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Nicolas, un sexagénaire solitaire au passé sentimental chaotique, voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec Marie-Ange, une femme mariée aussi enivrante qu’inaccessible. Subjugué par sa beauté et l’interdit qu’elle incarne, il s’abandonne à une liaison passionnée, mais clandestine. Leur histoire, marquée par des turbulences et des imprévus, prend une tournure inattendue lorsque la fille de Marie-Ange s’immisce accidentellement dans leur secret, provoquant un imbroglio aux répercussions insoupçonnées...
À PROPOS DE L'AUTEUR
Patrick Nowakowski oscille entre le roman et la poésie, façonnant un univers littéraire où transparaissent les influences de Baudelaire, Balzac, Camus et Flaubert. "Ragtime Blues" est bien plus qu’un ouvrage : il s’agit d’une œuvre mûrie avec soin pendant vingt ans, véritable « vie de papier » où s’entrelacent profondeur et sensibilité. Cet ouvrage, à la croisée de l’introspection et de l’hommage littéraire, incarne la quête d’un écrivain habité par l’amour des mots et des grandes figures de la littérature.
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Seitenzahl: 158
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Patrick Nowakowski
Ragtime Blues
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Patrick Nowakowski
ISBN : 979-10-422-5477-3
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1
Elle me demandait ce qu’elle représentait à mes yeux, et moi de lui répondre qu’elle était la fleur de lys, éclose rien que pour moi, en ce mois de juillet. La fleur de lys, ce n’était pas innocent, car à son corps défendant, j’avais fait d’elle ma reine. Il y en allait d’une subtile alchimie ; son rang social sans doute, et son statut d’aînesse, mais plus que tout, c’est cette grâce digne d’une créature ailée ; celle d’un ange, qui me subjuguait.
Ce qu’elle essayait de me dire alors, à chacune de nos rencontres, après chacun de nos ébats amoureux, c’est que notre relation ne pouvait être qu’épisodique, fragmentée.
C’était le début de notre histoire et elle m’interdisait de l’aimer : comme s’il était loisible de garrotter son cœur !
C’est donc dans le secret que mon amour s’épanouissait, en mal de clarté et de grand air, dans un contexte nébuleux. Ainsi en allait-il des amours cachés, car si son corps m’était acquis, son cœur, lui, était une citadelle imprenable.
Ce que nous partagions une à deux fois par semaine était somme toute assez banal. À la faveur d’un bel après-midi, une femme partagée et un homme esseulé, ne se tenant pas par la main, ni par le bras, mais marchant côte à côte, baguenaudaient comme aurait pu le faire de simples amis, ou une sœur et son frère, dans les rues de Lisieux, d’Orbec, de Bernay ou bien d’ailleurs, un œil sur la montre pour ne pas déborder sur le temps dont elle disposait, au-delà duquel elle aurait éveillé les soupçons de son cher mari.
De quoi avions-nous l’air ? Je ne sais pas, mais elle semblait heureuse lors de ces escapades qui faisaient office de bouffées d’oxygène et d’évasion temporaire. Elle rayonnait parfois dans une forme d’exaltation qui lui faisait dire n’importe quoi, nous offrant à tous les deux une part de bonheur.
Quand le temps était maussade, elle venait chez moi. Elle aimait ma maison ; perchée sur les hauteurs d’Houlgate, dans le village de Gonneville-sur-Mer. Une bâtisse ancienne qui a conservé des vestiges datant du XVIIIe siècle lui octroyant des airs de petits manoirs. Tout comme sa demeure, ancien presbytère où elle tient tables et chambres d’hôtes.
C’est là que je l’ai vue la première fois. Je cherchais un hébergement pour des amis de Bourges, qui venaient séjourner en Normandie à l’occasion du mariage de ma fille Sandra. À ce premier contact qui aurait tout aussi bien pu être le dernier, je ressentis quelque chose d’indéfinissable. Après avoir rapidement visité, j’en déduisis que l’ensemble de la prestation était plus que satisfaisante et je conclus la réservation. Sur la route du retour, je tentais d’analyser cette curieuse sensation éprouvée dès le premier instant où j’avais croisé son regard.
