le royaume des songes, espérant que les bras de Morphée l’entraîneraient dans ce monde utopique des bons rêves. Oui elle ne devait pas faire de cauchemars, elle qui était si pure et si fragile à la fois.
Il aurait tout fait pour elle, tout…
À Nantes, il y a une pizzeria vraiment très bonne où Erwan et Cécile aimaient s’y rendre. La pizza dont raffolait la jeune femme était les quatre fromages et Erwan avait pris une savoyarde.
Le garçon ne pouvait s’empêcher de poser des questions, il avait cette curiosité dont beaucoup ne possédait pas. Il s’intéressait à tout sans exception, de la littérature jusqu’à la médecine. Cécile était fière de lui. Son protégé était quelqu’un de grand, de prévenant et de vraiment gentil avec son entourage.
Elle se souvint alors de la raison pour laquelle Erwan était venu dans ce laboratoire. Elle avait beau le regarder, elle avait de la peine à croire qu’il était dans ce genre de groupe. Et la perte de ses parents ne devait rien arranger.
Elle ne devait absolument pas dévoiler la vérité au jeune homme, cela risquerait de le perturber et ce n’était pas nécessaire à ce qu’il tombe dans son passé.
La neurologue faisait tourner son coca dans son verre avec un regard ailleurs.
Leurs assiettes arrivèrent, c’est ainsi qu’ils commencèrent à manger. Le regard de Cécile se dirigea dehors, elle vit passer une silhouette qui lui disait quelque chose. Elle la fixa, puis un bus passa devant celle-ci, et la silhouette disparut. Elle secoua la tête. Erwan se retourna et ne vit que des passants pressés.
Ils terminèrent de manger leur repas et sortirent du restaurant. Ils se trouvaient en plein milieu de Commerce, là où il y avait les intersections des trams. Ils se dirigèrent vers la ligne 2 et passèrent devant une librairie. Ils pénétrèrent dans l’établissement avec ses deux étages et montèrent les escaliers.
Après quelques minutes de recherche, il trouva enfin le bouquin. Il tomba également sur un autre livre qui attira son attention. Il le prit dans ses mains. Éric Berne, l’Analyse transactionnelle et psychothérapie.
Erwan remercia Cécile avec un grand sourire.
Après avoir payé, ils prirent le tram et rentrèrent chez eux. Cécile était lessivée, éreintée, tous les termes étaient toujours bons à prendre pour exprimer son épuisement.
Ils étaient arrivés chez eux, Erwan s’empressa d’aller dans sa chambre tandis que Cécile posa son sac sur la table. Elle entra dans sa cuisine et instinctivement elle alluma la cafetière. Peut-être qu’un café allait la tenir réveillée, peut-être…
Elle alla dans la salle de bain et se prépara un bain. Elle alluma l’eau chaude et bientôt la salle de bain disparut dans la vapeur d’eau. Elle s’étendit de tout son long dans la baignoire et plongea sa tête dans l’eau bouillante pour en ressortir les yeux rougis. Elle soupira et sans trop savoir ni comment et ni pourquoi, elle s’endormit.
Elle était toute seule dans un jardin merveilleux. Elle marchait sans vraiment savoir où aller quand elle vit une silhouette. Ils restèrent l’un devant l’autre avec cinquante mètres de distance entre eux deux. L’homme qui la regardait s’approcha d’elle doucement. Puis, il marcha plus vite, encore et encore jusqu’à courir.
Elle se mit à reculer par la peur. L’homme qui courait de plus en plus vite arriva devant elle. De sa poche, il sortit une arme et la pointa sur la neurologue. Un tir résonna.
Cécile se mit à crier et se rassit. Elle regarda autour d’elle. La vision de sa salle de bain la rassura.
Erwan l’avait entendu. Il frappa à la porte et l’ouvrit brutalement.
Le garçon ferma la porte laissant Cécile toute seule avec elle- même. Elle sortit de son bain et mit une serviette autour de sa poitrine pour aller ensuite dans sa chambre. Elle s’assit sur son lit et mit ses mains sur son visage.
