Petit cœur - Billie D’Armorique - E-Book

Petit cœur E-Book

Billie D’Armorique

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Beschreibung

En l’espace d’un week-end, Nathalie entreprend un voyage intime au cœur de son existence, portée par l’amour inébranlable et le soutien constant de sa famille. Ensemble, ils ravivent les éclats de bonheur, affrontent les épreuves du passé et revisitent les instants précieux qui ont forgé leur unité. Trisomique, Nathalie dévoile l’âme d’une famille qui, loin d’être limitée par ses différences, les a sublimées pour en faire une force. Ce récit bouleversant de résilience, de solidarité et d’amour révèle comment chaque membre a joué un rôle essentiel dans la construction d’un avenir commun, riche de promesses et de liens indestructibles. Un hymne à la vie et à la puissance des relations humaines.

 À PROPOS DE L'AUTRICE

Billie D’Armorique, éducatrice depuis plus de 30 ans, à travers ses écrits, rend hommage aux personnes qu’elle accompagne, soulignant l’importance du respect mutuel dans toute relation. À travers cet ouvrage, elle exprime sa gratitude et partage l’idée que la différence réside dans la relation entre les individus.

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Veröffentlichungsjahr: 2025

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Billie D’Armorique

Petit cœur

Roman

© Lys Bleu Éditions – Billie D’Armorique

ISBN : 979-10-422-6251-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Je suis née le 26 décembre 1970. Maman dit que c’est le troisième plus beau jour de sa vie.

Le premier est son mariage avec mon papa, Jean, le deuxième la naissance de mon frère, Thomas, quatre ans plus tôt.

Papa est pharmacien, maman institutrice. Nous habitons au-dessus de la pharmacie de papa. Maria, la sœur de maman, est notre voisine, elle est infirmière.

Quand maman a vu ma frimousse, la première fois, elle a pleuré, m’a prise dans ses bras, je m’appelle Nathalie. Ensuite, l’équipe médicale m’a séparée de maman pour pratiquer les examens médicaux d’usage.

Le médecin est venu plus tard, l’air grave. Il a dit à mes parents qu’il devait leur parler.

Papa et maman se sont pris la main, ne comprenant pas ce qui pouvait se passer.

Je dois vous parler de votre fille.

Elle va bien ?

Votre fille est trisomique.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

Votre fille a trois chromosomes 21 au lieu d’une seule paire.

Ça veut dire quoi ?

Votre fille aura un retard mental et un retard dans son développement.

Mon père a perdu toutes couleurs, s’est assis, n’a rien dit. Il est resté figé, absent, perdu. Tout son monde vient de s’écrouler avec une incompréhension, une impuissance, un sentiment d’injustice, la frustration de ne rien maîtriser, de ne pouvoir rien faire.

Ma mère l’a regardé, sourit.

C’est notre fille, je l’aime déjà et toi aussi. Elle est différente, c’est tout ! N’est-ce pas docteur ?

Oui… Je vous laisse, je repasserai plus tard.

Ne pas pleurer, ne pas montrer son ressenti, mon père a pris sur lui. Maman l’a rassuré, lui a dit que tout allait bien, elle allait gérer, il n’avait pas à s’inquiéter.

Tu vas chercher Thomas pour lui présenter sa sœur ?

Tu crois ? Oui… oui, si tu veux.

Papa est revenu, la tête basse, mal à l’aise, essayant de faire bonne figure.

Thomas m’a regardé, l’air désintéressé !

Maria est venue avec son chapelet, m’a regardée, observée sous toutes les coutures avant de se tourner et marmonner « Madre de Dios ! »

— Arrête d’implorer Dieu, regarde comme elle est belle !

Papa n’a pas fêté le jour de l’An 1971. Il a préféré rester seul avec mon frère et Maria.

À la pharmacie, tous ses clients lui présentaient leurs « félicitations », il répondait poliment. Il n’a dit à personne que je suis trisomique, ça ne se dit pas… Pas encore.

Maria passe tous les jours à la maison depuis notre retour. Elle me regarde et répète toujours avec son chapelet dans la main « Madre de Dios ».

Maman s’en amuse, papa s’agace.

Je n’ai pas de souvenirs de ses deux premières années…

Maman a toujours dit que j’étais un bébé calme. « Tu dormais et tu mangeais, pour le reste, aucune envie de faire quoi que ce soit ! »

À un an, je ne me tenais toujours pas assise, pas besoin d’un « parc », je ne me sauvais pas !

Ma vie ressemblait à celle de « Rintintin », notre chat. Nous partagions le canapé et les coussins.

Il y avait, quand même, une petite différence. Rintintin se levait pour manger et faire ses besoins alors que moi, maman me faisait manger et je faisais tout dans la couche !

À deux ans, je me tiens enfin assise, je mange des morceaux, mais pas question de tenir mes couverts.

Mes journées sont rythmées grâce à la bonne humeur de maman. Je la suis des yeux, lui sourit tout le temps.

