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Depuis sa naissance, le parcours de Béatrice a été marqué par des joies sereines, mais aussi par des épreuves douloureuses, parfois presque insurmontables. Alors qu’elle réside en Algérie, un voile se déchire. Lors d’une rencontre survenue dans un contexte tragique, elle a l’impression d’avoir enfin trouvé ce qu’elle cherchait depuis toujours : l’Amour Universel, l’objet même de sa quête. Mais cette découverte inattendue sera-t-elle le véritable début d’une transformation profonde, ou une simple illusion face aux défis à venir ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Béatrice Mory prend ses marques en littérature grâce aux contes de fées racontés par sa mère et la bibliothèque généreuse de son père. Étudiante en lettres modernes à Nanterre, elle est influencée par deux professeurs qui orientent son parcours littéraire. Cependant, c’est en Algérie que sa véritable voix d’écrivaine prend forme, nourrie par la richesse culturelle de ce pays.
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Seitenzahl: 145
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Béatrice Mory
Regarder vers les étoiles
© Lys Bleu Éditions – Béatrice Mory
ISBN : 979-10-422-6687-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Philippe, mon mari adoré,
À Marie-Ange, notre fille chérie.
Pietro Siccardi : Le père de Béatrice ;
Bernadette Delamarche épouse Siccardi : La mère de Béatrice ;
Jules Siccardi : Le petit frère de Béatrice, 4 ans de moins ;
Luc Delamarche : Le père de Bernadette ;
Renée Delamarche : La mère de Bernadette ;
Marcel Delamarche : Frère de Bernadette, 4 ans de moins ;
Aurélie Delamarche : Sœur de Bernadette, 8 ans de moins ;
Luc Marie Delamarche : Frère de Bernadette, 12 ans de moins ;
Didier Delamarche : Le plus jeune frère de Bernadette, 14 ans de moins ;
Dénise Delamarche : Son épouse ;
Gilbert Fourbe : Hébergé gratuitement par Pietro dans sa jeunesse, plus ou moins psychologue, collaborateur du Docteur Vicelard ;
Chantal Fourbe : Relation de voisinage de Bernadette pendant sa jeunesse, fiancée puis épouse de Gilbert ;
Constance Fourbe : Leur fille ;
Eugénie : Cousine « à la mode de Bretagne » de Luc Delamarche ;
Alain Petit : Ami de jeunesse de Pietro Siccardi ;
Yvette Petit : Son épouse ;
Dominique Menuisier : Amie de Béatrice du Cours Saint-Honoré d’Eylau ;
Véronique Van Der Brock : Une relation de Béatrice au Cours Saint-Honoré d’Eylau ;
Michèle Seyes : Amie de Béatrice à Sainte-Catherine de Sceaux ;
Séverine de Sauveplantade : Une amie de Béatrice à Sainte-Catherine de Sceaux ;
Sœur Christiane ;
Sœur Marie Christine : Triumvirat aux commandes de l’école Sainte-Catherine de Sceaux ;
Mère Bernadette ;
Madame Castelet : Une voisine des Siccardi à Châtenay-Malabry
Béatrice Castelet : Une de leurs filles ;
Marianne Castelet : La plus âgée de leurs 2 filles ;
Docteur Vicelard : Diplômé en psychiatrie, collaborateur de Gilbert Fourbe et du docteur Wyon ;
Michèle Montagné : Première belle-mère de Béatrice ;
Gabriel Montagné : Son fils, premier époux de Béatrice.
Année 1950, l’après-guerre, cette période où tout paraît possible, où, dans l’illusion d’une paix retrouvée, la France et les Français croient aux bénédictions matérielles, celles dont ils ont été privés durant leur adolescence puis leur jeunesse.
Rue de la Pompe, seizième arrondissement de Paris, cette année-là, les rues sont encore dédiées à l’usage presque exclusif des piétons.
Au 138, un immeuble bourgeois, semblable aux autres.
À chaque étage, deux appartements : l’un, grand, côté rue et l’autre de taille modeste, côté cour.