Elle se mit en pyjama. Deux heures s’étaient écoulées, elle devait préparer à manger, pas forcément pour elle, mais pour Erwan.
Elle devait se ressaisir, ce n’était pas dans ses habitudes de flancher à ce point.
Quand elle arriva dans la cuisine, elle vit Erwan préparer deux côtes de porc.
Cécile ne répondit pas.
Ils avaient mangé aussi rapidement que possible. Elle était partie se coucher.
Erwan la regardait, il se tenait près de la porte. Il voyait Cécile de moins en moins bien. Il s’inquiétait pour elle, se sentait impuissant et ne savait que faire pour elle.
Il alla dans sa chambre. Prit le premier bouquin sur son bureau et s’allongea sur son lit. Il commença à lire, mais sa concentration ne venait pas. Il était anxieux. Il n’avait pas l’habitude de voir la personne qu’il aimait énormément aussi mal. Que pouvait-il faire ?
Il se leva et retourna voir Cécile dans sa chambre.
Erwan ne s’attendait pas à ce qu’elle se mette à pleurer. Le jeune homme s’assit à côté d’elle et la prit dans ses bras.
Le jeune homme sortit de la chambre puis s’enferma dans la sienne. Il s’approcha de son armoire et leva le poing. Il ne connaissait pas ce trait de caractère. Cela lui fit peur. Il se coucha alors et ferma les yeux.
Que pouvait-il faire ? Lui qui ne connaissait plus rien de la vie.
Deux années s’étaient écoulées depuis cette étrange silhouette, mais elle le savait, il y avait quelque chose de pas net. Elle le sentait, il allait se passer quelque chose. Elle devait se protéger, mais surtout protéger Erwan.
À l’hôpital, ce n’était pas ici qu’elle serait en sécurité, car la menace venait sûrement de là. Elle regarda l’heure sur son téléphone. Elle s’était levée tôt, pendant que le jeune homme dormait. Elle attrapa une feuille dans son bureau et commença à écrire.
Mon cher Erwan, je suis tellement désolée, mais tu es en danger en restant avec moi donc je préfère partir. Je t’ai laissé de l’argent à la banque pour que tu puisses vivre quelques mois sans que tu te soucies de tes revenues.
Je ne veux pas que tu me cherches, ça ne sert à rien. Je t’aime très fort Erwan, je ne veux que ton bonheur. Continue de travailler le plus possible, tu es un homme courageux et très intelligent, tu deviendras une belle personne. Qu’est-ce que je raconte ? Tu es déjà une belle personne.
Soit fort Erwan, Je t’aime, Cécile Araste.
Cécile plia le papier en deux et le posa sur la table de la salle à manger, elle prit ses documents ainsi que ses clés de voiture. Elle sortit de la maison, et se mit en route pour aller quelque part. Elle ne savait pas où.
La jeune femme se mit à pleurer toutes les larmes de son corps. Elle se regarda dans le rétro et vit ses yeux bleuis par la fatigue et par les cernes.
Elle roulait un peu trop vite sur la quatre-voies. Elle pensa à Erwan, elle essayait d’imaginer sa réaction quand il se rendrait compte qu’il est maintenant tout seul. Elle était tellement désolée, la vie possédait une mauvaise odeur… celle de la défaite.
Elle s’aventura sur un chemin dont elle ignorait son existence. Les phares du véhicule éclairaient l’inconnu. Mais avant qu’elle ne puisse freiner, un arbre s’étendait sur la route, elle le prit de plein fouet. Son visage cogna le volant. Sa vision se faisait trouble, comme si devant sa vision, il y avait une magnifique lumière blanche. Elle perdit alors connaissance.
Une Astra se stationna derrière la voiture accidentée. Un homme sortit du véhicule et se dirigea vers l’accident. Il regarda à travers la fenêtre, la jeune femme respirait faiblement, mais elle était bel et bien vivante, seulement dans un mauvais état.
