Pascal Voisin - Michael Iani - E-Book

Pascal Voisin E-Book

Michael Iani

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Beschreibung

Découvrez l’univers de Pascal Voisin, un concierge épicurien au caractère affirmé, toujours en quête de liberté et d’aventures. À travers un road trip humain aussi drôle qu’inattendu, ce récit vous emmène au cœur d’une petite communauté villageoise où les rencontres dépeignent avec finesse et humour les travers de la société. Rugueux, mais lucide, Pascal vous plonge dans une odyssée légère et décalée, où son exil devient une célébration des plaisirs de la vie et des surprises du quotidien.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Musicien et observateur, Michael Iani a mis sa sensibilité au service de l’écriture pour donner vie à son imaginaire foisonnant. "Pascal Voisin" marque ses débuts en tant que romancier.

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Seitenzahl: 205

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Michael Iani

Pascal Voisin

Roman

© Lys Bleu Éditions – Michael Iani

ISBN : 979-10-422-5579-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Première partie

Du rififi sur le point de penalty

I

Fin de la semaine

Le travail c’est la santé

Rien faire c’est la conserver !

Maurice Pon

À peine sa douche terminée, il prit la direction de la cuisine. Emballé dans son peignoir, les cheveux mouillés en bataille, l’œil et la narine frétillante, il était fin prêt. Un petit reggae de Lavilliers comme fond sonore, il s’apprêtait à déguster un cervelas Big Size avec une moutarde extra-forte et une miche de pain croustillante.

Le cervelas, ah le cervelas ! La récompense du travailleur après une dure journée de labeur. Accompagnée d’une petite bière bien fraîche…

Ce moment de plénitude à déguster cette charcuterie en croquant à pleines dents dans le pain frais tout en regardant les Alpes, lui suffisait à oublier la semaine de merde qu’il venait de vivre.

Il s’apprêtait donc à attaquer sa première bouchée de cervelas Big Size avec moutarde extra-forte et miche de pain croustillante, quand le téléphone sonna. Au numéro indiqué par le cadran, il sut que c’était le boulot. La narine cessa de frétiller et l’œil ravi perdit de son éclat.

— Oui, allô ?
— Ouais, salut, c’est Jean-Pierre. Dis-moi…

À ce moment précis l’œil ravi, bien que terni, vira définitivement au sombre.

Jean-Pierre Groslent, ça ne s’invente pas, on ne peut pas dire que c’est le genre de mec avec qui vous vous réjouissez de passer une soirée. Tout simplement parce qu’il ne vous appellera pas pour faire une grillade dans son jardin, car il est tellement pingre qu’il ne partagera jamais son plat de chipolatas achetées en action au discounter du coin ! Vous, de votre côté, allez savoir pourquoi, vous oubliez étrangement et systématiquement de l’inviter à vos Garden Party. Ce n’est pas pour autant qu’il hésitera à appeler ses collègues régulièrement durant la semaine. Cela correspond au nombre de fois où l’homme atteint les limites de ses compétences, c’est-à-dire souvent !

Cet appel, donc, ne pouvait être que de mauvais augure pour la sérénité de son week-end.

Il répondit sèchement.

— Quoi ?
— Ben ma salle est louée pour un spectacle de danse classique ce soir et la rampe de light centrale ne marche pas…
— Dis-leur que c’est pas grave, faut de la musique pour danser, pas de la lumière.
— Ah ! Ah ! Ah ! très drôle… Alors j’me disais que comme t’étais électricien…
— Ouais, j’ai compris… T’as vérifié les plombs ?
— Ouais !
— L’interrupteur ? Le câble d’arrivée ?
— Ouais tout, j’te dis, j’y comprends rien !
— Tu m’étonnes ?!

On peut être bourru et en congé et ne pas oublier d’être solidaire. En plus si concierge tu es un jour, concierge tu seras toujours. Quand tu fais partie de la confrérie, c’est comme à l’armée. Aussi con soit-il, on ne laisse pas un homme à terre.

