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Un livre maudit, une camionnette hantée, un safari d'un genre nouveau... Treize nouvelles mêlant science-fiction, fantastique, et angoisse. Passionné de fantastique, Stéphane Leroux s'attaque à l'écriture après avoir réalisé ou co-produit plusieurs métrages d'épouvante, dont un primé au prestigieux festival de Sitges.
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Seitenzahl: 121
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Stéphane Leroux
QUELQUES MINUTES AVANT DE DORMIR
Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours voulu raconter des histoires. Je me souviens qu’enfant, je m’amusais à écrire sur un vieux cahier les suites des films qui m’avaient plu. C’étaient essentiellement des films d’épouvante. Ce serait, je pense, humiliant ou hilarant de les lire aujourd’hui. Bien plus tard, alors que j’entrais dans le monde du travail, je fus accepté comme critique de films sur internet pour feu le site « Animal attack », créé par le cinéphile acharné Nicolas Vimeux. Une aventure enrichissante à plus d’un titre, car je pouvais à la fois apprendre à écrire correctement, et décortiquer la manière dont sont racontées les histoires au cinéma. Quelques années après, je franchis un nouveau pas en créant, avec mon frère Vincent, « World In Progress Films ». Derrière ce nom pompeux se cachait une toute petite entreprise de production audiovisuelle. L’idée était de créer nos petits projets, et d’aider si possible des productions plus aisées, afin, là encore, d’apprendre par l’observation. Nous avons ainsi tourné deux courts métrages, quelques documentaires, et avons été producteurs associés sur les longs métrages « Aux yeux des vivants », du duo Bustillo/Maury, et « Achoura » de Talal Selhami. Deux expériences enrichissantes là encore, mais pas du point vu financier. Mon prochain projet se devait d’être plus modeste. Me vint alors l’idée de cumuler ma petite expérience dans l’écriture et ma passion pour les histoires. Vous détenez donc entre vos mains le résultat de cette nouvelle aventure. Ce recueil de nouvelles m’a permis de déclarer ma flamme aux films d’épouvante à sketches, que j’affectionne tant, et de rendre un hommage modeste mais sincère à l’écrivain Richard Matheson, que j’adule.
Je ne me compare nullement au Maître, mais j’espère que ces histoires, tantôt amusantes, tantôt inquiétantes, alimenteront votre machine à rêves, quelques minutes avant de vous endormir.
Stéphane Leroux
Je remercie mes parents et mes frères, qui ont toujours cru en moi, ainsi que mes amis qui m’ont soutenu lorsque j’étais au plus bas. Ils se reconnaîtront.
Cher lecteur, chère lectrice. Vous avez sans doute tous connu une histoire d’amour tragique, du genre à vous briser le cœur. Le genre d’histoire qui vous incite à vous fermer aux autres, de peur de souffrir à nouveau. Et pourtant, si vous êtes comme moi, vous ressentez ce besoin vital d’aller vers l’autre, encore et toujours. Car s’il n’y a personne pour lire en vous, à quoi bon exister ?
Ma dernière mésaventure remonte à il y a peu. J’avais rencontré Thomas lors d’un vide grenier. C’était un bel après-midi d’été. J’étais là, immobile, à brûler sous le soleil, et à ruminer sur le sens de ma vie. Cette attitude passive était mon lot quotidien après chaque rupture malheureuse, et je peux vous assurer qu’elles l’ont toutes été. Dans ces moments, mon allure était tout sauf séduisante. Plis et rides apparents. Verni estompé. Les détails ne trompent pas. Je me négligeais.
