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Il est mille manières de disparaître. Mystérieusement ou brutalement, à la façon des héros de roman noir ; de façon rocambolesque, comme dans les récits de science-fiction ; ou plus discrètement encore, en se fondant dans la banalité, au point de devenir invisible aux yeux d’autrui. Mais il en est une plus déroutante : disparaître derrière l’image d’une femme que l’on a patiemment façonnée, celle que l’on aurait voulu être. Dans "Place nette et autres histoires de disparition",
Anne Hugot-Le Goff donne corps à ce lent effacement à travers Céline, intellectuelle raffinée, épouse dévouée, maîtresse d’un univers réglé avec art. Jusqu’au jour où l’harmonie qu’elle croyait inébranlable se lézarde sous les coups du mensonge, du mépris et de la trahison, et où la disparition prend alors une forme tragiquement définitive.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Après une longue et riche carrière professionnelle dédiée à la science, entre congrès et publications,
Anne Hugot-Le Goff savoure désormais le bonheur de pouvoir se consacrer à l’écriture. Elle imagine des histoires foisonnantes, peuplées d’héroïnes qui, peut-être, lui ressemblent un peu… avec un grain de fantaisie en plus, et où la nature, la musique sont toujours présentes. Elle est également l’auteure de Gégène ou le crépuscule des dieux publié en 2023 aux éditions Le Lys Bleu.
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Seitenzahl: 280
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Anne Hugot-Le Goff
Place nette
et autres histoires de disparition
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Anne Hugot-Le Goff
ISBN :979-10-422-7209-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
C’était vraiment une très belle piscine. Elle ne déparait pas le jardin, elle ne gâchait pas le matin. Et c’était vraiment un très beau matin, vert et frais comme un concerto pour hautbois.
Une hirondelle griffe le ciel d’un vol aigu. Le chien vient s’allonger à côté d’eux. C’est un Malinois ; elle n’était pas très encline à choisir cette race, mais il lui avait dit qu’il leur fallait un vrai chien de garde ; la Vergerie était souvent déserte, ou bien elle pouvait s’y retrouver seule ; ce n’était pas prudent. On ne sait jamais. Certes, il ne se passe jamais rien dans ce coin agreste du Périgord noir, mais on ne sait jamais. Ils avaient donc choisi des Malinois, dans un très bon élevage de Bergerac. Avant Briscard, il y avait eu Forban. Doux avec les maîtres, polis sans plus avec leurs nombreux visiteurs, mais si un intrus avait osé s’introduire, ils en auraient fait de la chair à pâté.
Ils avaient longuement étudié l’emplacement et la structure de la piscine. Elle devait s’inscrire harmonieusement dans le décor végétal, dans l’horizon doucement montueux de ce lieu sublime, dans l’anarchie tourmentée (mais contrôlée) du jardin. Ils s’étaient assez moqués, entre eux, de la création d’un paysagiste renommé pour les Laborie, un de leurs riches couples de voisins : on dirait du Louis XIV, bêtement géométrique, et en même temps surchargé et prétentieux ! Rien de standard, rien de bêtement géométrique donc – il fallait du sur-mesure, cela leur avait coûté une fortune, même pour un couple fort à l’aise, comme le leur, ç’avait été une dépense notable, mais le résultat était là : le bord reproduisait les ondulations des collines qui faisaient face à la demeure de pierres blondes, qu’ils avaient restaurée avec tant d’amour, quand ils avaient décidé de s’y installer à plein temps. Le fond avait été peint en gris/vert, pour respecter les coloris ambiants, et pourquoi pas un bleu Méditerranée criard ? ainsi le suggérait le constructeur, le mauvais goût n’a pas de limites – comment faire comprendre au béotien que ç’eût été tellement déplacé, puisque c’est ce que sa clientèle habituelle lui demandait ! Mais tous les deux voulaient la beauté – avant tout. L’harmonie.
Bien sûr, la piscine, ils aimaient y faire quelques longueurs, le soir, mais elle avait avant tout été créée pour les petits-enfants. Le bonheur de les voir, dès leur arrivée, courir vers l’eau, sauter, s’ébattre au soleil, s’éclabousser, rire… Ils arrivent la semaine prochaine, dit-elle en lui souriant tendrement, et ils se prirent la main, amoureux comme au premier jour. Ils allaient vieillir, bien sûr, il fallait s’y préparer, mais vieillir ensemble, en parlant de tout ce qu’ils aimaient, l’art, la beauté, l’harmonie… vieux amants, heureux en tête-à-tête, heureux lorsque ce tête-à-tête s’ouvrait à la famille.
