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"Persévérance – Mutant malgré lui" dévoile les coulisses des pratiques médicales des années soixante-dix, notamment les transformations de genre sur des enfants, effectuées sans une compréhension complète des conséquences. Il apporte un soutien aux parents confrontés à des choix de santé difficiles et offre un appui aux personnes vivant dans des corps qui ne correspondent pas à leur identité, affrontant des souffrances physiques et psychologiques.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alex Faurh trouve son inspiration dans les réflexions suscitées par sa vie quotidienne. "Persévérance – Mutant malgré lui" traduit les éléments de la réalité qui l’interpellent.
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Seitenzahl: 201
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Alex Faurh
Persévérance
Mutant malgré lui
© Lys Bleu Éditions – Alex Faurh
ISBN : 979-10-422-1780-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
L’avenir s’en va,
Mais les écrits restent là
pour témoigner d’un passé de l’au-delà
que seuls le temps et l’usure ont entraîné par là.
Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants,
mais peu d’entre elles s’en souviennent.
Antoine de Saint-Exupéry
Il s’agit d’une histoire vraie, les noms et prénoms ont été changés, l’auteur de ce livre utilise un pseudo afin de préserver son entourage.
XX ou XY là est la question, les 46 chromosomes, le caryotype humain, chromosomes de notre ADN.
Marie et Jean, la quarantaine, vivaient en région parisienne avec leurs deux enfants, Claire 12 ans et Benoit 6 ans. C’était une famille très modeste, le père était ouvrier maçon, la mère au foyer, elle élevait ses enfants. On aurait dit la petite maison dans la prairie, car la famille vivait dans une petite maison en brique rouge des années 1900 comprenant une pièce principale et trois chambres. Dans la pièce principale, une cuisinière à charbon équipée d’un réservoir d’eau qui chauffait en permanence, c’était la seule source d’eau chaude. Avec un jardin de 600 mètres carrés entouré de fleurs, ils vivaient de leur potager et de l’élevage de volailles. Pour les déplacements, le couple avait acheté en 1956 une Citroën 2CV d’occasion.
Après avoir eu leurs enfants, les médecins étaient formels, il était impossible au couple d’avoir un autre enfant. Lors de son dernier accouchement, Marie avait eu une descente d’organes, ce qui empêchait une future grossesse, dans le jargon « le moule était cassé ».
Mais il y a un mais, durant l’année 1967, Marie s’est mise à avoir des maux de ventre accompagnés de vomissements et de vertiges. Elle avait beaucoup de mal à rester debout. Cette femme robuste s’occupait des tâches ménagères à longueur de journée, préparait les repas, lavait le linge à la main dehors dans un baquet, s’occupait de la cueillette des légumes et faisait les conserves dans un stérilisateur.
Cela peut vous paraître d’une autre époque et pourtant nous sommes bien au 20e siècle. Marie dut consulter en urgence le docteur Boissant, son médecin traitant, celui-ci s’exclama :
« Ma pauvre dame, à la suite de votre précédent accouchement, vous ne pouvez plus avoir d’enfant, il ne peut s’agir que d’un fibrome qu’il faut détruire ou c’est lui qui va vous détruire. »
Il faut dire qu’à l’époque, la parole d’un médecin était aussi respectée et écoutée que celle d’un prêtre, le médecin de famille était considéré comme la conscience, sa parole faisait foi, nul ne pouvait prétendre la contredire.
Concernant notre malheureux fibrome étant une masse musculaire et fibreuse située dans l’utérus, la meilleure solution en 1967 pour le détruire était l’injection de piqûres d’hormones, afin de réduire la masse. Le problème est que Marie s’est mise à grossir et prendre du ventre. Devant ces faits, le fameux docteur Boissant n’eut qu’une solution : augmenter les piqûres d’hormones. En vain, la pauvre femme commença à sentir le fibrome bouger. Comment cela était-il possible ? La pauvre femme avait-elle des visions en voyant son ventre faire de petits sursauts, elle ressentait des coups en mettant sa main droite sur son ventre.