Elle me promène dans la poussette, reste toujours polie avec les personnes qui me dévisagent ou me regardent bizarrement.

Parfois, avec une pointe d’ironie, elle dit : « Elle est très belle ma fille, vous ne trouvez pas ? »

Maria s’occupe de moi aussi, maman a besoin de « souffler » parfois.

Dit « princesse », tu comptes marcher un jour ? Peut-être que tu pourrais essayer de parler ou ça te demande trop d’efforts ? En fait, j’ai percé ton secret, t’es une faignante !!

Madre de Dios, on va faire quoi de toi ???

Thomas me raconte sa journée d’école tous les soirs. Il nous raconte à Rintintin et moi tous ses secrets, il est sûr que nous ne rapporterons rien.

Papa me fait un bisou tous les matins et soirs.

Maman me fait découvrir les saveurs des aliments, les odeurs des fleurs…

J’adore le chocolat et le nouveau jeu de Thomas est de me passer sous le nez sans m’en donner.

Maman dit qu’un jour ça m’a agacée, je me suis levée et lui ai volé son carré de chocolat ! Ma gourmandise m’a fait marcher !!! Thomas n’a pas compris ce qui lui arrivait, Maria s’est écriée « Madre de Dios ».

Maman a versé une petite larme et papa a souri.

Depuis ce jour, j’explore, j’avance à mon rythme avec les encouragements et les félicitations de tout mon entourage.

Je suis trop heureuse, Thomas m’a téléphoné pour me dire qu’il passe me chercher vers 17 h, je passe le week-end chez lui !!!

Je préviens mon éducatrice, Julie… trop heureuse !!!

Je prépare mon sac quand j’entends toquer à ma porte, c’est Julie.

— Je peux rentrer ?

— Oui, je fais mon sac.

— Je voulais te voir avant ton départ, rien de grave. Tu te souviens, je t’ai dit cette semaine que, vendredi, je présente ta synthèse pour, après, pouvoir faire avec toi ton projet.

— Oui.

À nouveau on toque à ma porte. La tête de Thomas apparaît. Là, Julie peut me dire n’importe quoi, je ne l’écoute pas, je pars avec mon frère. Mais Julie est coriace, elle se présente et explique à mon frère la synthèse, le projet. Moi, je trépigne, je veux partir.

— Je vous laisse les papiers et si vous voulez bien m’aider et remplir ce week-end la partie « Anamnèse »

— Pas de problèmes, en plus, nos parents viennent.

À l’idée de voir maman et papa, je suis encore plus pressée de partir, mais Thomas, il faut toujours qu’il parle…

Enfin, nous partons, j’adore m’asseoir sur le siège passager à côté de mon frère. Je mets ma ceinture. Il met le contact et je cherche « radio Nostalgie ».

— Maman m’a dit que tu avais mal au cœur.
— Elle t’a dit quoi ?
— Mercredi, elle m’a invitée au restaurant et m’a dit que tu avais mal au cœur.
— AH !
— Charlotte…
— Tu ne sais plus faire une phrase ?
— Elle avait besoin de parler.
— Et toi, tu as dit quoi ?
— Gâteau au chocolat.
— Je vois !

J’aime me retrouver seule avec mon frère, c’est mon héros rien qu’à moi !

Nous n’entendons pas Charlotte arriver. Elle nous surprend, concentrés dans la cuisine à éplucher les légumes.

— Salut vous deux ! C’est quoi ses papiers sur la table de la salle ?

— C’est l’éduc de Nana qui demande si nous pouvons l’aider.

— L’aider à quoi ?

— Nana présente sa synthèse et son projet la semaine prochaine.

Charlotte lit les papiers, se tourne vers moi et me dit :

— En fait, si je comprends, tu dois faire pour la semaine prochaine ton CV et ton évaluation professionnelle.

Mon frère regarde sa fille et éclate de rire, moi je n’ai rien compris !

— C’est quoi l’anamnèse ?
— C’est raconter la vie de Nana.
— Tu racontes ta vie à des inconnus toi maintenant ?
— Arrête de la titiller Charlotte, Madame est susceptible.
— Ok ! Sérieusement, je veux bien le faire avec toi, t’es d’accord, ma petite Tata chérie ?

Je réponds par un grand sourire, je suis sensible à la flatterie.

— Au fait, papa, j’ai croisé Maria et je lui ai dit qu’on était tous ce soir chez toi.

Mon frère fait la grimace « Merde et Remerde j’ai oublié de l’appeler ».

— Ce n’est pas beau de dire des grumeaux.
— On dit de gros mots !

Charlotte regarde son père s’enfoncer et chercher une solution pour prévenir Maria, n’y tenant plus, elle le regarde droit dans les yeux.

— J’t’ai sauvé, je lui ai dit que c’est moi qui devais la prévenir « Madre de Dios », mon petit papa !

Maman et papa arrivent. Ils sont toujours très élégants tous les deux. Papa a apporté 2 bouteilles de vin.

