Pousser les nuages - Florence Ollivier - E-Book

Pousser les nuages E-Book

Florence Ollivier

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Beschreibung

Après vingt ans de mariage, Gemma et Philippe décident de renouveler leur relation en s’engageant dans l’aventure du polyamour. Gemma rencontre Amir, un entrepreneur rennais passionné par la construction de tiny houses, qui fait renaître en elle les frissons de la romance, à quarante ans, mère de deux enfants, sans pour autant trahir Philippe. Le polyamour, loin de la dissimulation, propose un amour multiple, fondé sur la sincérité absolue et l’acceptation des bouleversements qu’il entraîne dans la vie quotidienne. Ce roman explore avec délicatesse et profondeur les méandres de cette nouvelle forme d’amour, confrontant les personnages aux complexités des émotions humaines, tout en invitant le lecteur à réfléchir sur la liberté, l’engagement et la transparence dans les relations.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Florence Ollivier est reconnue pour ses essais et romans de fiction qui explorent des enjeux sociétaux avec une esthétique raffinée et un style musical unique. Conférencière et membre du comité éditorial de la Ligue des Optimistes, elle s’investit depuis toujours dans des initiatives visant à promouvoir le vivre-ensemble par le biais de la culture.

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Seitenzahl: 297

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Pousser les nuages

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Florence Ollivier

ISBN : 979-10-422-4936-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

De la même auteure

 

 

 

Romans et essais

2019,

Grave la Pêche

(essai sous le nom Florence Duchamp) ;

2022,

Destinées amoureuses

(roman).

Prologue

 

 

 

Leur première nuit, il y a vingt ans, avait été torride. C’était une nuit qui n’en finissait pas. Ils avaient fait l’amour comme certains jeunes gens ardents peuvent le faire. Gemma avait encore le souvenir de la respiration de Philippe ce premier soir. L’odeur de son corps et la douceur de ses mains ; il lui avait répété des mots doux. Ils avaient su danser la valse énergétique de deux êtres enlacés, alternant la lenteur du tantrisme avec la fougue du désir. Qui n’a jamais rêvé de décoller, s’envoler, planer, rester là-haut, et continuer ainsi sur de belles vagues sinusoïdales, à flotter comme un drap blanc balayé par le vent, par une chaude journée d’été, étendu sur un fil ? En cette après-midi lascive, Gemma songeait : « Je voudrais que mon corps s’étale, se lâche, pour affronter l’espace et le remplir, que tout mon être soit en expansion. Je voudrais encore sentir cette poussée vertigineuse vers le haut. Nos corps baignant dans un océan de lumière. » Elle faisait référence au Principe d’Archimède. Tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale égale au poids du volume du liquide déplacé. Tout son être vibrait à l’évocation du simple prénom de son amoureux.

 

Vingt ans plus tard, Gemma n’était plus dans les bras de Philippe, mais dans ceux de Amir qui la caressait langoureusement.

— Ne parle plus.

Elle soupirait. Perte de contrôle. Elle était comme cela, Gemma, souvent inconsciente de ce que son corps racontait. Même si elle avait mûri, elle savait que son enveloppe charnelle traçait sa route sans rien lui demander. Aucune permission. Et elle aimait ça. La première fois qu’elle avait vu Amir à l’hôtel Hilton de la gare Saint-Lazare, il y a cinq ans, elle avait compris immédiatement que son énergie était compacte. Il émanait de lui la puissance, celle de ceux qui vous font chavirer. Ceux qui vous font hurler de plaisir, qui vous connectent au plus profond de vous-même. Fusion totale de l’énergie féminine avec la masculine. Il ressemblait aux statues d’athlètes grecs vues au Louvre. Les mêmes proportions parfaites des lanceurs de disque. Bas du corps d’une extrême finesse, comme pour alléger la course, favoriser la vitesse, donner de la vie à l’accélération. Haut du corps large, épaules droites, dos fier et musclé. Gemma adorait caresser son ventre plat pendant des heures. Sa peau mate satinée, imberbe et sa beauté étaient juste exceptionnelles. Mais le plus excitant était le mouvement dansant de ses hanches, qu’il avait appris dans son pays, lors des mariages de cousines, de tantes, de sœurs. Un mouvement rythmé, sensuel, où il se concentrait sur lui-même, pour ensuite donner tant de plaisir à sa partenaire. La jouissance était son obsession. Il ne cessait pas de danser, tant qu’elle n’avait pas eu de multiples orgasmes. Il alternait les rythmes, accélérait, ralentissait, faisait peu de pauses. Il y avait dans son physique une intensité de suite perçue, lors de leur première rencontre dans cet hôtel, près de la gare Saint-Lazare. À l’entrée, après avoir franchi la porte tournante et gravi des marches, on découvrait une cheminée toute blanche. L’insert était tapissé de briques rouges. Rehaussée de deux chevaux en cuivre, elle était habillée d’un tablier de mosaïques. L’endroit était cosy et invitait à la confidence. Le grand salon était spectaculaire, foisonnant de dorures, d’arcades, de piliers et de frontons, surmonté d’une grande verrière, décoré de lustres vénitiens, il penchait cependant vers la modernité, grâce à des tableaux aux tonalités blanche, jaune et noir de la Nantaise Sandrine Merrien. Les œuvres étaient coordonnées avec les lampes posées sur le bar. Ils s’étaient installés près de la grande cheminée blanche. Elle lui avait dit au bout d’une heure de conversation animée :

