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Bienvenue dans l’univers de Jean Andriot au pays de la pêche à la mouche, mais aussi des enquêtes criminelles, de la corruption, du grand banditisme, des meurtres sordides… L’auteur vous livre neuf histoires de pêche à la mouche qui dégénèrent, mariant la poésie, le drame et l’humour avec dextérité. Ses personnages, hommes politiques, policiers, gendarmes, médecins légistes, procureurs, ou même Français moyens, vous entraînent dans leur tourbillon de turpitudes. Pas de chevalier blanc ni de monstres démoniaques, juste des personnes ordinaires que des circonstances et des préoccupations ordinaires, puisqu’humaines, poussent sur les chemins de la perversion et dont ego, ambitions, sexe, appât du gain, vengeance sont les moteurs. Eh oui, la vie, sanglante, sordide et misérable, ne vaut rien, mais heureusement, rien ne vaut la vie.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Issu d’une famille de militaires et professeur des sciences dures dans l’enseignement supérieur pendant plusieurs années,
Jean Andriot a eu une vie assez mouvementée qui constitue le socle même de la psychologie de ce roman. Il consacre sa retraite à l’écriture et vous invite dans l’univers humoristique et palpitant de Pêcheurs en eaux troubles et autres nouvelles.
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Seitenzahl: 239
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Jean Andriot
Pêcheurs en eaux troubles
et autres nouvelles
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Jean Andriot
ISBN : 979-10-377-8335-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Mathis Claudel décida de commencer sa matinée de pêche par un spot sur la Haute Moselle qu’il connaissait bien. À cet endroit-là, qu’il avait déniché par hasard et surnommé le syphon, la rivière, fleuve encore en gestation, offrait une dérivation s’éloignant d’une vingtaine de mètres du flux principal. Avant de rejoindre son lit d’origine à travers un goulet d’étranglement, il se terminait par un grand pool, accessible en waders, au bout duquel venaient s’échouer toutes sortes d’éléments flottants, naturels ou pas, ce qui l’obligeait à faire des lancers aval.
La pêche en aval lui permettait, dans tous les cas de figure, de faire passer sa mouche avant son bas de ligne et sa soie. Ainsi, le poisson en activité, déjà éduqué par les cuillères, leurres et vairons de ce début de printemps, ne pouvait pas être effrayé par un corps étranger lui passant au-dessus de la tête avant son imitation, et SA truite était très méfiante et aussi monomaniaque.
Depuis déjà deux saisons, il l’observait jour après jour. Elle suivait toujours le même parcours. Elle longeait les branches flottantes à l’entrée du syphon, puis remontait le long de la berge de gauche jusqu’à l’extrémité amont du pool et se laissait tranquillement redescendre dans l’autre sens. Chaque année, les trichoptères succédaient aux mouches de mai et jamais encore il n’avait réussi à la prendre, même pas à l’intéresser. Il était admiratif de tant de perspicacité. Il faut dire qu’un gros poisson, soixante-dix centimètres pour environ sept kilos selon lui, et il se trompait rarement, était toujours un vieux poisson blanchi sous le harnais.
Il aurait pu la tenter en nymphe, mais son orgueil l’en empêchait. Pour lui, la pêche à la mouche ne se concevait qu’en sèche. Aussi, bien qu’il ne considérât pas sa copie de coléoptère comme une véritable mouche de tradition anglaise, il s’était laissé aller à monter sur son bas de ligne de quatorze centièmes ce qui était censé ressembler à un hanneton de la Saint-Jean : élytres marron et thorax vert tuning en foam, abdomen et pattes en cul de canard bistre, tête noire avec deux courtes antennes. Il en avait vu plein hier au coup du soir, un s’était même posé sur sa main. Il l’avait enfermé dans sa boîte à mouche et avait passé une partie de la nuit, après avoir piqué l’insecte sur un bouchon, à confectionner une dizaine d’imitations assez ressemblantes.
Mais maintenant, l’heure de vérité était arrivée ; il devait passer aux actes !
Pour l’instant, camouflé dans la végétation rivulaire, il observait attentivement l’eau à travers ses lunettes Polaroïd. SA truite était bien là ! Il pouvait apercevoir sa nageoire dorsale émerger de temps en temps, le long du bord, quand elle marsouinait.
Le temps de descendre dans l’eau, il lança son appât un mètre devant le poisson et commença, par petites tirées, à l’animer pour lui donner l’allure d’un insecte qui se débat. Immédiatement, la truite se précipita et, dans un gros bouillonnement, goba franchement l’artificiel.
