Sang bleu, sang noir - Maxime Beaumont - E-Book

Sang bleu, sang noir E-Book

Maxime Beaumont

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Beschreibung

Vanessa, riche Suédoise, ne s’attendait pas à voir sa vie entièrement bouleversée par un petit séjour au Sénégal avec son nouveau compagnon français, Maxime. Mais sa rencontre avec Malik, jeune guide beau comme un dieu, est un véritable coup de foudre qui libère un déchaînement de passions dévastatrices pour le plus grand plaisir de Maxime, libertin blasé pas totalement innocent dans le choix de cette destination. Il guide Vanessa dans sa découverte des amours interraciales et dans sa quête de sa vérité intime.

À PROPOS DES AUTEURS

Au retour d’un voyage au Sénégal, Maxime Beaumont & Vanessa Malm écrivent Sang bleu, sang noir, un récit qui mêle intimement des situations vécues à celles rêvées. Maxime Beaumont, de nationalité française, est directeur de sociétés et passionné d’Afrique, tandis que Vanessa Malm, Suédoise, se partage entre les relations publiques et la gestion du domaine familial.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Maxime Beaumont & Vanessa Malm

Sang bleu, sang noir

Roman

© Lys Bleu Éditions – Maxime Beaumont & Vanessa Malm

ISBN : 979-10-377-9099-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine… elle est mortelle…

Paolo Coelho

La rencontre

La chaloupe vient de quitter le port de Dakar. Je ne suis pas fâchée de quitter cette ville tentaculaire en pleine explosion. Comme toutes les capitales du nouveau monde, Dakar est grouillante, trépidante, fatigante, mais aussi fascinante. C’est l’Afrique moderne dans toutes ses contradictions. On ne peut venir au Sénégal sans y faire un tour. Mais deux jours c’est bien suffisant. Les tours en verre, les belles villas, les hôtels de luxe et les restaurants branchés des privilégiés cachent mal l’Afrique des laissés-pour-compte, celle des taxis-brousse surchargés, des bidonvilles, des banabanas vendant tout et n’importe quoi, du sèche-cheveux à la tenue de Spider-Man et des talibés, ces enfants obligés de mendier pour un marabout. Mon petit cœur de Suédoise hésite entre l’intérêt quelque peu malsain pour le pittoresque, la tristesse devant encore tant de misères, mais aussi la satisfaction de voir que les choses bougent quand même sur ce continent. J’aspire maintenant à un peu de sérénité.

Après la moiteur étouffante de la ville, la brise marine qui souffle sur mon visage et sur mes épaules nues est du pur bonheur. À peine une demi-heure de traversée pour rejoindre la douceur de vivre de l’île de Gorée totalement préservée de la folie du continent avec ses bâtisses coloniales multicolores, ses forts et sa maison des esclaves. J’ai hâte d’y être. Maxime, mon nouveau compagnon français, m’a promis que je vais vivre ici quelques jours magiques.

— Tu vas être bien sur cette petite île, Vanessa, pendant que je m’occupe de mes affaires. Tu seras bien mieux qu’au Pullman ou au Radisson avec tous ces hommes d’affaires qui se prennent pour Don Juan dès qu’ils sont loin de leur épouse. Les habitants sont très accueillants, ils vont te chouchouter. Je suis sûr que tu vas te faire des amis.

À bord se presse une foule joyeuse, jeune, pétillante, élégante, racée et surtout très belle et très sensuelle, comme toujours au Sénégal, me semble-t-il. C’est du moins ce qui m’apparaît depuis une semaine que je visite ce pays. On est entourés de groupes de jeunes Africains en pèlerinage en ce haut lieu de mémoire de l’esclavage, de commerçants de rue qui vont vendre colifichets et souvenirs, de touristes rosis par le soleil et aussi de quelques couples « dominos », vieux Toubabs en compagnie de jolies poupées noires, ou Européennes de tous âges radieuses au bras de jeunes Noirs vigoureux. Le vieux monde vient ici vivre ou revivre.