— Bon, je viens, je peux pas te dire ce qui cloche par téléphone. Mais pour info, je suis en week-end depuis une heure et je n’y passerai pas tout l’après-midi. Si j’ai pas trouvé la panne en moins de quarante minutes tu te démerdes avec les Services industriels. J’suis là dans trois quarts d’heure !
— Il raccrocha le combiné et attaqua son cervelas Big Size à la moutarde plus si forte et au pain moins croustillant. Le cœur n’y était plus…

II

Pascal Voisin

Vivons à notre époque et dédramatisons

Non bien sûr le pétard n’élève pas la raison

Matmatah

L’agent Penault était tendu, fier, mais tendu. Pour sa première semaine de fonction au service de l’état, on peut dire que c’était riche en événements. Deuxième intervention ! La première il y a six jours était un bel échauffement, une mission de recherche pour le compte de la mère Michelle qui venait de perdre son chien alors que ça faisait à peine un an qu’elle avait perdu son chat…

Mais là c’était du lourd ! Il avait, dès l’ouverture des portes du festival, repéré cette bande de loufoques genre Baba au Rock, qui allaient à coup sûr lui poser des problèmes avec un coup fumeux. Et côté fumée, le Penault allait être servi !

Il faut dire que cette joyeuse bande avait mis le paquet. Avant même les premières notes du concert de Ziggy Marley, le grand Albert, pharmacien de la bande, avait terminé d’assembler et de bourrer ce qu’il nommait son bazooka. À savoir un bang de cinquante centimètres de long prêt à être allumé. Et en règle générale le nuage développé par son calibre avait tendance à rendre les gens détendus et l’ambiance conviviale dans un rayon d’environ dix mètres autour du foyer.

Au moment de l’intervention de l’agent Penault et de ses acolytes, c’est le sieur Pascal Voisin qui officiait comme enfumeur. La cérémonie ayant commencé depuis un moment déjà, Pascal se sentit particulièrement léger quand deux flics le soulevèrent pour l’emmener manu militari dans le cabanon de chantier qui leur servait de QG de campagne.

Si l’agent Penault, pour son premier interrogatoire, était donc plutôt tendu, ce n’était pas du tout le cas de Pascal Voisin. Il avait en effet commencé sa carrière dans les commissariats dès l’adolescence, pour avoir régulièrement emmanché l’habit de boulanger noctambule en distribuant quelques pains au détour de quelques bars. Ajoutez à cela qu’il était en train de planer grave, because chichon very bon…

À peine l’interrogatoire commencé, Penault se retrouva tout seul pour le mener. Ses collègues ayant été appelés en renfort pour calmer un combat éthylique. Il se dit que c’était l’occasion rêvée pour faire ses preuves et boucler l’affaire en deux temps trois mouvements. Il bomba le torse et se la joua super flic en s’assoyant sur le bord du bureau.

— Bon, on t’a chopé en flag en train de fumer des substances illicites sur un lieu public, tu vas vider tes poches et ton sac à dos pour voir ce qui s’y cache.

Pascal Voisin tenta péniblement de regarder son interlocuteur en face et, d’une main hésitante, commença à vider ledit sac. Trois paquets de clopes et du papier à rouler, un pack de bière, une paire de gants de moto, un foulard et quelques petits biscuits au chocolat.

Le jeune flic se pencha sur le contenu et, persuadé de faire la sortie du siècle, déclara :

— Ben je vois qu’il y a aussi du solide, on a pensé à prendre les biscuits de mère-grand ?!

Le concert battait son plein à l’extérieur et même si Pascal était fan de reggae, il n’en voulait pas à l’agent Penault de le priver de Ziggy Marley qui, de toute manière, ne valait pas Bob. Pire, il avait presque de la sympathie pour ce grand nigaud qui se la pétait.

— Ma foi, monsieur l’agent, mère-grand cuisine fort bien, je n’ai pas résisté, je vous invite à les goûter.

Et tout en enfournant un biscuit, il tendit le paquet à Penault.

Ce dernier savait qu’il devait tenir le coup encore trois heures avant de manger un repas consistant. De plus ce gourmand dans l’âme eut une pensée pour sa propre grand-mère qui confectionnait de si bons petits biscuits et craqua.