Au troisième étage, côté cour, un jeune couple contemple avec adoration son bébé.
Pietro en est encore tout étonné : lui qui pensait ne jamais pouvoir se marier, tellement il était complexé, a épousé Bernadette.
Il l’a rencontrée aux fiançailles de Gilbert et Chantal. Il y avait été invité tout naturellement puisqu’il hébergeait Gilbert dans son deux-pièces depuis quelque temps.
Lorsqu’il avait aperçu Bernadette, son cœur s’était emballé : fraîche, naturelle, rieuse et jolie, il était tout de suite tombé éperdument amoureux.
Pour elle, ça n’avait pas été le même coup de foudre. À la première déclaration écrite de Pietro, elle avait répondu par un non catégorique.
La deuxième lettre adressée par Pietro à Luc Delamarche, le père de Bernadette, avait engendré une enquête chez les commerçants de la rue de la Pompe.
Luc, policier de profession, s’était renseigné par les voies les plus officielles. Les commerçants de la rue de la Pompe n’avaient eu que du bien à dire sur Pietro : honnêteté, politesse, comportement irréprochable. Luc Delamarche s’était alors montré plus insistant auprès de sa fille et celle-ci avait fini par accepter.
Pietro, au type italien, n’était pas un Don Juan. Il avait du charme, était doué pour faire rire. Fin dans son humour, attiré par la beauté féminine, de lui émanaient un charisme et une classe peu répandus parmi ses amis, même chez les moins modestes que lui.
Tous deux semblent amoureux. Leurs petits moyens qu’ils gèrent bien, alliés à leur prévoyance, leur ont permis de se constituer une réserve pour être tranquilles avant la naissance de ce premier bébé.
Ce premier bébé a d’ailleurs été fort attendu. Bernadette, qui a fait une fausse-couche, craint de ne pas pouvoir mener la grossesse à terme.
Ce doit être en souvenir de leur premier jour de l’an passé ensemble avec Gilbert et Chantal qu’ils se sont unis, programmant ainsi sa naissance neuf mois jour pour jour après cette commémoration : le 30 septembre 1950.
Dans leur appartement où naît Béatrice, les anges ont dû élire domicile, car l’endroit est tout imprégné de lumière chaude, de bonheur simple, de tranquillité dans la simplicité. C’est là qu’elle vécut ses plus belles années de vie, celles qui lui donnèrent la force de croire en la vie malgré les épreuves qui l’attendaient.
Petite fille, la vie était toute simple pour elle : elle dormait dans la chambre de ses parents. Celle-ci était contiguë à la salle à manger et la cuisine.
Chaque lundi matin, sa maman lavait le linge à la main. Depuis son petit lit d’enfant, elle l’apercevait et écoutait les belles histoires que Bernadette racontait si bien : « Le Petit Poucet », « Cendrillon », « Blanche-Neige », « La Belle au Bois Dormant »… Elle était bercée de contes de fées et, peut-être, y puisa-t-elle alors les forces qui nourrirent son imagination pour le restant de ses jours.
La salle à manger était éclairée par une grande fenêtre qui donnait sur la cour et le soir, lorsqu’elles s’en approchaient pour tirer les lourds doubles rideaux, Bernadette et Béatrice apercevaient habituellement, à l’autre bout de la cour, une petite lumière chaleureuse qui brillait tard dans la nuit et Bernadette disait alors :
« Ce doit être un écrivain. »
Ensemble, protégées par cet autre qui confectionnait des histoires pour éclairer leur nuit, toutes deux s’endormaient alors sereinement.
Quelle mauvaise fée a donc jeté un sort au nid douillet du 138, rue de la Pompe ?
Béatrice, encore toute petite, apprenait à cacher ses émotions.
Car elle apprit très tôt, dès qu’elle put l’entendre, qu’à ses parents, ne pas révéler le fond de ses pensées est un grave péché.
« Quand on a confiance en ses parents, cette confiance étant sous-entendue comme une clause du bonheur, on doit leur dire tout ce qu’on pense. »
Ainsi en avait décidé Pietro.