— J’ai envie de vous.

Comme on dit bonjour. C’était à la fois naturel et fluide, instinctif. Elle ne le connaissait pas.

 

Elle l’avait vu juste marcher. Et désormais, elle savait, à la manière dont marchaient les hommes, s’ils seraient pour elle des promesses de bonheur. Les garçons aux pas furtifs, ceux qui faisaient de grandes enjambées, les individus pressés, ceux qui prenaient trop leur temps ne l’intéressaient pas. Ils pouvaient marcher pour séduire ou impressionner. La largeur de leurs pas et le rythme étaient des indices captivants. Pas et rythmes faibles : la prudence était de mise et avec eux, on ne prenait pas de risques et on n’avait pas de surprises, bonnes ou mauvaises. Petits pas, grand rythme, la nervosité prédominait, il fallait fuir. L’ambition dépassait-elle ses possibilités, engendrant du stress ? Cet homme compensait-il l’étroitesse de ses vues par la vitesse, pour impressionner ? « Il était juste pressé et ça n’était jamais bon pour une belle relation amoureuse », se dit-elle. Grands pas, rythme lent, l’homme était à l’aise et cool, certain de son potentiel de séduction. Il profitait de sa posture pour observer le monde. Son mentor pouvait être Bob Marley ou Marvin Gaye. Lui, l’inconnu du Hilton, bougeait avec aisance, sans hâte ni lenteur, dans un subtil équilibre de grâce et de force. Elle était captivée, ne pouvant détacher ses yeux.

 

Puis elle avait joui avec lui. La vibration part des lèvres, toutes les lèvres se comprennent. Puis une onde parcourt le corps de bas en haut pour s’épanouir. Alors que le mouvement de l’homme continue perpétuel, la jouissance de Gemma explose par à coups. Une fois, deux fois, dix fois, et lui la contrôle, par le regard, il sait ce qui fera monter d’un cran, encore un cran. À la fin, c’est une bombe, son sexe se métamorphose, les parois plates deviennent des collines intérieures et les jambes se mettent à trembler.

 

C’était en janvier 2017, elle eut l’intuition fulgurante du bonheur qui l’attendait. Ils avaient passé ensemble le cap des cinq années de relation, malgré deux ans compliqués avec la crise Covid, et se voyaient régulièrement chez Amir à Rennes. Elle frissonnait devant son sourire désarmant. De dos, lorsqu’il cuisinait… c’est à ce moment précis qu’elle le trouvait le plus sexy. Tout à son ouvrage, il déambulait entre l’évier, les plaques de cuisson et le four. Elle n’avait jamais vu spectacle plus érotique. Papillons dans le ventre. Il épluchait, tranchait. Puis, il prenait la poêle chaude par le manche. Elle s’imaginait dans l’intimité, parce que c’était lui et que c’était l’instant présent. Personne à ce moment ne comptait plus le temps… sauf le compte-minutes du four pour la cuisson d’une tarte ou d’un rôti qu’ils avaient enfourné auparavant. Quand elle était dans les bras de Amir, elle ne pouvait s’empêcher de penser à Philippe qui lui avait offert vingt années magnifiques de bonheur et d’aisance sur tous les plans, et qu’elle aimait toujours tendrement, à sa manière, un peu gauche, un peu rude parfois, mais tellement sincère. Pourtant, elle adorait Philippe, qui lui procurait un puissant sentiment de réconfort et de sécurité. Elle était installée depuis cinq ans dans le polyamour, avec la complicité de son époux et de son aimé. Elle partageait son temps, son affection, sans vraiment se poser de questions sur le futur, elle vivait le bon, pour tromper l’ennui. Elle avait cédé à la tentation de la diversité pour avoir plus que ce qu’un seul homme pouvait lui apporter. Ce qui importait pour elle, c’était le cœur et la beauté de l’âme.