Quand l’homme ouvrit la portière, le corps de la neurologue se pencha. Heureusement qu’elle était attachée, sinon elle serait passée par-dessus le pare-brise et elle serait dans un autre monde. Il se dit alors qu’elle avait une sacrée bonne étoile au-dessus de sa tête. Dieu ne voulait pas d’elle.
Il la détacha et la prit sur son épaule comme on pourrait prendre un sac de pommes de terre et la plaça sur la banquette arrière. Il s’en alla et prit la direction d’un petit village proche de Saint-Nazaire. Il prit un chemin de terre et arriva devant un grand manoir.
Deux majordomes arrivèrent près de l’homme au costard élégant.
Arthur et Romain étaient des jumeaux portant un costume blanc tous les deux. Ils avaient la quarantaine d’années, des yeux verts et des cheveux roux. Deux frères fusionnels, deux frères passionnés, deux frères au service du maître de maison. Deux frères qui lui devaient tout sans exception.
Les deux hommes montèrent les escaliers rapidement. La chambre se situait au fond du couloir. Une suite qui venait tout droit d’un film fantastique. Le lit était tellement archaïque, mais tellement joli, tandis que l’armoire qui se trouvait à droite du lit était bien plus moderne, mais traditionnelle avec son bois verni. À gauche se trouvait une salle de bain vraiment luxueuse. Une coiffeuse se trouvait en face du lit avec sur celle-ci un joli miroir avec un contour doré. Les murs étaient recouverts d’une tapisserie violette qui allait sur un ton bordeaux.
Romain posa délicatement la jeune femme sur le lit. Il lui retira la chemise, laissant apparaître un soutien-gorge blanc. Il déboutonna également le jean de la neurologue pour qu’elle puisse mieux respirer. Arthur vint rejoindre son frère et posa sur la table de chevet une bassine d’eau et un plateau avec des bandages, des pinces, enfin tous les ustensiles qui serviront à leur maître de soigner Cécile.
Le majordome commença les premiers soins, à savoir nettoyer tout le sang qui avait recouvert le visage de la femme. En la regardant de plus près, on pouvait voir des petits morceaux de verres brisés incrustés dans les plaies. En nettoyant son visage, on pouvait voir également un bel hématome lui recouvrir l’œil droit.
Quand Romain avait retiré la chemise de Cécile, il se rendit compte qu’elle avait le bras cassé, mais seul une radio ou un scanner pouvait le confirmer. Il ferait un retour à son maître. D’ailleurs en parlant du loup, celui-ci arriva avec sa blouse blanche qui lui tombait aux genoux. Un masque chirurgical lui recouvrait la bouche.
L’homme, d’un pas rapide, sortit de la pièce laissant Romain et le médecin seul avec la patiente.
Il avait déjà recousu la plupart des plaies qui étaient ouvertes, nettoyé le sang qui avait coulé et mit des bandages là où c’était nécessaire. Il avait également mis un plâtre sur le bras cassé, ainsi qu’un bandage blanc.
Les constantes vitales de la jeune femme étaient très bonnes. Si elle devait sortir de son coma, ce serait dans quelques heures tout au plus. De toute façon, rien ne pressait, elle était enfin là, il attendait ce moment depuis longtemps, ce fut une victoire pour lui.
Le médecin s’assit sur une chaise près du lit. Il ne pouvait que contempler le visage d’une muse, d’un ange enclin de bonté et d’intelligence. C’était une fierté de l’avoir près de lui. Enfin ! Il pouvait l’avoir que pour lui. Il avait trop enduré, la partager avec ce gosse lui était insupportable. Maintenant, elle était là, dans l’une de ses nombreuses chambres, dans son manoir.
Il avait passé toute la nuit à veiller sur elle. Il ne pouvait se résigner à la quitter. Il était amoureux et son amour, qu’elle le veuille ou non, était là pour le meilleur comme pour le pire. Dure de rester lucide quand il y avait cette femme qui aurait sûrement du mal à rester calme quand elle se réveillerait dans un lieu qui lui sera complètement inconnu. Mais il le savait, elle était forte et elle s’y habituera.