Aujourd’hui, elle porte une robe d’étoffe légère, un beige rosé semé de petits motifs sombres, peut-être des oiseaux. Deux ailes, des oiseaux réduits à leur essence, le vol. Même jeune, elle n’aimait pas les couleurs violentes, mais les pastels qui mettaient en valeur sa peau parfaite de blonde. Au noir brutal, elle préférait les marrons onctueux, les bleus profonds. Elle détestait les mélanges de couleurs hostiles qui s’affrontent, qui s’agressent, ces imprimés criards censés être des étoffes estivales. Et maintenant, elle sait parfaitement choisir les tenues qui s’accordent à son âge – elle est encore très belle – et à son statut de critique d’art respectée. Jamais de jeans ; des pantalons de lin fluide.
Pier-Luigi porte un polo et un pantalon – lui aussi préfère le lin. Il n’y a pas de short dans son dressing – ne pas évoquer ces touristes qui osent rentrer dans une petite église romane en short, avec l’estomac qui cascade par-dessus la ceinture, et des chaussettes dans des tongs ! Proliférantes hordes qui cacassent le long de la Dordogne, en août, le mois où il ne faut surtout pas descendre des coteaux. Pas de short, sauf ses shorts de tennis, évidemment, et le vieux kaki qui date d’une longue randonnée au Sahara et que, témoin antique de bons souvenirs (il était parti avec un ami ethnologue qui faisait des relevés des dessins du Néolithique qui abondent dans les Tassilis), on ne peut jeter. Pier-Luigi a été un randonneur infatigable, ce qui peut expliquer en partie qu’ayant dépassé la soixantaine, il garde un corps parfait. Ce matin, ils ont rencontré les voisins revenant du marché au bourg ; le jeune Malaurie, passe encore ; mais le vieux Malaurie, avec sa panse redondante – monstrueux ! Quand on pense qu’ils sont notaires à Périgueux, si un de leurs clients les voyait à la campagne, ils fuiraient en courant. Ou pas. Le monde est si vulgaire, de nos jours…
Quand ils s’étaient rencontrés, cela avait été une évidence. Immédiate. Ils s’étaient trouvés. Cette chose si rare. Trouver celui qui vous a été destiné. Celui avec lequel on reformera l’œuf original. Même goût de la vie de l’esprit. Même sentiment de plénitude devant un paysage, un tableau. Même recherche de l’harmonie jusque dans les moindres dédales de la vie. Tout est dit. Se comprendre sans se parler.
Céline, issue de l’aristocratie bretonne, avait été professeur dans une école d’art ; maintenant, elle participait à des expertises, figurait au conseil d’administration de plusieurs musées et écrivait des critiques très lues et très suivies. Elle avait été une beauté classique, un visage grave aux traits parfaits, un peu médiéval ; on n’aurait jamais dit qu’elle était jolie, avec ce que cela sous-entend de banalité, mais sublime… oui ! Le Commendatore – ses amis l’appelaient ainsi, par rapport à la prestance de ce grand et bel homme au visage de statue romaine – enseignait encore aux Beaux-Arts et éditait des livres luxueux ; de plus, c’était un spécialiste reconnu de la musique baroque, qui, lui aussi, chroniquait pour Le Monde.
La musique, encore un univers qu’ils partagent. Ils adorent la musique baroque. Ils idolâtrent Bach. Mais s’intéressent aussi à la création contemporaine, n’est-ce pas un devoir pour tout intellectuel que de soutenir les créateurs de son temps ? Quand ils vont voir un opéra romantique, c’est plutôt pour découvrir un de ces jeunes metteurs en scène, souvent issus de l’Allemagne de l’Est, qui révolutionnent la scénographie en bousculant les idées reçues. Wagner ? Pas trop. Tristan, oui, Tristan, bien sûr…
Quand ils s’étaient rencontrés, Pier-Luigi sortait d’un divorce compliqué. Même s’ils partageaient tout, il n’avait pas envie d’en parler, et Céline s’était bien gardée de lui poser des questions : il n’avait pas été très glorieux, ce mariage avec Yvonne, et elle savait que son amoureux ne pouvait envisager ce bref épisode qu’avec un peu de honte. Jeune Italien débarquant de la provinciale Piacenza, il avait dû, au début, se sentir bien seul et Yvonne, fille unique d’un très prospère négociant en… sanitaires – il en faut bien, mais si on peut éviter… avait dû s’imposer sans trop de difficultés. Des esprits mesquins auraient pu penser que l’argent avait pu jouer un rôle. Mais non. Leur fille, Patricia, était née neuf mois et dix-sept jours après le mariage, et déjà, Pier-Luigi savait qu’il avait fait une énorme erreur. Mais pas Yvonne, qui s’accrochait, entre récriminations pour tout et pour rien et déclarations d’amour, façon Édith Piaf ; par chance, elle fut prise la main dans le sac, euphémisme… avec son professeur d’éducation physique. De son côté, Pier-Luigi avait Kimmy, mais comme il était intelligent, personne n’en connaissait l’existence, alors qu’Yvonne était stupide… et que mettre la main sur le cocufieur, roi des squats et tsar des abdominaux, avait été on ne peut plus facile. Comme d’obtenir un divorce prononcé aux torts de la volage.
