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"Sacré désir" est une collection de nouvelles qui explore les méandres du désir à travers différents personnages, leurs amours, leurs désillusions, leurs joies, leurs peines, leurs passions, leurs luttes, leurs incertitudes et leurs triomphes. Un voyage à la fois intime et universel qui repousse les limites de la découverte de soi.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Entrepreneure le jour et auteure la nuit,
Rosa Bellei dévoile son premier livre sous forme de nouvelles. Son esprit explorateur la pousse à aborder des domaines apparemment éloignés avec une curiosité et une agilité intellectuelle exceptionnelles. À travers un style littéraire riche en images, elle explore courageusement les profondeurs de l'âme humaine, illuminant tout avec l'optimisme de l'espoir.
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Seitenzahl: 193
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Rosa Bellei
Sacré désir
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Rosa Bellei
ISBN :979-10-422-0856-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À nous tous
Ce livre est une collection des nouvelles qui – tels des croquis – explorent quelques-unes des nombreuses facettes du désir. Oui, du désir : cette flamme qui fait vibrer le cœur de tout être humain. À chacun de nous d’aller à sa recherche, à sa rencontre, apprendre à le connaître, pour enfin le suivre à « cœur perdu » et, tout faire pour le réaliser.
Tel un carnet de voyage, ces pages esquissent les mouvements du désir à travers le prisme de différents personnages, leurs amours et leurs déceptions, leurs joies et leurs tristesses, leurs passions et leurs batailles, leurs doutes et leurs victoires. Un voyage qui se révèle être tout aussi personnel qu’universel. Un voyage qui se renouvelle constamment, qui évolue sans cesse dans des formes différentes, sans jamais pouvoir s’arrêter. Un voyage qui s’appelle… LA VIE.
Un voyage qui connaît des moments de lumière, mais aussi des zones d’ombre, et qui chérit chaque instant avec une certaine légèreté, car, tout passe, et rien ne demeure.
Le désir est l’étincelle qui rend la vie riche, digne de vouloir être vécue pleinement. Le désir est l’appel à la vie qui est en chaque être humain. Il nous pousse à être curieux, à inventer, à construire, à aimer. Véritable bénédiction du ciel, il y a dans le désir quelque chose de magique, de divin. Quelque chose qui appelle au respect et à la loyauté pour protéger cette étincelle de sacré qui nous anime et qui fait tant plaisir à notre âme.
En effet, rester fidèle à son désir est l’acte de courage dont nous devons faire preuve si nous voulons réussir notre vie et éprouver ce sens de la satisfaction personnelle qui ressemble tant au bonheur.
Soyons clairs : la tension agitée provoquée par le désir n’est pas synonyme de sérénité olympienne. C’est d’ailleurs souvent le contraire qui se produit au long de ce voyage pendant lequel le désir nous amène à la rencontre de soi-même. Le désir crée le plus grand inconfort : soyez-en assuré. Il est ce grand tourmenteur qui nous ne laisse pas en repos, mais nous oblige à découvrir, à travailler, à entreprendre, à aimer, à peiner, à se rebeller, à lutter, etc.
S’employer à réaliser son désir tout au long de sa vie, en restant donc fidèle à soi-même, nous autorise à garder le sourire. Non pas le rire fanfaron des perroquets, mais le sourire énigmatique de ceux qui, malgré avoir connu la souffrance et la douleur, continuent à s’émerveiller du printemps, à tomber amoureux à tout âge, à offrir leur aide à qui en a besoin, à écrire des poèmes et des chansons, à remplir ce monde d’amour, sans oublier de remercier la vie pour tous les miracles chaque jour renouvelé.
Considérez ce livre comme une bouteille à la mer : s’il a trouvé son chemin jusqu’à vous, c’est qu’il a peut-être un message à vous livrer. Quel que soit votre voyage, accomplissez-le avec passion, le sourire aux lèvres.