Si la consistance était un peu sèche, le chocolaté était manifeste, avec en fin de bouche une petite amertume végétale que Penault n’arrivait pas à identifier. Mais il était évident que les deux grand-mères auraient pu s’associer et vendre leurs douceurs au marché sans rougir.

Le problème c’est que la grand-mère Voisin était plutôt jeune, un peu bronzée et s’appelait Amed et que le chocolat n’était pas l’ingrédient qui caractérisait le plus ses friandises. Celles-ci par exemple étaient confectionnées avec un petit beurre de Marrakech fait maison…

L’effet ne se fit pas attendre. Le jeune flic, encore plus penaud que d’habitude, perdit le fil de son interrogatoire et, les yeux et les oreilles grands ouverts, se mit à écouter le nouvel évangile selon Saint Pascal. Le prisonnier, aussi allumé que son geôlier, lui expliquait que les stars du rock étaient en fait les réincarnations des apôtres. Hendrix, Gary Moore, BB King, Santana, Bon Scott, Steeve Ray, Jim Morrison, les Stones et Bernard Lavilliers furent canonisés et pris sous l’aile bienveillante d’un Bob Marley radieux posé sur un nuage de fumée vaguement odorante.

Notre Penault fut tellement absorbé par cette bible édition Easy Rider, qu’il oublia d’établir son rapport et fit une petite sieste dans la cellule de dégrisement attenante au cabanon, à peine son prisonnier reparti avec les remerciements chaleureux de la maison. C’est ainsi que l’identité de ce dernier resta à jamais inconnue et le dossier miraculeusement tombé dans l’oubli.

Ça, c’était dans un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Pascal Voisin de nos jours c’est le II du chapitre précédent. Trente ans et autant de kilos plus loin, le bonhomme n’a pas vraiment changé, il s’est tout au plus assagi, un peu. Il est toujours musicophile, voir musicophage et règne maintenant sur le centre sportif des Pins verts avec l’amour d’une mère pour ses petits. La conciergerie et l’entretien sont devenus sa vie. Pas mal pour un type qui n’a jamais voulu se ranger.

Il a toujours un faible pour les mots en ar, comme pinard, motard, fêtard, bar et plein d’autres souvent en rapport avec une jeunesse pas encore totalement disparue. Les seules exceptions à la règle des ar, sont radar et connard. Ces deux mots résument à eux seuls tout le bien qu’il pense de la police, même à moto.

Mais ne nous fions pas aux apparences. Derrière le bougon râleur, un peu rugueux, se cache un sympathique touche à tout, terre-à-terre, un peu trop, loin d’être con et le cœur sur la main, peut-être trop !?

III

Un nul suffit

Certains pour briller en public

Ils mangeraient du cirage

Coluche

Le réveil sonna et machinalement P’tit Jojo l’arrêta. Il n’avait pas fermé l’œil de la nuit.

Il faut dire que la pression était maximale et son honneur, sa dignité risquaient d’en prendre un sérieux coup derrière les oreilles. Ce ne serait pas beau à voir, car à force de péter plus haut que son cul P’tit Jojo avait forcément de la merde derrière les pavillons.

Depuis la moitié du premier tour, son sommeil n’était plus vraiment au top. Dur, dur pour un mec qui met un point d’honneur à toujours l’être…

C’est donc après trois mois de championnat qu’il se mit à avoir des doutes, que d’autres avaient déjà eu pour lui avant même sa nomination au poste de président du Seul Club de Foot du Plateau.

De mauvaises langues susurrent le terme de rachat du club plutôt que de nomination. Car de l’argent il en a, mazette il en a, et ça se voit ! En dehors du foot, son sport favori est d’exposer aux yeux du bon peuple son blé, son oseille, son pèse. Seulement voilà, le blé, le pèse, l’oseille, si ça achète un club de foot, un coupé sport ou l’entourage de quelques blondes sulfureuses, ça ne fait pas d’un âne un stratège en partance pour le prix Nobel…

Inspiré et porté par la grâce de Saint Pognon, P’tit Jojo se mit en tête de financer et redresser, dixit l’intéressé, l’équipe et pourquoi pas faire du Seul Club de Foot du Plateau un club de prestige qui ferait trembler les ténors de la ligue A.