 

Gemma aimait feuilleter « Gemma Bovery » de Posy Simmonds, qui était devenu son livre de chevet illustré. Une Emma Bovary moderne, qui vivait son existence avec passion, sans illusions et sans attendre. Elle adorait cette femme libérée, qui assumait ses choix dans la transparence et traversait l’amour avec légèreté. Quand elle lisait des histoires d’amour ou regardait ses séries Netflix préférées, elle relâchait son corps, son esprit, et les scènes chaudes lui brûlaient les sens. Souvent, elle entrait dans la transe et sortait ses jouets.

 

Rien n’a d’importance avant dix-huit ans. Ni après, d’ailleurs.

 

 

 

 

 

Chapitre I

La vie d’avant

 

 

 

Philippe était volubile en toutes circonstances. Volubile et brillant, il n’avait peur de rien et possédait le sens de l’entrepreneuriat. De brillantes études aux Mines de Paris, des voyages. L’alliance de la rigueur et de la fantaisie faisait tout le charme de sa personnalité. En ce sens, il ressemblait à sa mère Marianne. Il vivait à l’instinct et s’en sortait bien en termes de finances et de mental. Fils unique, il avait été adulé par elle et endurci par son père, un travailleur acharné. Sa ville natale était Marne-la-Vallée, terre de Disneyland, où les paysages agricoles de l’Est parisien furent remplacés par des cités nouvelles.

 

Alors qu’il était étudiant, Philippe habitait une chambre de bonne vers le parc du Luxembourg. Ses parents étaient fiers ; sa mère lui apportait toutes les semaines des petits menus équilibrés. À la sortie de l’école, il avait intégré un grand groupe industriel et gravi les échelons en quelques années. Son sens du contact lui valait de nombreuses sympathies et d’excellents soutiens. Il avait rencontré sa première épouse en 1991, lors d’une soirée des anciens de l’école où pouvaient être invitées de jeunes femmes d’ici et d’ailleurs. Il aurait pu la rencontrer dans un train à l’autre bout du monde. C’était elle, il en était sûr. Ils avaient flirté quelques mois avant de se marier lors de l’été 1992.

L’année 1993 avait été échelonnée d’événements et d’expositions. Mois par mois, il pouvait égrener les souvenirs.

 

En janvier survint la disparition de Noureev, l’immense artiste du Kirov, le corsaire de Marius Petipa. Vêtu d’un pantalon bouffant dans ce rôle, il jaillissait d’un bout à l’autre de la scène. Les parents de Philippe adoraient ce duo merveilleux formé dans les années soixante avec Margot Fonteyn, et lui avaient transmis le goût du ballet. « Gisèle » avait été écrit pour un couple de ce niveau d’harmonie et de perfection gestuelle. Philippe aimait alors sa femme et se souvenait qu’ils comparaient leur histoire à celle de ce couple. Ils se sentaient très liés, faits l’un pour l’autre.

 

En février, visite d’une exposition intimiste au Petit Palais : Fragonard, illustrateur des fables de la Fontaine. Une série de petits tableaux. Ils avaient particulièrement apprécié la violence de la scène « Les Cordeliers de Catalogne », puis une autre œuvre intitulée « La Servante assujettie ». Puis de nombreuses scènes d’amants, toutes aussi inventives les unes que les autres, pour conquérir des femmes trop avares, trop orgueilleuses ou trop prudes. Philippe aimait observer la diversité de l’âme humaine.

 

En mars, ils avaient vu un film poignant, sensible, réaliste, sans pitié pour les désordres décadents de l’auteur : les nuits fauves de Cyril Collard avec Romane Bohringer. L’histoire les avait captivés, car elle parlait d’amours complexes et de non-réalisation de soi. La bisexualité et l’indécision en étaient les fils conducteurs. Jean rencontre Laura et entame avec elle une relation amoureuse. Mais peu à peu, sa quête permanente de garçons reprend le dessus. Les débordements sexuels avec des hommes se font de plus en plus nombreux, et Freddie, une de ses relations stables, vient s’installer chez eux. La crise est à son paroxysme. Jean ne peut pas choisir, ni entre ses amours, ni entre ses talents. Il en a de multiples, et ce non-choix l’empêche d’en valoriser un. Le film lui avait laissé un goût amer loin de son univers rangé et il ne savait pas pourquoi. Lui n’avait jamais imaginé de moments déviants, tout était toujours droit, dans l’ordre et il n’aimait pas les caractères torturés.

 

Lors du week-end de Pâques, ils avaient visité le château de Valençay et joué au golf à Cheverny, avant de loger dans un superbe endroit en Sologne, le domaine de Fondjouan. Ils avaient visité les châteaux de Chaumont-sur-Loire et Cheverny qui était le plus proche du domaine. Ils avaient remarqué, dans la salle d’armes de ce dernier, une magnifique œuvre des Gobelins aux coloris préservés, « L’enlèvement de la belle Hélène ». L’histoire d’amour d’Hélène et de Paris, le détonateur de la guerre de Troie. Encore une histoire mythique où l’amour était le ciment de l’histoire. À cette époque bénie de leur mariage, ils visitaient beaucoup de châteaux, main dans la main, et passaient des heures à table dans les meilleurs restaurants. Philippe, optimiste, invétéré, ne laissait rien troubler leurs jours.