Comment cette masse qui devait être inerte dans le ventre de Marie bougeait-elle ?
Cela provenait-il de l’au-delà ou d’une médecine inexacte ? Pourtant, l’échographie existait déjà en France depuis 1951. Pourquoi personne n’avait prescrit une échographie ? Pourquoi attendre qu’un Alien arrive ?
Pendant ce temps, les Russes avaient déjà envoyé un homme en orbite. En 1961, les Américains se préparaient à envoyer le premier homme sur la lune et en France, personne n’était foutu de faire la différence entre un fibrome et un fœtus.
En novembre 1967, après avoir demandé un second avis à l’hôpital de Créteil, les médecins n’avaient pas l’air très heureux d’annoncer aux parents :
Marie tomba en larmes.
Selon les examens pratiqués par le corps médical de l’hôpital de Créteil en novembre 1967, le bébé avait entre 6 et 8 mois, il devrait naître entre décembre 1967 et février 1968. En attendant il n’y avait plus rien à faire, seulement attendre. Jean et Marie reprirent le bus pour rentrer chez eux, mais Marie n’arrivait pas à arrêter les larmes qui coulaient le long de son visage, elle se voyait déjà en train d’élever un enfant handicapé.
Le lendemain, Marie retournait voir le docteur Boissant, « le charlatan de service ».
Il s’exclama d’une voix forte :
Cet homme d’environ 70 ans avait une excellente réputation, son cabinet était situé dans une petite ville bourgeoise de région parisienne.
Ce qui était surprenant en arrivant au cabinet médical, c’était cette vieille demeure de style manoir avec un portail en métal rouillé et des traces de peinture noire, des marches en marbre donnaient accès à la porte d’entrée sous une voûte, sur la gauche se situait le cabinet médical et à droite les appartements personnels du médecin, un vieux parquet en chêne grinçait.
Dans le jardin était garée la vieille Volkswagen Coccinelle décapotable noire. D’ailleurs, il n’y avait pas que ça de noir, lorsque vous croisiez la voiture du médecin en ville, celle-ci dégageait une épaisse fumée noire qui s’échappait du pot d’échappement, la demeure et la voiture reflétaient bien l’aspect du bonhomme.
L’hiver 67 fut difficile. Durant la deuxième quinzaine de décembre, il neigeait abondamment avec des températures négatives. Marie avait préparé une valise avec de petites brassières pour le bébé, de petits vêtements de taille 2 mois au cas où. Elle fut prise de contractions le 28 décembre 1967 vers 3 h 30 du matin. Jean sortit la voiture dans la rue.
Il prit son épouse par le bras afin d’éviter qu’elle ne glisse sur la neige, et ils prirent la direction de la maternité de Villecresnes. Pourquoi cette maternité ? Pourquoi pas l’hôpital de Créteil, celui-là même où les médecins ont détecté le fœtus ? La réponse est très simple, c’était la clinique où le bon docteur Boissant avait l’habitude de travailler.
Sur une route enneigée, verglacée dans une nuit noire, les phares de la 2CV éclairaient très peu, il n’y avait pas de chauffage dans la voiture, il fallait rouler avec la vitre ouverte pour éviter la buée. Jean avait la cigarette au bec, l’angoisse était perceptible sur leurs visages, Marie se retenait de hurler, les contractions devenaient insupportables. Enfin, ils perçurent le hall d’entrée de la clinique encore éclairée. Elle s’effondra en sortant du véhicule. Jean courut chercher le personnel de la clinique. Il en ressortit avec une équipe d’infirmières et un brancard.