Kimmy. On l’appelait ainsi. Kimmy, un nom de chien (ou de chat). Sans doute, son prénom d’état civil était-il Kim. Pauvre petite Kimmy. Ravissante petite métisse (deux quarts vietnamiens, un quart laotien, un quart français), ravissante comme seule une Eurasienne peut l’être, des yeux de chat, si menue, si légère, pas de carcasse là-dedans, pas de carcasse ! Et pas de cervelle non plus. S’était-elle rêvée succédant à Yvonne ? S’était-elle imaginée épouser cet homme exceptionnel, la petite sotte, qui, après avoir très vaguement essayé d’obtenir un DEUG – raison pour laquelle elle avait contacté Pier-Luigi – se satisfaisait d’être serveuse dans le restaurant vietnamien d’un tonton ? Bien sûr ! Mais voilà : le Commendatore avait rencontré Céline, et ils s’étaient trouvés, et cela aurait dû hâter le licenciement, de toute façon inévitable, de la mousmée divine…
Évidemment, elle ne voulait rien comprendre ; évidemment, Pier-Luigi était bien trop courtois, bien trop respectueux des autres, pour pousser brutalement la jolie Eurasienne hors de sa vie ; mais voilà : la vie elle-même s’en était chargée, qui peut être impitoyable envers ceux qui rêvent : la petite voiture de Kimmy avait raté un virage ; plongé dans un ravin et pris feu. Problème de direction. Voilà ce qui arrive quand on a une cervelle d’oiseau, et qu’on ne se préoccupe pas d’entretenir sa voiture.
Cette nouvelle avait bouleversé Céline ; l’impression que cette exceptionnelle relation qui se nouait avec le Commendatore était, d’une certaine façon, salie par le terrible destin de la petite Eurasienne, si jeune, si fragile, si jolie ; elle espérait qu’au moins, elle avait été assommée dans la chute, et ne s’était pas sentie brûler vive. Céline, qui ne pleurait jamais, avait pleuré sur l’épaule du Commendatore, quand il lui avait annoncé cette nouvelle ; elle le voulait – mais pas comme cela ! Et puis, le temps avait passé, et l’image de la petite poupée aux yeux de chat s’était estompée.
Ils s’étaient mariés ; ils avaient eu deux enfants, Paul et Lola ; ils accueillaient Patricia, qui avait passé son enfance et son adolescence avec sa mère et son beau-père (un richissime Texan), pendant les vacances scolaires. Céline l’avait aimée comme ses propres petits, mais c’était assez difficile de lutter contre l’éducation d’Yvonne, ou plus précisément, contre son absence d’éducation. Patricia avait grandi sans culture musicale, sans culture littéraire. Elle feuilletait des magazines improbables, voulait voir des films… pathétiques de nullité. Lorsque Céline emmenait les trois enfants au musée, alors que Paul et Lola ouvraient de grands yeux et posaient quantité de questions, souvent cocasses, parfois pertinentes, leur grande sœur regardait ailleurs avec une grimace d’ennui : Eh, dis, quand est-ce qu’on va la manger, cette glace ? Encore toute jeune ado, elle les passait à Lola, en cachette, ces magazines immondes – proscrits de la demeure familiale – où l’on détaillait les amours éphémères de chanteurs de variété ou d’acteurs de téléréalité…
Quand elle devint adulte, les visites de Patricia s’espacèrent. Bien sûr, Céline en était attristée pour Pier-Luigi ; mais elle était surtout déçue de ne pas avoir réussi à arrimer Patricia au monde culturel qui était le leur ; elle avait échoué, et elle n’aimait pas échouer ; ce qu’elle réussissait avec ses élèves – et ses enfants de chair –, pourquoi l’avait-elle si lamentablement raté avec Patricia ? Alors, peut-être était-ce mieux que les liens se distendent. De toute façon, tout le monde savait qu’elle aimait Patricia comme ses propres enfants. Elle n’était pas obligée de le penser – en plus. Point trop n’en faut.