 

En juillet, par une belle journée, ils avaient organisé un pique-nique en sous-bois, non loin d’Écouen, entièrement pensé dans le moindre détail : les plaids écossais pour former la table, les gourdes plastiques isolées de la chaleur, les couverts et les assiettes, les rillettes et le vin, les chips, le poulet et diverses salades. Ils avaient ensuite admiré les collections du château, poteries d’Iznik, dans le musée de la Renaissance. Cette chaleur d’été les avait envahis et leur avait fait tourner la tête, comme le petit vin de Loire qui accompagnait le repas. Ils s’étaient embrassés, non sans scruter les alentours. Aucun regard curieux ne devait percer leur intimité selon les lois de Philippe.

En septembre, ils partaient pour la Vallée au Loup, la propriété de Chateaubriand au sud de Paris, dont il écrivit qu’il n’avait jamais rien regretté, sauf cette maison, théâtre de souvenirs heureux et légers. Cette année-là, à l’automne, le musée d’Orsay proposait la collection Barnes, une collection remarquable d’impressionnistes, des Renoir, des Cézanne, Degas, Matisse. Elle, de sa voix chaude et passionnée, commentait les tableaux, alors que Philippe les observait avec détachement et de manière un peu mécanique.

 

En novembre, ils étaient allés danser au Caveau de la Huchette, après avoir pris un verre dans un bar bondé de la rue des Lombards. Elle aimait sortir, l’imprévu, l’imagination et se mit à danser pour un plaisir étonnant, d’emblée avec son voisin de table. Il la scrutait ébahi, saisi d’une légère pointe de jalousie et d’un frisson de doute. Foule dense dans la salle. En sortant à deux heures du matin, ils constatèrent que si la majorité des restaurants grecs étaient fermés, certains proposaient encore du sandwich au mouton. Ils en engloutirent un beau morceau, affamés par cette soirée, ensemble, se dévorant des yeux.

 

Décembre, l’Eurotunnel venait d’ouvrir. Les travaux avaient duré cinq ans et le coût s’était élevé à 100 milliards de francs. Cette année-là, Nelson Mandela recevait le prix Nobel de la Paix. « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Cette phrase, ils l’avaient inscrite au panthéon de leur vie bien rangée. Philippe pensait qu’ils résoudraient sans difficulté leurs désaccords futurs. Pour le moment, tout allait pour le mieux et ce n’était pas le sujet.

 

L’Italie, tout particulièrement, les avait charmés. Bologne, cette année-là. Tout se passa pour le mieux de l’aéroport à l’hôtel Carlton. Une ville de plus d’un million cinq cent mille habitants, un tout petit aéroport, une autoroute, la tangenziale, des panneaux indiquant la fiera, où il se rendait pour le travail. L’hôtel se trouvait au sud de la ville, pas très loin de la piazza du 8 août 1848. De l’aéroport à l’hôtel, il fallait un quart d’heure à peine. Équipé de cartes de la ville, Philippe procédait à la reconnaissance des lieux. Ils étaient à proximité du parc Montagnola, non loin de la Pinacothèque et de l’université de Bologne. La piazza Maggiore, où se dressaient le palais des notables et la somptueuse fontaine de Neptune, était au bout de la via dell’Independenza.

 

La première journée professionnelle sur la fiera avait été littéralement mortelle. Lorsqu’il revenait du salon, il lisait, dans sa chambre du Royal Carlton. Le samedi qui allait suivre, attendant son épouse qui le rejoindrait en fin de journée, il s’était inscrit pour une visite guidée des deux tours, la Garisenda, la plus petite, la décapitée, car trop penchée, selon les mots de Dante, et Asinelli, la grande. Ces deux tours racontaient l’histoire de deux familles riches et rivales.

 

Samedi soir approchait.

— Plus que quelques heures avant de te serrer dans mes bras, mon amour.

 

Cette séparation, une fois de plus, avait été cruelle et lui donnait conscience de tout ce que son épouse représentait à ses yeux. Philippe était un amoureux enthousiaste.

— Ne pas te voir tous les jours, c’est perdre un peu de joie, c’est manquer d’ouverture envers les autres, car je me sens comme orphelin ou privé d’une partie de moi-même. Je t’aime profondément, avec la plus grande sincérité, et je suis tout à toi. Nous devrons toujours nous procurer ces instants de repos et de découverte.