En entrant dans la salle d’accouchement, les contractions étaient tellement fortes et rapprochées que l’accouchement fut très rapide. En deux ou trois poussées, l’enfant sortit comme une lettre à la poste, il était 4 h 15. L’enfant né était mou, il ne bougeait pas, sans cri, comme si son destin s’arrêtait là. L’enfant fut emporté dans une salle adjacente dans laquelle les premiers soins lui furent promulgués. De longues minutes passèrent avant d’entendre un cri puis une infirmière hurla :
« Ouah ! La vache 5,950 kilos pour 61 cm, je n’y crois pas. »
Eh oui presque 6 kilos, et ce n’était déjà plus un bébé comme les autres.
Aucun vêtement n’allait au bébé, il fallut que Jean reparte en voiture pour trouver des vêtements au minimum de l’âge de trois mois.
À la naissance, il avait la morphologie d’un bébé de 3 mois, avec peu de réactions. Le médecin de la maternité annonça qu’il s’agissait sans doute d’un petit garçon malgré une malformation du pénis et des gonades (les bourses) qui étaient mal sortis. Dans le doute et vu les traitements infligés à la mère durant sa grossesse à base d’œstrogènes (hormones féminines), le médecin demanda immédiatement le transfert du bébé vers l’hôpital de Créteil qui était plus à même de pratiquer les examens nécessaires. Le bébé sans prénom resta hospitalisé durant 2 mois durant lesquels sa morphologie fut passée au crible, l’objectif était de recenser les séquelles subies durant le traitement de destruction massive du fameux fibrome qui était en réalité un fœtus.
L’hôpital de Créteil demanda l’assistance de l’hôpital américain afin de confirmer le sexe réel de l’enfant via son caryotype.
En attendant les résultats, le dossier fut transféré à l’hôpital Necker de Paris où il fut encore hospitalisé durant quinze jours.
Après ce passage dans ce milieu hospitalier, les parents furent reçus par le docteur Jusso, qui leur affirma que le caryotype de l’enfant était de sexe féminin représenté par 46 chromosomes XX.
De ce fait, l’hôpital allait pratiquer des opérations afin de rétablir le véritable sexe de leur enfant. En attendant les prochains rendez-vous, le docteur Jusso demanda aux parents de déclarer l’enfant à l’état civil, chose qui n’avait pas été faite. Les parents confiants dans le verdict se rendirent à la mairie pour faire cette déclaration, l’enfant avait enfin un prénom : Nathalie. De retour à leur domicile avec leur bébé, ils trouvèrent dans la boîte aux lettres un courrier provenant de l’hôpital de Créteil, celui-ci leur indiquait que la suite des opérations était confiée à l’hôpital Necker, cet établissement disposant d’un service pédiatrique de pointe. Ce courrier demandait aux parents de donner un prénom mixte à leur enfant. Devant ce désarroi et se posant mille questions, les parents décidèrent de retourner à la mairie pour changer de nouveau le prénom, c’est ainsi que le prénom Nathalie fut rayé et changé en Camille le jour même. La mention sexe féminin ne changea pas sur l’état civil.
Camille grandit au sein d’une famille aimante, entouré de ses deux parents, de sa sœur et de son frère. La famille avait un chien, « Rintintin », un croisé berger allemand malinois, Jean l’avait trouvé sur un chantier abandonné. La famille de cinq personnes vivait dans une petite maison ancienne, avec une pièce principale dotée d’un poêle à charbon et trois chambres, pas de salle de bains, les toilettes étaient dehors, pour se laver c’était dans l’évier de la cuisine. L’été, le bain se prenait dehors, il fallait mettre de l’eau à chauffer dans une baignoire en aluminium en plein soleil.
Jean qui ne savait ni lire ni écrire avait demandé à un ami architecte des plans pour agrandir la maison. Il commença les travaux en 1970 et cela dura 20 ans. Vous allez dire « Pourquoi autant de temps ? », eh bien cela était dû à l’achat des matières premières, le ciment, les parpaings, les briques, le sable, etc. Jean achetait les fournitures au fur et à mesure, en fonction des finances.