À maints égards, son vécu fut plus riche que le mien, plus confortable et plus serein : en un mot plus heureux, en rapport avec sa nature, mais pas seulement.
Elle disait de moi que j’étais un être torturé, malgré les efforts que je déployais pour n’en rien laisser paraître. Très tôt, elle m’a percé à jour et contre toute attente, les murs de la citadelle en furent ébranlés, comme à Jéricho : ils tombèrent.
Je n’ai pas encore ici dévoilé son prénom, pas plus que je n’ai soulevé le voile de sa physionomie ; j’y viens !
Ses parents lui ont donné pour nom de baptême Marie-Ange. Qu’ils en soient loués tant elle le porte admirablement.
Comme un peintre, mais avec des mots, je vais tenter de la décrire sans jamais trahir sa beauté. Oui, elle est belle ; je ne l’avais pas non plus précisé. Sans doute rend-elle jalouses les femmes qu’elle croise dans la rue ou au supermarché.
Sa silhouette gracile et élégante, sa façon de s’habiller, entre classe et décontraction, mais sans snobisme, le port altier de sa coiffure en font se retourner plus d’une, je peux en attester. Quant aux hommes, jeunes et moins jeunes, il en va tout autant, avec ce petit plus dans le regard, qui en dit long sur ce qui leur traverse l’esprit.
Ses cheveux mi-longs ont plusieurs nuances de gris, un peu raides, ils encadrent son visage dont les traits sont finement ciselés, où son nez aquilin reste gracieux. Son regard, ses yeux gris, eux aussi, sont expressifs, et comment dire ? On y perçoit les traits de son caractère : doux, mais affirmé. Ses lèvres ne sont ni charnues ni pulpeuses, elles semblent avoir été dessinées par un artiste qui se serait inspiré de Modigliani, tout comme son menton légèrement prononcé. Et si la cosmétique joue son petit effet, c’est de façon parcimonieuse et discrète.
Il est peu probable que l’on puisse, d’après ces lignes, la reconnaître ; et il eût été autrement plus judicieux et oh combien plus juste de dire simplement qu’elle est Garbo : la divine !
Je me souviens, la toute première fois où elle me rendit visite ; ses mots, son attitude, sa gêne aussi, se manifestant naturellement par une forme touchante de curiosité :
« C’est sympa chez toi, tu me fais visiter ?
— Oui. Tu me permets ? »
Elle allait d’une pièce à l’autre, prenant le temps d’observer chaque détail, comme seule une femme sait le faire… le café dans les tasses refroidissait.
« C’est visiblement un intérieur d’homme… manque peut-être un brin de fantaisie.
— Tu veux dire que c’est triste ?
— Non pas triste, je dirais austère plutôt. »
Elle avait raison, pas ou peu de bibelots, rien qui ne soit pas utile ; c’est ce que je voulais.
Néanmoins, quelques tableaux ornaient les murs de pierres, quelques objets décoratifs, des témoignages du passé, dont un vieux fer à repasser du temps où la fée électricité n’avait pas encore étendu tous ses attributs, le moulin à café de ma grand-mère maternelle, qui m’évoquait de précieux souvenirs, et pour le mobilier quelques rares antiquités, glanées çà et là, et auxquelles j’étais très attaché.
Elle fut impressionnée par la chaîne haute fidélité et les imposantes enceintes acoustiques qui l’encadraient, sans oublier ma collection de CD dissimulée dans une armoire ; je n’en connaissais pas le nombre exact, mais je l’évaluais à plus ou moins mille.
Quelques mois auparavant, une relation de trois années s’était achevée de façon pénible (mais peut-il en être autrement ?), me laissant dans un état piteux, après moult sursauts plus pathétiques les uns que les autres. Elle a pour nom Valérie. Un intermède lui succéda : aussi bref que désastreux, elle a pour nom Fabienne.
De cette funeste période, les derniers mois furent révélateurs, destructeurs. Comme jetés à mon visage, je découvrais chez Valérie des travers qui me hérissaient les poils et me rendaient furibond.