 

Lorsqu’elle arriva, il volait, planait, frissonnait, exultait, car il était terriblement amoureux. Ils allaient partir ensemble visiter la Pinacoteca, y admirer la Sainte-Cécile de Raphaël, et découvrir l’art pompier des Carraches. Sur le tombeau de Saint-Dominique, ils remarqueraient l’ange sur la droite, sculpté par Michel Angelo. Ils iraient ensuite sur les traces de Charles Quint, couronné en l’église San Petronio. On ne pouvait pas s’ennuyer à Bologne et ils vivaient une expérience de claire complicité.

 

Ils avaient décidé d’aller ensuite à Venise sceller leur amour. Vingt-cinq degrés et un beau soleil les accompagneraient. Ils commencèrent à flâner au rythme lent des orchestres de la place Saint-Marc, puis se promenèrent sur les quais, revenant à hauteur de l’Arsenal, avant de rentrer dans le somptueux palais Danieli, riva Degli Schiavoni. Dès le lendemain, ils iraient au musée Correr voir les Bellini, Carpaccio et quelques œuvres mineures du Greco.

 

Elle avait étudié le piano et était très mélomane. Elle écrivit un poème ce jour-là, qu’elle lut à Philippe. Il se souvenait d’un passage.

 

Mon amour, la musique.

 

Elle aimait la musique et les histoires courtes qui se mettent en chanson.

Une page de notes lui donnait de la joie et des notes jouées comme une exaltation.

Elle allait chaque mois à son cours de piano.

Sous la pluie, dans le vent, elle battait la mesure.

Et puis, comme bénie, elle donnait le tempo.

Et créait ses figures.

 

 

Philippe avait adoré le poème. Il était tendre, Philippe, à défaut parfois de manquer d’un peu de fougue au lit. Doux, aussi, romantique, épicurien, optimiste.

 

Le lendemain, ils firent la promenade jusqu’à la Piazzale Roma par le Rialto. Ils s’arrêtèrent faire une prière dans l’église San Giovanni Crisostomo. Philippe avait encore, à cette époque, des réminiscences de son éducation religieuse. Les températures montaient. Ils visitèrent la Galerie de l’Académie, réservant en chemin dans le restaurant da Raffaele, pour leur soirée romantique. Ils déambulèrent devant la Fenice et prirent leur temps sur la place Campo San Stefano, avant d’emprunter le pont de bois qui menait à l’Accademia. Quel bonheur d’être ensemble. Le musée proposait une rétrospective des plus grandes œuvres de la peinture vénitienne. Les noces mystiques de Sainte-Catherine par Véronèse les subjuguèrent. Le drapé et le soyeux des tissus étaient d’un réalisme époustouflant, et ils croyaient presque sentir la matière sous leurs doigts.

 

Ils rentrèrent ensuite pour la sieste, qui fut – elle aussi – d’une rare intensité fusionnelle. Noces mystiques, noces de chair, passion des ébats amoureux… Lorsque la chaleur fut retombée, ils repartirent vers Santa Maria della Salute pour y voir les noces de Cana par Tintoret. Ils se promenèrent ensuite autour de la Dogana et firent une extension dans les zattere, un des plus anciens et charmants quartiers de la ville, en regardant la Giudecca. Ils prirent un vaporetto pour San Giorgio Maggiore. L’ascension du campanile permettait de surplomber les cloîtres du couvent, les îles aux hôpitaux, Torcello, ainsi que toute la Lagune et, bien entendu, la place Saint-Marc. De la lumière plein les yeux, un éblouissement double, celui des reflets de l’eau et de l’architecture.

 

Ils n’avaient pas encore découvert l’intérieur de la basilique ni le palais des Doges, là où se précipitaient tous les touristes d’abord. Ils voulaient d’abord jouer avec le charme, les ruelles, la poésie de la cité lacustre. Le troisième jour, le temps s’était un peu voilé. À ce moment de leur vie, le simple fait d’être tous les deux pour découvrir des merveilles suffisait à leur bonheur. Ils alternaient les siestes coquines avec les visites intellectuelles, qui les faisaient retourner vers leur chambre. Les tissus chatoyants de Véronèse les attiraient vers les draps lisses de l’hôtel Serenissima, calle Goldoni, où ils étaient descendus.

 

Le soir, au Da Raffaelle, ils étaient assis à côté d’un couple flamboyant. Elle était splendide et portait une jupe noire rehaussée de broderies dorées, un corset rouge serré à la taille, posé sur un justaucorps en voile très fin et transparent. Son collier aurait pu être un simple rang de perles blanches. Il devenait baroque par les topazes impériales taillées en émeraude, glamour, vintage, avec leur large plan plat, ainsi que par des rubis goutte, pointus à l’une de leurs extrémités, arrondies et renversantes à l’autre. Un véritable style Christian Lacroix de l’époque.