Il s’attendait à un démarrage beaucoup plus foudroyant, mais la tirée était irrésistible et le poisson cherchait à se réfugier sous les branches entassées devant le syphon, ce qui l’obligea à essayer de s’interposer devant l’obstacle, moulinant comme un fou. Faisant demi-tour, la truite se rua vers l’entrée du pool en remontant le courant.
Il avait de l’eau jusqu’à la taille quand il dégaina la grande épuisette Hardy qu’il avait attachée dans le dos avec un aimant et la laissa flotter à côté de lui au bout de son cordon.
La soie lui filait entre les doigts. Elle lui brûlait la main. Le cliquetis du moulinet chantait et s’emballait en pleine accélération. Le bas de ligne tenait bon, mais son affaire n’était pas encore réglée, elle pouvait se ruer encore. Il n’était pas si sûr de pouvoir la ramener.
Au bout d’une minute, elle se mit à mollir. Il fallait songer à récupérer le terrain perdu.
Depuis le premier anneau, il faisait de grandes tirées de la main gauche sur la soie. Mathis regardait louvoyer, à la remorque, le grand lingot constellé de points rouges. Il s’avançait, l’œil rond et fixe.
La truite vit Claudel, et Claudel vit qu’elle le voyait, distinguant dans sa pupille un regard terrifié. Elle savait que Claudel savait qu’elle le voyait, et pourtant, sans pitié, il continuait à la ramener.
Elle tenta une ultime évasion. Sa main cédait, freinant des doigts directement sur la bobine. La truite s’était vite épuisée, à tel point qu’elle s’arrêta et obéit à ses dernières tirées. Son corps vert et or réapparut, balancé de droite et de gauche. Une dernière fois, elle essaya de s’échapper, faiblement, et réapparut encore, glissant, inerte, la tête à demi hors de l’eau, la mâchoire portant au coin, bien visible, le coléoptère meurtrier.
Enfin dans l’épuisette, c’était gagné !
Depuis le début, il avait décidé de prélever le poisson. Il ne le faisait pas systématiquement, seulement quand il en capturait une grosse, comme cela, il protégeait la population de juvéniles, truitelles ou ombres, et laissait le poste libre, disponible pour une plus jeune.
Dans la voiture, en rentrant chez lui, il se dit qu’il allait fumer les filets. Il avait tout ce qu’il fallait, la saumure aromatisée, la sciure de hêtre ; il lui faudrait simplement nettoyer un peu son vieux fumoir qui avait servi pour du lard paysan l’automne dernier.
Le poisson était allongé, flasque et brillant, sur l’égouttoir de l’évier de la cuisine, la babarotte encore accrochée au coin de la mâchoire supérieure. La grande lame de son Victorinox était affûtée comme un rasoir et fendit l’abdomen d’un seul trait, sans forcer. Un frisson bizarre lui parcourut l’échine tandis qu’il plongeait voluptueusement sa main dans les entrailles gluantes. Il tira sur les viscères sanguinolents. Ils lui glissaient entre les doigts avec un petit bruit mouillé. Une rigole rougeâtre coula sur la céramique blanche.
Par curiosité, il entreprit d’examiner le contenu de l’estomac de la truite. Tandis qu’il farfouillait de la pointe du couteau parmi les petits morceaux de bois, la masse des coléoptères, les vairons et autres ablettes, il se figea brusquement de stupeur.
Devant lui, au milieu des résidus en cours de digestion, il y avait un pouce humain. La relique était toute ridée et décolorée par l’humidité, mais encore parfaitement reconnaissable, ne laissant aucun doute sur sa nature. Elle était coupée au ras de la main et le tatouage bleu foncé qui couvrait la deuxième phalange sautait aux yeux, mis en évidence par la pâleur du morceau. Il représentait une croix dont chaque branche, se terminant en Vé, était séparée des autres par quatre points.
Quelques secondes plus tard, une seconde réflexion lui vint spontanément :
En effet, tous les ans, Mathis Claudel, capitaine à l’hôtel de police, boulevard Lobau à Nancy, prenait quinze jours de vacances dans la maison de sa grand-mère, près de Remiremont, pour assouvir sa passion de la pêche à la mouche.
Avec une pince à cornichons, il introduit le pouce dans un petit sac de congélation qu’il déposa ensuite dans une boîte isotherme remplie de glaçons.
Avant de déclencher la foudre du commissaire, il décida de mener sa propre enquête, et pour commencer, une visite à son pote Albert, pêcheur lui aussi, mais surtout légiste aux hôpitaux de Brabois, s’imposait.