Enfin, au cours de ce mois de juillet qui s’annonçait magnifique, ils allaient venir, tous, et c’était la promesse de belles journées, autour de la grande table de la terrasse ouest, autour de la piscine, avec des virées au restaurant ou chez des amis. Ils avaient déjà recruté la petite du village qui devait aider l’incomparable Madeleine. Madeleine, dite la tornade blanche – oui, ils avaient quand même accès à la publicité télévisée… Lorsqu’elle arrivait dans une pièce avec son aspirateur et sa gamme de pistolets nettoyants (Céline avait renoncé à la convaincre d’utiliser des détergents écolos, et pourtant tellement efficaces, comme le bicarbonate de soude et le vinaigre blanc !), mieux valait fuir, car vous aviez l’impression qu’un ouragan s’était abattu sur la maison ; mais lorsqu’elle quittait la pièce, tout brillait, tout rutilait : une perle ! Et experte en cuisine locale (périgourdine, donc pas léger-léger…). Il fallait bien cela pour faire passer le fait qu’elle avait un avis sur tout, et disait tout ce qui lui passait par la tête, se moquant bien de choquer son entourage ; les petits-enfants la trouvaient irrésistible, et naturellement ne cessaient de la provoquer pour l’entendre proférer quelque belle horreur…
Bon, il y aurait d’abord Derek. Patricia le déposerait en coup de vent, car son nouveau chéri était italo-américain, et elle se préparait à rendre une première visite à ses beaux-parents potentiels, retraités à Catane.
Ensuite, Lola et Hubert viendraient avec Gaétan et Capucine. Les enfants auraient deux jours pour jouer avec leur petit cousin, avant que Patricia n’arrive pour le réembarquer, probablement toujours en coup de vent. Le couple, réussi, harmonieux, mais peu aventureux (et, pour tout dire, bien terne), que formait Lola avec Hubert, aimait ses vacances campagnardes, et s’installait à la Vergerie pour l’été.
Enfin, Paul, jeune marié, les rejoindrait avec Priscilla. Pour un temps alors indéfini, dépendant sans doute des caprices de la jeune épouse. Paul, élève médiocre, avait fait une école de commerce, ce qui apparaissait à ses parents comme le comble de la déchéance, et c’est là qu’il avait rencontré cette Priscilla, une beauté ravageuse d’une vulgarité assurée.
Lola avait été, elle, une excellente élève, deux ans d’avance, très douée pour les mathématiques. Elle pouvait facilement intégrer Polytechnique, faire une belle carrière dans l’industrie de pointe, pourquoi pas la haute administration ou la politique ; au lieu de cela, elle avait choisi une formation universitaire et se retrouvait chargée de recherche au CNRS – une petite fonctionnaire, donc. Tout cela parce qu’elle aimait les maths et voulait passer sa vie professionnelle sur la théorie des ensembles. Pour se faire comprendre d’eux, elle avait tenté d’expliquer à ses parents que le monde des mathématiques est celui de l’harmonie parfaite. Et elle avait épousé un prof de français, enseignant au lycée. Oui, Céline rêvait mieux pour sa fille. Et puis, Lola n’était pas laide : elle était quelconque, ce qui peut être pire, et ne faisait rien pour tirer parti de son physique, repoussant avec agacement les conseils de sa mère. Ces cheveux châtains pendant tristement autour de son visage, alors qu’une coupe étudiée, des mèches éclaircies ou une petite coloration l’auraient métamorphosée : Mais fiche-moi la paix ! Il y a des choses plus importantes dans la vie. Hubert me trouve très bien comme cela. Arrête de te mêler de mes affaires. Avec cela, toujours habillée n’importe comment, de marques à bon marché, sans chic, à peine maquillée d’un peu de poudre et d’un rouge trop rose qui ne lui allait pas. Que de femmes laides avaient eu du succès, des amants, des admirateurs, une carrière, au fil des siècles : Cosima Wagner, George Sand, Maria Callas, Rossy de Palma… Mieux vaut être franchement laide que quelconque, parfois.
Mais, si leurs parents manquaient d’envergure, il fallait reconnaître que Gaétan et Capucine étaient parfaitement élevés ; ils lisaient beaucoup, et pas (que) des BD, et étaient toujours partants lorsque les grands-parents les emmenaient visiter un château ou voir la petite exposition d’un artiste local. Quand Céline les comparait aux petits-enfants des familles amies, elle se disait que Capucine et Gaétan étaient très, très au-dessus du panier. Et ne manquait pas de le faire subtilement ressentir…
On ne pouvait pas en dire autant de Derek. Il avait été un « beau bébé », un enfant grassouillet, et maintenant il était devenu un préado carrément obèse… Pour son premier déjeuner à la Vergerie, Madeleine avait confectionné une salade composée de première classe… On le vit faire la grimace : Chu pas un ouabett ! Ouabett ? Ah, rabbit ! Patricia (un bon point) s’attachait à ce que le petit soit bilingue ; les grands-parents n’allaient pas tarder à s’apercevoir que son vocabulaire américain n’était guère plus étoffé que son vocabulaire français, et par ailleurs que Derek se nourrissait exclusivement de hamburgers et de pizzas. À part cela, c’était un enfant plutôt facile, surtout quand on ne lui demandait pas grand-chose ; il montrait, par exemple, beaucoup d’enthousiasme à accompagner son grand-père à la pêche.