 

Dans la salle, un bel Italien cool, à la barbe naissante, une coupe de cheveux un peu folle mais impeccable, col de la chemise ouvert sur un torse à se damner, lisse, un costume sombre, aussi sombre que son regard. Il ne cessa de la regarder, assis en face d’elle, alors que Philippe lui tournait le dos. Il était tendre et romantique avec sa belle, lui baisait la main, approchait son souffle, lui tendait des bouchées. Lorsqu’elle fermait les yeux de plaisir, il détournait pourtant furtivement son regard et le posait sur sa chevelure à elle, qu’elle avait apprêtée et relevée en boucles crinières autour de son visage savamment maquillé. Parfois, il s’égarait sur son décolleté et y demeurait plus insistant. Toute la soirée, il ne cessa de braquer langoureusement ses yeux vers elle, et malgré l’attraction pour Philippe, elle le remarqua. Cela la troubla et elle le lui dit.

 

Le soir revenu, à l’hôtel Serenissima, les yeux fermés, après l’amour, Philippe savait qu’elle vécut avec le bel Italien une chaude nuit passionnée et charnelle, arrachant sa chemise blanche, s’offrant à lui dans toute sa splendeur de jeune femme.

 

Le lendemain, ils ont dû avoir un rendez-vous galant, sur son Riva. Avant de quitter le restaurant, il lui avait glissé son numéro de téléphone et elle l’avait appelé pour le rejoindre, et, sous un soleil écrasant, ils avaient navigué deux heures vers le Lido, dont elle apercevait de loin les sublimes hôtels et villas balnéaires. Embrassée violemment, impérieusement, et sa peau bronzée, sombrement romantique, son cou parfumé, ses jambes fuselées qui excitaient les siennes. Une main posée sur l’élégant volant, l’autre autour de sa taille, il regardait au loin. Elle sentait encore la chaleur du bois blond et de la lumière sur sa peau. L’écume du sillage derrière eux, sur ce Riva lancé à pleine vitesse, laissait sur la mer les mêmes empreintes que celles observées sur les draps après l’amour. C’était ainsi que Philippe avait imaginé l’escapade de sa femme.

 

Elle avait disparu du jour au lendemain. Juste un mot sur la table de nuit. Philippe ne comprenait pas, n’avait pas prévu cette éventualité. Tout allait pourtant si bien entre eux. Il eut le cœur brisé et mit du temps à se reconstruire.

« C’était bien Philippe, mais je voulais de la passion ».

 

Philippe était un tendre qui cachait ses émotions mais disait les ressentir fortement. Il aimait la chaleur des corps enlacés, la main qui cherche et qui caresse, le calme du canapé quand il était chez lui, et ne boudait pas les petites routines du quotidien qui le rassuraient. Il en avait besoin pour se ressourcer après ses journées de labeur. Son secret, c’était aussi le sommeil qu’il cultivait profond et long. C’était la clé de voûte de son acharnement au travail.

 

Son cœur lui fit mal des mois durant. Il ne pouvait croiser un couple amoureux dans la rue sans détourner la tête, il refusa les dîners d’amis en famille, se cloîtra chez lui et se mit à lire des essais d’économie, froids, pour apaiser ce volcan de tristesse qui en permanence menaçait d’irruption. Il calmait les souffrances en ne s’exposant plus à l’amour, ni à quelque expression sentimentale que ce soit.

 

Il était alors reparti en mission sur le forage pétrolier, vers l’Iran, en 1998 et 1999. À son retour, des amis l’invitèrent pour le Réveillon et pour la première fois depuis longtemps, il accepta ; Gemma était là.

 

Quelques années d’amour avaient été effacées d’un trait de plume, lorsque Philippe rencontra Gemma, de vingt ans sa cadette.

 

 

 

 

 

Chapitre II

Ensemble

 

 

 

