Pourquoi Dieu m’a-t-il infligé autant d’épreuves ? - Elise Ramanantséhéno - E-Book

Pourquoi Dieu m’a-t-il infligé autant d’épreuves ? E-Book

Elise Ramanantséhéno

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Beschreibung

Nous connaissons tous une période de notre vie où nous nous demandons si nos actions ont du sens, si notre parcours a été intéressant, un succès ou au contraire un désastre. Nous regardons autour de nous et de nombreuses questions fusent dans notre esprit. Est-ce que tout est à notre image ? Sommes-nous heureux au fond de nous-mêmes ? Telle est la problématique qui a jalonné l’existence d’Élise Ramanantséhéno jusqu’à ses quarante ans. À la suite du décès de son père et de son fils, elle a connu tristesse, souffrance et déchirement. Ces épreuves l’ont forgée autant que sa foi en Dieu qui lui a permis de remonter la pente.


À PROPOS DE L'AUTEURE

Élise Ramanantséhéno relate une période de son existence marquée par des tumultes. Autodidacte, elle entre dans une nouvelle phase de sa vie, celle de la renaissance, avec comme point de repère la littérature qui a su la guérir.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Élise Ramanantséhéno

Pourquoi Dieu m’a-t-il infligé

autant d’épreuves ?

© Lys Bleu Éditions – Élise Ramanantséhéno

ISBN : 979-10-377-9191-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

Cela fait maintenant quinze années que j’ai rencontré Élise lors d’une consultation. À l’époque, cette jeune femme, pleine de questionnements vis-à-vis de sa vie tumultueuse, instable et surtout remplie de galères en tous genres, était malgré tout rayonnante.

Très vite, nous sommes devenus amis, le courant passant bien entre nous et dans une compréhension réciproque.

Mes prédictions du moment lui semblèrent improbables, mais le temps me donna raison et cela conforta et amplifia notre relation amicale au fil des années.

Puis ce terrible malheur changea complètement la vie et la vision de mon amie Élise ; en effet, depuis la disparition tragique de son fils, malgré ses propres doutes et les réticences de son entourage, elle se mit à voir et entendre des choses, des voix dans sa tête, et pensait devenir folle à la suite de son chagrin.

Elle vient donc me voir pour en parler en toute amitié et là, je ressens beaucoup de changements positifs la concernant et lui conseille d’écouter, de se faire confiance, qu’elle n’était en aucun cas folle et qu’avec le temps elle aura des messages plus précis, des visions et que tout ceci était bien réel, et de ne surtout pas se laisser influencer négativement par les autres.

Depuis maintenant trois ans, Élise a beaucoup progressé dans ses écrits et sa médiumnité, même si elle ne désire pas en faire sa profession.

Elle préfère à ce jour aider ses prochains par ses écrits et ses expériences qui, selon elle, aideront plus de monde au lieu de faire des consultations privées et individuelles.

Ce premier livre n’est qu’une étape dans l’évolution spirituelle d’Élise et devrait être suivi d’autres volumes en adéquation avec son cheminement.

Bonne lecture et faites-vous vos propres idées et expériences.

Gérard Barbier

Introduction

Aujourd’hui, c’est avec mon propre ressenti et le peu de flashs qu’il me reste que je me décide enfin à écrire ce livre hors de mon cercle familial, de mes propres traumatismes d’enfant et d’adulte, enfouis, refoulés au fond de moi depuis toujours. Il est certain que toute la fratrie n’accepte pas de la même manière que moi certains faits qui se sont déroulés dans mon plus jeune âge, nos écarts d’âges y étant pour quelque chose, nous avons tous une vision unique et différente les unes des autres, ainsi que la façon de gérer ces traumatismes, en effet le cerveau enregistre les éléments de façon bien différente, suivant les individus, pour moi c’était ainsi, pour eux… je ne sais pas… probablement pas plus de leur côté me concernant. Ils découvriront peut-être un jour qui est réellement leur sœur. Nous avons, dans le passé, essayé d’en discuter tous ensemble, mais nous n’avons pas tous les mêmes souvenirs et ne sommes pas d’accord sur tous les faits, pour les plus grands, ce fut plus dur, pour les plus petits, déni total. De là, nous avons avancé différemment dans nos vies et nous nous sommes séparés et avons pris chacun nos chemins. Pour ma part, j’avais besoin d’extérioriser mon histoire, rien de mieux que l’écriture comme exutoire, guérir en prenant le recul nécessaire sans précipitation. Mes écrits n’engagent que moi, des choses dont je suis certaine, des scènes gravées dans ma mémoire, des choses impossibles à inventer. J’aurais aimé ne jamais les écrire. Ils sont pourtant bien là, ancrés en moi. Poussée par cette envie de mettre sur papier ma vie, me voilà, prête à vous livrer ce qui peut se cacher derrière un visage toujours radieux, car malgré toutes mes épreuves, je suis restée souriante, ne voulant aucune pitié de mon entourage. Épreuve après épreuve, je me suis relevée, pour quoi ? Pour qui ? On a tous un espoir de trouver un sens à sa vie. Plus de 40 ans à chercher, je ne trouve rien, aucun sens à mon existence. Puis l’ultime épreuve, la plus dure au monde pour une maman, la perte d’un enfant. Un dilemme se présente alors à moi, me suicider ou encore me battre et me relever afin de comprendre le sens de ma vie malgré cette succession de lourdes épreuves s’acharnant sur moi. À l’aube d’un suicide qui me semblait inévitable, je me décide plutôt à écrire et à lâcher prise que de quitter ce monde, pour mes enfants, mon mari, ma famille, mes amis.

Ce chagrin chamboule et remet tout en cause.

Voici mon histoire…

Dans tout corps physique sommeille votre âme pure, la clé est dans l’écoute de celle-ci.

Mon enfance familiale

Je m’appelle Élise Ramanantséhéno, je suis née en 1979 en France dans le Berry, d’une union remplie d’Amour entre deux êtres, de cultures et de religions différentes, chrétienne et musulmane.

Mon père, Louis-Jean, est né à Djibouti en 1951, a poursuivi sa vie à Madagascar, ma mère est née en France en 1954 et actuellement, elle habite toujours le même village. Concernant mon père, malgré les conditions de vie difficiles dans lesquelles il a évolué, pauvreté extrême et manque de tout, il réussit à survivre, il arrive dans notre pays, plus exactement dans le Berry, dans les années 70 et s’engage dans l’armée de l’air ; s’ensuivit la rencontre avec ma mère qui, elle, eut une enfance sans trop de souffrance, une famille classique berrichonne, ni pauvre ni riche, sous le signe du respect, des valeurs humaines.

Ils finirent par se fiancer en 1972 et se marièrent le 21 juillet 1973, lui a 22 ans, elle a 19 ans à ce moment-là. Tout laissait paraître qu’ils allaient vivre heureux, faire beaucoup d’enfants, et que leur amour serait éternel, ce fut loin d’être ce que j’ai vu et vécu. En effet, concernant les enfants, il n’y a pas de doute, nous sommes une grande fratrie de 7, le reste, ce n’est pas exactement la vie de famille rêvée. Sous le signe apparent de l’amour.

Je vais vous décrire ce que j’ai intimement vécu avec mes yeux d’enfant dans cette famille pas comme les autres. Je ne peux évidemment pas parler de ce qui s’est passé avant de venir au monde, juste de tout petits passages que ma mère et ma grand-mère ont bien voulu me confier.