Quand Gaétan et Capucine arrivèrent – ils ne s’étaient pas vus depuis deux ans – ils retrouvèrent tout de suite leur bonne entente, même si les deux petits Français futés adoraient manipuler leur crédule cousin.
Les trois jouent ensemble autour de la piscine. La fratrie lui apprend la chanson qu’elle vient de composer, sur l’air de « Pomme de reinette et pomme d’api » :
Crotte de bique et crotte de chien,
Crotte de crotte de bique !
Crotte de bique et crotte de chien,
Crotte de crotte de chien.
— Mais arrêtez de dire des bêtises ! dit Céline, agacée.
— Ce sont des enfants, répond le Commendatore, plus tolérant.
Enfin, plus tolérant… il y a des limites, Gaétan arrive tout essoufflé :
— Mana, Paton (leurs noms de grands-parents), y a Derek qu’a montré son zizi à Capucine !
Ah, ces gosses !
Plus grave, c’est Capucine qui arrive en larmes :
— Mana, Paton, Derek a tué un oiseau !
Oui, le petit garçon s’était confectionné un lance-pierres, et il n’avait pas raté sa cible, un beau geai…
C’est Pier-Luigi qui le sermonne :
— Mon enfant, il faut respecter la vie. Ce magnifique oiseau était heureux de vivre, de voler, de chanter (bon, le chant du geai n’est pas ce qu’il y a de plus harmonieux)…
Derek le regarde, incompréhensif, il s’attendait à être félicité pour la précision de son tir. Au lieu de ça, le lance-pierres est confisqué, avec interdiction d’en fabriquer un autre. Il s’éloigne, l’air boudeur, en grommelant quelque chose dans une langue improbable.
Dûment tancé, il se contente de participer à des jeux avec ses très sages petits cousins. Les voilà assis, tous les trois, mangeant un petit pot de mousse au chocolat (bio). Toute bio qu’elle soit, elle ne satisfait pas leur grand-mère, qui déteste toute la « bouffe industrielle », mais les petits s’en délectent, et on ne peut pas proscrire de la Vergerie tout ce qu’ils aiment.
Gaétan lui demande :
— Tu connais la différence entre la mousse et la pisse ?
Derek secoue la tête.
— Ben, y en a pas ! La moustache et la pisse tache aussi !
L’autre, naturellement, ne comprend rien à ces jeux lexicaux, mais puisque cela doit être drôle, après être resté un moment les yeux écarquillés, éclate d’un gros rire inélégant.
Céline se demande : étaient-ils aussi sots, quand, à Kervennec, elle jouait avec ses petits cousins ? Non, sans doute, jamais les parents n’auraient supporté qu’ils disent de telles bêtises. Mais les temps ont changé, comme le lui rappelle Pier-Luigi ; on ne vit plus en vase clos ; on se frotte aux autres, surtout quand vos parents vous collent à ce qu’Hubert appelle « l’École de la République ». Comment les empêcher de répéter ce qu’ils ont entendu à la « communale »… Hubert était tellement inflexible là-dessus. Gentil, Hubert, mais athée – et votant à gauche. Les enfants ont quand même été baptisés, pour ne pas trop choquer les grands-parents, mais leur formation religieuse s’est arrêtée là.
Kervennec. Kervennec de son enfance. Comme elle aurait aimé emmener Derek, Gaétan et Capucine là-bas… Malheureusement, à la mort des grands-parents, il y avait eu une brouille, sordide, entre les frères, et l’aîné avait hérité du domaine. Les descendants ne s’étaient jamais revus. Alors, Céline doit se contenter de leur montrer des photos de grandes tablées, de convives rieurs, les cousins, les amis, tiens là, ce sont les Tonquédec… dans un coin, une très jolie petite fille blonde – c’est moi ! Oui, elle était déjà très jolie. Et cela se termine par une leçon de morale : il ne faut jamais se fâcher, en famille. Il faut se soutenir, il faut accepter que l’autre soit différent. Je suis très triste de la brouille entre vos oncles. C’est comme ça. Alors vous, vous devez beaucoup aimer Derek, même s’il est parfois un peu bêbête.
Passage de Patricia en coup de vent, avec sa tête des mauvais jours. Apparemment, elle n’a pas été trop appréciée par les beaux-parents putatifs. Des Siciliens bornés, confits en bigoterie, dit-elle. Et comme l’amoureux, en bon Sicilien lui-même, est très attaché à sa famille, les choses se présentent mal.