Gemma avait grandi à Strasbourg et, polyglotte, était dotée d’une grande capacité d’adaptation interculturelle. Une enfant précoce, douée, dans une famille dysfonctionnelle, où ce qu’on lui apprenait ne correspondait pas à la réalité, où elle ressentait le mensonge et une certaine duplicité imperceptible, mais bien présente, de son père vis-à-vis de sa mère. Le souvenir émotionnel de cette enfance était une tristesse profonde, sournoise, non-dite. Une vallée de larmes retenues. Elle s’enfuyait souvent dans la nature avec son vélo, imaginait des mondes parallèles. Devenue adolescente, Gemma n’était pas toujours lucide sur les situations qu’elle vivait, car elle fantasmait souvent. C’était son moteur dans la vie, elle s’en était souvent aperçue, capable de rouler 500 kilomètres pour rejoindre, à seize ans, un beau moniteur de ski, ou de ne pas dormir de la nuit pour discuter au téléphone avec un soupirant parisien, alors qu’elle était encore en Alsace. Elle ne les revoyait plus jamais, pourtant. Elle savait que la lucidité permettait de distinguer les bons des mauvais rêves. Le bon rêve avait un sens et était en adéquation avec les valeurs. Il faisait ressentir des émotions positives. Mais connaissait-elle, à vingt ans, ses valeurs ? S’était-elle interrogée à ce sujet ? Était-elle suffisamment connectée à ses émotions ? Se poser ces trois questions pouvait paraître simple, a priori, et si difficile, pourtant. Dans ses jeunes années, et même encore aujourd’hui, elle était capable d’écrire une chose cette semaine et une autre, la suivante ! De plus, ses parents lui avaient donné une éducation traditionnelle, lui avaient appris à se forger une carapace, et, parfois, elle ne ressentait rien. Il était donc urgent pour elle de travailler sa clarté, car être clair avec soi-même, c’était la force, la puissance, une des composantes incontournables du succès ; elle repensait à Socrate et à son « connais-toi toi-même ». Il n’y avait pas de bon ou mauvais rêve en général, que des cas particuliers de personnes qui rêvaient sans réfléchir et surtout ressentir, c’est-à-dire sans clarté et sans authenticité vis-à-vis d’eux-mêmes. C’était cela le mauvais rêve !

 

Lorsqu’elle rencontra Philippe, elle eut l’intuition fulgurante qu’il serait l’homme de sa vie et cela lui avait épargné des années de fantasmes errants. Il ne lui parla pas tout de suite de sa déception amoureuse et de la séparation qui avait marqué au fer rouge son premier mariage. Il manifestait bien ses sentiments positifs mais masquait toujours sa tristesse, question d’éducation.

 

Curieuse de tout, elle menait son chemin telle une journaliste d’investigation, recoupant les informations, analysant les situations. Elle adorait, jolie mutine, se remémorer les nationalités des hommes qui avaient traversé sa vie. Philippe apprécia sa conversation pour sa richesse, ses expressions, ses références. Gemma cherchait toujours le mot juste. Grande, élancée, elle lui plut pour son physique de sportive et son niveau intellectuel. Rousse aux cheveux bouclés mi-longs, la prestance d’une Fanny Ardant, magnifiques yeux verts, elle portait toujours des vêtements bien coupés. Une personne comme elle, c’était un challenge de lui plaire, ensuite de la garder. Elle était depuis toujours séductrice, et les hommes le savaient. Philippe ne s’ennuierait pas, mais il avait sous-estimé l’entrain ardent de Gemma à vivre des aventures romanesques. Son loisir préféré, la randonnée, lui permettait de s’ancrer tout en bougeant. Partir en randonnée, c’était se lancer un défi, marcher jusqu’à la grande fatigue, résister, apprécier la beauté des paysages ou des villes, traverser des villages, rencontrer des gens. Et sentir la terre sous ses pieds. Son parcours professionnel avait été bref… elle avait fait le choix de sa famille, après avoir sillonné le monde en vacances, visité la Chine, New York, Chicago, mais aussi toutes les grandes capitales européennes. Elle nourrissait une affection particulière pour Rome, Barcelone, et Hambourg. Lors de la naissance de Marie en 1999, elle avait conservé son emploi, mais souffrait de la confier quotidiennement à une autre. Elle n’était ni la première ni la dernière dans ce cas. Au XVIIIe siècle, les enfants d’aristocrates quittaient même les châteaux pour vivre à la campagne chez des nourrices. Gemma voulait du temps pour elle et pour ses enfants, et à la naissance de Laure, elle fit un choix radical. Elle quitta la vie professionnelle pour 2 ans. C’était en 2001.

 

Quand ils s’étaient rencontrés, ils avaient choisi de vivre à côté du parc Monceau. Le quartier alliait la proximité de l’Étoile, le parc et la rue de Lévis, qui était un monde en soi, un plaisir des papilles et des yeux, une occasion de trouver tout ce dont a besoin celui qui aime cuisiner. En descendant de son immeuble, on retrouvait la gouaille des artisans bouchers, les étals colorés et savamment architecturés des primeurs. La vie dans ce quartier était bourgeoise, sans ostentation. Plus bourgeoise que vers République et Bastille qui en vingt ans étaient devenus les quartiers branchés de la capitale. Dans le XVIIe arrondissement, des personnalités de la finance, des patrons du CAC 40 côtoyaient les cabinets d’avocats et de médecins réputés. Grâce au poumon vert du parc Monceau et aux nombreux immeubles haussmanniens, parmi les plus beaux de Paris, on pouvait envisager d’avoir une famille ici. Philippe et Gemma y avaient constitué la leur, utilisant la chambre de bonne de leur appartement pour loger, des années durant, plusieurs jeunes filles au pair. Les premières années, tout allait pour le mieux ; de l’argent, du confort, un quartier agréable, la salle Pleyel à deux pas, des envies de sorties, des voyages, de bonnes écoles pour les enfants. Mais avec le temps, Philippe avait voulu plus de nature. Gemma aussi, mais dans une moindre mesure. Aller au parc Monceau tous les week-ends présentait sur le long terme de sérieuses limites, surtout en comparaison avec la variété de cieux, de paysages et de couleurs qu’offrait la Bretagne.