De la fenêtre, on pouvait voir un immense terrain séparé par un chemin de gravier blanc. Des chaînes longeaient la route. Sur le côté, il y avait une immense fontaine et dessus, on pouvait voir toutes sortes d’oiseaux tels que des moineaux, des pinsons, et même des petits rouges-gorges voler et boire son eau.
Le ciel était limpide et le soleil était tellement réconfortant pour toutes ces âmes en peine.
Doucement, Cécile ouvrit les yeux. Sa tête lui cognait, et instinctivement de sa main gauche elle se frotta les yeux. Elle s’assit et vit le plâtre sur son bras droit. Elle n’avait aucun souvenir de ce qui lui était arrivé. Elle regarda autour d’elle ne comprenant pas ce qu’elle faisait dans cette chambre, car rien de ce qu’il y avait autour d’elle ressemblait à une chambre d’hôpital, autre que le moniteur de signaux vitaux qui lui informait de ses constantes.
Elle était également sous perfusion, sûrement des antalgiques. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait et ne savait encore moins ce qu’elle faisait dans cette chambre.
Sur la table de chevet se trouvait un verre d’eau. Elle prit et sentit le contenu, on ne sait jamais. Elle but le liquide d’une traite. Puis on frappa à la porte.
Romain arriva avec des affaires dans les mains. Il était agréablement surpris de voir la neurologue réveillée.
Le majordome partit de la pièce, laissant à présent la jeune femme toute seule.
Elle soupira, dans quel cauchemar était-elle arrivée ? Elle ne pouvait pas le croire, de plus elle n’arrivait pas à se souvenir de quoi que ce soit. Rien ne lui venait à l’esprit, même pas cet accident, car si elle était dans cet état c’est qu’elle avait subi un accident plutôt grave.
Arthur arriva à son tour dans la chambre avec un plateau dans la main. Il le posa sur la table de chevet.
Arthur se sentit soudainement dubitatif. Étrange… aurait-elle perdu la mémoire ? Pas vraiment, j’ai l’impression qu’elle pense que nous sommes en 2003, ça veut dire que… oh mon Dieu…
Vous vous souvenez de quoi au juste ?
Son rythme cardiaque s’accéléra, elle commença à hyperventiler. Elle ne se sentait pas bien. Arthur s’approcha d’elle et lui conseilla de s’allonger.
Il réussit à la calmer avec de simples mots. Il avait le don de donner confiance aux gens que son maître recevait chez lui. Lui-même ne connaissait la méchanceté, alors son premier réflexe était de la mettre à l’aise.
Arthur s’assit sur le lit. Il lui expliqua pour l’accident, qu’elle avait eu beaucoup de chance, une personne normalement constituée n’aurait pas survécu, alors cette perte de mémoire n’était pas cher payé face à la vie et à cette étoile qu’elle avait au-dessus de sa tête.
Le majordome resta le temps qu’il fallut pour que la neurologue puisse s’endormir. Elle lui avait demandé peut-être pour se rassurer et avoir de la chaleur humaine près d’elle, car si elle avait perdu cinq années de sa vie, le manque affectif était bel et bien présent.
Arthur jeta un dernier regard vers la jeune femme, puis ferma la porte derrière lui. Il se dirigea dans la cuisine où se trouvait Romain.
Au loin, les deux majordomes entendirent une voiture. Ils se précipitèrent à l’extérieur. Le maître avait dû finir sa journée plus tôt que prévu. Ils restèrent tous les deux sur le bas de la porte en attendant que la voiture se stationne, Romain s’approcha de la portière arrière et l’ouvrit.
Une fois descendu, il fit signe au chauffeur de ranger la Mercedes avec l’Opel Astra.
Romain et Arthur accompagnèrent leur maître dans le salon où s’asseyait régulièrement l’homme après une journée de travail, sur le fauteuil en cuir avec, à côté, une petite table d’appoint où Arthur déposa le café.
Le médecin resta dubitatif un moment. Il ne sut quoi répondre puis une question lui vint à l’esprit.
