Quand l'esprit nous traque... - Muriel Ledhem - E-Book

Quand l'esprit nous traque... E-Book

Muriel Ledhem

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Beschreibung

Trois familles, sans histoires, tout à fait normales. Mais quand la voisine convoite le mari de l'autre, sa femme ne le supporte pas et décide d'en finir avec la vie et de tout laisser derrière elle. Après la mort de leur mère, les deux enfants ne vont pas très bien. Tout le monde essaie de se montrer très présent mais la petite Sandra est de plus en plus possédée. Un esprit ravageur ? un esprit démoniaque ou tourmenté avec l'indicible espoir de se venger, voir de tuer ? Ou simplement sa mère qui essaie de communiquer ? Ce qui est sûr, c'est qu'elle effraie tout le monde. Un prêtre y laissera la vie, d'autres se montreront plus déterminés à combattre cet esprit. A qui doit-on se fier ? A qui demander l'impossible ? Pourtant quelqu'un devra choisir de sauver cette petite fille, mais à quel prix ? Cette histoire est inspirée de faits réels dont j'ai été témoins. Seuls les noms et le lieu ont été changés afin de préserver l'anonymat des personnes concernées.

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Ähnliche


Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Chapitre 41

Chapitre 42

Chapitre 43

Chapitre 44

Chapitre 45

Chapitre 47

Chapitre 48

Chapitre 49

Chapitre 50

Chapitre 51

Chapitre 52

Chapitre 53

Chapitre 54

Chapitre 55

Chapitre 56

Chapitre 57

Chapitre 58

Chapitre 59

Chapitre 60

Chapitre 61

Chapitre 62

Chapitre 63

Chapitre 64

Chapitre 65

Chapitre 66

Chapitre 67

Chapitre 68

Chapitre 69

Chapitre 70

Chapitre 1

Martine voulu rendre une petite visite à Diane pour mettre les choses au clair et lui expliquer qu’en aucun cas elle ne souhaitait être son ennemie. Consciente de sa sensibilité et de sa fragilité, elle ne pouvait pas la laisser sans explications. Elle hésita plusieurs fois avant de sortir de chez elle puis, vers quinze heures, le courage présent, elle se dirigea au numéro 14 de l'avenue Henri Martin. Elle sonna. Personne. Elle frappa. Idem. Elle composa son numéro de téléphone fixe, craignant qu’elle ne veuille pas lui ouvrir. Rien non plus. Étrange ! Songeait-elle. Sa voiture était garée devant le garage de la maison, le capot était encore chaud. Elle frappa de nouveau. Elle fit demi tour malgré sa certitude d’avoir entendu du bruit à l’intérieur.

Après une dizaine de mètres, un coup de feu la figea sur place. Son sang se glaça dans ses veines. Sa respiration s’accélérait. Le paysage s’éloignait devant ses yeux et sa tête tournait, elle en perdait presque l’équilibre.

Elle se souvint que Jack aimait tout ce qui se rapportait aux armes, qu’elles soient à feu ou non. Dernièrement, il se vantait d’avoir acquis un magnifique pistolet à grenailles.

Normalement, ce sont des armes dangereuses mais qui ne nécessitent pas forcément de port d’armes pour s’en procurer. Son cœur s’accélérait, elle pensait au pire.

- Mais qu’est-ce que t’as fait ? Criait-elle sur le trottoir.

Les larmes coulaient sans qu’elle ne puisse les retenir. Elle courut vers la maison de Diane. Elle tambourinait à la porte et criait de toutes ses forces.

- Diane ! Ouvre moi ! Dis moi que c’est pas vrai ! Elle pleurait de plus belle.

- Diane ! Diane ! Allez, ouvre moi !

Elle attrapa son portable et appela les pompiers. Elle leur expliqua que son amie avait sûrement fait une bêtise, qu’elle avait entendu un coup de feu mais que les portes de la maison étaient fermées y compris celle du garage.

Sans attendre la fin de la conversation, un camion venait de prendre la route à toute allure. Elle donna l’adresse de Diane ainsi que son nom. Martine ne pouvait pas partir, elle les attendait en larmes, essayant à plusieurs reprises de lui faire ouvrir la porte.

Le camion de pompier se glissa dans la rue. Les gyrophares à plein volume, ils arrivaient à toute allure. Plusieurs hommes en uniformes descendaient et courraient dans sa direction.

- C’est vous qui avez appelé ? Dis l’un d’entre eux.

- Oui, répondit Martine sous le choc. Dépêchez-vous d’ouvrir la porte ! Je crois qu’elle a fait une connerie, j’ai entendu un coup de feu.

- Un coup de feu ? Répétait-il.

Ses yeux erraient dans tous les sens, il sentait le danger.

- Dites, il y a quelqu’un avec elle ?

- Non elle est seule, mais faites vite ! Dépêchez-vous d’entrer !

Un pompier, le plus âgé, semblait être le chef, il criait et donnait des ordres. L’un deux attrapa un bélier qu’il sortit du camion et ils enfonçaient la porte sans aucun souci.

Martine se faufila à travers ces uniformes et réussit à grimper quatre à quatre l’escalier en direction de la chambre.

- Descendez madame ! Criait-il en lui emboîtant le pas.

Il ne réussissait pas à la rattraper, il criait de nouveau.

- Madame, descendez tout de suite !

Le ton se faisait grave et menaçant. Martine arriva devant la porte et posa la main sur la poignée, redoutant ce qu’elle allait y trouver. Elle l’ouvrit et s’effondra à genoux, les mains sur le sol. Elle pleurait. Elle mit une main à sa bouche et l’autre contre sa poitrine. Elle dit en sanglotant.

- Mais qu’est-ce que t’as fait ? Oh mon dieu, Diane, pourquoi t’as fais ça ?

Diane gisait dans son sang. Elle venait de se tirer une balle dans la tête. Son sang avait giclé sur les murs et sur le drap. On pouvait déjà sentir l’odeur amère du sang dans la pièce.

Ses yeux restés grands ouverts fixaient Martine devant la porte. Un gros trou au niveau de la tempe droite lui déformait le visage. Sa peau pendait et son œil droit ne semblait plus tenir à ses fragments. Martine eut un haut le cœur. Un pompier la prit sous les bras pour la relever. Son poids paraissait avoir doublé tant ses jambes fléchissaient.

- Sortez madame, ne restez pas là, fit une voix douce qui se voulait compatissante.

Pendant qu’il lui parlait sans la regarder, un autre pompier entra dans la chambre et s’approcha de Diane.

- Eh les gars ! Venez vite, elle respire encore !

Deux autres pompiers grands et costauds arrivaient en courant munis d’une trousse de secours et d’une bouteille d’oxygène. Le plus jeune des deux hommes, Henri Thomas, se plaça au dessus d’elle et lui posa le masque sur le visage en faisant très attention.

- Ne bougez pas madame, on est là, on va prendre soin de vous.

D’un geste maladroit et tremblant, elle l’empêcha de poser le masque sur son visage et lui chuchotait, d’une voix presque inaudible : Je me vengerai. Ses mains retombaient lourdement. Elle ne respirait plus.

- Merde ! On vient de la perdre !

Henri Thomas se souleva et se plaça à ses flancs sur le lit. Il hurlait.

- Défibrillateur ! Allez !

Deux hommes apportaient l’appareil. Le jeune pompier déposa un gel sur chaque électrode et compta à rebours en partant de trois.

- Trois, deux, un, dégagez !

Le corps de diane se soulevait brusquement puis retombait comme une masse. L’électrocardiogramme ne montrait plus aucune activité cardiaque. Les dérivations étaient devenues des lignes droites courant jusqu’à l’infini. Il renouvela la manœuvre deux fois puis il du se résigner et accepter de la laisser partir.