Depuis mon enfance, dans ma tête, tout se bouscule, encore plus depuis que je suis devenue adulte. Je n’ai pas toutes les réponses à mes questions, les seuls souvenirs que j’ai au fond de moi, ce sont des cris, des pleurs, la gendarmerie, les pompiers, des médecins, des voisins qui cherchent à nous cacher certaines nuits, etc. Des fragments de vie, un puzzle que je dois remettre en place, c’est un besoin vital pour avancer. Si je cherche dans un coin de ma tête, je me remémore tout cela, mais en tant qu’enfant, on ne comprend pas bien le pourquoi de cette violence quotidienne. Comment peut-on en arriver là après une si belle rencontre, un joli couple d’amoureux et un beau mariage ? J’entendais et voyais tout, mais ne parlais pas ou très peu, je n’étais qu’une enfant qui vivait très mal ces moments difficiles et pour la petite fille que j’étais à cette époque, tout était perdu d’avance. J’avais peur, très peur même de cette vie que je subissais de jour en jour, je ne comprenais pas ce que je vivais.

Petit à petit, je cherchais des explications, mais personne ne voulait parler, silence total. Je comprends très vite que mon père buvait, rentrait ivre tous les soirs ou presque, je comprends que ma mère avait très peur, qu’elle se faisait battre régulièrement, je compris très vite aussi que tout le monde avait peur de lui au village, aussi bien le maire, nos voisins, c’est donc pour cela que la gendarmerie était appelée régulièrement, mais rien n’y fait, car à cette époque, il fallait que ma mère porte plainte (encore aujourd’hui pour toute femme battue) pour qu’il soit embarqué. Ma mère, sous la menace de son conjoint, ne partira jamais, continuant à subir, alors les gendarmes, la justice n’y changeront rien. Donc, oui, nous étions seuls face à un homme qui se sentait puissant, que personne ne pouvait approcher, sauf des personnes au même comportement alcoolique. Oui, mon père avait beaucoup d’amis de bistrots qui pouvaient rentrer à la maison sans aucun souci, ils étaient les bienvenus, pour tous les autres, tous savaient d’avance qui était mon père et ne s’en approchaient pas. Si par malheur quelqu’un le contredisait, c’est parce que cette personne ignorait son caractère et en cas de conflit, il s’en mordrait les doigts ou finirait au sol.

Pourquoi ceux qui étaient amis avec mon père ne faisaient rien pour nous ? Pour les mêmes raisons que tous, la peur. Mon père avait un très fort et mauvais caractère, un physique auquel personne ne voulait se frotter. Alors me voilà dans ma vie d’enfant, coincée dans un cauchemar quotidien, ma vraie question était pourquoi mon père est comme ça ? Pourquoi est-il aussi méchant, pourquoi fait-il pleurer, saigner ma mère, au visage, au corps, encore et encore ?

Et puis, un jour, j’ai compris, mais je ne sais pas vers quel âge, je ne me rappelle plus exactement. Grâce à ma grand-mère maternelle, ma Mémé adorée de son nom Janine, j’avais quelques réponses. J’avais la chance d’aller souvent chez elle après l’école ou même dormir, j’adorais dormir là-bas, des moments d’amour, de calme que je n’avais pas chez mes parents. De plus, ma mère devait aller travailler à son usine, couturière, 40 ans de boulot lamentable, enfin elle n’avait pas trop le choix. Revenons sur Mémé, étant souvent chez elle, ma mémé répondait à toutes les questions que je me posais. Les réponses, je les obtiens souvent en promenade quotidienne au cimetière, pour aller voir mon grand-père (son mari Albert), mais aussi, une autre tombe où il y avait écrit le même nom que moi, « Johann Ramanantséhéno ». Bon je vous l’accorde, j’ai mis du temps à bien savoir écrire mon nom de famille, mais je savais que le long mot écrit sur la tombe ressemblait étrangement au mien, celui qui était écrit à mon école maternelle, à ma place et sur mes cahiers de dessins. Alors j’ai posé un jour la question à ma grand-mère. Elle m’avait répondu avec des mots d’enfant bien sûr (longtemps, j’ai gardé cela en tête) C’EST TON GRAND-FRÈRE JOHANN MA BICHETTE, QUAND ON DISPARAÎT C’EST DIEU QUI NOUS RAMÈNE AU CIEL AVEC LUI. J’ai donc compris que j’avais un frère et ce grand frère est monté au ciel. (Ma mère ne m’en ayant jamais parlé).

Un jour, j’avais essayé de lui en parler après l’explication de ma mémé, mais cela la faisait pleurer tout de suite ou elle était très énervée, gênée, je ne sais pas. Ce que je sais en revanche, c’est qu’il y avait que ma grand-mère pour m’expliquer toute chose et répondre à la moindre de mes demandes, pour me dire toute vérité sur tout sujet sur lequel je m’interrogeais enfant. Voilà, j’avais donc un frère décédé d’une maladie (méningite). À l’époque, cette maladie était incurable, ma mémé m’a expliqué cette tragédie. Ma mère me dira bien plus tard, une fois adulte, vers ma trentième d’années, le fond de son cœur sur son enfant décédé, en dessous de deux ans environ, de là, ils avaient dû le mettre en maison spécialisée, une sorte de fin de vie, pour recevoir des soins palliatifs. Il y restera seul jusqu’à son départ, ma mère me dira aussi qu’elle ne pouvait le voir dans cet hôpital qu’au bon vouloir de mon père, n’ayant pas de permis de conduire, ma mère, là encore, était au bon vouloir de mon père. J’imagine la souffrance d’une maman, sans son jeune nourrisson avec elle, le traumatisme de le savoir loin d’elle en fin de vie et de ne pas pouvoir lui offrir ses bras pour le consoler de bisous et d’amour, c’est horrible, j’essaie d’imaginer, mais je ne suis pas à sa place. Je me mets à sa place aujourd’hui en tant que maman moi-même, je comprends maintenant oui, mais à l’époque, du haut de mon jeune âge, je ne comprenais pas son mal-être. Leur mariage, leur histoire d’amour a donc basculé dans l’horreur.

De là, mes parents n’ont plus jamais été les mêmes, ma mère, une sorte de perpétuelle dépressive à subir sa propre vie, mon père, lui, un alcoolique quotidien, tous les deux à leur façon vivaient leur deuil, mal certes, mais la vie les avait foudroyés et la suite, les privant d’un bonheur marital. Mon grand frère est au paradis depuis plus de 39 ans, mes parents sont restés meurtris par ce drame toute leur vie, coincés dans leur douleur et ne se comprenant plus ni l’un ni l’autre. La rage submergea mon père, ma mère, un lâcher-prise total, pourtant, ils vivaient normalement, ils travaillaient tous les deux, deux salaires, le top pour l’époque, ce qui leur avait permis d’acheter une maison à la campagne et de ne manquer de rien (du point de vue matériel).