Charlotte me regarde et regarde maman.

— Vous êtes habillées comme des clones !
— Avec qui tu achètes tes vêtements Nana ?
— Maman
— Mais tu n’as pas 80 ans, sans te vexer mamie, tu es super, mais ça fait bizarre sur Nana.
— Bon écoute, si t’es d’accord, demain je t’accompagne pour magasiner, on fait péter la Carte Bleue !
— C’est Thomas qui a mes sous.
— Papa, pourquoi tu as la C.B de Nana ?
— Je suis son curateur.
— Et ?
— C’est moi qui gère son argent, avant c’était papi et il m’a demandé, bien sûr, avec l’accord de Nana de prendre le relais.
— T’es au courant Nana ?

J’affiche mon plus beau sourire qui confirme mon bon plaisir et mon consentement. Je suis heureuse en plus je suis le sujet de la conversation.

Maria arrive avec Maxime, en plus d’être prévenue la dernière, elle devait prendre le pain.

En entrant, elle prend son air contrarié.

— T’es sûr que j’étais invitée ou tu avais besoin de quelqu’un pour le pain ? Je peux repartir maintenant si tu veux ?
— Je t’assure que tu étais invité même si je ne t’ai pas envoyé un carton d’invitation, tu sais que tu es toujours la bienvenue.

Maria le regarde, le laisse mariner.

— J’adore te faire culpabiliser et ça marche à chaque fois. Bon, personne ne sert l’apéro. Madre de Dios, il faut tout faire dans cette famille.

Je suis le centre de l’attention de toute ma famille, j’apprécie beaucoup. Charlotte demande à tout le monde leur attention et explique que nous devons nous concentrer pour écrire mon anamnèse.

Maman sourit, j’aime quand elle raconte des histoires qui me concernent, je suis son centre du monde et elle le mien.

Maman revient sur les deux premières années de ma vie et mes exploits à ne vouloir rien faire, ma capacité à être passive et observatrice. Papa approuve de la tête.

Elle donne tout le mérite de mes progrès moteurs à Rintintin et à Thomas.

Une fois, la marche acquise, je me suis donnée comme objectif « suivre mon frère » dès qu’il rentrait de l’école.

— Je m’en souviens, une vraie glue ! Je rentrais, maman préparait le goûter dans la cuisine, on s’asseyait et mon pot de colle voulait tout faire comme moi. Pour avoir la paix, maman donnait à Nana, une feuille et des crayons pour que je puisse travailler tranquillement. Il fallait que tu fasses tout comme moi. Un boulet.
— Pourquoi votre chat s’appelait Rintintin, c’est le nom d’un chien, non ?
— Demande à Papi.
— C’est mamie qui l’a appelé comme ça.
— Ton grand-père mangeait tous les soirs une pomme dans la cuisine. Rintintin s’asseyait sur la table en face de lui en attendant d’avoir un morceau. Papi lui racontait sa journée, là, le chat miaulait et papi continuait son monologue sans jamais être contrarié. Rintintin vient d’une série où le chien est le meilleur ami de l’homme. Et le meilleur ami de papi c’était son chat qui était toujours d’accord avec lui !

— Nana, tu te souviens, ton frère te lisait tous les soirs ses leçons et toi tu prenais ça pour des histoires.

Je m’appliquais à faire plaisir à ma maman et à Thomas. Je voulais les imiter.

Je me concentrais pour reproduire l’alphabet, j’ai appris à lire, à compter, à jouer aux Playmobil…

Et puis, l’école a appelé maman.

Après ma naissance, maman avait passé un accord avec la Mère Supérieure « Mère Saint Paule », directrice de l’école privée.

Elle lui laissait le temps de s’occuper de moi, mais, le jour où elle aurait besoin d’un enseignant, ma mère devait retourner travailler.

Maman mit une condition supplémentaire en faisant jouer « la charité chrétienne », je devais être admise à l’école.

En ce début de septembre 1976, j’étais la plus heureuse des petites filles. Je rentrais en troisième année de maternelle, bien sûr, je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais j’allais avoir un cartable à MOI.

Thomas, lui, rentrait en 6e, même école privée, mais cours de récréation différente.

La nuit avant la rentrée, je n’ai pas dormi, je regardais mon cartable.

Papa m’a accompagné le premier jour et je crois qu’il était ému. Les autres parents nous regardaient. Déjà un papa qui accompagne sa fille à l’école, ce n’était pas courant. En plus, une fille différente, ce n’est pas passé inaperçu. Papa m’a fait un bisou et m’a dit « à ce soir ».

Le premier jour, tout ne s’est pas bien passé.

Personne n’a voulu me donner la main dans le rang. Une fois rentrée dans la classe, la maîtresse a demandé de poser son cartable par terre.

Moi, je ne voulais pas quitter mon cartable « il est à moi le cartable ». Madame Pitout, la maîtresse n’a pas insisté. Elle m’a laissée m’asseoir avec mon cartable sur le dos. Même si ce n’était pas confortable, je n’allais pas le lâcher « il est à MOI le cartable ».