La mise en pratique de ce dogme, confession permanente au père tout-puissant oblige, sous peine d’un sentiment constant et intense de culpabilité à lui livrer la moindre impression qui traverse l’esprit de Béatrice.
Et bientôt est ôtée toute liberté d’exister en dehors de la censure paternelle. L’inquisition familiale est née.
Jusqu’à quatre ans, une ravissante poupée brune, avec ses rubans dans les cheveux, sa jolie robe du dimanche brodée à la main, plus le fait qu’elle croit au père Noël, ça ne dérange pas trop.
Pour elle, il n’y a d’ailleurs pratiquement aucune différence entre Dieu le Père et le sien.
Lui, maniant habilement l’humour à ses propres fins, la teste.
Béatrice, inlassablement, répète :
« Dis, papa, c’est une histoire vraie ou c’est une histoire inventée ? »
Une simple réponse lui donne des repères et la voilà rassurée.
Béatrice a trois ans. Elle est désormais absente de la rue de la Pompe cinq journées par semaine. Ces cinq jours, elle les passe sous la garde de ses grands-parents maternels, 2 rue Paul Desroulèdes, à Bois-Colombes et les allers-retours se font avec Pietro, en train de banlieue.
Parfois, les taquineries bon enfant de Pietro l’irritent : pourquoi cette question répétitive lorsqu’on passe devant les grandes cuves noires remplies de charbon : « T’as vu les grands pots de confiture ? »
Pourquoi Pietro, fixant le bébé que Béatrice tient tendrement dans les bras, lui demande-t-il souvent : « Pourquoi tu l’aimes comme ça, puisqu’il ne parle pas ? »
Au milieu de la famille nombreuse du 2 rue Paul Desroulèdes, Béatrice est heureuse. C’est une vraie récréation, tellement fort est le contraste entre la rue de la Pompe et Bois-Colombes.
2 rue Paul Desroulèdes, c’est la maison où Béatrice retrouve :
Béatrice sera bientôt très en colère contre Luc-Marie, le protégé de Bernadette.
Au 138, rue de la Pompe, chez Béatrice, un poisson rouge tourne dans un bocal rond. Lorsque Luc-Marie vient rendre visite à la famille Siccardi, son passe-temps favori est de harceler le poisson rouge ; armé d’un élastique en guise d’arc et d’une allumette en guise de flèche, il blesse avec plaisir l’animal affolé jusqu’à ce que mort s’ensuive pour le malheureux poisson.
Mais Bernadette le lui répète :
« Luc-Marie, faut pas le contrarier. »
Comme Luc-Marie a eu une méningite à deux ans, il a acquis des droits infiniment supérieurs à ses semblables. C’est la loi chez les Delamarche et Bernadette ne la conteste ni chez ses parents ni chez elle. Qu’importe le ressenti de Béatrice…
Alors, elle ne peut que ravaler les larmes qui lui montent dans la gorge.
Aurélie, première main qualifiée chez Christian Dior, est souvent en conflit avec sa mère ; elles n’ont pas l’air de s’apprécier beaucoup. Toutes deux ont des malaises. Parfois, Aurélie part en maison de repos, tandis que Mamie, quant à elle, glisse contre les murs.
Béatrice interroge alors d’une voix ingénue : « Elle est morte ? ».
Tonton Luc-Marie, offusqué, la reprend alors, en mettant un doigt sur la bouche :
« Chuuut, tais-toi ! »
Les malaises de Mamie sont de plus en plus fréquents, surtout depuis que Pépère exprime son projet chéri : retrouver sa Bretagne. Pour elle, comme il le ferait pour une femme longtemps convoitée, dont l’absence lui ronge le cœur, il économise… Son salaire, il se le garde, la pension de Mamie qui a travaillé quarante-cinq ans à l’Imprimerie Nationale devant suffire pour couvrir les besoins des deux enfants encore à charge : Luc-Marie et Didier.
Marcel, le parrain de Béatrice, travaille comme apprenti pâtissier-boulanger ; il se lève à quatre heures du matin pour satisfaire son patron et ses clients.