Philosophes, poètes, intellectuels de tout horizon se sont confronté à l’énigme du désir depuis toujours, sans qu’une définition achevée ne puisse voir le jour. Par nature énigmatique, le désir est redoutablement difficile à saisir.
Passion de l’âme envoûtante, inexplicable d’un point de vue rationnel, le désir a exercé une profonde fascination sur l’homme depuis la nuit des temps. Héritage du mystérieux langage des oracles, l’origine étymologique du mot désigne un état d’âme qui cherche à percer les secrets d’un monde invisible. Du latin desideratio, desiderium ou desiderata (de, le manque, et sidus, étoile),le mot désir signifie, littéralement, nostalgie d’une étoile, regret d’un astre perdu, indiquant un manque douloureux d’un objet céleste ayant disparu à jamais, d’où l’absence de bons présages et de bons augures. Par extension, dans le sens actuel, il exprime la perception d’un manque fondamental et désigne, par conséquent, un sentiment de recherche passionnée.
Il faut d’abord distinguer le désir du besoin – qui appelle une satisfaction urgente –, du souhait, dont la réalisation est souvent utopique, ou du caprice, une envie subite et passagère, fondée sur la fantaisie et l’humeur.
D’autre part, le désir se définit dans la vie humaine. Le règne animal ne connaît pas le désir, mais uniquement le besoin. Le psychanalyste français Jacques Lacan dira que le désir se trouve entre le besoin et la demande ; il est caché entre les deux.
Mais alors, qu’est-ce que le désir ?
En équilibre dynamique entre tension et expansion, le désir est le moteur du jeu de la vie. Le désir est la flamme capable, avec sa puissance, de mettre en jeu toute notre existence. Le désir nous conduit, il nous porte. Il nous permet de sortir de sa solitude. Il est la condition de tout projet, de tout espoir, de tous les possibles. Le désir a toujours l’esprit et l’élan d’un adolescent. Il enchante notre vie d’une lumière nouvelle, tel un rayon de soleil printanier. Le désir a faim d’air, poussé vers un ailleurs ; tel est le cas dans la prière, dans la révolte, dans l’envie, dans l’attente.
Le désir est inné à chaque être humain ; il n’est en rien réservé à une élite. Le désir ne disparaît pas avec l’âge, bien au contraire. Avec l’expérience, il arrive un jour, quand on l’assume pleinement et c’est à ce moment-là que l’on commence véritablement à vivre. Animé par la passion et l’enthousiasme, le désir nous concerne tous.
Indestructible, le désir est la boussole de notre existence. Il nous indique le chemin que notre volonté voudra suivre de toutes ses forces. C’est la flamme capable de nous réveiller l’âme, pourvue d’une énergie inespérée.
Sans désir, il n’y a pas de pensée et la vie est vidée de son sens. Dans un même temps, paradoxalement, le désir n’est jamais vraiment à moi : ce n’est pas moi qui en ai le contrôle. Il transcende ma volonté. Par preuve : on ne tombe pas amoureux de la personne qu’il nous faudrait, mais de celle que le hasard met sur notre chemin, la seule capable d’être notre dernière pensée au bout de la nuit. Et la première du matin.
C’est le désir qui fait nous sentir vivants. Comment ? En nous indiquant un manque, une faille qui nous habite faisant nôtre une profonde envie de combler. Je veux quelque chose que je n’ai pas ou plus et dont je ne peux pas me passer. Par principe, on ne peut désirer que ce que l’on n’a pas.
Le désir nous porte. Il nous amène vers l’autre, dans une demande de reconnaissance réciproque. L’objet de notre désir n’est qu’à première vue un objet du monde, en réalité l’objet de notre désir coïncide avec le désir de l’autre. Nous ne désirons que d’être désiré par l’autre. Le désir demande à être désiré par le désir de l’autre. Dans ce sens, le désir est une demande d’amour. Il n’existe que dans le désir de l’autre. Dans cette reconnaissance de notre désir par l’autre, il y a du plaisir, on y retrouve une satisfaction pulsionnelle.