Maman est venue me voir à la récréation, j’étais assise toute seule dans mon coin avec mon cartable sur le dos.

Maman m’a rassurée, elle est venue avec moi dans ma classe avec Madame Pitout.

Elle m’a dit que Madame Pitout trouvait mon cartable très beau et qu’elle aimerait découvrir ce qu’il y avait dedans. Maman m’a fait comprendre que personne ne toucherait à mon cartable.

Maman et ma maîtresse ont compris que j’avais peur, j’étais angoissée. Mon périmètre de confort était bousculé, j’avais perdu tous mes repères. Personne ne me ressemblait et tout le monde me dévisageait.

Madame Pitout a installé ma table juste à côté de son bureau. Nous avons pris le temps de faire connaissance, de nous faire confiance. Les autres parents d’élèves ont posé beaucoup de questions.

Qui j’étais ? Pourquoi j’étais là ? Qu’est-ce que je faisais là ? La trisomie c’est contagieux ? La Mère supérieure a organisé une réunion pour toute l’école.

Mon papa a parlé devant tout le monde. Il m’a présenté, expliqué ce qu’est la Trisomie. Tout le monde a pu parler et rentrer chez lui rassuré. Mon papa, ce n’est pas n’importe qui et, en plus, il est pharmacien.

Marcel, notre médecin de Famille l’accompagnait. Un médecin et un pharmacien, ce sont des personnes en qui on peut avoir confiance, sinon à qui se fier !

Madame Pitout a une voix douce, elle est gentille. Je l’aime beaucoup.

Je sais lire, écrire, compter et je comprends tout, ressens tout. Maman dit que je suis une éponge.

J’ai passé 3 ans dans ma 3e année de Maternelle. J’ai 9 ans, bientôt 10.

Maman a pris contact avec l’Association « PERCE-NEIGE » créée par Lino Ventura, un acteur qui a lui aussi un enfant comme moi. Il paraît aussi que le Général de Gaulle a eu un enfant différent.

Papa se mobilise de plus en plus. Maman dit que papa était persuadé que je ne saurais jamais lire ni écrire ! Il paraît que j’ai un bon niveau pour une trisomique, mais, comme dit Maria « Elle n’aura jamais son BAC ».

Papa dit que la société change et qu’il est temps.

Le problème du handicap n’est pas nouveau, mais c’est tabou. Avant, les personnes handicapées passaient toute leur vie avec leurs parents. C’étaient « les fous du village » « les idiots ». Puis, pendant la guerre 39-45, tous les handicapés, les personnes différentes ont été tuées.

Je suis enfin reconnue comme une enfant handicapée. Papa m’a accompagnée à une convocation de la C.D.E.S (Commission Départementale de l’Éducation Spécialisée).

J’ai une Carte avec ma photo qui prouve que je suis trisomique.

En septembre, je vais aller dans une nouvelle école rien que pour les enfants différents, un I.M.E (Institution Médico Educative), je ne comprends pas bien tout ce que cela veut dire.

Je suis triste parce que je ne vais plus voir Madame Pitout, maman m’a dit que je vais avoir un nouveau cartable, je suis heureuse !

Thomas passe en 3e, l’année du brevet. Papa et maman vont bien, alors nous aussi.

Maria semble apaisée, ces combats la stimulent.

Et maintenant on fait quoi ? Nous sommes bientôt en 1980.

Réveillon du 31 janvier 1979, papa et maman ont invité tous leurs amis à la maison. Ceux qui ne les ont pas laissé tomber ou juger après ma naissance.

Le changement de décennie se fête.

Et quelle décennie, Pompidou est mort en plein mandat.

Valery Giscard D’Estaing devient président en 1974.

Dans la même année, Maria se transforme en militante. Elle se tient informée comme elle dit, elle ne veut pas passer à côté d’une cause importante.

Ses jupes raccourcissent aussi vite que ses semelles compensées prennent de la hauteur.

Maria manifeste, brûle son soutien-gorge, elle est pour la LOI VEIL. Certains diront qu’elle devint féministe à cela elle répond qu’elle est une Femme et l’a toujours été.

En 1975, les femmes peuvent se faire avorter sans peur de mourir. Être jugées par autrui reste d’actualité.

Maria se sent concernée, elle répète sans cesse que c’est douloureux de voir arriver à l’hôpital des femmes enceintes qui n’en peuvent plus. Elles subissent leur grossesse.

Même si, la loi de 1967 légalise la prescription libre de la pilule contraceptive. Neuwirth.

Certains pensent que les Femmes prennent le pouvoir.

Il n’y a pas de pouvoir, simplement une envie, un besoin de vivre heureux, de construire une famille qui nous ressemble, à qui on donne la chance de s’épanouir ou chaque enfant se sent désiré, ou chacun trouve sa place dans la fratrie.