Ma grand-mère m’a dit qu’avant le décès de mon frère, tout était normal et serein, hélas une fois ce drame arrivé, leur vie de couple avait peu de chance de survivre et de continuer dans ce bonheur. L’amour d’avant s’éteint doucement, je suppose que le temps les a renfermés dans leurs deuils respectifs. De là, plus rien ne sera comme avant. Je me souviens de toute la suite…

Dans cette maison, à côté d’eux, en voisin très proche, car nous avions en commun les terrains, l’entrée de garage, les animaux, les champs, etc., il y avait deux petits vieux gentils, sans enfants. Ma mère s’occupe d’eux en plus de son travail et de nous, elle n’arrête pas une seconde. Cela l’empêchait peut-être de ruminer ? Mon père, lui, il en voulait à Dieu, il ne comprenait pas pourquoi Dieu lui avait enlevé son fils et donc l’alcool était son moyen d’oublier et cela de jour en jour. Il était désagréable avec elle et nous les enfants. Pour une raison inconnue, mon père remettait son mal-être sur sa propre famille restante. Ma mère ayant peur de lui, surtout étant coincée dans sa propre vie, elle ne réagissait jamais, elle se laissait livrer à son triste sort, malgré sa propre douleur. Elle continuera à aller au travail, élever ses enfants, elle ne peut pas abandonner tout acte quotidien. Ma mère tentera toute sa vie d’être une maman et de protéger le reste de ses enfants, face à ses violences quotidiennes.

Donc moi, je m’éveille dans un monde familial qui est pure horreur. Je n’ai pas connu l’amour de mes parents, pas connu un Noël joyeux, pas connu beaucoup les rires et pas connu de fête pour les anniversaires, encore moins connu d’actes de tendresse de mes parents envers moi ou les autres d’ailleurs, le mot « je t’aime » ne m’est totalement pas familier, rien. Je vis dans un monde de peur et grandis avec le stress, aussi, une honte d’être différente, je me cache, je ne parle pas ou presque pas, mes pleures son quotidien. Je me souviens avoir mes mains sur mes oreilles, car il y a trop de hurlements, de cris, je me blottis alors dans mon lit et j’attends, j’attends la fin, la fin de quoi ? Un cauchemar que je vis tous les jours, d’ailleurs, je ne suis pas la seule à attendre, mes frères et sœurs sont comme moi et ma mère n’en parlons pas, avec le temps, elle boit autant que mon père, pour pouvoir l’affronter sûrement…

Elle qui ne buvait pas, la voilà aussi alcoolique malgré elle. Pour moi, une journée type, banale, cela n’existe pas. Chaque jour, je dois affronter de nouvelles choses, mon père étant imprévisible, chaque jour peut être la fin. J’ai des flashs de scène où je suis très jeune à la maternelle et au primaire. Mes seuls souvenirs de ma vie entre le début de la mise en marche de mon cerveau, entre quatre et onze ans, là oui je peux vous décrire ma pauvre vie, faite de malédictions et de souvenirs douloureux.

Normalement, un enfant de quatre ans en maternelle ne se souvient pas ou presque pas, le cerveau humain est capable de mémoriser pas mal de choses, mais souvent, c’est soit un bonheur immense ou le contraire, un malheur, des chocs. Alors pour ma part, ce ne sont donc que des passages de choc, ces flashs de malheur sont présents. Prenons un matin ordinaire en exemple, ma mère nous levait tous, mon père, lui, est déjà au travail, nous sommes seuls, le matin le petit déjeuner est calme, trop calme, personne ne parle vraiment, ma mère et ma grande sœur rangent tout, de ce qui s’est passé la veille, la nuit. Les nuits, égales, débris, en général trop de choses sont cassées, alors elles remettent souvent tout en place, car tout est sens dessus dessous, et lavent toute la maison.

Ma mère a souvent une sale tête le matin, il faut dire qu’elle dort peu la nuit, elle subit les violences physiques de mon père, il la frappe trop, elle en garde régulièrement des traces sur le visage et le corps. Nous les enfants, si on avait de la chance, nos têtes semblaient fraîches, le contraire, cela se voyait aussi. Quand la chance n’était pas au rendez-vous, la nuit, c’est quand mon père nous mettait spectateurs du démon qu’il porte en lui (pour l’instant, je ne trouve pas d’autre mot que Démon) il nous obligeait à être assis tous sur le canapé, à regarder les soi-disant choses que ma mère n’avait pas faites, il lui hurlait dessus pour pas grand-chose (table pas rangée, vaisselle pas faite ou mal faite, pain pas fini, donc gaspillage, etc.).

Je ne comprenais pas pourquoi il lui hurlait dessus, pourquoi il la frappait et pourquoi ma mère se laissait faire, surtout, pourquoi personne ne nous sauvait ! Pourquoi tout cela en fait, pourquoi ma famille est comme ça ? Mes oncles et tantes savaient ce qui se passait (famille maternelle), ils ne faisaient rien, pourquoi ?

En fait si, ils ont fait des actions pour nous libérer, je ne le savais pas ou ne le voyais pas, ils ont tous essayé, un à un, de délivrer ma mère et nous par la même occasion de ce quotidien malheureux qui nous frappait chaque soir, mais mon père arrivait toujours à garder le contrôle de sa vie, de nos vies. Avec le temps, les gens ont abandonné, souvent par peur aussi qu’il nous fasse plus de mal, car s’ils la défendaient c’est qu’ils savaient ? S’ils savaient, c’est que quelqu’un avait parlé ? Quelqu’un se serait plaint ? Alors, elle serait frappée davantage. Les gens savaient tout de ce que mon père faisait les nuits sur sa famille. Mais personne ne pouvait faire plus. Personne !

Revenons sur le petit déjeuner, le matin, une fois tout rangé, ma mère nous met à l’école. Ahah l’école, je me vois seule à la maternelle, seule dans mon coin à ne pas vouloir jouer réellement, je me vois, silencieuse, sans amis, ma tête étant ailleurs. J’ai des flashs où je suis devant la fenêtre de l’école à attendre que ma mère revienne me chercher, je me vois dans la cour à essayer de jouer avec d’autres enfants, mais je me lasse vite, surtout, pour peu que je tente de jouer, je me sens mal ou en colère ou j’ai souvent envie de pleurer, je me retiens toujours, puis je m’ennuie. Aussi, la fatiguée est là, je baille et mes yeux sont lourds, alors rien ne m’intéresse vraiment.

Les maîtresses sentent tout cela, elles essaient de me faire jouer avec les autres, elles me poussent, rien n’y fait, je n’ai pas envie. De plus, je ne suis pas tendre avec les autres enfants quand on me force, je sens bien que je ne suis pas une fille comme les autres et cela va me poursuivre toute ma scolarité.

Pour la petite anecdote, je ne souris jamais sur aucune photo de classe ou alors, on voit un sourire forcé. Bref, les journées sont longues à l’école. Seize heures trente, ma mère arrive (quelquefois ma grand-mère), je me souviens être toujours soulagée de la voir arriver. Une fois arrivée à la maison, ma mère nous préparait à affronter la nuit, nous mangions le soir en silence, avec pour chaque repas une prière chrétienne, des passages de la bible, mon père avait choisi de prier Jésus, le reste de sa famille prie avec le Coran. Ces prières sont obligatoires, nous sommes tenus de garder bien la tête baissée, les mains jointes sur la table, attention à celui qui ne le fait pas.

Malgré nos jeunes âges, nous savions bien tous qu’il ne fallait pas lever la tête tant que mon père n’avait pas fini la prière et ne pas toucher le repas non plus. Attendre son top départ, puis manger en silence, manger tout, car aucun gaspillage n’est permis, on ne joue pas avec la nourriture, ma mère veille au grain pour qu’aucun d’entre nous ne rigole ou ne fasse un mauvais pas, afin de ne pas faire démarrer une violente dispute. Croyez-moi, personne ne bougeait !

Et après le repas, il y a le bain, deux par bain, en silence, là aussi, attention à celui qui fait trop de bruit ou salit la salle de bain, nous sommes dressés tous à sa façon, nous savons bien tous ce qu’il est interdit de faire, ma mère veille toujours, pour éviter le déclencheur nocturne, malgré tout, même sans rien déclencher, mon père trouvait toujours une raison de nous crier dessus. De là, vu que ma mère nous protégeait, c’est donc elle qui prenait tout en premier.