Courageux, il s’est fait repérer par une petite voisine qui semble ne pas le laisser indifférent.
Avenue Paul Desroulèdes, c’est à la fois la récré et l’exploration d’un monde fascinant pour l’enfant : Courses-poursuites dans l’appartement, Luc-Marie derrière Aurélie qui, maligne, trouve le moyen de claquer la porte vitrée sur son poing brandi en avant. Les coupures et saignements qui s’ensuivent entraînent l’affolement de la grand-mère qui n’a qu’une obsession :
« Faut pas qu’le père sache ça ! »
Une autre fois, c’est le grand-père qui est aux trousses de Didier ; celui-ci, avec la complicité de Luc-Marie, a mis le manche du martinet à brûler, après avoir bien pris le soin de lui en couper les lanières de cuir. Pépère, lourd, talonne Didier, agile et leste. Didier fonce dans la chambre, claque la porte au nez de son père et se jette sous le lit. Lorsque Pépère, déconcerté, ouvre la porte, il inspecte la chambre d’un regard circulaire, sans succès. Mais bientôt, c’est la chute sur les fesses, car tonton Didier, caché sous le lit, l’a tiré par les pieds… Quel spectacle !
À l’heure des repas, dans la grande cuisine, alors que toute la famille est rassemblée autour de la table, à l’heure où l’on ne parle pas et où l’on ne boit pas – ça abîme l’émail des dents –, pendant la soupe, Didier et Luc-Marie ne cessent de se chamailler. Sans avertissement, les têtes des deux gamins se retrouvent percutées l’une contre l’autre d’un coup puissant de la main du grand-père.
Il y a aussi les après-dîners où Mamie fait la vaisselle dans la cuisine. Pépère, agenouillé devant le crucifix de leur chambre à coucher, récite à haute voix la dizaine de chapelets, ne citant que la première moitié des prières. Mamie lui répond par la deuxième.
Certaines nuits, alors que Béatrice tarde à s’endormir à côté de Didier, dans une chambre séparée de celle de Pépère et Mamie par un couloir, elle entend : « Non, Luc, non ! ».
Ça, c’était il y a longtemps, bien longtemps, un peu comme dans une autre vie, c’était quand tout paraissait clair, quand ses parents paraissaient aimants et bien intentionnés, c’était avant.
Cette troisième année de Béatrice, enrichissant à bien des égards, avait eu, entre autres avantages pour elle, celui de passer trois mois de vacances à Dinard avec Mamie, Tonton Didier et Tonton Luc-Marie, dans un minuscule meublé bien rempli pour l’occasion.
Sa quatrième année coïncida avec l’arrivée du petit frère, Jules. Elle réintégra le domicile parental, puisque sa maman était redevenue femme au foyer. La vie reprit un rythme presque normal.
Désormais, ses nuits étaient moins paisibles, puisque le nourrisson dormait mal, pleurait souvent… Bref, ce n’était plus tout à fait la même sérénité.
Jules grandissant, certaines joies s’élargirent. La chanson du dimanche matin interprétée par Pietro, dont les premiers couplets suivent, fut bientôt suivie d’un voyage imaginaire à quatre, dans le grand lit des parents qui se transformait en un chimérique et poussif camion dont Pietro, qui n’avait pas encore le permis, passait poussivement aussi les vitesses fictives.
De cette chanson matinale, voici quelques couplets :
Le ciel est bleu, le ciel est bleu,
Réveille-toi, réveille-toi,
C’est un jour nouveau qui commence,
Le ciel est bleu, le ciel est bleu,
Réveille-toi, réveille-toi,
Les oiseaux chantent sur les toits,
Polompompom,
Ah, qu’elle est belle, notre rivière,
Ah, qu’elle est belle, notre maison,
Ah, qu’elle est belle, la France entière,
Ah, qu’elle est belle en toutes les saisons…
Après cette matinale mise en marche chaque dimanche se poursuivait selon certains rites à peu près immuables :
Messe à la chapelle Saint-Honoré d’Eylau suivie, selon le cas, soit d’une visite des grands-parents, accompagnés de tonton Luc et tonton Didier, soit d’une visite rendue par la famille Siccardi à la famille Delamarche rue Paul Desroulèdes, ou bien encore d’une visite des cousins italiens de la rue Dauphine, les généreux Ciro et Giulia. Seule famille de Pietro résidant en France, ils apportaient toujours avec eux des cadeaux bien choisis, suscitant chez Bernadette des réflexions telles que : « Mais vous êtes ridicules ! ».