Mais, à qui veut bien regarder, le désir montre aussi une nature bien plus profonde. Non seulement le désir est porté par l’autre et nous indique un manque, mais il représente en réalité l’essence même du manque, le désir d’autre. Il incarne ainsi le manque à être, la faille abyssale qu’aucun autre ne pourra jamais combler, de là, sa nature insatiable.
C’est pour cette raison, me semble-t-il, que nous entretenons une relation aussi complexe avec le désir ; il nous place face à nous-mêmes, à nos propres démons et in fine à la profondeur de notre âme.
Essence même de l’homme (selon Spinoza), le désir restera à jamais une énigme. À l’intersection de l’analyse philosophique et du discours théologique, on retrouve ainsi le désir comme le nom éthique du devoir. Désirer devient alors un impératif auquel nous ne pouvons nous soustraire, la seule véritable loi de notre existence.
On doit tous chercher à réaliser son désir. Ce que nous désirons à travers cette quête infinie entre manque et toute-puissance, ce n’est autre que l’essence même de la vie.
La souffrance psychique survient quand nous nous sentons éloignés de notre propre désir, lorsque nous nous rendons compte avoir entrepris un chemin qui n’est pas le nôtre. La volonté de faire plaisir à l’autre, de nous rendre aimable à ses yeux, de correspondre à ses attentes, sans prendre en considération notre propre désir, et qui, bien souvent, amène au sacrifice. La peur de se tromper, de rater, de perdre ce qu’on a, la peur d’être nous pousse à mettre notre désir de côté, à l’oublier. Alors, le désir se meurt. Et une souffrance sans nom vient dévorer notre existence.
Inutile de blâmer les autres ; nous sommes les seuls responsables de notre désir. Il s’agit toujours d’un voyage éminemment personnel. La loi du désir refuse la posture d’impuissance des destins déjà écrits au même titre que celle de la mélancolie !
La loi du désir nous rend libre et responsable, à même de passer à l’action, capable de se donner les moyens de façonner notre existence à l’image de nos talents. Être responsable de son désir signifie répondre à son appel, réclamer sa liberté et vivre sa vie dans la direction qu’il nous indique.
Tout me poussait à tomber amoureuse de lui. Il était tellement beau ! Son sourire illuminait son visage. Rien qu’en le regardant, j’étais aux anges ! Tout me plaisait en lui, en particulier ses minuscules défauts. Son allure, sa voix, ses cheveux bouclés : j’aurais pu reconnaître ses traits parmi des millions des gens. Mais les yeux… ses yeux d’un bleu profond, souriants. Ils avaient le pouvoir endiablé de toucher mon âme. Une magie qui se renouvelait à chaque regard.
L’adolescence – avec ses amours d’une intensité imprudente – était derrière moi depuis longtemps. Mais, malgré tout ce qu’on peut se dire, les amours fous ne sont pas réservés qu’aux jeunes gens. Je me sentais forte, et même toute-puissante. Nous passions de très belles vacances à la mer, des moments d’insouciance teintés de tendresse, animés par un séduisant sentiment de liberté. C’est ici, sur cette minuscule île grecque, toute bleue, remplie de paysages de rêve, que nous nous sommes rencontrés à la fin du mois de juillet. Rythmée par de longues promenades dans l’eau où nous nagions l’un à côté de l’autre, chaque minute de ces journées de soleil avait une saveur d’éternel. Le soir, nous rentrions tard, bien après l’heure à laquelle nous avions promis rendre le petit bateau au pauvre homme qui, résigné, voulait bien nous le louer à nouveau le lendemain, malgré nos retards impardonnables. Naviguer à la nuit tombée, le vent dans les cheveux, sur les notes des Coldplay, sous un ciel envahi d’étoiles : plus rien n’avait d’importance, le reste du monde était à des années-lumière de ces instants de magie. Et les baisers… des baisers à ne plus en finir. Encore un, un tout dernier, le dernier du dernier, encore et encore… Rapidement, cette île comptait plus de nos baisers que de grains de sable !