Après tous les rituels du soir, nous allions tous au lit vers vingt heures trente, pas le choix et là, si la chance était avec nous, aucun cri, si un de nous avait commis une erreur, même rien de grave, alors c’était fini, nous pouvions aller tous dans nos chambres que cela ne changerait en rien, il remontait et nous faisait redescendre les escaliers un à un, il nous installait sur le canapé pour être spectateur de sa violence, cela ne s’arrêterait que lorsqu’il l’aurait décidé. Parfois une heure du matin, parfois trois. On ne sait jamais à l’avance, on observe, on attend, on pleure discrètement, car pleurer rajoute une dispute, on n’a pas le droit de pleurer dans cette maison, les Ramanantséhéno doivent être forts. Que dans son lit, à l’abri du regard. Très tôt, on apprend à être fort et ne jamais montrer sa faiblesse. Ma mère tentait toujours de se mettre entre lui et nous, afin de nous protéger, pour pas qu’il nous touche, du moins, elle essayait, mais rien n’y faisait là non plus, devant ou pas, il pouvait la bousculer très vite, la mettre à l’autre bout du salon ou à terre, pour attraper celui qui méritait à ses yeux d’être puni par la violence. Aujourd’hui en écrivant cela, je me rends compte que ma mère a eu un courage énorme, je ne la remercierai jamais assez.

Encore à ce jour, si je lui en parle, elle pleurera, alors j’évite. À une période, je préférais me taire et garder tout ceci pour moi, mais aujourd’hui, je me dois d’expliquer à ma descendance pourquoi je suis une femme renfermée ? Alors, même si j’ai les larmes aux yeux en écrivant ce passage de ma vie, je me dois de le faire, pour ceux que j’aime.

Cela étant dit, je reste admirative du courage de ma mère face à tout ce qu’elle a vécu et si triste à la fois de savoir qu’il y a encore dans ce monde tant d’enfants dans la même situation, tant de femmes battues, qui restent livrées à elles-mêmes, ou qu’une justice ne répond pas toujours présente, les laissant seules face à leur malheur, démunies de tout et à attendre sans doute la fin de leur vie pour être enfin libérées, en paix. C’est horrible.

Le temps avance et ma vie ne changera pas, et avec mes yeux d’enfant, j’abandonne. Je le sais au fond de moi, j’accepte le fait que je suis obligée d’être spectatrice de ma vie familiale, à subir cela régulièrement, attendre de grandir pour fuir ma famille, pour ne plus être dans la peur et être enfin actrice de mes propres choix.

Nous subissons tous le même châtiment presque tous les soirs, heureusement certaines soirées restaient normales et calmes. Les années se suivent et hélas se ressemblent, il n’y a pas vraiment d’élément extérieur qui rentre en compte pour nous sauver, pas de héros comme dans les films et pas de bonus comme dans les jeux vidéo, rien. On subit. Cependant, de belles choses, des moments simples de vie, refont surface de temps à autre, dans cette maison de l’horreur, grâce à mon petit vieux adorable qui vivait juste à côté, il vivait avec son frère restant, mais avec lequel je n’ai aucun souvenir, son autre frère étant décédé avant notre arrivée.

Ils entendaient sûrement tout, mais au vu de leurs âges avancés, ils ne pouvaient certainement rien faire, mais avec eux, j’ai mes plus beaux souvenirs d’enfance entre pleurs et cris, je me vois aller chez eux régulièrement, je les regardais vivre, j’accompagnais ma mère qui leur préparait à manger, leur faisait le linge, le ménage, rentrer du bois, etc. Mais pas que cela, parfois j’y allais seule, aimant tellement les regarder vivre avec leur sourire, ils me parlaient, riaient avec moi, je me promenaient dans la propriété avec eux pour soigner les animaux, c’est simple, mais c’est déjà beaucoup. Je devais me contenter du peu, de toute façon, je n’avais pas trop le choix, il était interdit de sortir de la propriété, si je devais jouer avec d’autres enfants, cela aurait pu être à l’école, mais là je suis trop fatiguée, je n’en ai aucune envie, ou avec les enfants des amis de mon père, mais là encore, je m’obligeais, simplement pour faire plaisir à ce dernier, mais au fond de moi, je pensais plutôt à « mon père boit de l’alcool qui le rend fou » ; cela signifiait que lorsque ses compagnons de soûlerie seraient partis, nous allions de nouveau être sous son emprise colérique et tout ce qui en découlait… oui, parfois j’ai ce flash-back visuel et sonore.

Alors, oui je préfère être en compagnie de ces deux petits vieux qui me faisaient découvrir un monde plus calme. Je me sentais mieux en leur compagnie, j’oubliais le temps d’un instant qui j’étais et ce que je subissais, simplement en les regardant vivre et savourant la nature autour d’eux. Puis, en grandissant, je mémorise mieux les choses, voyant encore une autre réalité en face, je suis plus apte à comprendre certains faits. Vers cinq ou six ans, me voilà confrontée à la mort, mon voisin adoré, qui avait perdu son autre frère (non mémorisé) entre-temps, est sur le point de nous quitter, je dois faire face à l’absence du seul voisin ami restant, Alexandre surnommé Loulou. Mon cerveau marque alors un temps d’arrêt sur cette future disparition.

Je le revois partir sur un lit roulant, avec un drap blanc sur lui dans un camion blanc, je me demande où il va, on ne me dira rien, on me dira juste de rentrer à la maison, je revois très bien le visage de Loulou, qui me regardait tout en me faisant un signe avec la main, pour me dire au revoir, je lui avais répondu tout bêtement, sans savoir la suite. Je ne le reverrai plus jamais.

Ma grand-mère m’expliquera par la suite qu’il est au ciel avec ses proches, la tristesse m’envahit, je n’ai plus personne pour aller soigner les animaux, plus personne à regarder manger le soir, plus personne à dire « bonne nuit, à demain ». Leur maison est vide, restant uniquement leurs deux lits, ma mère ayant nettoyé et rangé leurs affaires. Il me manquera énormément Loulou, il était comme un grand-père (les larmes encore coulent à l’écrit de ce passage). Un pincement au cœur, si je pense à lui, mes larmes sont et seront toujours sur mes joues.

Nous avons encore la jouissance de pouvoir jouer chez eux, une chose positive, ma mère s’étant occupée de ces trois retraités sans enfants, elle héritera ainsi de leurs biens, j’y allais souvent d’ailleurs, j’adorais. Les animaux partent aussi au fur et à mesure, ma mère ne pouvant s’occuper de tout, adieu les chevaux, les ânes, lapins, cochons, il restera les oies, les deux chiens, les poules, mais je n’ai plus envie de soigner sans Loulou, cela n’a plus aucun sens, je me replie sur moi et dans le silence.

Loulou et ses frères sont enterrés à Villedieu-sur-Indre, avec mon frère Johann. C’est un grand vide autour de moi, avec le temps j’arrive tout de même à m’amuser avec ces grands espaces et ces multiples dépendances, on joue souvent dedans à cache-cache avec la fratrie, on saute du haut des granges sur les tas de pailles au sol, c’est là notre seule distraction, avant que mon père rentre du travail.