Belle utopie de « petits bourgeois », la religion sort ses grands principes sur le droit de « vie et de mort ».

Maria, parfois, se sent seule dans son combat. Maman en mène un autre : MOI.

Papa s’est fait violence, il a avoué un jour qu’il avait pensé que, si je suis née trisomique c’était à cause de la pilule. Pour un pharmacien, avoir de tels préjugés ! Il faut bien trouver un coupable, c’est humain, mais manquer de discernement…

Maria se sent fatiguée certaines fois avec ses questions « Pourquoi tu n’es pas mariée ? Et tu n’as pas d’enfants ? »

Maman sait le secret de Maria, papa aussi, maman lui a dit !

Ce soir, tout le monde veut croire en quelque chose, en quoi ? Continuer d’avoir des rêves et les concrétiser ?

Ce qui est sûr, je suis trisomique et il ne faut pas croire aux miracles.

Papa, maman, Thomas, Maria, quand elle ne travaille pas et moi allons à la messe tous les dimanches matin.

Par croyance ? Habitude ? Code social ? On y va !

Moi j’aime bien les chants et chanter.

Papa m’accompagne tous les matins et vient me chercher tous les soirs à ma nouvelle école.

Mes parents pouvaient m’inscrire à l’internat, mais « Vous n’allez pas abandonner cette petite ! Elle va être perdue sans sa famille » n’arrêtait pas de clamer Maria.

Jamais cette possibilité n’a été envisagée.

Papa ressent bien que je ne suis pas bien. Tous les matins, je traîne des pieds pour me préparer.

Papa m’encourage en me disant « c’est une belle journée pour apprendre et te faire des amis. »

Le soir, il me demande : « Tu veux partager avec moi ce que tu as appris aujourd’hui ? »

Ma réponse reste inchangée « rien, ils sont tous pas beaux ».

Dès que je franchis la porte de l’appartement, je revis.

Je pars à la recherche de Rintintin, c’est le seul qui me comprend et ne me juge pas quand je lui raconte ma journée.

Ensuite, je reprends des forces auprès de maman. Elle me sourit tendrement, me regarde évoluer.

Après avoir retrouvé tous mes repères, être rassurée, je rentre dans la chambre de Thomas sans toquer à sa porte.

— Tu pourrais frapper avant d’entrer ? C’est ma chambre.

Bien sûr, je ne lui réponds pas, ce qui est à lui est à moi. Je suis possessive, j’ai toujours raison, je suis le centre de mon univers.

— Nana, je fais mes devoirs, tu n’en as pas toi ?
— Non et en plus, ils ne sont pas beaux !
— Tu vas rester longtemps bloquée sur ça ? Tu crois que tu es la plus belle ?
— Maman ! Thomas est méchant !

Je sors de sa chambre contrariée, seule maman ou Maria peuvent me consoler.

Tous les soirs, j’ai mon rituel : Papa à la sortie de l’école, Rintintin, maman (Maria quand elle est à la maison) et Thomas.

Je ne comprends pas ce qui se passe, mais Thomas change, il passe moins de temps avec moi et préfère ses copains. Parfois je m’assois par terre et là, je peux le regarder pendant des heures.

Certains jours, quand il s’en aperçoit, il me demande d’arrêter, cela l’énerve et d’autres fois, il se retourne et me sourit.

Il paraît que « je prends beaucoup de place à la maison ».

Alors, Maria a eu l’idée d’aller avec moi, à la bibliothèque le samedi quand elle ne travaille pas.

Maria dit me surveiller : « Tu crois que je ne vois pas que tu deviens un petit tyran ? Tu fais tout pour faire culpabiliser tes parents pour cette nouvelle école ! Madre de Dios, Nathalie ! »

Si tu ne veux pas grandir, c’est ton problème, mais moi, tu ne m’auras pas !

Tu choisis un livre et tu vas le lire, prends un « j’aime lire »…

Cette première sortie « bibliothèque » a eu le mérite de faire comprendre que Maria me connaissait mieux que je ne le pensais et qu’elle n’allait pas me laisser faire ce que je voulais.

Nous avons mis en place, en plus de la bibliothèque, un restaurant.

Maria est curieuse et surtout sait comment me faire parler… J’avoue tout avec un gâteau au chocolat.

— J’aime pas ma nouvelle école parce que maman n’est plus là. Mme Pitout me manque. Là-bas, je ne suis pas « la chouchoute », nous sommes tous des enfants différents et y a pas de « chouchoute ».

Maria ne sait pas si elle doit pleurer ou rire, alors elle me sourit.

Ma zone de confort est en danger !

Avant les vacances de Noël, mes parents sont convoqués pour faire un bilan pour moi et pour le livret scolaire de Thomas.

J’étais le premier rendez-vous des parents :

— Nathalie est une jeune fille discrète, réservée, polie… Elle a des acquis et semble ne « pas vouloir » en faire de nouveaux…

Mon éducateur a mis les formes pour dire que je ne faisais rien et ne voulais rien faire.