Elle était devenue une accro à « Facebook », était allergique à toute forme d’effort. Calculatrice et manipulatrice, elle disait des choses tout en pensant le contraire. Ainsi, quand elle me disait : « cela ne me dérange pas », il fallait comprendre : « cela ne me plaît pas, mais puisque tu y tiens. »
Au fil des jours s’était imposée une relation « d’amour-haine », bâtie sur la souffrance, l’angoisse, le vide. Je ne parvenais pas à admettre cette évidence, celle d’avoir vécu jour après jour dans l’illusion. Celle que j’aimais n’était que le fruit de mon imagination, issue de cet amour qui m’avait rendu plus aveugle qu’un non voyant, en cela que tous mes sens, ceux qui auraient dû m’alerter, en avaient été annihilés, éteints. Je découvrais donc, comme après un long sommeil, que Valérie me mentait, qu’elle se vautrait dans l’hypocrisie, poussant l’ignominie à me salir auprès de ses amis, dont certains étaient des relations communes.
Comme si le sol tremblait sous mes pieds, s’effondrant de toutes parts, m’emportant en des lieux inconnus, sans aucun repère, je me suis alors senti perdu. Quiconque a croisé le regard d’un chien abandonné sur le bord de la route sait ce qu’il en était de moi. Je songe qu’alors, un désir de vengeance ou tout au moins celui de revanche germait dans mon esprit tourmenté.
Nous avons rompu !
L’amour va, l’amour vient, il est insaisissable, nous en sommes les pantins misérables quand il n’est plus que cendre.
Pour ne pas sombrer tout à fait, j’envisageais de rebondir. J’y voyais comme une urgence. Cela m’a conduit à m’inscrire sur un site de rencontre. Y naviguer à la recherche de l’âme sœur a de quoi surprendre le néophyte. Il y a là matière à une étude sociologique sur les mœurs de notre temps : c’est sans doute déjà fait. Néanmoins, plus confiant que jamais, j’ai noué des contacts qui pour la plupart s’avérèrent décevants. Jusqu’à ce que Fabienne et moi nous nous trouvions (le croyais-je ?), nous nous reconnaissions (le pensais-je ?), par le biais d’échanges où l’humour tenait une bonne place aux côtés d’émotions vraies (en doutais-je ?).
Tout avait commencé par un malentendu qui aurait pu être fatal à notre relation naissante (cela se pouvait-il ?).
Fabienne m’avait ouvert son cœur, me confiant tout un pan de sa vie : dramatique, douloureux, injuste ; le décès des suites d’une longue maladie d’un mari qu’elle aimait, ainsi que son propre combat contre le cancer, qu’elle avait vaincu. À ses confidences, je suis resté silencieux quelques jours. Interprétant mon absence de réaction comme du mépris, elle m’envoya une missive chargée de reproches. Dans ma réponse, je lui expliquais qu’elle se trompait, que les véritables raisons de mon silence étaient ailleurs, sans lui fournir plus de précisions.
Dès lors, nous avons repris nos échanges. Un peu plus tard, je lui faisais part de mon souhait ; celui d’une rencontre. Fabienne se cabra, vitupéra, estimant qu’il était trop tôt, que j’allais trop vite. Comme j’insistais, elle finit par céder.
Un samedi matin, je pris la route en direction de Chartres ; la ville où elle résidait. Nous étions en avril, le temps était magnifique. En passant par Sées, Mortagne-Au-Perche, Bellemes, je traversais le Perche avec ses beaux massifs forestiers ; le cœur léger.
Un peu plus tard, en arrivant à Chartres, le temps s’était couvert. Je me suis garé dans le centre-ville, j’allai prendre un verre en terrasse et je l’appelai sur son portable. Surprise que je ne fusse pas devant sa porte, je la priai de venir me rejoindre à ce café dont j’ai oublié le nom :
« Tu as perdu mon adresse ?
— Non !
— Tu n’as pas de GPS ?
— Non ! »
Le ton n’était pas à la fête, pas le moins du monde, mais elle consentit à venir me chercher, non sans m’avoir laissé entendre que c’était pour elle un désagrément. Quelques minutes plus tard, mon téléphone sonnait, c’était elle. Elle se tenait sur la place à quelques pas.
Levant la tête, je la vis, à demi cachée par des voitures en stationnement. Je me levai pour la rejoindre. Nous nous fîmes la bise, elle refusa de prendre une consommation. Son visage était fermé. À peine avons-nous échangé quelques mots, que je suivais sa voiture jusque chez elle, c’est-à-dire à deux pas.