Une fois là, on stoppait toute activité et nous voilà repartis dans nos rituels sacrés du soir, entre silence, prière, il nous éduque dans des valeurs, DIEU, la FOI, nous sommes élevés dans la chrétienté, Jésus, Sainte Marie. Prière journalière et remerciements envers Dieu, etc. Nous avons tous fait le catéchisme, nos communions, moi je me suis engagée en tant qu’enfant de chœur tous les dimanches, cela me permettait de sortir de la maison, d’être seule et en paix.

Je me disais que dans la maison de DIEU, personne ne pouvait me faire de mal, puis j’aimais l’endroit, les pierres, le froid, les chansons, l’orgue, les moulures, le prêtre qui lui me parlait calmement, avec douceur, en tous les cas, plus sereine qu’à la maison, cela me permettait de rêver une heure par ci par là, d’être bien, alors pourquoi m’en priver ? Je me suis construit un monde, mon monde, du coup, j’ai commencé à parler avec DIEU, très jeune, je parlais sans m’arrêter, qui m’écoutait ? Personne, car je parlais dans ma tête, donc personne ne pouvait m’entendre, logique. En tous les cas, je parlais sans arrêt à quelqu’un et ma voix en tête me réconfortait, je ne me sentais jamais seule, je me disais que c’était Dieu lui-même qui me répondait.

De même, la nuit, je parlais dans mes rêves, on me montrait de belles images, des endroits ou des personnes. Ou encore, je me levais dans la nuit et me retrouvais dehors, seule en plein milieu du jardin, sans savoir comment j’avais fait pour y atterrir, je ne me souviens pas de tout. J’avais peur seule dehors la nuit, sans comprendre comment je m’y étais rendue, je ne disais rien à personne, j’étais tétanisée quand cela m’arrivait, je ne savais pas pourquoi je me trouvais là, alors je me retenais pour ne pas crier, sous prétexte de me faire fortement disputer par mon père, si je le réveillais. Alors, je remontais sans faire de bruit dans ma chambre, en essayant d’oublier ce qu’il venait encore de m’arriver. Je pouvais aussi me retrouver dans la maison de Loulou la nuit, pareil, à mon réveil, j’étais assise à la place de Loulou, je ne sais pas pourquoi ni comment, je me souviens seulement que j’étais appelée à cet endroit. Tout me semblait normal, malgré cette peur qui me renfermait sur moi-même.

Pour revenir à mon père, je ne sais pas pourquoi il tenait ce discours-là avec Dieu ou comment s’était passée son enfance à lui à Madagascar ? Je ne le sais pas, mais au vu de ce qu’il pouvait nous faire vivre ici en France à toute la famille, j’ai très vite compris, malgré mon jeune âge, que les Esprits, Démon, Ange et Dieu Tout-puissant faisaient partie de ma vie. Car ils étaient d’abord dans la vie de mon père, celui à qui je devais donner toute ma confiance.

Comme toute petite fille, je me nourrissais de mon père, je savais qu’il était méchant, vu que je le voyais de mes propres yeux, mais j’aimais mon père à la folie. Il était un père étrange, alcoolique et violent ou le plus maltraitant pour nous tous, mais oui je le regardais avec amour. J’attendais un regard de lui ou un sourire tout simplement. Malgré tout, mon père était (avant d’être ivre le soir) une joie de vivre, il y avait souvent des fêtes à la maison, accompagnées de musique, je dansais avec lui très souvent, je me revois, oui danser avec, j’avais ce privilège-là, à défaut d’en avoir d’autres.

La musique était presque tous les jours à la maison, très forte, un bon son (je garde encore aujourd’hui cette envie de musique forte tous les jours), des sons de Stevie Wonder – Otis Redding – Bob Marley – Jimmy Cliff, etc.

En début de soirée, c’était toujours festif, devant les gens, mon père était très rarement violent, en revanche, lorsqu’une personne faisant partie de ses amis ne lui obéissait pas, sous son propre toit, pour lui c’était un manque de respect, il y a que lui en chef, point, si cela n’allait pas dans son sens, ça partait tout de suite en bagarre, mon père gagnait très souvent. Mais oui, les débuts de soirée étaient donc souvent très bien, après le départ de ses amis, là c’était fini, Dieu ou Démon était là, accompagné des fameux rituels, pour vaincre le soi-disant Démon qui pouvait rentrer chez nous.

Mon père avait toute sorte de rituels, il mettait du sel dans tous les coins de la maison, toujours avec des prières de protection, il pouvait aussi couper la tête d’un poulet, faire couler le sang sur les bas de portes. Tout acte était accompagné de prières éloignant les démons. Sur ces instants, je ne voyais pas où était le démon. Je voyais plutôt dans les yeux de ma mère la peur du seul Démon dans la pièce, lui. L’encens faisait partie bien sûr des rituels quotidiens, des bougies, racines d’arbres, etc. Notre vie était rythmée par la folie ou non de mon père, c’était à force de voir tout cela que je me suis mise encore plus à prier Dieu pour acquérir une certaine foi, tout en le gardant secrètement. Puis entre mes deux familles, paternelle et maternelle, il y a un Dieu, le Coran et la Bible, je grandis ainsi, en me remplissant de parole envers un Dieu possible.

Je compris aussi que le contraire de Dieu, c’est le Diable, ce Diable peut posséder votre vie, votre maison. Alors, prions tout le temps Dieu. Pour recevoir de l’amour. N’ayant pas vraiment de repère dans la vie à ces moments-là, je prie fort tous les jours et ne pouvant en parler à haute voix, tout ne se passera que dans ma tête, je me raccrochais à ce que je pouvais, surtout où je trouvais un réconfort, Dieu étant pour moi alors mon unique recours. Je me construis ainsi, tout en demeurant dans le silence sur mes croyances, pour un grand nombre de personnes.

Ma grand-mère maternelle m’aidera beaucoup, étant aussi une femme d’église, elle répondait et m’aidait toujours afin de me soulager de toute ma tristesse intérieure. Ce n’était pas le cas pour mon autre grand-mère, pour cause, je ne la voyais pas vraiment, aucun réel souvenir, le peu qu’il me reste en mémoire, c’est un langage que je ne comprends pas et une autre forme de prière. J’ai juste le souvenir qu’à une certaine époque, mon père nous a conduits dans le sud de la France, je me rappelle aussi que l’on a tenté d’y vivre, à Miramas. Quelle époque ? Je ne sais plus, mes souvenirs me font défaut, je sais juste que là-bas vit la famille de mon père, je me rappelle certains de mes cousins et cousines et trois tantes.

À cette époque, je me vois juste dans une école primaire, avec mes yeux d’enfant, cela a été un traumatisme, un de plus dirons-nous… Changer de ville, d’école, de famille, bref me voilà dans le sud entourée de gens que je ne connais pas et que je dois aimer tout de suite, impossible, je reste bloquée (malheureusement, encore à ce jour), car je n’ai pas créé d’affinités avec cette famille. Dans le sud, il y a ses sœurs et ma grand-mère, Mamie Halima. Je dois l’appeler ainsi, pas le choix, difficile sur l’instant.

Tout ce petit monde était nouveau, soudain, brutal, ils parlent tous très forts, avec les mains, c’est leur façon à eux, rien de mal dans une famille nombreuse, il faut se faire entendre, je suppose. Ma famille du sud est à la fois malgache, française et arabe. Ma mère, elle, je ne la trouvais pas à l’aise non plus d’ailleurs, je ressentais son mal-être qu’elle gardera pour elle bien sûr. (J’en ai eu la confirmation adulte, ce n’était pas son lieu rêvé.) Elle n’avait pas le choix, elle suivait son mari, sans broncher.