Après le départ de Derek, Céline s’aperçoit que les enfants de Lola parlent de lui en l’appelant le Porcelet. Nouvelle séance de sermonnage : ce n’est pas de sa faute si votre petit cousin n’a pas une bonne alimentation. C’est souvent le cas, aux États-Unis, les gens mangent n’importe comment. C’est très méchant de se moquer de lui s’il est un peu gros – il n’est pas un peu gros, il est énorme ! – Et puis, c’est Madeleine qui l’appelle comme ça. – Vous savez bien qu’il ne faut pas répéter tout ce que dit Madeleine. Il faudrait aussi sermonner Madeleine… mais là, c’en est trop ! Finalement, le départ de Derek la soulage. Tout le monde sait qu’elle aime le Porcelet comme ses petits-enfants de chair ; tout le monde le sait, mais elle n’est pas obligée de le penser, en plus. Point trop n’en faut.
Et maintenant, c’est Paul qui arrive avec son éblouissante Priscilla. En fait, qui tente d’arriver, car la baronne de Siorac barre la route avec son tracteur. Les Siorac ont d’assez nombreuses terres, et c’est la baronne qui les entretient. Vêtue, l’hiver, d’un empilement de pull-overs qui ont dû être tricotés main par sa grand-mère, et de jeans achetés lors des promotions des grandes surfaces, un bonnet (sans doute également tricoté main) enfoncé jusqu’aux sourcils. L’été, c’est le cas aujourd’hui, les pulls sont remplacés par un marcel d’homme qui bâille, et le bonnet par une casquette « Club de Volley-Ball de La… », le reste disparaissant sous une grosse tache graisseuse. On ne saura donc pas où la baronne a bien pu jouer au volley. Ainsi est-elle, sauf quand elle marie une de ses filles (elle en a pondu quatre). Ces beaux jours, Gabrielle est corsetée du genou au menton dans une robe de satin luisant ; elle arbore un impressionnant brushing, datant de la veille (le jour même on a trop à faire voyons !), mais tenu par une bombe de laque fixation ultra-forte. Elle porte même des souliers à talons, avec lesquels elle se déplace, gracieuse comme un canard myxomateux.
Et le baron ? Pendant que son épouse s’agite, il gère, depuis son bureau, une pipe à la main, en écoutant du Mozart. Cela a dû être un bien bel homme, dans le genre de George Marshall, avec sa fine moustache blonde. Pour les mariages, il sort son nœud papillon noir et son costume sombre, élégant, qui devait déjà être démodé il y a trente ans, avec sa veste trop ajustée à la taille et son pantalon trop large, mais dont la tenue et le velouté du tissu laissent entendre qu’il venait d’un excellent tailleur.
Céline les adore. Ils sont tellement pittoresques ! Elle ne manque jamais de les inviter, lorsqu’ils reçoivent des amis parisiens, pour leur montrer ce qu’est la petite noblesse paysanne. Les Siorac sont ravis et participent avec animation (surtout elle…) sans se douter un seul instant qu’ils ne sont présents qu’à titre de figurants folkloriques bénévoles.
— Qu’est-ce qui vous arrive, Gabrielle ?
— Y a ma marche arrière qui déconne !
Enfin, le demi-tour est terminé, et Priscilla se précipite pour une embrassade mielleuse. Priscilla. Silhouette de mannequin, sourire de publicité. Que fait-elle donc avec Paul, qui est tellement terne ? Céline fait bonne figure.
À peine installée, la belle se dirige vers la piscine – il fait très chaud, orageux, lourd. Elle porte un petit triangle écarlate sur les fesses – et c’est tout.
— Paul, enfin, ne crois-tu pas qu’elle devrait porter un soutien-gorge ?
— Mais Maman, nous sommes isolés de tout ici ; personne ne peut nous voir.
— Personne ? Mais enfin, il y a Hubert, il y a ton père…
— Il rit, Maman, Hubert ne regarde que Lola, et papa ne regarde que toi !
(Ce n’est pas une raison.)
— Que veux-tu, dit-il, c’est une Méditerranéenne, c’est une fille du Sud, elle adore le soleil, et elle adore bronzer topless, au moins il n’y a pas de marques…
Il rit. Il est fier de sa cagole, pour sûr. Céline en parle au Commendatore, qui a l’air de trouver cela normal aussi, il accuse Céline d’être vraiment trop vieux jeu, on n’est pas chez les Kervennec au fin fond de la Bretagne. Elle entend Gaétan chuchoter à sa sœur :
— Dis donc, la tante Priscilla, elle a de chouettes nichons.
Nichons ! Ça, c’est bien encore un mot à Madeleine. Mais c’est vrai qu’ils sont renversants, hauts, fermes, de forme parfaite.
Lola, elle, Dieu soit loué ! porte des maillots un peu mémère, soutien-gorge bien couvrant et culotte bien montante à la taille, ce qui n’empêche pas de voir que, même si elle est restée mince, elle a mis un peu de ventre.