Albert avait écouté avec passion le récit de son copain. Ensuite, après avoir sorti avec précaution le doigt coupé de ses emballages et l’avoir posé dans une espèce de plat en inox, il l’examina avec attention sous une lampe à loupe. Son diagnostic ne se fit pas attendre :
Pas question d’empoter le pouce orphelin chez le tatoueur, donc Mathis recopia le dessin au dos d’une de ses cartes de visite avec un feutre bleu sans oublier la silhouette du doigt. L’ensemble était très saisissant.
Quand Mathis Claudel poussa la porte du salon « Mystic Tattoo », il fut accueilli par un gling-glong très vintage. Un grand type barbu en bonnet kaki, avec un petit parapluie à l’envers dessiné au coin de l’œil et un soleil inca dans le cou, était en train d’officier sur le cul d’une fille magnifique allongée à poil sur ce qui ressemblait à un étal de poissonnier. Il sentit sa bite tressauter dans son calcif devant le spectacle. Le bruit du pistolet lui fit penser à la tondeuse avec laquelle sa mère lui coupait les cheveux quand il était petit.
Le mec, manifestement contrarié d’être dérangé, s’interrompit et s’approcha du comptoir, les mains gantées de noir, écartées devant lui pour ne rien tacher.
Sans rien dire, Mathis lui tendit sa carte de visite.
Après un instant de réflexion, le tatoueur obtempéra.
Il se détourna pour saisir sur une étagère un gros livre noir intitulé « Tatouages du monde » qu’il feuilleta rapidement avant d’en montrer une planche à Mathis. Effectivement, les photos étaient très ressemblantes.
Comité de solidarité Nancy-Kurdistan : impossible de les louper. Un homme politique local, membre du PCF du Grand Nancy, était monté sur un banc et haranguait son public clairsemé :
Ces représentants de mouvements politiques, syndicaux ou du tissu associatif, entendent ainsi montrer leur désaccord face à la décision du gouvernement Trump, lequel a donné son feu vert au gouvernement turc d’Erdogan pour l’invasion du Nord de la Syrie. En effet, les bases américaines qui soutenaient les combattantes et combattants de la liberté dans la région, à majorité kurde, ont été évacuées, laissant les mains libres aux soldats d’Erdogan, appuyés par les restes de Daech. Le collectif invite les forces démocratiques et les citoyens à s’unir et à se rassembler pour stopper cette invasion et contraindre Erdogan à se retirer des territoires illégalement occupés au Kurdistan de Syrie.
Des applaudissements fusèrent et se prolongèrent mollement. Les personnes présentent commençait à s’éparpiller, sauf un groupe de trois hommes et deux femmes. Ils parlaient une langue inconnue. Quand il s’approcha, la conversation s’arrêta net. Il leur montra à la ronde sa carte de visite côté dessin en demandant :
Alors que les autres tentaient de l’en empêcher, une des deux jeunes femmes retira son gant droit. En émergea une main gracieuse et fine, avec un tatouage presque identique, qu’elle remit prestement à l’abri au bout de dix secondes.
Mathis Claudel en avait les yeux écarquillés. Il les traîna presque de force dans le bar le plus proche à une table discrète au fond de l’établissement. Ils eurent à peine le temps de faire les présentations qu’un homme en blouson de cuir les aborda.
Mathis se leva et, après s’être excusé, suivit Dufour en criant au milieu du tohu-bohu qu’il allait revenir tout de suite.
Et il s’éloigna dans la foule les mains dans les poches, laissant Mathis médusé. Quand il retourna dans le bistrot, ses Kurdes avaient disparu.
Comment Dufour avait-il été si rapidement au courant ? et pourquoi une telle réaction ?
Mathis n’en avait parlé qu’au légiste…
En y réfléchissant, il se dit qu’il allait retourner voir Albert.
Quand il ouvrit la porte de l’IML, le contraste entre la pénombre des sous-sols de l’hôpital Brabois et la lumière crue du laboratoire l’éblouit. Les murs de la pièce, peints d’un beige rosé très clair, diffusaient une lumière douce et dorée, contrastant avec celle, plus violente, des scialytiques ultramodernes qui éclairent à giorno les immenses plateaux d’acier inoxydable.
Albert était en train de pratiquer une autopsie.
L’horloge indiquait quatorze heures dix. Dans un coin de la grande pièce, les gendarmes installaient leur ordinateur sur une table roulante. Au pied du corps, Albert déposa sur un plateau nickelé les instruments qu’il prenait dans des boîtes chirurgicales, et les disposa dans un ordre bien déterminé. Il vérifia ensuite les balances de pesée des organes et le niveau de formol dans les pots à prélèvements.