Il se leva et la laissa exactement comme elle se trouvait en attendant la police criminelle.

Moins de cinq minutes après, des hommes en uniformes bleus de la police criminelle pénétraient dans la maison, accompagnés par des hommes de l’INPS (Institut National de la Police Scientifique). Ils montaient au premier étage où le bruit se faisait entendre. Le visage masqué en blanc et la tête complètement recouverte, on ne voyait que la partie supérieure de leur visage. Ils portaient également des sur chaussures en tissu blanc. Une femme cette fois-ci installa un ruban adhésif jaune en haut des escaliers. Elle délimitait le périmètre à ne pas franchir. Avec une lampe bleue les enquêteurs recherchaient d’éventuelles traces de sang autour de celles déjà existantes. Un homme de petite taille, prenait des photos de la scène de crime et plaçait des petits plots jaunes numérotés à chaque fois qu’il y avait un nouvel indice ou quelque chose de suspect. La jeune femme mit soigneusement l’arme dans un sachet plastique. Elle fit un prélèvement sous les ongles de la victime et releva une empreinte digitale pour la comparaison avec celles qu’elle trouverait sur l’arme. L’homme continuait de flasher tout ce qu’il voyait il fit plusieurs clichés de la victime, du mur et du lit.

- Suicide ! Conclut celui à l’appareil photo.

- T’es sûr ? Demande la femme.

- Sans aucun doute.

Il s’adresse à un pompier resté en retrait de la scène.

- Heure du décès ?

- 15H45.

- OK les gars, relever tout ce que vous pensez être important. Au fait ? Qui est l’autre femme ?

- Une voisine, c’est elle qui nous a appelé. La maison était fermée à clé à notre arrivée et nous avons dû enfoncer la porte pour entrer.

- Et les fenêtres ? Rien d’ouvert ?

- Non absolument rien, j’en suis sûr.

Le policier qui écoutait la conversation des deux hommes, passa une main dans ses cheveux en regardant les photos d’enfants sur les murs. Victor Anselme, la quarantaine, les cheveux grisonnants et une belle bedaine exerce depuis plus de quinze ans dans la section criminelle. Il fit un tour rapide des pièces de la maison et entra dans la chambre des enfants. Il fut pris d’un excès de colère et cria.

- Putain de merde ! Où sont les gosses ?

- À l’école j’imagine, le rassura le jeune pompier.

- Mais qu’est-ce qu’il lui a prit ? Pourquoi mettre fin à ses jours quand on a deux petites têtes blondes comme ça ?

Soudain, il observa Diane puis le jeune pompier maculé de sang.

- Votre identité !

- Henri Thomas Monsieur !

- Vous êtes arrivé à quelle heure dans la maison ?

- 15H25 ou 30 monsieur.

Il s’interroge.

- Ce qui veut dire… Qu’elle n’était pas encore morte à votre arrivée sur les lieux ?

- Non monsieur, elle est décédée peu de temps après notre arrivée.

- Mais, que fait-elle encore ici ? Fit-il en désignant Martine du doigt. Je vous avais dit de la faire sortir de là ! Tom ! Ordonnait-il. Prenez-la par le bras et descendez-la au rez-de-chaussée.

Son collègue, presque aussi âgé que lui, l’aida à descendre dans la salle à manger. Victor se tourna vers le pompier et l’interrogeait de nouveau.

- Vous a-t-elle parlé avant de mourir ?

- Non, elle n’a pas eu le temps. Euh… si ! Se souvient-il.

- C'est oui ou non !

- Oui, elle a seulement murmuré qu’elle se vengerait, mais je ne sais pas de qui ni de quoi.

- Vous en êtes sûr ?

- Oui, balbutia t-il.

- Vous me mettrez cela par écrit pour demain sur mon bureau, Thomas !

- Oui monsieur !

Victor passait à nouveau la main dans ses cheveux, cela lui donnait l’air de réfléchir.

Il y a quelque chose qui me dérange marmonnait-il. Elle a de si beaux enfants… Pourquoi ?

Il ne comprenait pas que l’on puisse se donner la mort, conscient de laisser une famille. Il la trouvait égoïste. Peu importe les problèmes, pour lui, il y avait toujours une solution. Il n’acceptait pas ce geste. Et puis, pour une femme croyante, comme tout le laissait à supposer dans cette maison, elle devait savoir que les portes du paradis lui seraient fermées à son arrivée. Elle n’aurait droit qu’aux portes brûlantes, à ce côté qui effraie. Cette partie que tout le monde veut éviter. Et elle, elle y serait aller tout droit ?

- J’ai du mal à le croire ! Fit-il à voix haute.

Chapitre 2

En arrivant devant chez lui, avec ses enfants, Jack aperçu les pompiers et deux voitures de police ainsi qu’une voiture bleue de la BAC (Brigade Anti-Criminalité).

Noémi comme que tous les curieux du quartier, se trouvaient devant la maison. Personne ne savait ce qui se passait.

- Noémi ! Interpella Jack. Que se passe t-il ?

La jeune femme fut surprise par la question. Il aurait du le savoir.

- J’en sais rien mais je crois que c’est ta femme.

- Diane ? Elle va bien ?

- Je ne sais pas. Laisse-moi tes enfants et vas voir !

Il la remercia et courut chez lui.

- Diane ! Diane ! Hurlait-il.

Un policier en fraction devant la porte d’entrée, le stoppa net dans son élan.

- Que se passe t-il ? Où est ma femme ?

Victor Anselme se rapprocha de Jack. Il reconnut les petites têtes blondes dans le jardinet et posa un regard endurcit par la colère sur l’homme qui se tenait face à lui.

- Vous êtes le mari ?

- Oui pourquoi ? Elle est Où ?

- Attendez ! Dit-il en levant les mains pour le stopper. Ici c’est moi qui pose les questions !

- Où étiez-vous cet après midi ?

- Au boulot comme d’habitude. Bon ça y est, je peux la voir maintenant ?

- Non pas tout de suite, venez avec moi dans la cuisine.

Jack aperçu Martine en larmes sur le canapé entouré d’un policier et d’un pompier qui tentait de lui parler ou de la consoler.

- Mais que se passe t-il ici ? Qu’est-ce qu’elle fait là ?

Il ne supportait plus le manque de réponses à ses questions, il s’énervait.

- Mais putain, vous allez me répondre ! Je veux voir ma femme ! Et tout de suite !

- Calmez-vous monsieur. Ce que j’ai à vous dire ne va pas être facile pour vous. Il va falloir être fort, pour vous et vos enfants.

Il marqua un temps d’arrêt, comme pour trouver les bons mots, mais ceux-ci n’arrivaient pas. Jack commençait à se douter qu’il était arrivé un malheur à sa femme. Sa colère s’atténua, ses yeux semblaient tomber vers le bas de son visage et sa peau s’affaissa tout à coup. Le policier comprit qu’il avait réalisé ce qui se passait.

- Monsieur, les mots me manquent… Votre femme… s’est suicidée.

Jack ne semblait pas avoir mesuré l’ampleur des mots qu’il entendait.

- C’est une blague ! Une très mauvaise blague ! Vous avez intérêt à me laisser monter voir ma femme ! Et tout de suite !

Le policier insista avec délicatesse et compassion.

- Monsieur, asseyez-vous. Je n’ai pas pour habitude de plaisanter avec ce genre de chose. Votre femme nous a bel et bien quitté tout à l’heure. L’équipe médicale a tout tenté pour la sauver mais rien n’y a fait.

- Attendez ! Vous êtes en train de me dire que ma femme est morte ! Mais comment ? Qu’est-ce qui c’est passé ? Je peux la voir ! S’il vous plaît.