Mes parents n’ont rien dit, pas de commentaires… Et ça, c’est le pire pour moi, j’aime trop être le centre d’intérêt, le centre de la conversation.

Thomas est rentré de son conseil avec son livret et les parents, tout sourire. Au repas ce soir-là, je n’ai pas existé, ce furent « les éloges de Thomas ».

Moi, « j’étais colère !! ».

Je devais absolument redevenir « le centre du monde ».

Pendant les vacances de Noël, nous sommes allées au cinéma, nous avons fait quelques sorties. ET surtout fêter mon anniversaire !

Dans un premier temps, je me suis sentie la plus heureuse « j’avais maman pour moi toute seule ».

Thomas sortait avec ses copains et copines… Mon alerte « centre du monde c’est déclenché ». Mon frère pouvait avoir une vie sans MOI !!

J’en ai parlé à maman, elle a dit « c’est normal à son âge », Maria a répondu « il était temps ! » et papa a eu son sourire de satisfaction.

À la rentrée, j’avais décidé de « participer à l’école, apprendre de nouvelles choses et de me faire des amis ».

Mais c’est quoi un ami ?

Je me suis dit que j’allais poser la question à Maria, ça tombe bien c’est notre samedi « bibliothèque/restaurant ».

Maria fut surprise par ma question « ça veut dire qu’à ton âge tu n’as jamais eu d’amie ? Tu sais une personne à qui tu confies tes secrets ? Avec qui tu fais des bêtises, tu sors… ».

Je n’ai pas compris la réponse, car moi j’ai tout cela.

Mon confident, c’est Rintintin. Je fais « des bêtises » avec Maria.

Je sors avec Papa et Maman et mon héros c’est Thomas. Pourquoi vouloir plus alors que mon univers est parfait ?

Un soir, je pousse la porte de la chambre de Thomas sans toquer et là… Je vois une fille dans sa chambre.

— Maman y a une fille dans la chambre de Thomas.

— Je sais, tu le laisses tranquille s’il te plaît. Et même si cela ne te plaît pas d’ailleurs.

Non, non, je ne pouvais pas. Je suis retournée dans la chambre toujours sans toquer.

Je me suis assise par terre et les ai observés avec un petit sourire.

Au bout d’un moment, Thomas a dit « arrête maintenant Nana, sort t’as rien à faire ? »

Non je n’avais rien à faire à part le mettre mal à l’aise. Sa copine n’osait pas me regarder.

Thomas s’est senti obligé de dire « désolée, c’est ma petite sœur, elle n’est pas toujours comme ça, mais quand elle a une idée en tête !!! ».

Je me suis levée et déclarée fièrement :

— Je suis « p’tit cœur » de Thomas.

— Non, j’ai dit petite sœur.

Je l’ai regardé dans les yeux, me suis retournée et en sortant de sa chambre :

— Maman, Thomas a dit que je suis « SON P’TIT CŒUR. »

Personne n’a répondu et il fallait mieux.

Quand Thomas a raccompagné son amie, celle-ci m’a fait un beau sourire.

J’étais persuadée qu’elle ne reviendrait plus. Elle est revenue jusqu’aux vacances d’été.

Moi, je n’avais envie d’inviter personne et je n’avais personne à inviter « je m’autosuffis ».

Ce soir, j’ai une lettre de mon éducateur à remettre à mes parents. Je l’ai lu en cachette et j’ai compris.

Papa et maman sont convoqués par le psychologue de l’école pour parler de MOI.

Et la semaine prochaine, je commence les cours de psychomotricité. Comme tous les trisomiques, je ne suis pas à l’aise dans mon corps, je suis mal à droite.

J’ai une mauvaise vue, j’ai des lunettes. Je ne discerne pas bien les obstacles sur mon passage.

Au restaurant, un samedi, Maria m’a dit que je ressemblais à maman. J’ai les yeux marron, la peau mate.

Maman et Maria sont espagnoles. Leurs parents ont fui le régime de Franco en 1937. Quand ils sont arrivés avec leur famille à Paris, ils se sont crus en sécurité. Et puis la guerre a éclaté dans toute l’Europe…

Maman n’a pas de souvenir de cette époque, elle était trop petite (c’est ce qu’elle dit). Maria est un bébé après-guerre. Leur papa est décédé peu de temps après sa naissance.

Leur mère a trouvé et pris une place de concierge. L’avantage de ce travail est d’avoir le logement. Toutes les trois ont vécu dans la loge.

Maria dit bien avoir connu la différence à cause de ses origines, d’être la fille de la concierge, de ne pas avoir de père…

— Tu sais, Nana, tu n’es pas la seule à te sentir différente. Avec ta mère, on nous a souvent fait comprendre que l’on était pauvre, des étrangères et que nous devions notre bonne condition de vie grâce au bon vouloir des propriétaires de l’immeuble.