Après ses accouchements, Céline a toujours pris soin de faire de la gymnastique, des massages, pour retrouver au plus vite un ventre plat. Et dans ses maillots une pièce Ères, elle garde une ligne irréprochable. Évidemment, nue… Ses seins ne sont plus insolents, comme les « nichons » de la cagole, et derrière cette toison qui se raréfie, on devine de grandes lèvres un peu détendues.
Mais son corps est à elle ! Même avec le Commendatore, elle sait ne pas s’exhiber. Garder un peu de pudeur dans le couple, de secret – c’est très important pour elle. Pour que l’amour dure, cet amour physique qui est le complément de l’entente intellectuelle.
Mais naturellement, il ne faut rien dire à Lola, qui le prendrait mal. Ne surtout pas lui faire remarquer qu’elle pourrait un peu mieux s’entretenir…
Justement, le voilà, le Commendatore, tout joyeux :
— Je viens de croiser Jean-Jacques, figure-toi qu’il a un invité qui est spécialiste de la musique baroque et qui est un de mes fidèles lecteurs ! Il meurt d’envie de me rencontrer ! Il est d’ailleurs en train d’écrire un livre sur Mazzini !
— Giuseppe Mazzini ?
— Oui, Giuseppe Mazzini !
— Mais, ce n’est pas du baroque, ça !
— Peu importe, je les ai invités pour l’apéro ce soir.
— Tu as bien fait. En fait, Jiji veut nous présenter son dernier giton…
Ils en ont vu passer, des petits génies, des danseurs qui ne savaient pas danser, des chanteurs qui ne savaient pas chanter… Jean-Jacques, leur voisin d’été, professeur d’histoire à la Sorbonne, tombe très vite amoureux, mais se désamoure tout aussi vite.
Assis autour de la terrasse, dans la tiédeur du soir, tandis que se déchaîne l’orchestre effréné des cigales, ils attendent leurs invités. Lola porte un jean rouge avec un tee-shirt marine à fleurs jaunes. Consternant. Impossible.
— Tu ne veux pas que je te prête un petit haut noir, ma chérie ?
Lola se retourne comme si elle voulait mordre :
— Mais fiche-moi la paix, moi je l’adore ce tee-shirt.
Pourquoi est-elle toujours aussi hargneuse ? C’est incompréhensible. Quel fichu caractère, cette pauvre Lola. Heureusement que son frère, lui, est gentil, toujours souriant, prévenant, aimable.
Gentil, oui. Mais faible, sans ambition, sans caractère. Après une scolarité entachée d’un redoublement – il n’est ni matheux ni littéraire – il réussit à intégrer l’ESSEC, en sort… mal classé, mais au lieu de chercher un travail valorisant – rien ne rapporte plus que le marché de l’art ! – et naturellement, ses parents auraient été bien placés pour l’aider, s’il avait frayé son chemin dans cette voie, le présenter à des relations, mais non : il veut se débrouiller tout seul, et il intègre… la grande distribution. Où il rencontre la cagole et son BTS de commerce. Heureusement, ils ne sont pas mariés à l’église. Alors, tout cela pourra s’effacer ; espérons que cela ne durera pas trop longtemps ; Paul pourra contracter une union digne de lui, digne d’eux, digne des Kervennec.
En attendant les voisins, Céline regarde son dadais de fils enlacer la cagole et rêve déjà du jour où les insultes succéderont aux cajoleries.
Céline porte une robe toute simple, droite, beige, qu’un mouvement de drapé sur la jupe personnalise. Ses vêtements ont toujours un détail, un petit quelque chose en plus, que seuls des yeux élégants – Sylviane Laborie, par exemple – peuvent remarquer. Un redoublement du concert de cri-cris accompagne l’entrée des invités. Derrière Jean-Jacques, un grand type, maigre, un profil aquilin, un physique bizarre, mais séduisant, des boucles poivre et sel encore très brunes. Et qui se dirige directement vers Céline :
— Eh bien, je ne m’attendais pas à te retrouver ici ! Cela me fait beaucoup de plaisir de te revoir.
Elle le regarde, incompréhensive, et dit en souriant :
— Je pense que vous faites erreur. Nous ne nous connaissons pas.
— Enfin, Céline ! Guirec Le Corre ! Tu ne me reconnais pas ?
Non, cela ne lui dit rien, ni le visage ni le nom.
— Tu as bien fait deux ans de prépa à Rennes, en…
Oui, elle a bien fait deux ans de prépa à Rennes, ces années-là, mais elle ne se souvient vraiment pas.
Alors il se retourne vers l’assistance et dit :
— Vous ne pouvez pas imaginer comme elle était belle ! Nous étions tous fous d’elle, et moi le premier. Je lui ai même fait une déclaration en bonne et due forme, et j’ai pris le pire râteau de toute ma carrière. Il est vrai que je ne dois pas être le seul à qui cette mésaventure est arrivée.