Les larmes emplissaient ses yeux à grande vitesse. Il prit soudain, conscience du drame.

- S’il vous plaît, monsieur, laissez moi voir ma femme une dernière fois.

Le policier eut pitié pour ce pauvre homme et le laissa monter à l’étage.

- Attention ! Le prévient-il, ce n’est pas beau du tout ce qu’il y a là-haut !

Il monta malgré le conseil du policier. Devant la porte, un pompier le stoppa de la main.

- Je ne peux pas vous laisser entrer, elle n’est pas jolie jolie.

- Laissez ! C’est le mari ! Il veut la voir une dernière fois avant que les pompes funèbres n’arrivent.

- Oui je comprends, mais je vous aurai prévenu, continua le jeune pompier.

Jack pénétra dans la chambre à petit pas comme pour ne pas risquer de la réveiller. Le mur fut sa première vision, ensuite les draps puis le visage de sa femme. Il porta ses deux mains sur sa bouche en voyant le trou énorme au niveau de sa tempe droite. On distinguait très nettement le passage de la balle. Elle n’était pas sortie du crâne. Aucune perforation du côté gauche n’était visible. Un diamètre d’environ trois centimètres dévoilait l’intérieur et les tissus veineux. Il crut même apercevoir son cerveau. Malgré ses mains devant sa bouche, il vomit.

- Ça va monsieur ? Demande Victor. Il lui tapota le haut des épaules.

- Je vous l’avais dit, vous devriez sortir, les pompes funèbres sont en bas.

- Encore cinq minutes, s’il vous plaît.

- Je reste derrière la porte. Vous n’aurez qu’à sortir et nous les laisserons entrer.

- Merci.

Victor quitta la chambre et le laissa seul se recueillir près de sa femme. Il pleurait et monologuait. Il lui parlait et espérait qu’elle réponde.

- Diane, ma chérie, regarde ce que tu as fait ! Tu veux que je dise quoi aux enfants ? Pourquoi t’as fait ça ? Diane… Oh non. Tout ça à cause de Martine ! Tu aurais dû m’attendre ce soir pour qu’on en parle ! Je t’aime tellement mon amour. Pourquoi tu me laisses seul avec nos enfants ? Diane ma chérie…

Il continuait de lui parler tout en pleurant.

A cette vision, Victor comprit qu’il avait besoin de vider son cœur lourd. Il supposa également qu’une dispute d’amoureux pouvait en être la raison. Un suicide signifiait que l’affaire était classée. Il n’aurait plus la main sur ce dossier pour lequel il se sentait totalement impliqué. Il avait lui aussi des enfants et cela le touchait particulièrement d’imaginer ces chérubins sans leur maman.

Diane suspendue dans les airs au dessus de son lit, ne pouvait être que spectatrice de ce qui se passait sous ses yeux. Elle criait qu’elle l’aimait aussi mais personne ne semblait l’entendre. Elle essayait de lui expliquer son geste mais en vain. En cet instant, elle fut prise de remords et regretta ce qu’elle venait de faire. Elle lui dit que, tout ce qu’elle avait fait n’était que par amour pour lui, qu’elle n’aurait pas supporté une trahison. Elle l’implorait de lui pardonner et en même temps jurait qu’elle se vengerait de Martine.

Jack sortit de la chambre et rejoignit Victor dans la cuisine. Celui-ci observait Martine depuis sa place. Il essayait de comprendre ce qu’il pensait déjà être la raison de ce drame.

- Ah, vous voilà ! Fit-il en direction de Jack. Encore toutes mes condoléances. Elle était si jeune…

Il tapota son épaule amicalement.

- Au fait, vous pourrez passer demain au commissariat pour un interrogatoire de routine ? J’aurai quelques questions d’usage à vous poser. Rien de bien méchant mais, il le faut avant de clôturer ce dossier définitivement.

Il dodelina de la tête pour dire qu’il viendrait.

- Les pompes funèbres passèrent devant la cuisine avec un chariot sur lequel un grand sac noir enveloppait sa femme.

Les enfants entraient dans la maison en courant, vers leur père.

- Maman est là ? Lança Sandra.

Bien qu’un peu grande, son père la prit dans les bras pour lui dire que ce soir leur maman ne dormirait pas à la maison.

- Excuse-moi, dit Noémi. J’ai pas réussi à les retenir.

- Il ne lui répondit pas et lui adressa un léger sourire.

- Mais pourquoi y a tous ces gens dans la maison ? Continuait la petite.

- Ils sont venus rendre visite à papa mais ils vont bientôt partir.

Il ouvrit la porte fenêtre de la salle à manger et les envoya jouer dehors avec un goûter.

- Vous voulez que je passe vers quelle heure ? Reprit Jack au policier.

- C’est vous qui voyez. Prenez le temps d’emmener vos enfants à l’école et de nettoyer votre maison. Mais ne venez pas trop tard, je serai au bureau jusqu'à 16h.

- OK j’ai compris.

Il se tournait vers Noémi et lui annonça la mort tragique de Diane. Elle ne pu retenir ses larmes.

- Non pas devant les enfants s’il te plaît. Il faut leur épargner ça maintenant.

Elle répondit qu’elle comprenait en secouant la tête et sécha ses larmes.

- Je leur expliquerai à ma façon et avec les mots qu’il convient d’utiliser pour des enfants de cet âge.

- Je comprends oui, il ne faut surtout pas les perturber ou les déstabiliser. Si jamais tu as besoin de mon aide, pour quoi que ce soit, Jack tu peux compter sur moi, maintenant et dans les jours qui viennent.

- Ça compte beaucoup pour moi ta gentillesse. Merci Noémi.

Chapitre 3

Martine était restée dans la salle à manger, elle attendait. Son mouchoir écrasé dans la paume de sa main essuyait de temps en temps une larme ou son nez qui coulait. Jack s’approcha d’elle et la serra dans ses bras pour la consoler. La jeune femme sanglotait.

- C’est le bruit du coup de feu qui m’a affolé, j’ai rien pu faire, je suis désolée.

- Ce n’est pas ta faute, j’aurai du le voir venir.

Elle ne comprenait pas qu’il puisse rester de marbre. Le chagrin et la perte de l’être cher, ne se lisaient aucunement sur son visage. Il voulait certainement paraître fort pour ses enfants et éclaterait en sanglots une fois seul, songeait-elle.

- Tu devrais aller chez moi avec les enfants en attendant Yann. Je vais nettoyer la chambre si tu veux pour que les enfants ne voient rien.

Il titubait et faillit tourner de l’œil à l’idée de revoir la chambre pleine de sang.

- Écoute, va chez moi ! Continuait Martine en le tenant par le bras. Sers-toi un verre et attends Yann, je vais nettoyer pendant ce temps là et vous reviendrez un peu plus tard.

Jack perdait presque l’équilibre, ses jambes fléchissaient et sa tête tournait.

- C’est pas très beau là haut. T’es sûr que tu veux vraiment t’en occuper ?

- Je te l’ai dit, va chez moi avec les enfants et essaie de te changer les idées un instant.

Il la remercia pour sa gentillesse et sa sollicitude.

- Noémi ! Appela Martine, tu as le courage de venir m’aider ? Faut nettoyer la chambre !

Noémi ne jouissait pas d’une excellente santé. Elle souffrait de vertiges à répétitions et la vue du sang l’insupportait. Elle déclina gentiment la demande de son amie, mais proposa sa fille aînée. Martine ne refusa pas, elle ne pouvait pas le faire toute seule. Noémi appela chez elle et tomba immédiatement sur Manon.

- Maman ? Mais t’es où ? Y a les pompiers dans la rue, je crois qu’il se passe quelque chose de grave chez Diane !