Dès son arrivée au pouvoir il prit les choses en main tel un oligarque russe devenu milliardaire grâce à la fromagerie de sa grand-mère. Il mit donc en branle le chantier de rénovation du stade. Nouvelle pelouse avec arrosage automatique, construction d’une tribune avec vestiaires, locaux techniques et bien sûr une buvette qui prit le nom peu original, mais tellement flatteur de Jojo Bar.

Le nouveau stade faillit changer de nom et prendre l’appellation de Jojo Stadium. Cette idée a caressé les rêves de grandeur de notre homme, mais une brise de lucidité teintée d’humilité traversa la grande pièce vide de son esprit à temps. Au final P’tit Jojo se dit que le bar c’était déjà pas mal, n’empêche qu’au bled on surnomme la pelouse Stade Kim Jong-il !

Les nouvelles tribunes eurent un effet, certes bref, mais un effet tout de même. Durant deux matchs on eut l’impression que les joueurs couraient plus vite, ce qui ne devait pas être si faux, car l’équipe avait gagné ses deux seuls matchs de championnat durant cette période. Depuis cette époque bénie des dieux, c’était la traversée du désert.

Après quatre matchs nuls consécutifs, P’tit Jojo entra dans les vestiaires à la fin de la partie et sermonna ses joueurs en leur expliquant qu’il allait falloir changer de vitesse, car les matchs nuls, c’était fini. La subtilité du langage de leur président ne toucha pas le cœur, ni les neurones de tous les joueurs qui, pour certains, passèrent de la deuxième à la première vitesse, ce qui eut tout de même le mérite de casser le cycle infernal des nuls par une défaite…

L’équipe se retrouva très vite à la limite de la relégation et donc très loin du haut du classement.

En ce jour, en plus de sauver son aura, P’tit Jojo ne pouvait pas s’empêcher de penser à la honte si le Seul Club de Foot du Plateau perdait contre ces branleurs de ritals.

Déjà que le Seul Club de Foot du Plateau devait partager son terrain, ses vestiaires et surtout ses points au classement avec ces bouffeurs de spaghettis… Quitte à ne pas toucher l’objectif d’une troisième victoire, un nul suffit pour rejoindre cette équipe de gigi et surtout pour ne pas trop passer pour un con auprès de la communauté villageoise.

Déjà à fleur de peau, les nerfs de P’tit Jojo se mirent carrément en boule à son arrivée aux Pins verts.

Ce con de concierge avait eu l’outrecuidance de placer ces cons d’Azzuri dans le vestiaire A et le Seul Club de Foot du Plateau dans le vestiaire B. Faut pas charrier !

Le vestiaire A était en effet le Saint Graal de son équipe, car bien plus confortable. En effet, suite à une erreur ou un coup de folie de l’architecte communal, on ne sut jamais, le vestiaire A disposait d’un mètre carré et d’un pommeau de douche de plus que le B, le C et le D. Ce Master vestiaire revenait donc de droit au Seul Club de Foot du Plateau !

P’tit Jojo mit le cap sur la buvette où à coup sûr il allait trouver Pascal pour lui passer un savon. Le temps d’arriver à ladite buvette, le soufflé était retombé, principalement parce que son con de concierge faisait deux têtes et bien quarante kilos de plus que lui.

Le con de concierge était bien là. Il finissait sa bière censée mieux faire descendre le cervelas Big Size mal digéré, avant de mettre les voiles sur la salle communale et ses caprices lumineux.

— Heu… salut, Pascal, tu vas bien ?
— Ouais… on peut faire mieux, suis un peu tendu.
— M’en parle pas, c’est normal vu l’enjeu du match…
— M’en fou de ton match, moi c’est mon week-end qui m’inquiète.
— Ah ?! Dis-moi avant que tu partes, une petite question. Je peux savoir pourquoi on n’est pas dans notre vestiaire habituel ?
— Ben primo c’est pas votre vestiaire et deuzio, selon la copie de la feuille de match, c’est vous les visiteurs. Au cas où tu serais pas au courant, le stade est utilisé par deux clubs qui paient les mêmes cotisations pour les mêmes prestations.
— Mais tu plaisantes, l’équipe emblématique du plateau c’est nous, s’indigna P’tit Jojo

Pascal qui venait de prendre une gorgée de bière faillit s’étrangler en pouffant de rire.