En temps normal, la salle d’autopsie était une véritable fourmilière d’hommes et de femmes en blouses vertes, mais aujourd’hui, Albert était le légiste de garde et ce n’est pas la présence obligatoire de l’officier de police, aujourd’hui un adjudant de gendarmerie, qui allait beaucoup l’aider, car il s’était assis près de la porte avec l’intention manifeste de ne pas s’approcher d’un centimètre.
Avant de commencer, il se saisit d’un tabouret et alla se poster devant l’écran géant. Tout en réglant son enregistreur numérique, il demanda à voir les photos prises par l’identité judiciaire sur les lieux de la levée du corps.
Il était presque prêt et enfilait ses gants bleus quand il vit Mathis Claudel.
Albert avait rencontré le commandant Dufour la veille au soir sur une scène de crime. Bien que les gendarmes aient investi le site les premiers, le flic s’était incrusté, insistant auprès du substitut du procureur, pour qu’on lui confie l’affaire. Depuis, il était sur le dos du légiste pour que celui-ci bâcle l’affaire, arguant de ses appuis politiques pour le faire chanter.
Albert souleva la main du cadavre. Pas de pouce !
Mathis en était comme deux ronds de flan, tellement écrasé par ce qui ne pouvait pas être une coïncidence, qu’il s’était laissé tomber sur une chaise comme un paquet de linge sale. Le corps avait été découvert environ deux kilomètres en amont de là où il avait capturé sa truite.
Sans s’occuper des états d’âme de son ami, le légiste avait commencé son travail. Une autopsie débutait toujours par le prélèvement du cerveau.
Il y avait un grave trauma crânien du côté droit signifiant que la victime avait été assommée avant d’être jetée à l’eau et le corps était totalement bleu. La noyade était manifestement la cause de la mort, compte tenu des signes d’inhalation d’eau dans les voies aériennes et dans les voies digestives.
En un tour de main, Albert avait déjà éventré le cadavre du cou au pubis, découpé la cage thoracique, puis, à pleines mains ou à l’aide de longs ciseaux, l’avait proprement vidé en trois temps : d’abord les viscères, puis les reins et enfin le cœur et les poumons.
Un détail inattendu attira son attention alors qu’il allait immerger les poumons dans le formol. Il s’avéra que des fibres musculaires étaient présentes dans les bronchioles au milieu des algues et des diatomées.
Albert alla farfouiller sur ses étagères pour en ressortir le récipient contenant l’organe.
Le légiste se mit à pianoter sur son clavier d’ordi et fit apparaître une carte constellée d’index rouges en forme de goutte d’eau inversée. Chaque index représentait la présence d’un abattoir. Il y en avait au moins sept ou huit qui longeaient la Moselle de Bussang à Épinal, dont un quelques kilomètres en amont de là ou Mathis avait pris sa truite. Tous sauf un, spécialisé dans les volailles, appartenait à la même société, la SEAMV, société d’exploitation des abattoirs de la montagne Vosgienne, dont le propriétaire n’était autre que le très célèbre et controversé seigneur local, ancien boucher tombé en politique au moment de l’élection de Mitterrand, le sénateur divers gauche Amédée Porcelot.
Silence.
Mathis regardait son pote Albert d’une drôle de façon jusqu’à ce que celui-ci s’exclamât :
Quelques heures plus tard, invisible dans l’obscurité de la nuit noire, Mathis rampait dans la végétation rivulaire avec une lenteur infinie. Albert était resté cent cinquante mètres en arrière. Il s’était trouvé un poste d’observation dans un bouquet de saules d’où il espionnait le moindre mouvement sur le site grâce à un monoculaire à vision nocturne.
Mathis, lui, était armé. D’ailleurs, son Sig-Sauer SP 2022 dans l’étui sur sa hanche le gênait énormément, car il s’accrochait partout et l’obligeait à se contorsionner comme une anguille. Il était à environ vingt mètres du portail en tôle ondulée du bâtiment par où entraient et sortaient des silhouettes sombres portant de lourds fardeaux, quand ce qui devait arriver arriva. Il fit craquer une branche morte.
Aussitôt, une puissante lampe torche fut braquée dans sa direction, l’inondant de lumière. Un homme s’approcha, tenant une mini UZI à bout de bras.
C’était Dufour.
Mathis se releva gêné en époussetant son pantalon.
Des hommes basanés et des femmes chargeaient des carcasses dans deux camions frigorifiques. Certains d’entre eux avaient des bandages à une, voire aux deux mains.