Camille grandit dans le béton, il aidait Jean à construire leur maison. Jean lui avait donné le surnom de « Bulldozer », car rien ne l’arrêtait. À l’âge de 10 ans, Camille remplissait la bétonnière avec du sable, du gravier et du ciment. Il faut dire aussi que Camille était de forte corpulence, Jean n’arrêtait pas de lui faire des réflexions sur son poids. Au moment des repas, Camille n’hésitait pas à mélanger des pâtes avec de la purée agrémentée d’une bonne tranche de foie de génisse, le tout arrosé de ketchup. C’était sa période malbouffe, sans aucun doute liée à son mal-être.
Marie allait deux fois par semaine à pied au marché qui se trouvait à deux kilomètres de la maison, elle ramenait des produits tels que des abats, des pieds de cochon, du boudin noir, des carottes et surtout des choux de Bruxelles. Le plat que Jean adorait manger, c’étaient les oreilles de cochon, bref c’était dégoûtant de le voir croquer dedans. Sinon le plat quotidien était la brandade de morue. Marie achetait la morue séchée qui ne coûtait rien, qu’elle faisait dessaler dans l’eau. L’ensemble était dans un plat avec des rondelles de patates et du persil.
Quand Camille avait 5 ans, il jouait souvent avec le fils des voisins, Laurent, ils avaient le même âge. Le père de Laurent, Robert, était le meilleur ami de Jean, très souvent la famille de Camille était invitée à manger chez eux. Robert aidait souvent Jean à construire la maison. Camille et Laurent se retrouvaient au bord du grillage qui séparait les deux maisons, pour jouer avec des petites voitures, ou à la guerre avec les petits soldats en plastique. Camille avait les armées américaine et anglaise. Laurent, lui, avait de son côté les allemande et russe et ils passaient leur temps à créer des batailles de la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire que la Deuxième Guerre mondiale était toujours imprégnée dans leur quotidien. D’ailleurs, beaucoup de films en noir et blanc passaient à la télévision comme « Le jour le plus long » sorti au cinéma en 1962 et racontant l’histoire du débarquement en Normandie, ou moins sombre comme « La grande vadrouille » de 1966 avec de très grands acteurs comme Bourvil et Louis de Funès. Ils avaient aussi l’habitude de se montrer leur pénis, atrophié pour Camille, et c’était à celui qui pisserait le plus loin.
Un soir, une terrible nouvelle arriva, le père de Laurent qui travaillait dans l’installation d’ascenseur fit une chute mortelle. Robert était mort à l’âge de 35 ans, Jean était désœuvré. La mère de Laurent décida de vendre la maison et de quitter la région parisienne. Ils déménagèrent en un mois dès la mise en vente du pavillon. Camille n’eut plus jamais de nouvelles de son ami Laurent.
Les autres voisins, M. et Mme Vuillemon, étaient super sympas. Ils avaient donné à Camille l’ancienne voiture à pédale de leur fils, c’était une Ferrari rouge et représentait la formule 1 des années 60. Pour Camille, c’était extraordinaire de pouvoir conduire cet engin, foncer dans les allées autour de la maison et déraper sur la terre. Dans le quartier, il y avait aussi la grand-mère Janvier, une dame très âgée. Le soir, Camille allait chez elle avec la voiture à pédales pour récupérer un sac de pains au chocolat et croissants, les viennoiseries provenaient de son fils qui était pâtissier boulanger. Il venait lui apporter les invendus de la journée. Elle se faisait un plaisir d’attendre Camille devant son portail pour lui remettre ce festin.
Une fois par semaine, Camille allait avec Marie voir la famille Bouttier, ils habitaient aussi dans la même rue. M. Bouttier travaillait à l’assistance publique et il donnait à Camille des canettes de soda qu’il avait rapportées du travail. Pendant la visite, Marie prenait le thé avec eux. Quand cette famille partait en vacances avec leur caravane, Marie et Camille nourrissaient le chat et arrosaient les plantes.