— Tu parles d’un emblème, je sais pas si t’es au courant, mais quand on parle de la région on pense plus facilement au tournoi annuel de scrabble du Home des Jolis Lilas, qu’à ton club de prestige !

P’tit Jojo regarda Pascal d’un air mauvais, regretta de ne pas mesurer deux têtes de plus et de ne pas pratiquer la boxe autrement que sur sa Box. Ça lui aurait permis de coller un pain à ce sportif néophyte de concierge. Mais les circonstances, la raison peut-être et la couardise assurément, lui indiquèrent qu’il serait préférable de la boucler et de faire profil bas.

Pascal sentait les envies refoulées de son interlocuteur et s’en amusait. Il finit sa bière et tout en partant pour la salle communale, il tapa sur l’épaule de P’tit Jojo et avec un grand sourire lui dit :

— Bonne chance pour cet après-midi, faut absolument que vous gagniez, parce que si Azzurri vous en colle une, faudra changer le nom du stade par Pini Verdi à moins que tu préfères Pini Azzuri.

À ce moment précis P’tit Jojo regretta amèrement son manque de musculature…

IV

Et la lumière fut

Entrer dans la lumière

Comme un insecte fou

Respirer la poussière

Vous venir à genoux

Didier Barbelivien

Sitôt quitté P’tit Jojo et ses frustrations, Pascal enfourcha sa bécane et tel le cow-boy justicier, il vola à la rencontre du deuxième stratège de sa journée, le sieur Groslent et ses problèmes de Light Show. En roulant en direction de la salle communale il se fit la réflexion que c’était somme toute logique d’avoir des problèmes de lumière quand en n’en était pas une… Il continua le fil de ses pensées et se dit que ce pauvre Groslent devait se les peler grave en hiver, étant donné qu’il n’avait pas le gaz à tous les étages…

Il arriva à destination en riant sous casque.

En poussant la porte de l’immeuble, il fut accueilli par un :

— Pascal ! Mon sauveur, mon ami !

Pour que cette lumière éteinte l’appelle mon sauveur et mon ami, il y avait anguille sous roche. Soit Groslent avait fumé le gazon coupé la veille dans le parc communal, soit il était amoureux, soit il venait de gagner à la loterie, ou il était vraiment dans la merde, voir les quatre à la fois.

Il garda ses réflexions pour lui et se contenta de suivre le maître des lieux. Il fut éclairé à son entrée dans la salle sur la source d’excitation et de bonhomie du bonhomme. Tout comme son frère de conciergerie, Pascal redressa instantanément le torse et éclaircit sa voix par un raclement de gorge discret.

— Mesdames bonjour ! fit Pascal en admirant les quarante gambettes appartenant aux danseuses qui s’échauffaient sur scène à coups de stretching et autres rotations articulaires.
— Merci d’être passé, lui dit Groslent, tu comprends que je me suis permis de t’appeler. C’est pas tous les jours que l’on accueille un spectacle de si grande qualité dans cette salle. Ce serait dommage de ne pas donner un coup de projecteur sur de telles artistes, non ?
— Je veux mon neveu, dit Pascal d’un ton rêveur. Bon, montre-moi ton tableau électrique avant que je me transforme en gastéropode baveux !

Une fois devant le tableau, Pascal eut besoin de quelques secondes pour passer du mode loup de Tex Avery à vieux renard du réseau électrique.

Après un bon quart d’heure à tester les plombs, mesurer les arrivées, vérifier et nettoyer les contacts, la panne n’était toujours pas trouvée. Pascal était à deux doigts de lâcher un joli juron de son cru, quand il vit à deux pas de là un gros carton avec le logo OSRAM.

— Par hasard, cria-t-il à Groslent, tu as vérifié les ampoules ?