Tout était beauté et poésie. On était heureux.
Débordant d’émotion, son regard bleu, devenu transparent, murmurait la grâce. Rien au monde n’est plus sexy qu’un homme amoureux (de toi !). À ce moment précis, j’aurais donné tout pour arrêter les aiguilles à jamais.
Nous étions inséparables. Pas question de laisser filer une minute sans être l’un avec l’autre. Tout amour naissant est gourmand de temps. Du temps nécessaire pour s’épanouir et ainsi avoir une chance de survivre aux saisons à venir… Qui s’annoncent pleines d’inconnus et de pièges. Mais le temps, lui, était insensible à notre idylle, il passait… Lentement, mais sûrement, le temps passait, inopportun et impitoyable. Il mit rapidement fin à nos lendemains. Le matin arriva que je l’accompagnasse au port. Nous avions passé notre dernière nuit ensemble sur l’île à faire l’amour, entrelacés par la même passion joyeuse qui avait animé nos ébats depuis le premier jour. Mais cette fois-ci, au petit matin, quand le soleil se levait, un silence voilé de mélancolie vint surplomber nos corps rassasiés. Seul un dernier baiser aura la douce audace de le briser pendant quelques longues minutes.
Il était temps pour lui de regagner le continent, remettre ses chaussures, retrouver sa vie de chirurgien. Ce ne pouvait pas avoir été seulement une amourette. Mais, est-ce que notre coup de cœur était destiné à survivre à la vraie vie ? Je voulais y croire dur comme fer. Le matin de son départ il pleuvait, le seul jour de pluie de tout l’été. Un signe peut-être ? Sans rien dire, je lui donnai un tendre bisou sur la joue avant de me résigner à le laisser embarquer sur son ferry. Même si je n’avais plus d’endroits où aller, je quittai ce quai – qui avait l’air encore plus inconsolable que moi – avant que les manœuvres de départ ne commençassent. Assise sur la chaise longue de la terrasse de notre bungalow – désormais redevenu seulement le mien –, je suis restée là, pétrifiée, à regarder son bateau quitter celle qui fut notre île. La pluie, était-elle en train d’emporter avec elle la magie de notre rencontre ? Cette pensée me serra le cœur un peu plus. Je suis restée immobile pendant un très long moment, un moment suspendu. Hors du temps, dans les bras du vent, mes yeux étaient remplis d’un étrange mélange de douceur et de nostalgie.
La vie a ensuite repris son cours. Rien n’avait vraiment changé, mais plus rien n’était comme avant. Je me sentais renaître, et passais mes journées à papillonner à droite et à gauche, portée par une euphorie enivrante. Cette parenthèse enchantée m’avait donné l’envie de vivre à fond. J’avais retrouvé l’envie d’aimer. D’aimer, sans réfléchir au lendemain. Comme si aimer pouvait vraiment vouloir dire simplement être dans l’instant présent avec quelqu’un qui veut être là, avec toi, plus que partout ailleurs. Le désir d’aimer se satisfait exclusivement dans le rapport de réciprocité avec l’autre, dans la reconnaissance de son désir par le désir de l’autre. Il n’a besoin de rien de plus. Il s’agit d’une simple demande de reconnaissance de la part de l’autre. Une demande indispensable, primordiale, qui a l’arrogance de ne pas vouloir baisser la tête devant les compromis et les excuses. Ce type d’amour ne fait peut-être pas partie du monde des adultes ou bien il appartient peut-être à un autre monde, un monde qui n’est pas fait pour tous les adultes.