Elle habitait une maison cossue dans le centre-ville. Dire qu’elle ne fit rien pour me mettre à l’aise relève d’un doux euphémisme. Sa froideur contrastait avec l’idée de la femme que nos dialogues m’avaient permis de discerner. Qu’à cela ne tienne, Fabienne me plaisait ; plutôt grande, sans fard, les cheveux légèrement bouclés, elle était séduisante, bien que manquant de féminité. Bien décidé à rompre la glace, je dus faire le « forcing » pour l’amadouer, la séduire.
En vain ! La journée passa difficilement, la fatigue, le stress ; je parlais, je parlais, je parlais !
Fabienne, sur ses gardes sans doute, était quant à elle peu diserte. Après avoir dîné, il était tard, elle me montra la chambre d’amis.
La nuit, faisant suite à une journée éprouvante, ne m’apporta pas le repos escompté. Je ne parvenais pas à m’endormir, ressassant le « film » de cette rencontre pour le moins fort décevante, et regrettant de m’être embarqué dans cette aventure.
Au matin, après avoir dormi trois heures en tout et pour tout, je songeai à quitter les lieux séance tenante. J’éprouvais le besoin de réfléchir, et avant que Fabienne ne se lève, je sortis, mû par le besoin de marcher, j’allai acheter des viennoiseries à la boulangerie du coin, en prenant tout mon temps pour cogiter. À mon retour, elle sortait de la douche. Nous avons pris le petit déjeuner en silence ou presque, après quoi elle me proposa d’aller faire une promenade à pied. Le temps avait sensiblement changé, la pluie menaçait et le fond de l’air était frais. Elle me mena dans des ruelles qui ne manquaient pas de charme, jusqu’à une esplanade d’où la vue sur la ville était dégagée. Un peu plus loin, je lui pris la main. Là, je l’ai senti se contracter et quelques pas plus loin, elle s’est libérée de cette emprise. Je suis resté stoïque, nous avons poursuivi la ballade, parlant peu, c’était elle à présent qui monologuait à propos de ce quartier qu’elle n’affectait pas outre mesure. La pluie s’est invitée, elle se déversait maintenant pour combler le tout. Ne prenant pas la peine de nous abriter, précipitamment, nous sommes rentrés.
Sans un mot, je suis allé jusqu’à la chambre rassembler mes affaires. Mon sac bouclé, je suis allé vers elle lui dire au revoir, tout en sachant bien qu’il s’agissait là d’un adieu.
Elle fit de gros yeux, j’esquissai un sourire et, toujours sans un mot, je m’en allai.
Ainsi prit fin, sans fleurs ni couronnes, cet « intermède » sans queue ni tête.
Sur la route du retour, une belle éclaircie rendait le ciel lumineux, j’insérai un CD de Lou Reed dans le lecteur, et je montai le volume. Je n’ai pas entendu les appels sur mon portable, pas plus que les messages qui arrivaient : j’avais hâte de rentrer.
À un court arrêt à Mortagne, en lisant les SMS, je découvrais des aveux déroutants : Fabienne devait avoir recours à l’ivresse pour éponger les affres accumulées sur une trop longue période, et qu’à ce titre j’avais été « l’empêcheur de tourner rond ». Ma venue lui avait révélé qu’elle n’était pas prête à renaître de ses cendres.
Le serait-elle un jour ? Du fin fond de mon âme, je le lui souhaitais.
Misère !
Qu’il est bon de rentrer chez soi après une mésaventure qui a laissé des empreintes qu’il faut effacer ! Qu’il est bon d’aller cheminer sur les sentiers à travers la campagne et oublier ! Chez moi, dans le Pays d’Auge et ses beaux paysages qui agissent comme un baume. C’est une région magnifique pour ses vallons qu’il convient d’arpenter à pied pour en saisir toute la beauté, le charme.