Tout le monde rit et Céline sourit. Elle dira plus tard à Pier-Luigi :
— Tu sais que je n’ai aucune mémoire des choses accessoires, ni des visages, ni des noms. Je réserve ma mémoire pour les choses importantes et les personnes valables ; s’il fallait se souvenir de tous les types sans intérêt qu’on a pu croiser… on aurait des embouteillages au cerveau !
Le problème, c’est que le Commendatore n’aura pas l’air de le trouver si inintéressant que ça.
Ils boivent un petit Bergerac bien glacé. Le Commendatore a une très bonne adresse, et franchement, face à un Sauternes, on pourrait s’y méprendre. Guirec a compris que le tutoiement n’était pas de mise et a repris ses distances. Il regarde le profil de la femme et se dit qu’elle est encore très belle ; il se demande comment Pier-Luigi peut regarder Priscilla (parce qu’il voit bien que son hôte louche sur Priscilla), et rire avec elle, alors qu’il a une si jolie femme. Elle n’a pas une bouche, cette Priscilla, cette fille ; elle a des babines, gonflées à la silicone. Décidément, il ne comprend rien aux hommes qui aiment les femmes.
Ce qu’il dissimule, c’est que cette rencontre fait remonter la douleur de blessures anciennes : Une Kervennec ne va certainement pas sortir avec le fils du garagiste de Perros-Guirec, tu délires ou quoi ?
Mais c’est aussi à dater de ce jour qu’élève réputé pour être désinvolte, il s’est mis à cravacher jusqu’à devenir docteur en musicologie ; c’est aussi à dater de ce jour qu’il s’est désintéressé des femmes.
Elle dit, donc, le soir, à Pier-Luigi, alors qu’elle rejoint le lit conjugal, en chemise de satin (jamais elle ne se montre nue) et délicieusement parfumée (parfum discret le jour, eau de parfum plus discrète encore la nuit), qu’elle ne se souvient pas du tout de ce type mal élevé, cette chose accessoire, mais qu’elle espère bien ne plus jamais le revoir.
Pas de chance : l’époux s’est entiché du musicologue, du projet sur Mazzini, et ils doivent se retrouver le lendemain pour en discuter, et sans doute vont-ils travailler ensemble tous les jours, pendant cette dizaine où Guirec séjournera chez Jean-Jacques. Céline est furieuse, mais le cache, tant bien que mal.
La semaine se passe difficilement. Lola et Hubert fuient la maison, le plus possible, avec leurs enfants, ils randonnent, ramassent les premiers cèpes, vraiment précoces cette année, vont canoter sur la Dordogne, monter à cheval à Castelnau-la-Chapelle. Ils partent avec leur pique-nique pour échapper au déjeuner familial.
Le soir, les deux enfants racontent leur journée avec animation.
Ils ont aperçu un chevreuil ! Il y avait des amanites tue-mouches absolument énormes !
Paul les accompagne en randonnée, en récolte, éventuellement en canoë… par contre, les grosses bêtes qu’il s’agit d’enfourcher, très peu pour lui. Paul n’est pas un aventurier…
Priscilla se lève tard, accepte d’aller au marché local pour acheter des bijoux (faussement) artisanaux fabriqués par des baba cool tout droit arrivés de leur banlieue, retourne bronzer ; lorsque Léon, le mari de Madeleine, vient tailler les haies, elle n’a même pas la décence élémentaire de se couvrir. Léon peut ainsi réviser sa connaissance des appâts féminins ; évidemment, à côté, les nichons de Madeleine, c’est l’Annapurna.
Le Commendatore est avec Guirec, ou… on ne sait où ;in fine, dans la journée, Céline se retrouve souvent seule, ce qui, in fine, ne lui déplaît pas tant que cela.
Le soir, on explore les bons restaurants locaux, on va dîner chez Jean-Jacques où officie Gilberte, la sœur de Madeleine, chez les Laborie, ou chez l’hyperactive baronne de Siorac, qui fait tout toute seule – du très lourd et très indigeste.
Le jour de l’orage
Le temps, qui a été orageux, puis agréable, recommence à changer ; le ciel devient d’un gris acier. Du coup, les jeunes sont restés à la maison ; pas de promenade ; Gaétan et Capucine ont quelques devoirs de vacances en retard à mettre à jour.
Céline sort, ça commence à grognasser au loin ; elle aime ces atmosphères d’avant l’orage, le vent qui soudain se lève, tiède, enveloppant, transportant une sorte d’odeur métallique. Elle porte un pantalon, aujourd’hui, pour marcher sans craindre les bourrasques, un pantalon de lin fluide d’un émeraude profond avec un simple tee-shirt ocre, et un gros collier africain. Ses cheveux sont un peu trop longs, il faut qu’elle descende à Sarlat pour une coupe, quel ennui ! En attendant, elle les a attachés sur la nuque.