Et pourtant, cet emballage poussiéreux n’a pas fait fuir ce charmant jeune homme au teint frais, et au regard intense. Nous fîmes ainsi connaissance sous ce soleil caniculaire, Thomas me parcourant du regard avec une envie que je n’avais pas vue depuis longtemps. Il décida de m’emmener à une terrasse située non loin du vide grenier. Tandis qu’il cherchait à en connaître plus sur moi, j’appris qu’il était écrivain, ou plutôt qu’il essayait d’écrire. Un travail alimentaire contraignant l’empêchait d’avoir la force et la volonté de coucher ses obsessions sur papier, et il restait ainsi toujours sur des embryons d’idées rarement développées.
Les débuts furent fantastiques. Thomas m’emmenait partout où il pouvait. Nous étions inséparables. Ses yeux me dévoraient sans cesse d’un regard gourmand et insatiable. Mais ce n’est que lorsque Thomas m’invita dans sa chambre à coucher, qu’il comprit réellement mon pouvoir. Au départ, cela ne devait sûrement être qu’un murmure dans un coin de son cerveau. Puis, au bout de quelques jours, il a sans doute dû commencer à entendre ma voix dans sa tête. Mais de ce que j’en sais, c’est la nuit que l’effet est le plus fort. Ma voix est alors clairement distincte. D’autres avant Thomas avaient très mal vécu la chose mais lui, au contraire, l’avait vue comme une bénédiction. En effet, imaginez un écrivain en panne sèche recevant subitement des tonnes d’histoires à raconter, directement dans sa tête ! Car, oui, c’est mon don, ou ma malédiction, selon votre point de vue, mais je raconte des histoires dans la tête de mes compagnons. Des histoires et rien d’autre. Que de l’imaginaire. Je suis apparemment sur cette bonne vieille terre pour cette unique fonction.
Dans les semaines qui suivirent, Thomas fut pris d’une frénésie d’écriture. Les pages se succédaient à une vitesse folle, à mesure que mes récits défilaient dans sa tête. Le seul bruit permanent dans son modeste appartement n’était pas le téléviseur, comme chez la plupart des foyers moyens, mais le cliquetis des touches de sa vieille machine à écrire Underwood. Cependant, plus nous étions ensemble, plus il écrivait, certes, mais plus il négligeait le monde réel. Il avait abandonné son travail sans prévenir qui que ce soit. Il ne se lavait plus, ne mangeait plus et ne dormait presque pas. Son corps devenait une épave.
Mais il semblait heureux comme ça, se nourrissant de mes contes pour mieux les déverser sur papier, comme pour aller aux toilettes après un repas copieux. La situation me convenait très bien, car pour une fois, j’avais rencontré quelqu’un qui comprenait mes besoins, et mieux encore, s’en délectait. Ça n’a jamais été le cas avec mes autres partenaires. Je conçois aisément, avec l’expérience, qu’entendre sans cesse une voix vous conter des histoires peut rendre fou n’importe quel être humain. Les drogues dures, l’alcool, l’internement en asile spécialisé, et j’en passe… Je pensais avoir connu toutes les pires conclusions possibles à mes rencontres, mais Thomas était source d’espoir.
Ma relation précédente était avec Dominique, une jeune et jolie femme, très élégante, artiste de son état. Elle peignait des natures mortes avec une aisance qui forçait le respect. Mais elle a très vite mal supporté tout cet apport d’inspiration dans sa boîte crânienne. Au bout de quelques jours, sa frénésie de peinture l’a rendue folle. Son art, de plus en plus fiévreux, se déversait non seulement sur ses toiles, mais également sur les murs de sa maison, les extérieurs, partout où il y avait une surface plane. Inquiets, nous sommes d’abord allés consulter un médecin ORL, car peut-être s’agissait-il d’acouphènes ? Peu probable mais bon, ça ne coûte rien d’essayer, se disait-elle. Et j’étais incapable de lui avouer la vérité. C’est cruel, vous dites-vous, mais je vous assure que physiquement, je n’y arrivais pas. Je l’accompagnais aussi chez le neurologue qui lui prescrivit une sorte d’antidépresseur. Sans résultat.