Le père Perrin était un vieux monsieur qui vivait seul dans une vieille maison comprenant une pièce principale et un étage fermé à clé. Il adorait recevoir les petits enfants chez lui. Il les attirait avec des bonbons, des gâteaux, les enfants des rues savaient où faire un bon goûter.
Souvent, quatre ou cinq enfants dont l’âge était entre cinq et huit ans se trouvaient chez lui en train de jouer au jeu de l’oie ou aux petits chevaux en mangeant des gâteaux, sauf que ce vieux bonhomme allait plus loin que cela.
Une fois les enfants installés autour de la table ronde en bois, chacun prenait place sur le banc rond qui entourait la table, et ce vieux salopard glissait sa main discrètement dans la culotte de l’enfant qui se trouvait à sa droite. Il faisait exprès de se coller près d’un enfant autour de la table pour mener à bien ces cochonneries.
Camille eut le droit de se faire tripoter par ce salaud, mais il était très malin, aucun enfant n’a raconté à ses parents ce qui se passait. En parler à l’époque aurait été pris pour de l’affabulation, un mensonge, les actes pédophiles et viols restaient tabous dans les années 70. Le père Perrin savait y faire pour attirer les petits enfants chez lui, on aurait dit un bon vieux père Noël qui offrait aux petits innocents des bonnes choses à manger pour les faire taire, ils étaient muselés par la bouffe.
Par contre, au premier étage de la maison derrière la porte en bois, il se passait des choses étranges, parfois il invitait l’un des enfants à rester après le départ des autres, Camille n’a jamais su ce qu’il se passait, mais avec le recul et les rumeurs, Camille pensait qu’il abusait sexuellement de certains enfants.
Les faits ont duré pendant 2 ans, et un beau matin, la maison resta close, un voisin dit à Marie et Jean qu’il avait retrouvé le vieux mort, gisant au sol, était-il mort naturellement ou un esprit vengeur était-il passé par là, l’un des parents ou voisins avait-il eu des doutes, quelqu’un était-il passé aux actes pour faire cesser ce vieux fou ? Personne ne l’a jamais su et sa mort demeura une énigme.
Méfiez-vous, derrière les plus beaux visages des inconnus se trouvent parfois les pires êtres, leurs grands sourires attirent les proies.
Camille ignorait pourquoi il devait aller à l’hôpital Necker à Paris en ce mois de mars 1973 pour un rendez-vous médical. Marie accompagnait Camille alors âgé de cinq ans pour rencontrer des docteurs. Marie et Camille devaient arpenter de longs couloirs étroits, sombres et lugubres avec de chaque côté des portes, pour enfin attendre sur des chaises métalliques recouvertes de fils en plastique de couleur jaune ou blanche. Camille attendait seul dans un couloir alors que Marie s’entretenait dans le bureau des médecins. Camille apprendrait plus tard leurs noms : docteurs Fékété et Jusso.
Marie et Camille ont été convoqués à l’hôpital Necker de nombreuses fois en 1973 pour des consultations. Camille ne comprenait pas pourquoi il fallait qu’il se fasse ausculter nu comme un vers, les deux femmes médecins en avaient toujours après son pénis, pourquoi ?
Toujours pas d’explication, une infirmière passait durant la consultation pour faire une prise de sang, elle avait une seringue métallique avec une énorme aiguille. Avant de partir, l’infirmière pesait et mesurait Camille. Une fois ce cérémonial terminé, il fallait que Camille patiente dans la salle d’attente pendant que Marie restait avec les médecins, puis elle sortait de leur bureau le visage fermé comme si elle venait de croiser le diable.
En sortant du bâtiment par ce long couloir aux murs blancs, ils marchaient côte à côte avec les jambes tremblantes, la voix saccadée, Marie marmonnait à voix basse, mais Camille ne comprenait pas ce que Marie disait.