La vie a été jusqu’à présent plutôt douce pour moi. Une famille connue dans tout le royaume, pas mal d’argent, des amis fidèles, des maris et des amants enviés par toutes les femmes, des soucis bien sûr, mais en général vite surmontés. Je fais en plus partie de ces blondes très suédoises, à la peau porcelaine, aux yeux bleus et aux longues jambes qui font tourner la tête de tous les mâles de la planète. C’est une chance maintenant. Mais cela a été longtemps un handicap. J’ai été élevée dans la croyance que la beauté est un don du diable qui favorise le péché. J’ai mis longtemps à accepter le désir des hommes. Maxime n’arrête pas de me faire des compliments : plastique parfaite, élégance naturelle, sourire ravageur, sensualité à fleur de peau. Il paraît que je suis une invitation permanente à l’amour, le feu sous la glace… Il en rajoute chaque jour. Parfois, je me demande s’il n’en fait pas un peu trop. Les Latins sont quand même de sacrés baratineurs. Paroles… Paroles… Jamais un Suédois ne me dirait cela. Mais c’est tellement agréable à entendre. Moi, je ne vais pas mentir, je me trouve jolie, mais sans plus. J’ai des amies bien plus belles que moi, mais moins désirées. Le sex-appeal ne s’explique jamais totalement. Mais c’est vrai qu’elles n’ont ni mon sourire ni mon regard spontanément bienveillants. Je ne suis jamais pimbêche. Du coup, on me croit accessible, disponible. Ce qui ne va pas sans me créer parfois de petits problèmes… Comme toutes les femmes, je me trouve de nombreux défauts et je commence à avoir quelques complexes que les crèmes hors de prix et les piqûres de botox ne suffisent pas à dissiper totalement. Il me les fait oublier. Il oublie de dire que je suis aussi impatiente, têtue et très émotive. Je peux être douce et docile, mais aussi tigresse et parfois garce… Mais ça, il ne le sait pas encore. Pour être heureuse, j’ai besoin d’être étonnée et d’un homme fort qui sait calmer mes angoisses.

On se connaît depuis six mois. Une rencontre sur la Côte d’Azur chez des amis. J’ai été très vite attirée par cet homme mûr, curieux et cultivé, qui aime passionnément la vie et l’aventure. C’est un homme d’affaires. Sa vie déjà riche lui a fait connaître sur tous les continents nombre de lieux de plaisir et de luxure, de vrais lieux de perdition. Il semble d’ailleurs les rechercher. Pour connaître un peuple, dit-il, il faut savoir ce qu’il mange et comment il baise. Il se définit volontiers comme libertaire et hédoniste, en quête de tous les plaisirs qu’ils soient simples ou raffinés. Il aime les bons vins, la bonne chère et tous les jeux du sexe. Dommage qu’il ne fasse pas plus de sport. Nous, les Scandinaves, nous aimons les corps musclés. Il est un peu fou et artiste à ses heures perdues. Il m’a fait poser nue et m’a sculptée dans une position érotique. J’ai adoré. Il a une grande ouverture d’esprit. Ainsi il m’a avoué avoir eu dans sa jeunesse une aventure passionnelle avec un jeune Noir. À ma grande surprise, je ne suis pas choquée, même si c’est totalement contraire à mon éducation protestante très stricte. Comme un certain nombre de Français, il est à la fois séduisant et crispant. Il peut être chauvin, arrogant, moqueur, persifleur… bref, tout ce que je déteste. Mais je me sens bien avec lui. Sa franchise et son assurance me libèrent progressivement de mes préjugés et de mes contradictions. Il me comprend et me rassure. Et pour tout dire, son côté sulfureux m’attire irrésistiblement même s’il m’inquiète parfois.