Jusqu’à ce qu’elle entende une histoire de peinture au sang et d’artiste maudit. Elle décida de tenter l’expérience et se tira une balle de chevrotine dans la tête. Inutile de préciser qu’elle ne vint pas à bout de son objectif artistique.
Il y avait des signes avant-coureurs chez Thomas, que je n’avais pas cherché à voir, car mes anciennes relations n’avaient jamais été aussi longues. Il soulageait sa tête en régurgitant mes paroles, mais il avait de plus en plus de mal à suivre le rythme, et il devait taper près d’une vingtaine d’heures à la machine pour espérer reposer son esprit quelques instants.
Le quotidien nous rattrapa brutalement quand, un samedi soir, Thomas s’aperçut qu’il n’avait plus de papier. Ça l’a rendu hystérique. Après s’être défoulé sur son mobilier bon marché, il fouilla chaque recoin de l’appartement à la recherche de quelques billets. Chose faite, non sans mal, car souvenez-vous qu’il ne travaillait plus, il attrapa son manteau et sortit braver le ciel pluvieux afin d’acheter une ramette de papier. Malgré sa rage, il pensa à m’emmener avec lui.
J’étais donc là quand le premier coup de feu a retenti. J’étais là quand les autres coups ont suivi, touchant Thomas en plein cœur, et faisant gicler une goutte de sang sur mon verni fatigué. Thomas avait trouvé la dernière ramette disponible dans le rayon d’une supérette de proximité. Impatient, à moins que ma voix fût trop intense à ce moment dans son cerveau, il avait décidé de bousculer les clients faisant la queue, pour les doubler. Un agent de sécurité est alors intervenu pour calmer un Thomas surexcité. Ce dernier a subtilisé l’arme de l’agent avec une rapidité stupéfiante et avait tiré. L’agent est tombé à terre et son collègue a riposté. Fin de cette histoire. Toujours pas de happy end.
Notez bien que je souffre de mon état. Je ne souhaite jamais de mal à mes partenaires, et leur perte me donne à chaque fois l’envie de mourir. Sauf que je ne peux pas. Mon lot quotidien est donc garni d’espoir de rencontrer l’amour éternel, mais aussi de la crainte de perdre l’être tant adoré.
Mais je me sens bien maintenant, car j’ai à nouveau trouvé quelqu’un. Quelqu’un de bien, qui n’a pas eu peur de mon apparence. Qui ne s’est pas offusqué devant mon verni craquelé. Mes pages jaunies. Ma quatrième de couverture gondolée par de tant de brocantes pluvieuses. Merci à toi, cher lecteur, chère lectrice. Je te tutoie, car maintenant nous sommes liés. Tu vas voir, nous allons bien nous entendre. Mes histoires t’accompagneront partout où tu iras. Pour toujours…
L’atmosphère n’avait jamais été aussi lourde dans le petit village de Signac. En cette sombre matinée d’automne, la grisaille et le brouillard opaque restituaient assez fidèlement les pensées de ses habitants. En effet, tous ne parlaient que de la disparition du jeune Talal, un collégien bien connu de la bourgade, car sa famille était la seule du village à être d’origine étrangère. Forcément, dans une population de cent trente habitants, leur arrivée avait fait grand bruit. Pour autant, la petite famille s’était très vite intégrée et faisait désormais partie des chouchous du village, participant activement aux activités communales et toujours prête à mettre la main à la patte.