Ils traversaient un parc boisé et sortaient de l’hôpital par l’arche principale.
Une fois dans la rue, Marie poussait un grand soupir comme si elle voulait se désenvoûter d’un mauvais sort.
Un rituel se mit en place à la sortie de chaque consultation.
Marie amenait toujours Camille dans ce grand magasin appelé La Samaritaine, comme pour exorciser ce qu’elle avait entendu durant son entretien avec les médecins.
C’était un endroit magnifique avec un étage dédié aux animaux vivants tels que des singes, petits crocodiles, perroquets ou poules. C’était l’occasion d’acheter de petits poussins et de les ramener dans de petites boîtes en carton de couleur rouge. Marie passait aussi au rayon jouets avec Camille pour voir ses yeux émerveillés devant tant d’abondance. Waouh, c’était un univers extraordinaire. Un jour malgré le peu de finances, Marie acheta un train bleu sur de gros rails jaunes, un train incassable qui fonctionnait à piles. Puis après leur déambulation à travers les rayons, ils prirent le métro puis le train de banlieue pour rentrer à la maison. De la gare à la maison, il fallait encore marcher quarante minutes.
Au mois de mars, les parents de Camille avaient préparé à la maison une valise avec des jouets (voitures, soldats, train), et ils partirent avec Camille en 2 CV vers Paris. Arrivés devant l’hôpital Necker, Camille comprit que c’était pour LUI et que la présence d’une valise et de son père ne présageait rien de bon.
Seule Marie accompagna Camille dans l’hôpital, Jean resta garé devant l’entrée principale du bâtiment à fumer du tabac roulé. À l’intérieur des locaux, les infirmières étaient toutes en blanc, Camille fut installé dans une chambre qui disposait de baies vitrées à mi-hauteur de mur. Des enfants étaient là dans d’autres chambres, ils portaient des chemises blanches attachées dans le dos, ils avaient à peu près l’âge de Camille, cinq ou six ans.
En fin d’après-midi, Marie partit en pleurs, Camille se précipita pour partir avec elle, mais des hommes en blanc l’empêchèrent de quitter la chambre.
Impossible de s’arrêter de pleurer, une infirmière essayait de lui faire avaler un cachet qu’il crachait immédiatement. Les hommes en blanc le tenaient tout en lui faisant avaler de force le médicament, Camille s’endormit peu de temps après.
Ils allaient commettre l’irréparable, au nom de la science et de leurs carrières, enfin au nom de la connerie humaine, celle qui pousse des médecins à pratiquer des expériences sur des cobayes afin de prouver au corps médical qu’il est possible de transformer un bébé garçon en fille, sans même penser à l’impact physique, moral et psychologique de l’être qui va grandir.
Camille ne le savait pas, mais Marie était sortie de l’hôpital avec un petit papier brouillon sur lequel était inscrit « je vous confirme qu’il s’agit d’une fille sans aucun doute possible » signé par le docteur Fékété.
C’était la femme médecin que Camille avait rencontrée durant les consultations, elle avait entre trente et quarante ans, mince avec un regard noir digne de Cruella dans les 101 dalmatiens, elle avait ce genre de regard perçant fixe qui ne vous quitte pas, elle allait pratiquer sur Camille une castration bilatérale et bien d’autres choses.
Le lendemain matin de cette entrée à l’hôpital, les infirmières ont posé sur le visage de Camille un masque afin de l’endormir. Camille ignore combien de temps il est resté endormi, certainement un jour, car lors de son réveil, il faisait jour et il était attaché sur le lit avec des sangles de cuir marron, avec des tuyaux partout, notamment sur le visage et entre les jambes. Mais Camille ne ressentait aucune douleur tellement les anesthésiants étaient puissants. Les tuyaux entre les jambes rejetaient un liquide brunâtre qui s’écoulait dans des poches, Camille avait beaucoup de mal à respirer et était constamment sous perfusion.