Cette famille nouvelle, en plus de parler tous très fort, ils parlent tous une langue que je ne comprenais pas, un mélange entre le malgache-français & l’arabe, pas facile de comprendre un mot. Pareil pour l’école du sud, tout ce que je voyais, c’est que cette école était remplie de métissage, cela ne me rassurait pas du tout. Jusqu’ici, autour de moi, c’étaient des peaux blanches, le seul homme de couleur étant mon père et au vu de sa violence, toute peau noire ou métisse, j’avais très peur ! Du coup, avec ma famille paternelle et tous les autres enfants dans cette école, je refusais un contact et voulais rester loin d’eux. Dans ma petite tête d’enfant, je me suis mise à croire que tous les humains de couleur étaient méchants et violents. Cela restera longtemps un traumatisme. Et fort heureusement, beaucoup moins à ce jour. On ne contrôle pas ses peurs. Le rapprochement familial, côté paternel, ne pourra donc jamais se faire. Mamie Halima, je ne l’ai pas vue beaucoup dans toute ma vie, c’était une femme mystérieuse, mince, pas très grande dans mes souvenirs, qui fumait et qui avait des rituels se rapprochant de mon père, pour être franche elle me faisait beaucoup peur, elle avait une fâcheuse tendance à pincer l’intérieur des cuisses si tu ne l’écoutais pas, aussi, elle tressait durement mes cheveux, elle te mettait assise au sol entre ses deux jambes et tu n’avais plutôt pas intérêt à bouger, je ne me souviens d’elle qu’ainsi. En la voyant, je me disais qu’elle me faisait penser à une sorcière, j’ai toujours pensé que ma grand-mère avait un don pour la sorcellerie. De plus, je compris vite que mon père tenait ça de sa propre mère Halima. À mes yeux, elle lui avait peut-être sûrement appris tous ses rituels. Je la voyais comme une gentille sorcière malgré tout, même avec ma peur.

À ce jour, je reste encore persuadée qu’elle avait un « don » pour quelque chose. Mais quoi ? Pour le reste, il y a une chose certaine où elle avait un don, sa cuisine, l’odeur, le goût, j’aimais beaucoup, s’il y avait une chose que j’adorais par-dessus tout, ce sont ses repas malgache & arabe, toujours trop de plats copieux, les uns aussi meilleurs que les autres, hum délicieux. Je me rappelle avoir beaucoup mangé et aimé ces moments de partage avec cette famille étrangère. Là, oui, ce sont de bons souvenirs.

Face à sa propre famille, mon père était calme, tout était bien. J’étais fascinée à l’écoute de ma grand-mère, son accent atypique, son rire, chose que je ne pourrais vous transcrire ici. Voilà tout ce que je peux vous dire sur cette autre famille. Pas de grand-père, personne n’en parle. Les questions n’étant pas permises, je ne saurai rien de plus. Avec du recul, je pense que si nous étions restés dans le sud, mon père aurait changé son comportement, car il n’était pas du tout le même devant ses sœurs et sa mère, non, il redevenait un homme aimant, craignant sa propre famille, qui était, je dois dire aussi, à fort caractère, comme lui. Mes tantes avaient une grande prestance, droites, et si tu n’étais pas d’accord avec elles, elles savaient se faire entendre, identiques à mon père, l’alcool en moins. Je suppose que leur enfance à Madagascar leur a fait prendre de la force et du caractère. Le respect entre tous était bien présent. Je pense que si j’avais grandi avec ma deuxième famille, tout se serait déroulé autrement. S’il y a une chose qu’on ne peut pas leur reprocher à tous, c’est qu’ils sont très unis, bien plus que ma famille blanche de campagne. Car hormis ma mémé Janine qui m’a donné beaucoup d’amour, les autres étaient absents. Total néant.

Ma préadolescence

Mon retour à Berry est aussi un de mes souvenirs en parfait état, nous sommes restés dans le sud très peu de temps, dans le Berry, nous nous réinstallons dans notre maison d’avant. Je suis heureuse de revoir ma Mémé Janine.

Ma rentré scolaire est dans le même village et me va mieux que le sud, cependant cette nouvelle classe me regarde trop à mon goût. J’ai environ neuf ans, quand j’arrive dans cette école primaire. Je reconnais quelque personne, vaguement. Ils me toisent du regard, un regard qui me rend en colère. Toutefois, une fille au non d’Aïcha, me parla, je ne le sais pas et elle non plus, mais cette rencontre changera toute notre vie. Nous allons passer presque tout notre temps ensemble. C’est elle qui est venue vers moi, avec d’autres de ses amies, pendant un cours d’informatique, oui à l’époque on a des cours d’informatiques, avec de très gros ordinateurs. Ces autres copines me parlent, alors je me force pour leur répondre, mais dans ma tête c’est des pensés autres, je me fous royal de l’école et de ces filles. Aïcha persistera à être à mes côtés (elle eut raison). Ne refusant pas, notre amitié commencera ainsi.

Dans les premiers instants de notre relation, je ne lui laisse rien paraître, profitant simplement de jouer un peut avec elle. Un sentiment de bien-être s’installa en moi. J’apprécient sa compagnie, sans jamais cesser de penser à ce qu’il allait se produire une fois l’école finie. Une gamine classique ne devrait pas avoir à se préoccuper de ces choses, elle devrait juste jouer, rire, savourer la vie, être heureuse. Impossible pour moi, mes angoisses, son de jour comme de nuit, les questions tournent en boucle dans ma tête, que va-t-il se passé ce soir ? Papa va-t-il frapper maman ? Avons-nous tous bien rangé la maison pour éviter d’être violentés ? Ma mère va-t-elle pleurer encore ou saigner ce soir ? La gendarmerie va-t-elle se déplacer si tout recommence ? Les pompiers vont-ils soigner ma maman, l’amener avec eux ? Les voisins vont-ils nous cacher ce soir ? Pour nous sauver au moins deux ou trois heures ? Et si nous on est caché, maman va être toute seule, alors non, on doit rester avec elle !

Car bien évidemment, ce retour Berry, mon père reprit de plus belle. Du coup, l’école restera comme une sorte de pause, un repos du cerveau. Le calme avant la tempête. Ou j’ai le droit d’avoir neuf ans. Sans responsabilité. Parce qu’avec l’âge qui avance, les taches du quotidien avancent aussi. Mon père nous éduque à la baguette et à la ceinture, le soir, je dois être et faire comme une adulte, j’aide sur toutes les tâches, j’aide ma mère pour le repas et m’occupé du petit frère et de la petite sœur, tant qu’elle est dans la cuisine, non loin, je suis bien calée sur le canapé et j’avais le droit et le devoir, de surveiller le reste de la fratrie en dessous de moi. Je me revois m’occuper d’eux, telle une maman, c’est fou comme le cerveau peut mémoriser certains actes précis sur un si petit moment de vie, si jeune en plus.

Je devais me sentir bien avec mon petit frère et ma petite sœur sur l’instant. En fait, m’a tête est pleines de préoccupations d’adulte, mes questions mentales reflétaient plutôt sur la sécurité et le bien-être, faire toujours au mieux. Ce ne sont pas vraiment des pensées de petite fille d’à peine dix ans.

Pour finir le chapitre de l’école, pour moi c’était juste un moyen de me reposer, je n’apprends rien, je me rappelle aucune leçon en classe, je me rappelle juste d’être toujours ailleurs ou même de dormir les yeux ouverts, une sorte d’hypnose que je me faisais toute seule, une bulle.