 

Ils vivaient désormais à Quimper. Leur maison se situait dans le quartier de Locmaria, le quartier des métiers d’art. Blanche, ornée de deux frontons triangulaires, c’était une petite maison de ville, dont la porte d’entrée et la fenêtre du séjour se dissimulaient derrière un grand rosier à fleurs blanches. La rue était tranquille, pleine de charme, pavée. Ils avaient disposé des buis en topiaire au-dessus des renforts du portail. Cela donnait de la rondeur. Le minéral de la façade s’adoucit de ce vert tendre. Aux pavés de la rue répondaient les pavés des scellements de la clôture en fer forgé noir. Cette maison, pour eux, c’était comme un refuge de douceur directement accessible de la rue. Sans pour autant tout dévoiler grâce au rosier, la maison, tout comme eux, restait ouverte sur le monde. Non loin de là, plusieurs points stratégiques. La place du Stivel, où étaient autrefois déchargés les matériaux pour les faïenceries, depuis la cale de Locmaria. Non loin de chez eux s’étalait, sous le soleil et les nuages, un jardin d’inspiration médiévale, où Gemma adorait lire, lorsque venaient les premières douceurs du printemps, et que les hellébores lançaient un concerto de cloches renversées. L’allure des maisons fières de Quimper leur plaisait. Cette fierté austère leur venait-elle des frontons triangulaires, de la couleur des façades, de l’alternance de toits pointus et de toits en trapèze, comme quand on regardait en haut de la rue de Stivel ? La devise de leur ville, « unis, nous serons plus forts », résonnait au quotidien pour eux depuis toujours. La symbolique était importante. Lorsqu’ils étaient venus pour un week-end à Quimper, Philippe et Gemma avaient littéralement été subjugués. Le temps avait fait son œuvre.

— Que penses-tu de cette ville ?

— Elle allie le charme à la tranquillité.

— Je m’y sens bien et je me vois bien faire mes courses rue Kéréon.

Et lorsqu’il avait fallu bâtir la stratégie d’un changement de vie, l’image de ce week-end idyllique s’était imposée à eux, éclairant d’une lumière visionnaire leur champ des possibles. Ils avaient vendu leur pavillon de banlieue en 2016, transféré les inscriptions des écoles pour les enfants, acheté la petite maison claire, sans l’ombre d’un doute. Comme si c’était écrit, sans peur, avec confiance. Ils vivaient désormais à côté d’une des plus anciennes faïenceries de France, créée au tout début du XVIIIe siècle.

Pendant des années, Gemma avait vécu en achetant les meilleures marques, en allant dans les meilleurs restaurants, en faisant les voyages les plus coûteux dans des palaces, elle découvrait ici l’éloge de la frugalité et de la simplicité, tout naturellement. Et vraiment, rien de tout le reste ne lui manquait… Elle était même aujourd’hui plus riche qu’avant. Pourquoi ? Parce que ce qu’elle gagnait, elle le faisait fructifier, et comme elle avait peu de besoins, elle pouvait économiser. En se contentant de beaucoup moins au quotidien, c’est fou les économies qu’elle faisait potentiellement.

Faire le vide procédait plus de la notion de détachement, détachement des objets inutiles, encombrants. C’était une philosophie de vie que Gemma avait amorcée lors de leur déménagement. Elle la pratiquait toutes les semaines en recherchant ce qu’elle pouvait donner, vendre ou jeter. Elle pouvait témoigner qu’un intérieur plus épuré apportait pas mal de bienfaits, tant sur le plan visuel que pratique ! Qui voulait des ustensiles de cuisine pour s’installer ? Qui voulait des livres de développement personnel, souvent rapportés en double de ses séminaires ? Et d’une manière générale, pourquoi ne pas apprendre à juste goûter le présent, prendre le bon et le savourer, décélérer, se mettre en petite décroissance avec des réflexes d’économie et de partage des choses qui pouvaient l’être. Éviter la surconsommation, le gaspillage, surveiller les bonnes pratiques et les valoriser au sein de sa famille, en faire un sujet de discussion et de satisfaction, avec toujours la volonté d’aller plus loin, de pousser plus l’économie ou l’art du vide.