- Oui je sais, j’y suis. Tu peux venir nous rejoindre s’il te plaît, Martine à besoin de toi. On va t’expliquer ce qui s’est passé.

Manon sauta dans ses converses et courut chez Diane. Essoufflée, elle questionna sa mère puis Martine. Celles-ci lui expliquaient que Diane venait de se suicider, qu’elle s’était tiré une balle dans la tête et que la chambre était maculée de sang. Martine avoua que seule, elle ne pourrait pas la nettoyer. Manon paraissait froide, insensible, comme à son habitude et astiquer cette chambre ne semblait pas la déranger outre mesure.

- Bon alors ? On y va ? Lança la jeune fille presque impatiente de monter.

Martine ouvrit la marche, suivi de Manon pendant que Noémi attendait au salon n’osant à peine croiser les photos de Diane sur les murs.

- Wouah ! C’est crade ! S’exclama Manon. Elle a fait ça comment ?

- Oh, j’en sais rien, elle s’est tirée une balle avec le flingue à grenailles de Jack.

- Mais elle est folle ! Pourquoi elle a fait ça ? Elle n’a pas pensé à ses gosses ?

Martine se sentait coupable et préférait ne pas répondre.

- Merde ! C’est quoi ce truc ?

- Je crois… – Elle s’approcha pour mieux regarder – Oui c’est bien ça, ce sont des morceaux de chair, répondit Martine tout aussi écœurée.

- De la chair humaine ? Y en a partout !

- Je sais bien. Tu sais ce qu’on va faire, on va tout mettre à l’intérieur du drap et jeter tout ça à la poubelle. Je vais chercher un grand sac.

Manon ne dit rien, elle nettoyait et frottait sans se plaindre. Avec une éponge humide, elle essayait d’enlever une grosse tache de sang sur la moquette du côté où dormait Diane. La tache résistait mais disparue au bout d’une petite heure d’acharnement. Martine nettoyait le mur et le lit. Elle passait l’éponge partout. Sur le chevet du lit, toujours du côté de Diane, un cadre photo de la famille était lui aussi plein de sang. Elle hésita à passer un coup d’éponge tant l’émotion fut forte.

Diane, toujours présente dans la pièce, observait sans rien dire, l’acharnement avec lequel Martine mit tout en œuvre pour que la chambre soit propre.

Manon montra quelques signes de fatigue et s’assied sur le lit un instant.

- Il fait froid, tu ne trouves pas ? Lança la jeune fille.

- Non, je dirai plutôt que je crève de chaud avec tout ça !

- C’est pas que j’ai froid, mais je sens un courant d’air glacial.

- C’est sûrement la porte d’en bas qui est restée ouverte.

Manon septique, en profita pour reprendre des forces avant de mettre de la poudre sur la moquette et de passer l’aspirateur. La vue du sang ne la gênait pas et le travail ne lui faisait pas peur, mais un sentiment étrange, qu’elle ne pouvait expliquer, l’effrayait. Pour avoir regarder, sans jamais y avoir vraiment cru, un grand nombre de film d’horreur ou de thrillers américains , elle ressentait une présence dans la chambre mais elle n’osait pas le lui dire, au risque de passer pour une trouillarde.

- Enfin, c’est fini ! Lança Martine à bout de souffle. Manon attrapa le grand sac poubelle et le descendit.

Au bas des escaliers, une chaleur douce enveloppa son corps. Elle savait maintenant qu’elles n’étaient pas seules dans la chambre mais se garda bien d’en parler à qui que ce soit.

- Ça va ? C’était pas trop dur ? S’inquiétait Noémi en voyant redescendre sa fille.

- Je suis complètement naze. Tu peux monter admirer notre travail si tu veux, c’est comme neuf.

- Oh non… Je préfère pas, tu me connais, je me sentirai pas bien.

Martine déposa le sac devant la maison.

- Vous êtes prêtes? On y va ? Moi j’en ai marre !

- On y va ! Reprit Noémi qui n’était pas à l’aise dans la maison.

Martine prit soin de fermer les fenêtres et la porte à clé. Elles allaient rejoindre Jack et les enfants.

La pendule du salon affichait 21h15. Yann avait préparé le dîner et ne pu s’empêcher de dévisager sa femme à son arrivée. Elle le rejoignait dans la cuisine en le remerciant pour le dîner.

- Alors ! T’es fière de toi ? Lançait-il amèrement.

- Fière de moi ? Tu crois que c’est de ma faute ? C’est ça ?

- Non, je crois seulement que tu viens de détruire une famille et que tu laisses deux orphelins ! C’est tout ! Continuait-il aussi durement.

Elle se sentait perdue et n’ignorait pas que sa relation avec Jack était la principale cause à tout cela. Elle se dit que pour régler ce genre de conflits, il y avait d’autres moyens. Elle aurait pu en parler avec son mari ! Songeait-elle. Et puis, si leur amour ne connaissait aucune faille, il n’aurait pas cédé à la tentation !

Sa froideur envers tout cela, n’était que le fruit d’une grande culpabilité. Elle observa du coin de l’œil Sandra et Michaël endormis sur le canapé. Les larmes montaient puis coulaient. Elle éprouvait une grande souffrance intérieure.

Manon n’aimait pas l’atmosphère qui pesait, elle sentait la lourdeur du temps à l’approche d’une tempête.

- Maman ! Fit la jeune fille, on rentre ? J’ai cours demain.

Noémi n’eût pas le temps de répondre à sa fille que, Martine la prit de vitesse.

- Oui c’est vrai, je ne pensais plus à toi. Merci beaucoup pour ton aide. Sans toi, je ne sais pas ce que j’aurai fait. Encore merci Manon.

La jeune fille prit la route avec sa mère comme ci de rien n’était. Un vent frais soufflait à l’extérieur mais rien à voir avec celui qu’elle avait ressenti chez Diane. A cette seule pensée, elle eût des frissons.

- Dis maman, t’as rien sentit d’étrange chez Diane ?

- Étrange comment ?

- Je ne sais pas, un sentiment bizarre comme ci Diane… Était… Était encore là elle aussi.

Noémi observa sa fille et vit qu’elle était sérieuse.

- C’est ton imagination. Tu devrais arrêter de regarder tous ces films !

- Aucun rapport avec les films ! Continuait la jeune fille. Je sais ce que je dis !

Et Manon décida de ne plus jamais en parler à qui que ce soit. Cette sensation mystique, elle l’avait ressenti, elle n’inventait rien. Mais qu’importe, puisque de toutes les façons on ne la croyait pas.

Elle se réfugia dans ses devoirs et ne prit pas la peine de manger, elle n’avait plus faim. Le comportement de sa mère l’attristait.

Chapitre 4

Un ans auparavant...

Plus de doute, la famille Dianon allait enfin déménager. Le facteur venait d’apporter ce matin, en recommandé, la confirmation et l’acceptation du déménagement. Ils allaient enfin pouvoir quitter leur vieil appartement situé au quatrième étage d’un immeuble vétuste âgé d’environ soixante ans pour une jolie maison implantée dans un quartier résidentiel au sud de la Seine et Marne. A seulement dix minutes de chez eux, le contexte de vie n’était plus du tout le même.

La Citroën grise s’engageait dans la résidence et, devant le numéro 18 de l’avenue Henri Martin, la conseillère immobilière attendait les clés en mains.

Le couple descendait de voiture pour rejoindre la femme qui souriait de toutes ses dents.

- C’est la dernière visite ! S’écria-t-elle en agitant les clés. On signe les papiers et elle est à vous !

Le couple se regardait. Heureux, ils avançaient main dans la main. La jeune femme leur ouvrit la porte et les laissa entrer en premier.