Talal n’était pas en reste et faisait partie des meilleurs élèves de sa classe. Aussi, la disparation du gamin fut un véritable choc pour la communauté. Le drame se déroula un soir d’octobre, alors que les décorations d’Halloween commençaient à peine à être installées sur les devantures des maisons. Talal était sorti tard du collège, car il faisait partie du club de sport, et sa séance se tenait après les cours. C’est donc la nuit tombée que le jeune homme quitta l’établissement pour rejoindre à pied le domicile familial qui n’était qu’à trois cents mètres. Il n’arriva jamais à destination. La police fut rapidement sur le pied de guerre, et la communauté donna le coup de main en scrutant chaque recoin du village. Malheureusement en vain. L’unique témoignage potentiellement intéressant provenait d’un résident de la maison de retraite située non loin du collège. Le vieil homme avait signalé à la police qu’il avait vu par sa fenêtre une série de flashs lumineux, suivie d’un son de moteur de voiture s’éloignant en trombes. Ce n’était sûrement pas assez pour faire avancer l’enquête mais cela n’empêcha pas les théories de circuler. Le crime xénophobe et la pédophilie dominaient les conversations, et tous désormais prenaient garde à la sécurité de leurs bambins.
Si cet effroyable évènement avait apporté un élan de solidarité dans la bourgade, ce n’était pas le cas dans l’enceinte du collège. Ce trait d’esprit parcourut les pensées du jeune Noé alors qu’il se faisait brutaliser par Rudy Gueder, la brute épaisse du bahut. Régulièrement, lui et sa bande malmenaient le garçon, en quête du goûter, de l’argent de poche, et bien sûr, du plaisir évident de soumettre autrui à leur bêtise. Chétif et timide, Noé n’avait jamais tenté de riposter, paralysé par la peur. Et comme dit plus haut, la solidarité n’existe pas vraiment dans cette fosse aux serpents qu’est le collège. Le soir, Noé rentrait sans en parler à ses parents, meurtri par la honte. Loin d’être idiots, papa et maman avaient bien remarqué un changement d’attitude chez leur fils, lui d’habitude si souriant et ouvert aux autres. Ils avaient bien essayé de lui tirer les vers du nez, mais Noé se refermait alors comme une huître. Il retrouva néanmoins un peu de joie de vivre le jour de son anniversaire. Sa journée au collège avait certes été catastrophique, mais ses parents lui avaient préparé une belle surprise. Noé était en effet un grand lecteur de romans à suspense, et papa et maman lui avaient déniché à prix d’or un exemplaire dédicacé du recueil de nouvelles Cimetière Blues par l’immense Richard Matheson. Une édition anglaise, mais le jeune homme s’en fichait, car il était plutôt à l’aise en langues. Le sourire revenu sur les lèvres de l’adolescent emplissait de joie ses parents.
Noé emmenait partout son précieux trésor, et dévorait chaque histoire avec gourmandise dès que l’occasion s’y prêtait. La pause récréative de dix heures en était une belle, car la lecture lui permettait de s’évader de son quotidien et d’échapper aux cancres, pour qui un livre faisait le même effet qu’un crucifix pour les vampires. Sauf pour Rudy Gueder, le croquemitaine de l’établissement. Un matin, donc, Gueder parvint à prendre le précieux livre des mains de Noé qui était alors trop concentré sur sa lecture pour voir arriver la menace. S’ensuivit une course poursuite à travers la cour de récréation. En panique, Noé bouscula un groupe d’étudiants abasourdis mais n’y prêta pas attention. Arrivé à l’embrasure de la porte des toilettes pour garçons, Noé, à bout de souffle, vit Rudy et sa bande qui l’attendaient avec malice.
–Allez, le fragile, viens chercher ton bouquin ! lança un Rudy rouge d’excitation, en tendant le livre. N’aie paspeur…
Le jeune homme s’approcha prudemment, et alors qu’il tendait une main fébrile, Rudy et ses copains l’attrapèrent violemment. Noé se débattit mais ils parvinrent sans grand effort à le suspendre tête en bas au-dessus d’une cuvette de toilettes. Sa tête plongea dans l’eau troublée et y resta plusieurs secondes, sous les clameurs blessantes de ses harceleurs. Puis la bande le releva et le laissa tomber, ruisselant sur le sol, en riant.
–Tiens, le voilà ton bouquin, sale poule mouillée ! cracha Rudy en jetant le livre dans les toilettes.
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