Notre mère travaillait tous les jours sans se plaindre…

Elle nous a encouragé à bien travailler à l’école pour nous en sortir par nous-mêmes, sans rien devoir à personne.

Pourquoi je te dis ça ? Je ne sais pas ! Peut-être pour que tu essayes d’accomplir quelque chose par toi-même. Je reconnais « Madre de Dios » que tu reviens de loin. Jamais je n’aurai imaginé que tu serais comme tu es aujourd’hui.

Je n’ai pas tout compris, mais je suis sûre que tout ce que m’a dit Maria était important pour elle.

Mes nouvelles décisions m’ont fait participer à la chorale de l’école. Si je me suis inscrite à cet atelier, c’est parce que Séverine y allait…

J’explique, je n’aime pas la peinture ! Et le créneau horaire que me propose le psychologue est sur l’heure de la peinture, donc je me suis trouvé une source de conflits avec Séverine.

Séverine chante faux, mal, et je ne l’aime pas. Donc, je vais voir le psychologue.

Maria me demande parfois si je n’ai pas un problème « d’EGO ».

Les années 1980

Il y a des tensions dans la famille, il faut le souligner, car c’est la première fois que Thomas et moi en sommes témoins.

Maria vote MITTERRAND pour les présidentielles !!

Le soir des résultats, papa et maman étaient tristes. Maria est sortie faire la fête.

Tout est redevenu normal, sauf si le sujet MITTERRAND et la Gauche sont évités.

Après la messe, le dimanche de la fête des Pères 1981, Maria vient manger à la maison.

Papa la regarde et lui dit :

— ça ne te dérange pas de venir à la table d’un bourgeois de droite, toi qui ne jures que par MITTERRAND.

— Non, ce qui me dérangerait c’est si tu étais vraiment un bourgeois de droite. Tu sais pourquoi j’ai voté la Gauche. Je voulais du changement, ça fait trop longtemps que la droite est au pouvoir.

— Je ne lui fais pas confiance, ce n’est pas une question de parti, mais de confiance. Cet homme ne m’inspire pas. On verra !

Les fâcheries entre papa et Maria sont symboliques. Maria est « le p’tit cœur » de papa comme moi, je suis le « p’tit cœur » de Thomas.

Un soir, Thomas se cache pour ne pas se montrer aux parents. Je remarque que son blouson est déchiré, qu’il a un œil gonflé…

— Maman, papa, Thomas s’est battu !
— Tu ne peux pas te la fermer des fois, t’es un boulet Nana.

Papa regarde ses blessures et les soigne.

— Tu veux en parler ?

— Non pas ce soir, je vais me coucher.

Papa et maman sont inquiets, ils s’interrogent, essayent de savoir s’il s’est fait agresser. Rien, Thomas reste muet.

Papa est appelé deux jours plus tard par le principal du Lycée. C’est la deuxième fois que Thomas se bat dans la cour.

C’est au tour de papa de ne rien dire. Maman s’inquiète et n’en pouvant plus :

— Vous pouvez nous expliquer ce qui se passe ?
— Thomas ? Tu te fais racketter ?
— Non… NON… il regarde papa et lâche :
— Des gars que je pensais être mes potes se sont moqués devant moi de Nana en la traitant de Mongole.

La première fois, j’ai rien dit, j’ai laissé faire. Ils ont insisté pour rire comme ils disent et là, j’ai tapé !

Fin de l’histoire, des bagarres. Maman a pris rendez-vous avec le principal et les soi-disant copains de Thomas. Il ne faut pas fâcher maman et encore moins se moquer de ses enfants et surtout pas les blesser.

Juillet 1983, Thomas a son BAC et rentre à Air France pour une formation de pilote de ligne.

Papa qui se méfiait de Mitterrand, est rassuré en tant que personne, la peine de mort est abolie, mais pas en tant qu’employeur qui doit augmenter son personnel payé au SMIC, mettre en place la semaine de 39 Heures, planifier avec ses salariés la 5e semaine de congés payés.

Rintintin, 15 ans, n’est plus que l’ombre de lui-même. Papa dit qu’il va l’accompagner chez le vétérinaire. Je ne sais pas encore ce que cela veut dire.

Mardi, je rentre de l’I.M.E, je me prépare pour mon rituel : Papa, Rintintin… Je ne le trouve pas, mais papa m’a dit dans la voiture qu’il l’avait accompagné chez le vétérinaire et que maintenant il ne souffrait plus.

Je vais voir dans toutes ses cachettes, rien. Maman semble triste, elle s’approche de moi, me fait un câlin et me dit : « Rintintin est au pays des chats ».

Ce jour-là, nous avons perdu un membre de notre famille. J’ai pleuré et j’avais une bonne raison pour une fois d’aller voir le psychologue à l’école.

Thomas, avant de rentrer en formation à Air France, part un mois en Angleterre pour perfectionner son anglais.

Moi, j’ai école jusqu’à la mi-juillet. Papa ferme la Pharmacie comme tous les ans en août.