- Wouah ! Lança Martine en serrant un peu plus fort la main de son mari. J’avais oublié comme c’était grand, beau et… Spacieux.

Elle écarta les bras, fit un tour sur elle-même en levant la tête vers le plafond où de belles empreintes moulées étaient dessinées et creuser pour former une architecture de style. Yann souriait et éprouvait beaucoup de bonheur en voyant les milliers d’étoiles briller dans les yeux de sa femme.

La conseillère procédait à la signature du bail et contemplait avec admiration leur enthousiasme. Elle leur confia les clés avant de partir.

- Voilà ! Cette jolie maison est à vous maintenant. Je vous souhaite plein de bonheur.

Elle se dirigea vers la porte et d’un geste de la main leur dit au revoir. Ils la remerciaient à l’unisson. Le couple se retrouvait à présent seul dans ce qui allait devenir leur « nouvelle vie ». Martine ne cessait de monter et descendre les escaliers. Elle parcourait la maison de long en large et en travers sous le regard complice de son mari.

- Je crois qu’il est temps pour nous de rentrer et d’annoncer la nouvelle aux enfants, dit-il en connaissant à l’avance la réponse de sa femme.

- Oh, fit-elle l’air déçu. Laisse moi encore un peu savourer ma maison s’il te plaît mon amour.

Il sourit, fier d’avoir anticipé sa réponse. Il ne dit rien et comme elle, il continuait sa visite. Le jardin ne leur semblait pas très grand mais particulièrement confortable, il faisait environ cinquante mètres carré surplombé d’une petite terrasse carrelée.

Martine ne voulait plus rentrer dans son petit appartement. Elle du s’y résigner malgré tout et quitter les lieux tout en sachant que dès le lendemain elle reviendrait.

Dans la voiture, un rayon de soleil ou de bonheur illuminait son visage. Elle paraissait transformée. Ses yeux brillaient de mille feux.

Les enfants s’impatientaient du retour de leurs parents quand soudain, la porte d’entrée s’ouvrit et laissait place au sourire radieux de Martine. Ils ne tenaient plus en place. Ils avaient envie de savoir où se trouvait leur nouvelle maison et surtout comment elle était. Yann et Martine décrivaient tout dans les moindres détails, à savoir, une chambre pour chacun, une salle de bain à l’étage, deux WC, une grande salle à manger avec un coin cheminée, un garage pouvant accueillir deux voitures et une cuisine équipée. Elle aurait pu dépeindre la maison dix fois de suite sans s’en rendre compte. Quand à eux, les enfants étaient impatients de la voir maintenant.

A peine installés, tout le monde ne tarda pas à se faire de nouveaux amis. Les enfants reprirent très vite un cycle scolaire normal et pour les parents, rien ne semblait avoir changé mis à part le sourire mêlé au bonheur que l’on pouvait lire sur le visage de Martine à longueur de journée. Yann était heureux à travers sa femme, il vivait pleinement son bonheur.

C’était une femme qui, d’ordinaire, respirait la joie de vivre. A peine 38 ans et du haut de ses 1m62 elle paraissait légèrement ronde, ce que l’on pouvait expliquer par ses quatre grossesses rapprochées. Ses cheveux châtains légèrement bouclés, aux pointes asséchées se traduisaient par un grand nombre de colorations faites maison et à base d'ammoniac. Elle ne travaillait pas, elle préférait s’occuper de ses enfants, être mère au foyer représentait un véritable travail à plein temps. Elle passait également tous ses après-midi avec Noémi, son amie et voisine. Noémi était une petite femme trapue aux cheveux ébène raides et très fins. Nourrice depuis de nombreuses années, elle gardait des bébés à son domicile, âgés de trois mois à trois ans, en plus de ses quatre enfants.

Les deux jeunes femmes avaient su tisser une relation quasi fraternelle mais Martine jalousait tout, et tout le monde. Elle s’empressa de prévenir Noémi de son déménagement imminent sans jamais d’animosité ni méchanceté, elle était comme cela. Elle composa son numéro et en peu de temps, elles échangeaient cris, éclats de rire et l’une comme l’autre ne tenaient plus en place, elles sautaient de joie. Noémi semblait pressée de visiter la maison de son amie.

- Dès que nous serons installés, vous viendrez boire un coup à la maison, lança Martine.

- D’accord, mais prends ton temps, rien ne presse, reprit Noémi. Je ne pense pas que tu veuilles encore déménager ?

Martine lança un regard furtif autour d’elle avant de répondre à son amie. L’appartement qu’elle avait sous ses yeux ne collait plus du tout avec ce somptueux palace qui était maintenant à elle. Elle rapprocha le téléphone de sa bouche.

- Ah ça non ! J’y resterai aussi longtemps que je pourrai.

- Bon alors tu vois, on a le temps de boire un coup, rien ne presse.

- Oui t’as raison, mais je veux que tu sois la première à venir chez moi.

- J’y compte bien ! Fit-elle en souriant.

Noémi se sentait flattée par l’attention de son amie. Pourtant, aussi loin que sa mémoire pu remonter, elle ne se souvenait pas d’un tel enthousiasme pour quelque chose, surtout venant de Martine. Elle préféra ne plus y penser et occupa son esprit avec les enfants qu’elle gardait. Très souvent, elle leur parlait souriait et chantait. Rares étaient les fois ou elle criait sur eux, elle savait se faire comprendre, un regard suffisait.

Noémi débordait d’une incroyable générosité et ne savait pas dire non. Son mari, lui, ne prenait pas soin d’elle et préférait de loin la compagnie des autres femmes. Infidèle et d’une méchanceté excessive, il ne méritait pas une femme aussi douce et gentille. Les quatre enfants souffraient de ce malaise omniprésent qui régnait dans la maison. Personne ne semblait se préoccuper du ressenti des membres de cette famille. Martine, dotée d’un fort caractère, prenait souvent la défense de Noémi au cours de leurs querelles tout en restant neutre mais du côté de son amie. Elle s’entendait très bien avec la plus grande fille de Noémi, Manon. Cette jeune fille d’environ seize ans eut à traverser beaucoup d’épreuves dures, en particulier avec son père qu’elle n’affectionnait pas. Elle voyait en la personne de Martine, une amie, une confidente, un refuge comme une furtive évasion mais beaucoup plus que ça encore, une seconde mère avec qui elle parlait de tout sans jamais être jugée ni grondée pour quoi que ce soit. De tout sauf de ce terrible et effroyable cauchemar qui hantait continuellement son esprit torturé ainsi que ses nuits.

Manon, de par cette horrible souffrance, se forgea un caractère bien trempé. Douée pour les études, elle possédait également une grande énergie à toute épreuve. Elle ne se laissait pas marcher sur les pieds et savait être douce lorsqu’il le fallait. L’aînée de trois filles, elle protégeait ses sœurs des autres enfants mais aussi des conflits familiaux. Son frère âgé d’à peine un an de plus qu’elle, se sentait lui aussi protégé à ses côtés. Elle aimait les sports de combats et pratiquait le karaté depuis à peu près cinq ans. Ceinture bleue, elle ne briguait qu’à une seule chose, passer enfin la marron. Son professeur de karaté ne la sentait pas en parfaite harmonie avec ce sport, il l’estimait encore trop violente, sans aucun self-control. Pour lui, il ne s’agissait rien d’autre que de pulsions débordantes d’une jeune adolescente en phase de rébellion contre le monde. Il s’obstinait à retarder le passage de grade autant qu’il le pouvait.