Dans un élan aussi périlleux qu’incontrôlable, je ne voyais aucun inconvénient à vivre cet amour à la limite de l’utopie et, au fil de textos et des week-ends, l’enthousiasme m’emporta. Ce mois de septembre voulait à tout prix prolonger le souvenir d’un été spécial – un été suffisamment insolent pour prétendre vaincre les saisons. Mais l’automne n’était pas loin et ne l’entendait pas de cette oreille…
Quand on perd la tête, on se doit de la perdre à deux. Dans le cas contraire, c’est une exécution. Ça doit toujours être réciproque pour la simple et bonne raison que la profondeur de l’amour n’a d’égal que la profondeur de la douleur. Moi, oui, je voulais plonger dans cette profondeur avec lui, perdre la tête, sans jamais plus la retrouver. Tomber amoureuse. Lui se montra plus prudent. Une hésitation que je ne lui ai pas pardonnée : je l’ai quitté sur-le-champ ! Je suis sortie de chez lui. Sur le palier, nos derniers échanges furent brutaux. Tout amour, même celui qui vient au monde sur les rivages d’une île lointaine, refuse obstinément de mourir. Submergée par une avalanche de déception et de chagrin, je ne pouvais pas rester. Vexé à mort par mon attitude qu’il jugea extrême, il essaya, tant bien que mal, de me retenir. Emportés par l’émotion, les mots s’embrasèrent, pour ensuite se figer. La bataille fut désespérée et aucun vainqueur ne sera désigné, malgré notre orgueil respectif qui ne voulut pas admettre la défaite.
Pourquoi les bons mots, les plus simples et vrais refusent obstinément de sortir quand il le faut ? Reste avec moi. Je ne demandais qu’à entendre ces trois mots. Mon désir n’était rien d’autre qu’une demande d’amour. Reste avec moi. Reste avec moi, mon amour. J’attendais ces mots pour commencer une nouvelle vie. Oui, les mots ont le pouvoir de donner la vie, de l’illuminer d’une splendeur inconnue. Mais ils ont aussi bien le pouvoir d’éteindre la lumière dans la pièce. Les mots peuvent tuer un rêve, un amour, une vie. Et c’est ce qui se produisit ce soir-là.
Il faut faire extrêmement attention avec les mots.
Non seulement il ne prononça pas les paroles que j’attendais aussi désespérément de lui, mais j’eus le droit de l’entendre m’appeler par un prénom qui n’était pas le mien. Déterminé à me donner une leçon sur comment bâtir une relation entre adultes qui puisse durer dans le temps, il eut l’inadvertance de modifier une lettre à mon prénom. Ce fut le coup de grâce. Je me suis sentie comme un sapin en janvier, seul et ratatiné sur un trottoir désert. Il comprit immédiatement la gravité de ce qui venait de se passer. Mortifiée, je n’étais déjà plus là, je regardais la scène de l’extérieur et ça ne ressemblait plus à rien. Tout comme les mots vides de sens qui sortaient de sa bouche. À ce moment-là, pour la première fois depuis notre rencontre, nous étions distants. Nous étions devenus des étrangers. Je ne nous reconnaissais plus. Ces mots maladroits ont achevé la scène et le rideau est tombé. Je l’ai laissé tout seul sur son palier et, je suis partie le cœur en miettes.
J’étais blessée, à fleur de peau, les yeux inondés de larmes amères.
— Allô, Carole ? Est-ce que tu peux voir si c’est vraiment fini ? Je ressens une douleur endiablée qui m’empêche de respirer. Je l’ai quitté. Le monde s’effondre autour de moi. C’est insupportable, au-delà des mots.
J’arrivais à peine à articuler ces paroles entre deux sanglots. En l’espace de quelques heures, l’impensable s’était produit. Se résigner au vide est inenvisageable, insupportable, impossible. Il y a des questions qui ne trouvent pas de réponse dans le royaume du visible. Seulement les étoiles sont à même de connaître ces réponses. Carole est médium. Elle est la meilleure, elle sait comment déchiffrer les codes secrets qui régissent les mystères de la vie, y compris ceux de l’amour.