Ma position dans toutes les classes était au fond, bien au fond de chaque classe du CP au CM2, ça je le sais, une valeur sûre de mon cerveau. À l’époque, on ne choisissait pas sa chaise ou son banc, c’était la maîtresse qui installait les enfants, donc je me laissais diriger par les ordres, on me mettait loin, hop au fond et puis franchement cela m’arrangeait vraiment. Toujours côté fenêtre en plus, avec un radiateur en fonte, à l’ancienne, ceux qui réchauffent le mieux (à mes yeux) ! Cela pouvait vite me relaxer, tout en regardant dehors et touchant ce radiateur, j’étais toujours gelé, faute de sommeil sûrement, alors cette place était donc au top.

Vous pouvez ainsi devinez la suite, m’a vie d’étudiante, néant total. Une scolarité bien pauvre en connaissance, je n’arrive pas à lire, écrire, compter, l’histoire ou le sport, je refuse tout et ne me mêle pas aux autres, sauf Aïcha. Ne mémorisant absolument rien du tout. De toute façon, il n’y avait personne le soir pour vérifier les devoirs à faire, alors…

Ma rencontre avec Aïcha me faisant un bien fou, dans la vie comme dans mon cœur, cela aller me montrer (sans que je me rende compte) la joie, le plaisir facile, l’attachement d’une relation extérieure, une première amitié.

Enfin, je commençais à parler, je me permettais même de rire, jouer et à vouloir regarder ailleurs que dans ma maison, doucement, mais sûrement, en apprenant simplement les bases d’une enfant.

Me voilà partie sur les écrits plus sympas, de mes souvenirs en dehors de la maison.

Les matins étaient différents maintenant, je me levais avec une envie de retrouver Aïcha, pas l’école ! Aïcha et moi, n’étions pas dans la même classe, pourtant nous somme de la même année de naissance, mais vu que j’ai fait deux CP, un décalage de classe est présent, elle est au-dessus. Peu importe, les matins sont superbes, le déjeuner prit, je me prépare et sort très vite de la maison, je vais seule à l’école du village, à pied, car elle n’est pas loin. Arrivé devant la maison d’Aïcha, j’appuyais sur la sonnette et en la voyant, mon humeur changeait. Comme un soulagement, chaque matin et cela seront ainsi jusqu’à la fin de ma scolarité primaire. Nous allions à l’école ensemble, que c’est bon de marcher avec elle, de parler de tout et de rien.

Nos premiers moments de vie ensemble étaient joyeux. (Ils nous arrivent encore aujourd’hui de repensée a tout cela, qu’est-ce qu’on rit, à ce faire mal au ventre ou à se faire pipi dessus, deux gamine du haut de nos quarante ans passés.)

À cette époque, je commençais à voir la vie différemment, entre ma vie extérieure et ma vie nocturne. Puis dans la maison de l’horreur, avec le temps, les choses changent, mon père avec moi n’est pas le même, j’étais l’enfant du milieu, cela avait peut-être son importance à ses yeux, aucune idée.

En tous les cas, il m’épargnait un peu. Il m’amenait souvent avec lui dans ses promenades, voire ses amis, dans les fêtes, les bars, etc. Mon père me mettait en avant, j’avais le droit de danser avec lui, je ne me rappelle pas voir les autres le faire. J’aimais trop être avec mon père, traîner avec, une petite chance que je ne peux expliquer encore aujourd’hui. Pourquoi moi ? Je n’ai jamais eu les coups de ceinture par exemple (ne peux dire plus, car ce n’est pas moi qui ai vécu le pire).

Les nuits se suive et ce ressemble, pourtant, je ne montre toujours rien encore à personne (sur l’extérieur) même pas à Aïcha. Au village, les gens savent, ça parle, mais préfère rester muette encore, je me contente, de mes chemins avec mon amie, aller à l’Église les mercredi, samedi et dimanche, j’évite le contacte avec tous les enfants du village, j’évite d’écouter leurs insultes ou moqueries, ce n’est pas simple, je suis souvent la proie facile justement pour eux.

J’essaie de vivre normalement quand je suis en sortie avec ma copine. Au village, malheureusement, mon père, lui, est bien bavard, il ne se cache pas du tout de qui il est, il y a au moins six bistros, il a des amis partout ou des gens qui le craignent, donc oui ça parle beaucoup et de plus, nous sommes la seule famille de couleur dans cette campagne. Et les campagnards étaient très racistes, petite, je ne le comprends pas, c’est à force de traîner avec ma copine ou mon père dans les bistros que je comprenais plein de choses, en gros dans ce village, les étrangers n’étaient pas les bienvenus du tout.

Ma mère eu beau être une fille de ce village, ce qu’elle avait fait, à savoir « ce marié avec un homme de couleur et de faire autant d’enfants métissés » ne va pas me sauver, loin de là, puisque qu’elle avait ramené un homme qui effrayait la population.

Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, c’était quand même osé de la part de ma mère (pour les campagnards).

Pour moi, avec les yeux d’enfant, cette haine ou racisme était incompréhensible. Je le comprends bien plus tard, dans les années quatre-vingt-dix.

En pleine éveille que je suis et parlant avec Aïcha de tout, je commence à percevoir cette haine à mon égard. Ce qui renforcera ma carapace d’année en année. Heureusement, vu la suite de ma vie pitoyable.

Alors que je commençais tout juste à sourire, la vie me faisait déjà comprendre que je n’étais pas encore à ma place. Les parents d’Aïcha, étaient eux aussi des étranges, cela ne se voyait pas, ils n’étaient pas de couleur comme moi, bien blanc de peau, leur nom de famille pouvait dire leur origine. Pour la petite histoire, dans le village, c’était moi qui m’appelais Aïcha, ma copine Élise, du faite de ma couleur de peau, les campagnards disaient et pensaient que l’étrangère c’était juste moi. En gros, LA NOIRE ÉTRANGÈRE S’APPELAIT Aïcha (moi) et elle traînait souvent avec Élise LA BLANCHE (ma copine). Les mots sont forts, parce que c’est vraiment ce que j’ai entendu, des choses sur mon compte comme : BLANCHE NEIGE/NÉGRO/LA NOIRE/LA BLACK/LA NOIRAUDE/LES JACKSON FIVE et j’en passe, je les regardais tous avec une colère, mais leur souriait bêtement, je ne pouvant rien faire d’autre, que de garder mon contrôle pour ne pas pleurer devant le monde.

Mais j’avais très mal, cela les faisait tous rire. Les moqueries ne se sont jamais stoppées. Quand les gens insultent comme cela gratuitement et surtout quand on est enfant, c’est hyper touchant, dans le sens ou sa vous bouffer au plus profond, un mal incroyable.