Pays du cidre, ses champs de pommiers en fleurs offrent au printemps un spectacle bucolique. Tout laisse à penser qu’ici le temps s’est arrêté. Ce terroir riche de ses haras, de ses maisons à pan de bois, de ses manoirs, entre culture et élevage, fut pourtant bouleversé une décennie avant ma naissance. La population, le patrimoine, les bêtes comme la terre et les arbres ; tous ont souffert pendant puis à l’issue de la guerre 39/45, lors des bombardements alliés qui visaient à déloger les soldats allemands. Des villes entières furent détruites, Lisieux et tant d’autres, qui furent reconstruites à la hâte pour des raisons évidentes. D’autres furent heureusement épargnées comme Honfleur, et quelques villages pittoresques comme Beuvron-en-Auge et Beaumont.
Chaque village ayant conservé ses vieux murs, possède sa propre atmosphère. Beaumont a la sienne. Suivant la saison et la couleur du ciel, elle en devient presque palpable.
J’ai le souvenir du jour où, marchant pour la première fois dans les ruelles de Gerberoy, sous une pluie fine un après-midi de printemps, je me suis senti transporté hors du temps. On eût dit que les pierres des édifices et des maisons, imprégnées du passé plusieurs fois centenaire, avaient conservé l’empreinte spirituelle et qu’elles le rendaient à ceux qui s’y prêtaient.
Mais revenons à Beaumont-en-Auge. C’est ici que j’ai connu mon dernier amour, à soixante-trois ans, moi Nicolas Quiez, retraité de pieds en cape, toujours vaillant, quoiqu’un peu usé sur les bords et en dedans, le cœur en bandoulière : plaise à Dieu.
D’où que l’on arrive, c’est le clocher récemment rénové de l’église Saint-Sauveur, au cœur du village que l’on aperçoit ; ce qui n’a rien de surprenant ni de rare en soi. Le village culmine à quatre-vingt-dix mètres d’altitude et offre pour cette raison des points de vue remarquables. Du belvédère à l’extrémité nord de la place de Verdun, on aperçoit la mer, à l’embouchure de la Touques entre Trouville et Deauville. Sur cette même place trône la statue d’un personnage illustre : le savant Simon Laplace, né à Beaumont en 1749, auteur d’ouvrages sur la « Mécanique céleste », qui font encore autorité de nos jours. Autre monument remarquable de ce village, qui n’en manque pas : les vestiges de son prieuré, fondé en 1060 par Robert Bertrand, dont la sépulture se situe dans l’allée centrale de l’église, tout près du cœur.
La rue principale du village est dite « rue du paradis ». Une école royale militaire y fut bâtie. En prenant la direction de Villers-sur-Mer, à la sortie du village, sur la gauche subsiste un lavoir joliment conservé. Enfin, ce village, au passé riche, abrite maintes belles maisons, qu’elles soient bâties en pierre calcaire ou dans le plus pur style normand.
Au sein de ce village vit une âme qui a traversé ma vie comme un météore, en lui laissant une empreinte indélébile.
Parfois, les jours sans, j’allais comme un rôdeur près de chez elle, tel un juif errant qui n’a plus ni ami ni patrie. À la terrasse du « Petit Beaumont », j’allais boire un café, parfois deux, et je fumais, cherchant son visage dans les volutes bleues.
Un peu plus tard, je rentrais, bredouille et mécontent.
Nous n’avions pas de plan préétabli pour nous voir. La veille, Marie-Ange, dans un message, m’informait de sa disponibilité. La journée, l’après-midi, ou quelques heures ; c’était selon, et moi je prenais, quitte à modifier le planning de mes activités : je prenais !
J’exultais comme un bienheureux à qui l’on offre un présent royal. Elle venait chez moi le plus souvent, nous nous jetions dans les bras l’un de l’autre avec la fougue de l’adolescence. Un peu plus tard, nos vêtements épars dans la pièce, nos corps nus s’unissaient, épris de passion autant que de tendresse, et plus encore.
Aujourd’hui en y repensant, je sais, plus que je ne l’ai jamais su… ce mot, sublime ; ensemble, nous le réinventions, nous lui redonnions vie.
Le grain de sa peau finement tissé, le creux de ses reins, la grâce de ses seins rappelant un fruit savoureux, et nos yeux se croisant qui plongeaient au fond de nos âmes pour y trouver le salut, l’oriflamme que l’on croyait à tout jamais éteinte ; c’était notre Graal, parce que c’était unique !
Et cette question que je me pose à présent :
Cela a-t-il vraiment existé ?