Giulia répondait alors : « Ridicules, nous ? Bah, ça alors, on choisit des cadeaux pour vous faire plaisir et on est ridicules ? ».
Ce scénario, rebattu tout au long des années, suggère que ces deux protagonistes entendaient bien le rester.
Ciro et Giulia auraient pu être les grands-parents paternels de Béatrice et, comme elle ne les avait jamais connus, elle les considérait comme tels.
Certains autres dimanches, les quatre Siccardi rendaient visite aux cousins rue Dauphine, invitaient des amis, ou bien restaient tout simplement entre eux et le déjeuner familial était alors suivi d’une promenade à vélo au Bois de Boulogne.
Béatrice apprit à y faire du vélo toute seule et elle eut même l’autorisation de transporter Jules sur son porte-bagages.
Joie de vivre et harmonie régnaient à cette époque-là.
Jules, le nouveau petit frère, éveilla bien vite l’affection de sa grande sœur. Elle était d’autant plus touchée qu’il paraissait fragile et maladif. Ses toux nocturnes obligeaient parfois à le sortir en pleine nuit au Bois de Boulogne, le médecin ayant recommandé de l’aérer en cas de crise.
Il fut décidé qu’il passerait plusieurs mois à la montagne pour surmonter son handicap de départ : la coqueluche. Il était devenu rachitique.
Ils partirent donc tous les quatre pour accompagner leur petit Jules vers sa nouvelle destination, l’Aube Rose, au Fayet, près de Saint Gervais. C’était vraiment très triste de laisser son petit frère. Ce bébé, blond, contrairement à elle qui était brune, provoquait chez Béatrice une émotion si forte que ses sanglots restaient bloqués dans sa gorge. Bernadette et Pietro la consolèrent en lui disant qu’ils feraient leur possible pour revenir le voir très vite.
De longs mois passèrent. Combien ? Difficile de s’en souvenir, ce fut interminable.
Le temps n’était plus le même. Jules lui manquait et puis cette absence n’était pas joyeuse, car elle savait qu’il souffrait de solitude, loin de ceux qu’il aimait et dont la présence lui faisait défaut.
Puis vint le jour où tous trois prirent le train pour retrouver leur petit Jules. Des nouvelles régulières arrivant par des voies officielles : elles étaient envoyées par la directrice de la pouponnière l’Aube Rose.
Descendus du car au Fayet, ils arrivèrent à pied, subrepticement, et s’arrêtèrent pour observer. Ils l’aperçurent, tout triste, tout seul, tournant en rond autour d’un arbre : il avait grandi, ce n’était plus un bébé. Ce petit garçon avec une chemise à carreaux et une culotte courte à bretelles paraissait si abattu, si seul que Béatrice eut du mal à contenir ses larmes.
Plus tard, on comprit les raisons du chagrin de Jules : il avait fait pipi dans sa culotte. Aux grandes vacances suivantes, Jules et Béatrice partirent ensemble, pour un mois entier, à Saint Gervais, chez « tatie et tonton ».
Bernadette et Pietro avaient rémunéré cette famille d’accueil pour permettre à leur fragile petit garçon de bénéficier d’un bon bol d’air pur.
Béatrice se régala, ramassant sur le pré herbeux et pentu qui s’étendait autour de la maison, des champignons qu’elle apprenait à reconnaître avec tonton.
Pour Jules, il n’en fut pas de même.
Jules était empoté. Pleurnichard, il avait le don d’horripiler tonton, tonton qui l’avait surnommé « crème de nouillasse ».