A coté de cela, Manon débordait d’amour et sa gentillesse incommensurable avait souvent raison d’elle, si bien qu’elle se faisait avoir par son entourage ainsi que par des personnes qu’elle connaissait peu. Son comportement et son mal être cachaient bien évidemment un profond malaise, un appel à l’aide, mais par-dessus tout un cri de haine envers ce monstre qu’était son père. Malgré l’intimité profonde qui unissait Manon et Martine, la jeune fille ne semblait pas encore prête à lever le voile sur son lourd secret. Et puis, l’occulter sans toute fois l’oublier, était pour elle un moyen comme un autre de se dissimuler et se cacher derrière ce qu’elle appelait « sa honte ».

Martine la sentait différente des autres enfants mais elle n’osait pas lui poser trop de questions au risque de la voir se renfermer sur elle-même. Elle préférait la laisser se confier toute seule au moment où elle en ressentirait le besoin.

Chapitre 5

La maison de Martine prenait une allure bien confortable. Ses nouveaux voisins se réjouissaient de la connaître. Ce petit bout de femme respirait le bonheur et la vie à pleins poumons.

- Martine ! Martine ! Criait Noémi assise sur le canapé.

Elle sursauta.

- Quoi, qu’est-ce que t’as ? Lança t-elle de la cuisine.

Elle se précipita vers le salon en imaginant le pire.

- Panique pas ! Je voulais juste que tu vois la télé, ils parlent de nous et de notre ville.

- Quoi ? Tu cries seulement pour ça ! Mais t’es complètement folle !

Noémi pointait du doigt l’écran qui lui faisait face. Excitée comme une petite fille, elle s’exclamait,

- Regarde ! On passe à la télé !

Martine constata très vite que son amie disait vrai. Elles riaient et sautaient dans tous les sens, fières d’être vues sur les chaînes locales.

Un journaliste présentait le nouveau quartier résidentiel où vivait Martine. Il expliquait succinctement les démarches à suivre pour y acquérir une maison. Bien que très jolies, il ne manquait pas de préciser que le nombre d’habitations restantes était, approximativement, de 10. L’idée germa immédiatement dans la tête de Noémi. Elle refusa d’en parler à son amie pour le moment. Martine se jeta sur la télécommande et, sans se soucier de qui que ce soit, zappa sur une autre chaîne.

- On n’a vraiment pas besoin d’entendre leurs conneries ! Maugréa la jeune femme en repartant vers la cuisine.

Noémi ne dit rien mais fut choquée par son comportement. Elle sentait que Martine ne souhaitait pas qu’elle vive elle aussi dans une jolie maison. La jeune femme s’en moquait, elle avait entendu l’essentiel de l’information.

- Je te sers un café ? Lança Martine comme ci de rien n’était.

- Non ça va aller, j’en suis à mon troisième déjà.

Elle se leva du canapé pour la rejoindre dans la cuisine.

- Tu fais quoi de bon ? Tu veux de l’aide ?

- Oh non confia t-elle, je préfère le faire moi-même.

Noémi se sentit frustrée par sa réaction mais s’efforça de ne pas lui en tenir rigueur.

Martine préparait une série de croque monsieur pour sa famille. Elle avait enclenché une certaine cadence par habitude et ne voulait pas rompre la chaîne. Elle expliqua à son amie qu’elle œuvrait selon un certain ordre et que sa façon de les préparer lui permettait de gagner du temps.

Noémi comprit et la regarda faire en silence, le tout, sans risquer de la gêner. Martine sortit les premiers du four et lui en proposa un. La jeune femme ne pouvait pas refuser d’y goûter. Elle le prit, le mit en bouche et, en quelques mastications s’en délecta. Le pain si moelleux même après un passage au four, se mêlait parfaitement avec ce fromage fondant et coulant.

- Trop bon ! Marmonnait-elle encore la bouche pleine.

- C’est vrai, tu aimes ?

- Oh oui, faudra que tu me dises comment tu les fais pour qu’ils soient aussi moelleux.

- Pas de soucis, t’as juste à me regarder faire. C’est très rapide tu sais.

Elle observait mais tout allait beaucoup trop vite. Elle connaissait les bases et reproduirait à peu près les gestes de son amie.

Pour l’instant, sa principale préoccupation était de savoir s’il restait encore de grandes maisons à louer.

- Bon, je te laisse, je vais rentrer préparer mon dîner.

- OK, je passerai te voir demain.

Sans réfléchir, Noémi lança :

- Demain ?

Elle trouva un subterfuge sous le regard insurgé de Martine.

- Euh… – Petite hésitation – Demain c’est pas possible j’ai une réunion avec la crèche tout l’après midi et le matin, c’est visite médicale pour les petits.

La jeune femme fit mine de pester tout en précisant qu’elle n’avait pas le choix. Martine n’insista pas et lui promit de la rappeler un peu plus tard dans la soirée.

Noémi s’empressa d’annoncer la nouvelle à son mari qui fut ravi à l’idée de déménager. Elle insista sur le fait qu’elle n’était sûre de rien pour le moment, qu’il lui fallait prendre rendez-vous avec l’agence avant tout.

Il promit de la soutenir et de l’accompagner en cas de besoin. Elle riait et semblait transformée en l’espace d’un instant. Ensemble, ils arrivaient à la conclusion que les enfants ne seraient prévenus qu’en dernière minute afin de n’en parler à personne et surtout pas aux enfants de Martine ni à elle-même. Cette femme avait le don de mettre des battons dans les roues à tout son entourage. Elle ne supportait pas que l’on puisse la dominer ou l’égaler dans la vie. Elle se voulait toujours la meilleure, au dessus de tout le monde malgré son négligé constant et la vulgarité qu’elle se plaisait à ponctuer à chacun de ses mots. Il fallait qu’elle se distingue à sa façon.

Chapitre 6

Noémi s’empara de tous les papiers nécessaires à la constitution du dossier pour la location de la maison. Fiches de paye, avis d’imposition, dernières quittances de loyer, relevés de compte ainsi que les cartes d’identités et un relevé d’identité bancaire.

A peine avait-elle tout rassemblé qu’elle prit contact avec une personne chargée des locations pour convenir d’un rendez-vous.

La chaleur étouffante de cet après midi d’août venait d’atteindre les 34°C. Les arbres, les fleures ainsi que le gazon montraient des signes de dessèchement. Voilà déjà plusieurs jours que la température s’obstinait à rester aussi haute. A croire que les éléments se vengeaient et se rattrapaient de tous ces jours où la pluie et l’orage dansaient ensemble en plein ciel. Noémi, légèrement vêtue s’apprêtait à se rendre au rendez-vous. Son mari l’accompagnait en voiture. Au bout d’une heure, elle sortit du bureau avec en guise de sourire, une large banane. Lorsqu’elle aperçu son mari sur le parking, elle changea de tête comme ci, les nouvelles qu’elle rapportait, n’étaient pas bonnes.

- Alors ? Dit-il impatient.

- Alors quoi ? Tu croyais que j’allais arriver avec les clés en main ?

Hamed, contrairement à ses habitudes, ouvrit la portière de la voiture et laissa monter sa femme qui fut très surprise. Elle monta et sourit fièrement. Elle hésitait à lui annoncer la nouvelle maintenant ou, attendre et le faire avec les enfants. Elle ne pu se contenir davantage et se mit à faire des gestes incontrôlés avec ses mains.

- Bon, j’en peux plus. Je vais te le dire tout de suite.

A peine monté dans la voiture, il ne comprenait pas ce qu’elle avait.

- Me dire quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?

- Voilà, commença-t-elle. Nous avons une maison. C’est le dernier F5 qu’il leur restait et nous devons le visiter demain dans la matinée. Je suis trop heureuse ! S’écria-t-elle.

Elle gesticulait dans tous les sens.