À l’intérieur du local, un homme était à genoux, le bras droit maintenu sur un billot par un sbire tenant un lacet de cuir. Un homme aux cheveux blancs, de forte stature, affublé d’un long tablier en cuir, brandissait une feuille de boucher. Le couperet claqua sur le bois et le pouce tomba par terre avec un bruit mat. L’homme criait continuellement tandis que son sang inondait le tablier de son bourreau.
Mathis Claudel était horrifié.
Ils n’ont plus besoin de prendre de bateau pour traverser l’Europe, il suffit d’un billet d’avion et de passer la frontière. C’est tellement facile. Il suffit d’aller dans une agence de voyages, de demander un package et de se mettre d’accord sur un prix.
Ces packages comprennent le visa, le vol et l’hôtel à Minsk. Depuis la crise avec la Russie complice qui ne pense qu’à emmerder l’Europe de l’Ouest, ces agences font preuve d’un peu plus de discrétion, et le processus s’est un peu compliqué. Mais il y a beaucoup de façons d’y arriver. Les gens prennent désormais un visa biélorusse et un visa pour Dubaï puis réservent un vol pour Dubaï où ils s’envolent pour Minsk.
Le jeune type dont on vient de couper le pouce a survécu à vingt jours dans la forêt qui sépare la Biélorussiedu nord-est de la Pologne. Trois longues semaines passées dans le froid, sans vivres, coincé entre la police de Minsk qui l’empêche de faire marche arrière et les six mille militaires déployés par Varsovie pour épauler les gardes-frontières afin de leur barrer l’entrée.
Des complices repèrent les plus costauds et leur font miroiter un passage en Angleterre moyennant une fortune. Il n’y a pas de petits profits. Grâce aux relations du vieux, une fois en Allemagne, ils arrivent tout droit chez nous puisqu’il n’y a quasiment aucun contrôle aux frontières.
Mathis écoutait distraitement les explications de son supérieur tout en regardant autour de lui les yeux exorbités.
Un bruit les fit se retourner. Un homme en pantalon de treillis se dirigeait vers eux, précédé par Albert, piteusement les mains en l’air, tenu en respect par un Colt45.
Sur un geste de Dufour, des hommes de main immobilisèrent Mathis et Albert.
Dufour commença à attacher les deux mains d’Albert, tétanisé.
Les mains de Mathis Claudel furent saucissonnées l’une contre l’autre par un solide lien en cuir. Il les posa lui-même sur le billot en fixant calmement Dufour dans les yeux et tout de suite une lutte silencieuse commença. Mathis poussait ses mains vers l’avant tandis que Dufour essayait de les refouler pour les maintenir au centre de la pièce de bois.
Au moment où, d’un « han » de bûcheron, le sénateur, les yeux exorbités, abattit son lardoir, Mathis tira vers lui de toutes ses forces, aidé par la contre-pression de Dufour.
Tchac !
Silence.
Dufour regardait ses moignons sans y croire. Le coupe-coupe était coincé, profondément enfoncé dans le bois, et le sénateur bataillait pour le récupérer. Profitant de l’occasion, Mathis Claudel lui décocha un magistral coup de pied retourné, l’envoyant ainsi valdinguer au milieu des travailleurs kurdes qui se jetèrent sur lui.
Sans un mot, ceux-ci les poussèrent devant eux par de grandes bourrades en direction de l’enclos où grognaient les monstres porcins excités par l’odeur du sang. Ils essayèrent bien de résister, mais rien n’y fit. Ils furent balancés de l’autre côté de la forte clôture métallique en poussant des cris d’effroi. Le sénateur, saisi par une cheville, tomba le premier, suivi de près par Dufour qui essayait de protéger ses moignons sous ses aisselles.
Très vite, le silence retomba, uniquement troublé par les bruits dégoûtants des chairs déchirées et des déglutitions abjectes. L’air était envahi de l’odeur ferrugineuse du sang et de remugles de merde fraîche.
HUFFPOST
Politique02/02/2022 14 h 26 CET
Mort du sénateur Amédée Porcelot à 76 ans dans des conditions dramatiques.
La classe politique endeuillée. Le sénateur des Vosges Amédée Porcelot, ancien maire divers gauche de Sainte-Geneviève-sur Moselle pendant seize ans, est décédé dans la nuit de mardi 1er au mercredi 2 février à l’âge de 76 ans au cours d’un accident dramatique en visitant un de ses abattoirs ultra moderne, a-t-on appris de sources parlementaires.
Malencontreusement tombé dans un enclos plein d’animaux, il a péri piétiné. Le commandant de police Dufour, qui l’accompagnait, se porta courageusement à son secours et a perdu la vie dans les mêmes circonstances.
Élu au Sénat