— Je ne vois pas de rupture, seulement un éloignement temporaire, dit-elle avec confiance. Ce qui s’est passé est un mal pour un bien. Cet homme a besoin de mourir ainsi que de régler certains comptes avec son passé. De ton côté, tu devras travailler ta patience et apprendre à faire confiance à ton intuition. Ensuite, vous vous retrouverez. Je vois des retrouvailles, de l’eau et de la lumière.
Ces mots apaisants soulagèrent mon chagrin. Même si ce ne fut que temporaire, cette lueur d’espoir calmit le tourbillon d’émotions qui ne me laissait pas de répit, de jour comme de nuit. Plus les heures passaient, plus le téléphone restait muet, plus le désespoir s’installait, et avec lui, la douleur. J’étais perdue… Jusqu’à en devenir malade. Mon corps souffrait dans sa chair avec une méchante infection urinaire qui livrera bataille aux antibiotiques pendant des semaines. Mais la douleur physique n’était en rien comparable à celle, abyssale, du manque.
Ce fut le début pour moi d’une véritable traversée du désert. Une traversée qui allait durer plusieurs mois, pendant lesquels chaque minute allait avoir la lenteur de l’éternité. Interminable. Déchirante. Un tunnel sans autre issue, mais il fallait aller de l’avant. J’allais également commencer un voyage intérieur aussi profond qu’inattendu. On ne grandit véritablement que dans les moments difficiles. C’est grâce aux failles que la lumière peut rentrer, et ça fait mal.
Dans les passages les plus pénibles – qui coïncidaient souvent avec les jours de lune noire –, je pouvais entendre les étoiles pleurer avec moi. Dans ces moments-là, j’appelais Carole. Elle était toujours là, avec sa voix rassurante, mais ferme, prête à me prodiguer les soins dont mon âme avait tant besoin, alors que le reste du monde, absorbé par les choses du quotidien, semblait n’accorder aucune importance à mes cris de désespoir.
— Il t’aime. Il y a quelque chose de très fort entre vous. Continue à avancer. Il pense à toi et reviendra bientôt, disait-elle d’une voix déterminée.
Je n’avais plus eu aucun contact avec lui depuis le jour de notre rupture. Les paroles de Carole me permettaient de me sentir moins seule. Dans chaque séparation, la chose la plus insupportable c’est de se rendre compte de ne plus manquer à l’autre. Il continuait à vivre sans moi, et cette idée infernale me hantait.
Tout comme on peut passer des années à côté de quelqu’un et le considérer toujours comme un étranger, on peut porter en nous pour toute la vie quelqu’un qu’on connaît à peine. Dans « Le Prophète », le poète Gibran Khalil Gibran écrit que l’amour ne connaît sa véritable profondeur qu’à l’instant de la séparation. J’ai découvert la vérité de ces mots à mes dépens. La puissance des sentiments que j’avais pour lui ne s’est manifestée véritablement que quand nous nous sommes quittés. Sa vigueur m’a torturée inlassablement, tel un poison mortel qui agit avec lenteur. Impréparée à y faire face, je me suis réfugiée dans la solitude en laissant notre amour se nourrir de l’éloquence du silence. Libéré des codes du langage, le désir amoureux s’approche encore plus de la vérité.
Avec lui, j’ai découvert ce que c’est de se manquer. Quand le vide est tellement écrasant que l’on n’arrive plus à respirer. Toutes les chansons parlaient de lui. J’écoutais de la musique à longueur de soirée, des moments pendant lesquels, en compagnie d’autres cœurs brisés de ce monde, je me sentais un peu moins seule. Le manque est un symptôme de l’amour. Je voulais vivre avec lui un de ces amours fous où les meubles se souviennent des éclats de nos tempêtes et la guerre est toujours tendre. Je nous voyais avoir le talent nécessaire pour être vieux sans être adultes, comme les vieux amants de Jacques Brel.