Groslent fut tiré de sa rêverie, une paire de jambes qui n’en finissait pas, appartenant à une jolie brune toute en longueur et souplesse.

— Hein quoi ?
— Les ampoules tu les as changées quand la dernière fois ?
— Ben jamais !

Pascal leva les yeux au ciel pour supplier le Bon Dieu auquel il ne croyait pas et partit côté jardin, tout en admirant les danseuses, pour actionner le mécanisme qui permet de descendre les perches équipées des divers spots et autres gadgets de scène. Il remplaça avec douceur et doigté, presque amoureusement, les ampoules défectueuses.

Il fit remonter la perche et ses spotlights remis à neuf et se plaça au milieu de la scène entre les artistes impatientes de pouvoir prendre leurs marques pour le spectacle du soir. Quand Groslent actionna le potentiomètre, la rampe se mit à briller de mille feux. Instantanément les lucioles qui entourait Pascal se mirent à virevolter en poussant des petits cris de joie entrecoupés de mercis et de bravos.

Il n’en fallut pas plus pour que Pascal se sentît tout chose en piquant un phare, comme le gars timide qu’il n’est pas. Une émotion toute particulière et moins visible l’envahit quand la cheffe de la tribu des danseuses déposa un baiser sur sa joue droite en disant :

— Merci, mon ami, vous êtes notre sauveur !

Y a pas, ça fait toujours plus d’effets quand c’est dit par une jolie fille que par un concierge…

Avant de quitter cette belle compagnie, Pascal s’adressa à son collègue d’un ton moqueur et lui dit :

— La prochaine fois que ta télévision tombera en panne, va faire un tour du côté de la prise avant d’appeler le réparateur.

Groslent ne releva pas la vanne. Il remercia Pascal, lui promit une bonne bouteille, que ce dernier ne verrait jamais, et lui dit de transmettre ses vœux à l’équipe locale.

— Je peux pas venir voir le match, tu comprends, on sait jamais si ces dames ont besoin de moi…

V

A comme Azzurri

J’aime les amants de Vérone

Les spaghettis, la minestrone

Et les filles de Napoli

Turin, Rome et ses tifosi

Claude Barzotti

Il avait débarqué dans la région il y a environ cinq ans de son Italie natale en quête de travail et en avait trouvé très rapidement. Il faut dire que Luigi, malgré son jeune âge, vingt-cinq ans, avait déjà dix ans d’expérience dans la construction. Doué, intelligent et n’ayant pas un poil dans la main, il fut très vite nommé au poste de contremaître de sa boîte, ce qui ne manqua pas de faire grincer quelques dents.

On le soupçonna d’ailleurs très vite d’être de mèche avec le dentiste local, car malgré lui, il usait pas mal de clapiers, masculins principalement.

Avec son mètre quatre-vingts, un corps d’athlète taillé dans le marbre, bronzé toute l’année, un sourire ravageur et la grâce d’un félin, Luigi faisait partie des beaux gosses parmi les beaux gosses. Pas étonnant donc que les mecs du coin aient une dent contre lui, surtout depuis que la gent féminine du village en avait fait son sujet de conversation favori et avait tendance à adopter une attitude nettement moins réservée que de coutume en sa présence, à la limite de la poule paradant pour attirer l’attention du coq de la basse-cour.

Sa cote de popularité auprès des mâles du village s’était retrouvée au point le plus bas, quand après deux ans d’épargne il fit l’acquisition du dernier modèle Alfa Roméo V8 décapotable, rouge évidemment. Vert c’est la couleur qui nappa les visages des clients du bistrot du village quand il parqua son bolide flambant neuf devant la terrasse, un vendredi à l’heure de l’aperitivo…

Son aura fut définitivement écrasée et piétinée quand ce piaf montra au grand jour ses talents de footballeur en intégrant l’équipe Azzurri, principale adversaire du Seul Club de Foot du Plateau. Le nouveau numéro neuf et futur capitaine de l’équipe italienne ne s’était pas rendu compte qu’il poussait le bouchon un peu trop loin en marquant cinq buts lors de son premier match, justement contre le Seul Club de Foot du Plateau,