C’est la dernière année que nous serons tous les 4 ensembles pour les vacances, mais ça, je ne le sais pas encore.

Septembre est étrange, MON UNIVERS vient de s’écrouler, mon rituel du soir est différent et cela m’angoisse.

Papa vient me chercher et je ressens qu’il est content de lui ce soir. Il ne me laisse pas à l’entrée de l’immeuble comme d’habitude, il monte avec moi.

En ouvrant la porte, je vois maman qui a une boule de poils dans les bras. On a un bébé chat, je suis trop heureuse.

Pendant le repas, nous avons tous les 3 réfléchi pour lui trouver son petit nom. Nous l’avons baptisé « MINOU », car il est tout petit.

Ce week-end, Thomas rentre à la maison. Il vient avec Sylvie. Je ne la connais pas, mais je ne l’aime pas.

J’aide maman à préparer le repas, à mettre la table. Je suis contente de l’aider.

À 19h, papa rentre, il finit avec nous les préparatifs. Si nous mettons les petits plats dans les grands, ce n’est pas pour Sylvie, mais pour Thomas.

Je suis assise à côté de la porte d’entrée à l’affût du bruit de la clé dans la serrure.

Enfin, il ouvre la porte, je me jette à son cou.

Il me serre dans ses bras, me fait un gros bisou « bonsoir p’tit cœur ». Maman et papa l’embrassent, nous sommes heureux de nous retrouver tous les 4 après un mois.

Mon frère m’a manqué.

— Je vous présente Sylvie, on s’est rencontré en Angleterre.
— Bienvenue Sylvie, disent poliment les parents.

Pendant le repas, nous faisons sa connaissance. Elle évite mon regard, ne me parle pas. J’ai envie de lui dire « je ne suis pas invisible, soit gentille avec moi, car c’est moi le “p’tit cœur de Thomas”. »

Sylvie va dormir à la maison, en plus dans la chambre de mon Thomas.

Le lendemain, Maria vient comme chaque week-end.

Maria s’installe dans la cuisine entre papa et maman devant un café.

— La famille s’agrandit, on dirait… Il est amoureux ? plaisante Maria.
— Papa et maman restent sans voix suite à la déclaration de Maria qui poursuit naturellement.
— Nana, t’es prête pour aller à la bibliothèque ? Nous partons toutes les deux pour notre petit moment du samedi à nous.

Au restaurant, Maria me demande :

— Elle est gentille et adorable, la copine de ton frère, tu ne trouves pas ?
— Je l’aime pas, je suis trisomique… elle ne m’a pas parlé, pas regardé, elle n’est pas gentille, elle est méchante…
— Elle ne te connaît pas c’est pour ça, ne t’inquiète pas Nana. Moi, je t’aime et Thomas t’aimera toujours.

Je suis rentrée à la maison rassurée par ce que Maria m’a dit.

Dimanche, Sylvie n’a pas voulu venir à la messe, alors Thomas n’est pas venu. « C’est ringard la messe, qui y va aujourd’hui ? »

Maman, papa, Maria et moi, nous sommes sentis déconcertés par ses propos. À notre retour, Thomas nous a dit qu’il devait raccompagner Sylvie à la Cité Universitaire. Sylvie est en FAC d’anglais, elle veut devenir professeur.

Une fois qu’ils sont partis, Maria déclare à mes parents :

— C’est vraiment CON un homme amoureux. Sur ce, si on allait au restaurant ce midi ? Je vous invite.

Maria commence à dire qu’elle trouve Sylvie un peu trop sûre d’elle et… Maman approuve et là, papa lui répond en souriant :

— Tu as déjà le complexe de la Belle-mère ? Souviens-toi comment tu as mal vécu le regard pesant de ma mère.
— C’est pas pareil, ta mère m’a jugée dès le départ, car à ses yeux, je n’étais pas assez bien pour toi ! En plus, je n’étais pas de la même classe sociale, espagnole, et je voulais travailler et non être la femme de…

Mon père sourit, c’est vrai, les choses sont différentes, ils sont jeunes. Mais si Thomas l’a présentée, c’est qu’il est vraiment amoureux.

— Il va se réveiller j’espère, car là, il se fait mener par le bout du nez par sa belle, Madre de Dios ! c’est CON un homme amoureux, je vous dis.

Nous n’avons pas beaucoup vu Thomas seul cette année-là, Sylvie l’accompagnait souvent. Papa disait qu’elle avait de la chance d’avoir un avis sur tout et de tout savoir déjà. Il passait toujours un moment en tête à tête avec lui, lui demandant toujours « Et tes cours, ça va ? ».

Thomas est un passionné dans ce qu’il fait. Il n’a jamais eu besoin de parler avec maman, ils se comprennent encore maintenant en se regardant. Maman dit : « je sens quand il ne va pas bien, quand il est angoissé, malade. Là ce sont mes peurs, mon petit grandit.

Moi, rien n’a changé. Je ne l’aime pas et elle ne m’aime pas ! »