- Je comprends vraiment rien ! Qu’est-ce que tu dis ?

- Je dis tout simplement qu’à l’agence, il ne leur restait qu’un seul F5 et qu’après examen de mon dossier, le conseiller nous le réserve à condition qu’il nous plaise. Donc, si t’es toujours d’accord, on risque de déménager très bientôt.

Hamed n’en revenait pas. Il n’arrivait pas à croire ce qu’il venait d’entendre et pourtant, dès à présent, il devait se faire une raison. Ils allaient déménager, eux aussi.

Noémi s’empressa d’annoncer la bonne nouvelle aux enfants qui, aux premiers abords, ne semblaient pas enchantés. Mais, l’idée germa dans leurs petits esprits et, au fil de la discussion, ils y adhéraient totalement.

- Mais attention ! Dit leur père d’une voix plus que sérieuse. Il est hors de question de prévenir Martine ou ses gosses, sinon je vous jure que vous aurez affaire à moi !

Les enfants ne prenaient pas les paroles de leur père à la légère. Chacun fit un dodelinement de la tête et répondit par la positive. Des quatre enfants, seuls trois le craignaient véritablement. Marion baignait dans son âge rebelle. Elle se fichait de tout ce que son père pouvait lui dire y compris ses menaces. Elle ne l’aimait pas, il la répugnait. Ce monstre comme elle le surnommait, ne collait plus avec sa place de père. A ses yeux, il ne faisait plus partie de sa vie ni de sa famille. Il l’avait Sali et volé son enfance. Elle ne lui pardonnerait jamais aussi longtemps qu’elle vivrait. Elle ne supportait plus sa présence, il l’écœurait.

La discussion close, les enfants rejoignaient leur chambre où ils vaquaient à leurs occupations. Hamed, continuait de marmonner dans la salle à manger.

- T’inquiète pas, le réconforta Noémi. Ils ne vont rien dire.

- Ils ont intérêt ! De toute façon, celui qui parle, c’est la ceinture !

Il venait de hausser le ton pour que de leur chambre, ils puissent l’entendre.

Le sang de Noémi ne fit qu’un tour. Elle ne supportait plus la violence sur ses enfants, comme toutes les mères d’ailleurs. Mais, comme à son habitude, elle souffrait en silence ou pleurait mais ne s’y opposait pas. Elle savait pertinemment que les coups pouvaient se retourner contre elle alors, elle laissait faire et de temps à autre se confiait à Martine. Hamed pouvait, en une fraction de seconde passer de la colère à la gentillesse mais principalement en présence d’autres femmes. Noémi s’habituait, indépendamment de sa volonté, aux humeurs de son mari.

Hamed et Noémi venaient d’emménager dans leur nouvelle maison sans en dire un mot à leurs amis ni à Martine.

Une fois correctement installés au numéro 24 de l’avenue Henri Martin, ils décidèrent d’inviter quelques amis à un dîner en l’honneur de leur maison. Noémi n’affectionnait pas particulièrement les crémaillères, elle préférait de loin se retrouver autour d’un bon dîner entre amis.

Martine faisait bien entendu parti des convives. Lorsqu’elle l’apprit, elle sortit de ses gonds et piqua une colère inexpliquée au point de fondre en larmes dans la cuisine de Noémi.

- J’en ai vraiment marre ! Lança t-elle en sanglotant. Marre, parce qu’il faut toujours que tout le monde ait la même chose que moi !

Elle pleurait à chaudes larmes.

- Je peux jamais avoir quelque chose d’unique ! Continuait-elle en reniflant.

Elle s’adresse à son amie.

- Et toi ? T’étais obligé de prendre une maison ? Et puis juste à côté de moi en plus ! Tu pouvais pas rester dans ton vieil appart non ?

Noémi ne savait pas quoi répondre et les mots qu’elle venait d’entendre l’écœurait à un degré qu’elle ne pouvait imaginer. Elle se sentait trahit, humiliée. Entendre ces paroles de la bouche de sa « soi-disant » meilleure amie. L’était-elle réellement ? Méritait-elle ce titre ? Pas de réponses à ses questions pour le moment car elle ne trouvait aucun mots. Toutes celles qui se disaient être son amie, finissaient indubitablement dans le lit de son mari. Martine ne le supportait pas et avait toujours fait en sorte que Noémi sache tout ce que son mari faisait derrière son dos. Alors, rien que pour cela, elle fit comme ci les mots ne l’avaient pas blessé et préféra la consoler.

- Ne dit rien ma chérie, chut…

Elle la prit dans ses bras et tapotait son épaule.

- C’est génial, tu ne crois pas ? On va être à côté l’une de l’autre, comme avant.

Martine essuyait ses larmes et la regardait avec sympathie.

- Tu sais, ce n’est pas ce que je voulais dire. J’ai eu un choc que tu te trouves une maison aussi vite et que tu ne me dises rien. Il a fallut que je l’apprenne comme ça en venant ici chez toi. Je croyais qu’on partageait tout ?

Noémi resta bouche bée. Non seulement elle venait de la traiter comme une moins que rien mais en plus elle lui reprochait d’avoir trouver une maison. C’était à ne rien y comprendre. Noémi savait pertinemment qu’elles partageaient tout mais uniquement lorsque cela l’arrangeait.

- Oui je comprends, dit Noémi en parlant doucement. Je suis sincèrement désolée, j’aurai du te le dire et puis, tu connais Hamed, il ne voulait pas qu’on en parle avant d’y être. Superstition, je pense ou une autre connerie dans le genre.

- Hamed, toujours lui ! Il va falloir que t’arrête de te faire manipuler par ce gros con. ! Tu ne vois donc pas ce qu’il te fait ? Il sait très bien que tu es faible de caractère et il en profite ! Je t’assure que s’il était avec moi je lui montrerai de quel bois je me chauffe !

Et pendant qu’elle s’acharnait à le critiquer, elle s’empiffrait de cacahuètes salées. Plus elle parlait, plus elle mangeait. Interrogative et impuissante, Noémi la regardait. Elle ne l’avait jamais vue dans cet état. Postée à ses flancs, la voix à demi chuchotant, elle se faisait rassurante.

- Allons, calme-toi, rejoignons les autres dans le salon, tu veux ?

Sans protester ni objecter, elle se laissa guider et la suivi avec sa coupelle de cacahuètes dans la main. Elle resta silencieuse toute la soirée. La bonne vivante que l’on connaissait n’émettait, ce soir, aucun rire, aucune parole déplacée. Elle qui d’ordinaire parlait fort, se moquait de tout et de rien, ce soir, elle se murait dans le silence. D’un œil observateur, elle scrutait l’emplacement des différentes pièces de la maison. Ce décor sans aucun goût, ne lui plaisait pas du tout. Des qu’un regard inquisiteur croisait le sien, elle souriait en guise de politesse. Bien que la duplicité ne soit pas son point fort, elle se voyait redoubler d’effort pour cette circonstance.

La soirée s’acheva et c’est en larmes qu’elle se coucha malgré la douceur de cette nuit étoilée.

Chapitre 7

Martine, pleine de vitalité et d’ardeur, ne restait que très peu enfermé chez elle. Son quotidien réunissait le ménage, les repas pour la famille, le repassage et la lessive mais également la surveillance des devoirs de ses enfants. Tout cela occupait presque la totalité de ses journées mais la routine de ce quotidien commençait à la lasser. Des plats copieux et mijotés, elle passait à des surgelés ou encore de la cuisine rapide. Le ménage qu’elle faisait de fond en comble quasi tous les jours, ne lui prenait maintenant pas plus de la matinée. Elle savait mettre les enfants à contribution. Elle trouvait important de se sentir avant tout une vraie femme et pas seulement la maman qui cuisine et fait le ménage. Elle avait réussi à se trouver un peu de temps libre dans ses journées, alors, elle sortait rendre visite à ses voisines et amies. Bien souvent une visite de courtoisie ou encore une visite un peu curieuse, à l’affût du moindre potin.