Il était là, assit sur la chaise qu’il avait mise près du lit à contempler la personne qu’il aimait plus que tout, aussi fortement qu’il put au point de l’avoir gardé près de lui sans l’envoyer à l’hôpital. Il était médecin, ce serait inutile de l’envoyer là-bas alors que lui-même pouvait la soigner.
Doucement, la jeune femme se réveilla. Elle regarda autour d’elle sans comprendre encore une fois où elle était. Peut-être que la première fois était un rêve ? À croire que non, car elle se trouvait toujours dans la même pièce.
Son regard se dirigea alors vers l’homme qui était assis à côté d’elle. Elle ne pouvait pas se détacher de son regard. Elle était perdue, mais en le regardant bien, avec sa blouse, elle ne mit pas longtemps à comprendre que c’était lui qui l’avait soigné. Elle ne savait pas si elle lui était redevable ou si elle était en colère.
La neurologue mit sa main sur sa bouche et se mit à trembler puis à pleurer.
Il se leva de sa chaise et s’assit sur le lit. Il lui mit la main sur la joue. Il fit mine d’être triste pour elle et lui donna sa version de l’accident.
Il allait pour l’embrasser, mais Cécile, surprise, mit sa main sur la bouche du médecin. Lui aussi fut tout aussi surpris et ne força pas.
Il contourna le lit et vérifia les constantes vitales, tout allait bien. Il lui proposa également de lui faire une visite du manoir quand elle ira mieux. Elle était bien trop faible pour se lever.
Elle lui demanda un médicament pour soulager les douleurs et lui, il demanda à l’un des majordomes de lui donner ce qu’elle veut. Il lui donna également une clochette quand elle aura besoin qu’un des majordomes vienne à elle. Ils étaient à son service, ils lui firent comprendre qu’elle pouvait leur demander tout ce qu’elle voulait.
Romain, sous le regard attentif de Arthur qui lui enlevait la perfusion, aida la jeune femme à se lever. Prise d’un vertige, elle se rassit.
Il retenta de la lever, elle fut enfin debout. Les douleurs lui assaillaient de toute part. Elle avait mal à un tel point qu’une larme coula sur sa joue.
Romain emmena la jeune femme jusqu’aux WC, il attendit derrière la porte.
Cécile était enfin seule pour quelques minutes. Elle ne comprenait plus rien, elle ne souvenait de rien. Comment une telle chose pouvait lui arriver ? Pourquoi elle ? Pourquoi moi ? souffla la jeune femme.
Elle ne reconnaissait pas non plus son fiancé. Elle trouvait ça bizarre, car dans le reste de sa mémoire, elle s’était promise de ne jamais tomber amoureuse et encore moins se marier. Mais en cinq ans, beaucoup de choses se produisaient sans que l’on ne s’en rende compte. Les murs du manoir étaient rouges et le couloir paraissait immense.
Où avait-elle atterri bon sang ? Elle ne reconnaissait rien. Mais elle savait une chose, si cela faisait un an qu’elle était dans cette maison, alors des souvenirs pourraient revenir. Elle y croyait fermement. Elle devait se souvenir, quitte à ce que ça devienne une obsession.
Elle se rhabilla et sortit des WC avec lenteur car ses os lui faisaient mal. Elle allait pour tomber quand l’un des majordomes la rattrapa.
Une fois dans sa chambre, elle s’allongea. Arthur lui mit les couvertures pour la border. La seule chose de vrai dans cette maison pour le moment : Romain et Arthur qui était vraiment très gentils avec elle. Ils étaient à ses petits soins et cela lui plaisait.
Les jours défilaient et elle ne voyait que trop peu son soi-disant fiancé, mais elle le savait, le métier de médecin était un métier qui n’était pas de tout repos. Ça vie en tant que jeune doctorante en témoignait. Tant de questions qui tournaient dans un tourbillon de non-réponse. Puis elle regarda ses mains : où était la bague ? Déjà rien que ça, il y avait une incohérence. Mais ça, elle allait le garder pour elle.
Le soir venu, le médecin arriva dans sa chambre. Elle l’attendait assise sur son lit.