À l’époque, ça m’agaçait fortement, mais ne pouvant pas empêcher les gens de parler, d’être idiot, je les laissais faire. Pas pour autant que je me laissais abattre, avec Aïcha, nous continuons de traîner toutes les deux et cela nous allaient, je m’habituais avec le temps et le village aussi. Puis mon père comprit mon mal être, ses descentes au village, faisait fureur, quand par malheur il s’apercevait qu’une personne me faisait du mal à l’école ou sur le chemin de l’école (toute la fratrie) oui s’il voyait sur moi ou sur toute affaire, comme les vêtements ou mon vélo, mon Dieu, la personne devrait s’expliquer, s’il lui laisse le temps. Ceux qui m’ont chatouillé recevaient un retour obligatoire, ON NE TOUCHE PAS LES RAMANANTSEHENO, ils sont à lui seul. Une scène claire travers mes souvenirs, d’un jour particulier, un garçon avait fait exprès de peindre un côté de mon vélo, quand je suis rentée, j’avais essayé de le cacher, dans la maison à Loulou, mais non, mon père a le regard sur tout, j’ai été obligé de lui expliquer, ne pouvant pas mentir, le mensonge étant un péché, de plus ou j’aurais pu trouver cette bombe de peinture ? J’ai donc dénoncé le garçon, il avait une quinzaine d’années à peux prêt, je ne sais pas s’il s’en souvient lui, moi oui ! Mon père a pris sa voiture sans réfléchir, il m’a mise dedans et nous somme aller dans le bourg, le vélo était aussi dans la voiture, arrivé sur la place, il y avait encore le jeune homme, tout le monde c’est douté de ce qu’il allait ce passé. Alors, en voyant mon père descendre de la voiture, les autres se sont écartés vite fais, le coupable n’a pas bougé, mon père lui, a descendu le vélo en lui demandant si c’était bien lui ? Il a répondu « OUI MONSIEUR PARDON » mon père l’a attrapé par le coup, lui a juste dit « NE RECOMMENCE JAMAIS ».

Je peux vous dire qu’après cela, j’ai moins été emmerdé par ce jeune homme et croyez-moi, c’est même devenu part la suite un pote.

Après cette altercation, les sorties avec ma copine au village sont devenues plus calmes. Nous profitions de tout à présent, avec moins de craintes. Dans chacune de nos sorties, beaucoup de connerie, de joie et surtout, nos premiers amours.

Qui dit amour dit déception, peu importe, nous étions deux. Une amitié très fusionnelle. Les garçons ont commencé à nous intéresser, de ce fait, cela augmenta nos sorties. Les premières sorties du mercredi après-midi arrive, le matin étant abonné au catéchisme, je peux qu’après ces cours, surtout après le repas du midi. Les repas du mercredi se faisaient tout le temps chez ma grand-mère. Mes parents sont au travail, alors je mange avec Mémé, mon père m’obligeait à faire dans cet ordre-là, pour moi c’était bien, j’aimais aller au catéchisme et manger ensuite chez grand-mère. Impeccable ! Mon père me laissant le droit au mercredi après-midi (pas trop longtemps) des heures précises, il pouvait venir chez ma grand-mère voir si j’avais bien mangé chez elle ou me récupérer en fin de journée, surtout vérifier si les heures étaient respectées.

Même très courtes au début, à peine deux heures avec Aïcha, je devais revenir au goûter chez grand-mère, elle aussi y tenait.

Grâce à cela, j’ai pu apprendre plein de choses cela dit, une grand-mère peut apprendre à ses petits-enfants le Trico, les mots croisés, les gâteaux au yaourt, tout un tas de choses. J’adorais ces moment de partage avec elle, parfois, tellement j’en voulais encore, je dormais avec elle les mardis soir, dans son lit, c’était merveilleux, je me blottissais dans ses bras, j’avais tout sa chaleur, son amour rien que pour moi, c’est elle ma seule source d’amour dans l’enfance, la seule.

Entre Aïcha et ma grand-mère, je pensais vraiment que ma vie devenait plus jolie. Non, pas vraiment. J’avais beau avoir des sorties multiples, des rencontres, ma vie n’allait pas tourner comme je le voulais. Aïcha avait le droit de venir à la maison, inversement aussi. J’avais même le droit de dormir chez elle. Quelle échappatoire !

De mon côté, j’avais du mal à l’invité à dormir chez moi, ne voulant pas qu’elle voie ce qui se passait la nuit. Du moins au début, car avec le temps, je prenais confiance et je commençais à lui parler de ma famille en période nocturne. Pas vraiment le choix, nous sommes dans le même village, qui parlent, je me disais que les adultes savaient bien la vérité, alors petit à petit, je lui confie ce qu’il se passait dans ma maison de l’horreur, timidement, car, je me disais que peut-être elle ne verrait pas le tout, je lui cachait consciemment un peu les faits, mais elle finira par le voir d’elle-même, le désastre.

J’avais très honte, Aïcha n’était pas dans la moquerie, plutôt dans la peine pour moi. Quand elle comprit vraiment le tout, elle se sentit mal ou chanceuse, je ne sais pas ? Nous n’en avons jamais vraiment discuté, je pense qu’elle devait se sentir privilégier par rapport à moi inconsciemment, car du coup, on aller pas souvent chez moi, elle venait me chercher et on allait se promener à l’extérieur ou on profitait de sa maison. C’est avec cette réaction que j’avais compris aussi, qu’elle me montrait en gros « PAS GRAVE ÉLISE, ON VA CHEZ MOI, VIENS ».

Ses parents ne disent rien, ils me donnaient souvent de tout, je repars souvent de chez eux avec le ventre plein. Elle aussi ce confié à moi, je ne dirais rien sur son ressentie familiaux, cela reste et restera en nous deux, promis, juré, craché. Vous vous souvenez de cette expression à l’époque entre gamins ? Puis on crachait au sol ! Nul, mais elle me fait rire à l’instant même, l’image me vient en tête.

Le début d’une longue, très longue amitié, était en train de naître. Nous parcourons la vie, semaine après semaine, mois après mois. Jardin publique, les terrains de tennis, le golf, des kilomètres de vélo, et de marche, des rires, puis nos conneries prennent de l’ampleur avec nos assurances, notre complicité, que c’était drôle en y repensant aujourd’hui. Nous éliminons les copains et copines autour de nous, avec le temps, nous traînons principalement ensemble.

Pour revenir à ma vie familiale, il commence à y avoir un petit changement, mon père est de moins en moins là, il sort souvent seul les week-ends et les nuits deviennent plus calmes, ou est-il ? Je ne sais pas à l’époque, mais voyant bien quand même qu’il se passerait des choses bizarres, je remarque régulièrement les pleures de ma mère et puis, traînant certaines fois encore avec mon père au bistro, je m’aperçois que dans nos sorties, d’autres femmes sont autour de lui, il faut dire que c’est un bel homme de couleur, costaud, grand, élégant, il avait un sacré bagout avec les femmes, une en particulier, une patronne de bistro, une grande dame blonde, avec ses gros seins qui était souvent en vue de qui voulaient bien les regarder, cette dame touchée souvent mon père, riait avec, des fois mon père partait derrière le bar, il y avait une autre pièce, il me laissait seule avec ses potes, on me disait de ne pas bouger, alors je ne bougeais surtout pas, je buvais mon verre et manger mes cacahuètes, en attendant son retour, je ne sais pas ce qu’il si passais, en revanche, je comprenais juste en voyant la coiffure de cette dame blonde aux gros seins, complètement décoiffés, qu’une chose c’était produit, de plus, une complicité entre eux, était palpable, tous les deux riaient aux éclats une fois revenue. Quant au reste du bar, tous accueilli mon père comme un héros ! le regarder, genre, « félicitation » pourquoi sont-ils tous contents ? Avant de repartir, en montant dans la voiture, mon père me demandait de garder le silence, que cela serait notre secret. Pas de problème pour moi, ne voulant surtout pas être privé des rares moments avec lui, je garde précieusement le secret.

Une fois à la maison, je m’interdisais de dire ou nous avons étaient. (Bien que ma mère ne fût pas dupe.) Je n’ai jamais rien dit, mais en voyant la tristesse de ma mère et les questions qu’elle me posait, je me doutais bien qu’elle avait déjà compris où nous étions.