Du côté droit de sa maison, se trouvait un couple de vietnamiens très gentils avec au moins huit ou neuf enfants. On ne pouvait tous les compter tant ils étaient nombreux. Sur sa gauche, un jeune couple français tout à fait charmant, Jack et Diane Itecourt. Du fruit de leur amour en résultait deux adorables enfants. Michaël âgé d’à peine six ans avait de beaux cheveux blonds raides et très courts, le tout orné par un magnifique regard azur. Sandra, la cadette, tout juste onze ans, quand à elle, sa chevelure ondulée paille et rouille embellissait son petit minois d’ange. Elle possédait elle aussi ce regard azur et océan dans lequel, plonger dedans était un peu comme se noyer dans l’inconnu. Une multitude de taches de rousseur couvraient ses joues et le dessus de son petit nez en trompette.

Tous les enfants du quartier se connaissaient et fréquentaient la même école. Martine s’entendait très bien avec le couple qui, très vite fit presque partie de la famille.

- Salut ! Lança Martine dans l’encadrement de la porte.

- Salut, répondit la voisine.

Une accolade, deux bises et les jeunes femmes partaient dans des discussions sans aucun sens. La mode, les médias, les peoples, l’envie de travailler pour Martine et la fatigue du travail pour Diane. Elles pouvaient rester des heures entières à discuter, à rire ou parfois même à regarder un bon film.

Diane ne se méfiait jamais des autres, elle accordait sa confiance à tout le monde. Sensible et ayant déjà fait une dépression nerveuse, elle vivait un peu au jour le jour, en fonction de là, où les vents l’emmenaient. Elle ne se posait pas de questions mais restait en permanence sur ses gardes.

Martine cachait à la perfection le motif de ses visites chez Diane. En réalité, elle craquait littéralement pour son mari. Très bel homme, environ un mètre soixante quinze, cheveux bruns ni trop long ni trop court avec cette mèche qui persistait à se mettre en avant lui donnant un style beau gosse. Un regard vert bleu à en faire pâlir plus d’une avec un corps sculpté à la perfection. La naissance d’une barbe de trois jours qu’il entretenait, lui donnait ce côté un peu voyou. Elle appréciait par-dessus tout son franc parlé. Elle distinguait, à mesure que les jours passaient, le contraste évident dans ce couple. Bien que l’amour entre eux soit omniprésent, ils étaient visiblement le contraire l’un de l’autre. Elle, madame bon chic bon genre, toujours sur son trente et un et lui, intrépide, prêt à se battre avec le premier venu. Les mots qu’il prononçait étaient emprunt d’une vulgarité surprenante. Il caractérisait tout ce que Martine admirait chez un homme. Son mari Yann était l’opposé et son corps d’athlète avait fait place à une bedaine en guise d’abdominaux. Doté d’une extraordinaire gentillesse et d’une extrême patience, il incarnait le mari idéal, celui, dont toutes les femmes rêvent d’avoir. Un bon mari pour Diane songeait Martine en se moquant comme elle savait si bien le faire. Elle souffrait de claustrophobie dans son couple. Mariée depuis de nombreuses années, elle ne voyait aucun inconvénient à s’offrir, comme elle l’appelait, une petite escapade extraconjugale. Puis la raison domina la passion. Encore une de tes idées à la con ! Marmonnait-elle. Allez, cesse de te faire des films ! Continuait-elle de penser tout en se concentrant de nouveau sur son amie.

- Je t’ai pas dit ? Lança Diane en brisant le silence.

- Me dire quoi ? Non, tu ne m’as rien dit. Vas y je t’écoute.

- Ce soir, je fais garder les enfants chez mes parents et Jack m’emmène au resto. On va passer une soirée en amoureux. Ça faisait bien longtemps qu’on n’était pas sortit tous les deux. Je suis surexcitée.

Le cœur de Martine voulu subitement quitter son enveloppe et se noyer dans un océan de chagrin. Elle se contenta de hocher la tête et de paraître heureuse pour Diane qui ne cessait de gesticuler dans tous les sens.

Après une petite demi heure, ne voyant pas Jack rentré, elle se décida à quitter les lieux pour un domicile fade à son goût, sans Jack. Rêvait-elle d’une aventure sans lendemains ou d’une possible union entre deux amants consumés par le feu du désir ? Et puis, avait-il, lui aussi, envie de la connaître, de la découvrir au même point qu’elle en avait envie ? Etait-il, lui aussi attiré par elle ? Il lui fallait d’abord le découvrir avant de tenter quoi que ce soit. Pour ce soir, elle rentrerait sans avoir frôlé les joues, en guise de bonjour, à celui qu’elle convoitait en secret ni même avoir sentit son parfum. Elle aurait tant voulu lui faire la bise, sentir sa peau contre la sienne avant de se laisser griser par le désir. Elle tourna la clé dans la serrure quand derrière elle, elle entendit :

- Eh ! Bonjour voisine !

Figée devant sa porte, elle n’osait pas se retourner. Elle venait de reconnaître cette voix grave et suave en même temps. Elle restait immobile.

Une main puis un bras se glissa autour de son épaule. Des frissons l’envahirent. Tout en s’approchant très près de son oreille puis de son visage pour lui faire la bise, il murmurait accompagné d’un souffle chaud à la naissance de son cou :

- Tu vas bien chère voisine ?

Son corps devint tout à coup très faible. Elle se laissa envahir par ses émotions avant de répondre d’une voix tremblante.

- Oui je vais bien voisin.

- Qu’est-ce que t’as ? T’as une petite voix, on dirait que tu couves quelque chose. T’es malade ?

Malade ? Mais tu ne vois pas que j’ai envie de toi idiot ! Voulait-elle hurler.

- Non, je ne suis pas malade. T’inquiète pas je pense que je suis… Fatiguée.

- Tu devrais te reposer un peu et profiter des moments où ils sont tous à l’école pour faire une petite sieste l’après midi.

Oui mais, à condition que tu sois près de moi. Disait-elle avec ses yeux.

Il déposa une tape sur son épaule aussi douce que de la soie et tourna les talons.

- Au fait ! Lança t-elle. Tu viens boire un apéro quand tu veux ! N’hésite surtout pas !

Elle rougit lorsqu’il lui adressa un petit clin d’œil. Il sourit.

- Puisque tu me le proposes, je passerai boire un coup, pas de soucis.

Et il rentra chez lui. Martine était encore sur son palier. La clé dans sa main droite, elle tâtonnait désespérément à la recherche de la serrure. Elle ouvrit enfin la porte et se sentait transportée sur un petit nuage de douceur et de bonheur.

Telle une ado, elle se jeta sur son portable pour appeler Noémi et lui demander ce qu’elle pensait de son voisin. Moins excitée qu’elle, la jeune femme répondait qu’il était gentil et que c’était tout. Martine lui avoua être très attirée par lui tout en étant consciente de l’enjeu face à ce dilemme. Elle risquait de perdre sa famille, son mari et l’amour de ses enfants qui lui en voudraient d’avoir abandonné leur père. Comme tous les enfants de leur âge ils ne comprendraient pas. Noémi lui demanda de ne surtout pas agir sous l’effet d’une pulsion car tôt ou tard, elle le regretterait. Martine insista sur son attirance pour lui. La jeune femme l’en dissuada tant qu’elle pouvait mais son amie se fit distante et presque ignorante.

Elle vagabondait sur son petit nuage doux même après avoir raccroché.