Comme beaucoup de Scandinaves, j’éprouvais jusqu’à présent pour l’Afrique et ses habitants des sentiments confus. Pour tout dire, globalement, un très faible intérêt et une ignorance crasse de la géographie et de l’histoire. À notre décharge, l’Afrique c’est loin et on n’a jamais eu de colonies – en fait, on se les est fait piquer très vite ! – C’était un mélange de peine pour la pauvreté et les malheurs qui s’abattent régulièrement sur cette région du monde, de découragement devant la corruption des élites, mais aussi de fascination pour le sens artistique, l’énergie et les performances physiques des femmes et des hommes de ce continent. Rien d’original en fait. Juste de pauvres clichés.

Mes nombreux voyages m’avaient menée aux quatre coins du monde. J’avais visité les sites les plus emblématiques, de la barrière de corail au Machu Picchu en passant par Angkor Vat, le Taj Mahal, le Grand Canyon, la Grande Muraille de Chine et bien d’autres. J’avais fait la fête dans les lieux les plus branchés de la planète, Saint-Tropez, Bali, Mykonos, Ipanema, Goa, Dubaï, Moustique, Miami… Mais je n’avais fait qu’une petite incursion sur ce continent en Afrique du Sud. Séjour au Cap et dans ses merveilleux vignobles, safari dans une réserve privée, guidée par des rangers blancs, visite en voiture blindée d’un township pour le frisson. Pas franchement une rencontre avec l’Afrique et les Africains. Aussi, quand Maxime a insisté pour me faire visiter le Sénégal à l’occasion de l’un de ses déplacements professionnels, je me suis dit qu’il avait sans doute de bonnes raisons. Je pourrais peut-être tirer au clair quelques-unes des légendes qui peuplent notre imaginaire européen.

Notre périple nous a conduits jusqu’à présent dans le nord du pays à Saint-Louis, sur les bords du fleuve Sénégal et dans le delta du Sine-Saloum où nous avons passé une semaine en amoureux dans un campement de brousse. Les paysages sont épurés, mais envoûtants. Grandes étendues plates couronnées de baobabs et de fromagers. Au milieu des acacias paissent paisiblement des troupeaux de zébus. On a parfois l’impression d’être revenu à l’origine du monde. Je suis surtout totalement conquise par la gentillesse et la dignité des gens. En dépit de leur pauvreté, ils sont fiers, élégants et accueillants. La vie est ici un spectacle permanent, tellement différent de ce que j’ai pu voir jusqu’à présent. Chaque village est un chaos invraisemblable où se mêlent hommes, femmes, enfants, taxis-brousse, charrettes, chèvres, moutons dans une hygiène plus que douteuse, mais aussi dans une atmosphère joyeuse et une grande chaleur humaine. On est loin de la sinistrose de nos contrées, de nos têtes d’enterrement et de nos regards indifférents. En un mot, malgré la misère, je suis sous le charme et je me sens bien, merveilleusement bien. Je ressens plein d’amour et de respect pour ces êtres qui vivent joyeux et dignes sans se plaindre à côté de grands malheurs.

Ici, contrairement à la Suède, je sens que je plais à tous. Je fais l’objet en permanence de marques d’intérêt : regards appuyés, sourires souvent éclatants (je suis fascinée par leurs dents blanches qui contrastent avec leur peau noire), compliments sur mes charmes, parfois un geste très suggestif. Au début, j’étais choquée. Mais je me suis habituée assez vite. Je vois bien qu’ils aiment par-dessus toute ma blondeur et ma peau très blanche, mais je sais aussi que je manque d’un peu de fesses pour être totalement à leur goût. J’évite cependant de dire que je suis Suédoise de peur de déclencher une émeute. Je connais trop notre réputation. Je le prends bien malgré tout, je me sens flattée, mais pas agressée tant tout ceci se passe dans la joie et la bonne humeur et tant les hommes sont beaux, grands, minces et musclés. Ce n’est pas de ma faute tout de même si je les excite ! C’est leur problème, après tout, pas le mien. Les alizés et les tenues légères que m’a achetées Maxime y sont sans doute aussi pour beaucoup. D’habitude, pour être tranquille, je porte des tenues plutôt sages. Là, je n’en ai pas envie. Je veux juste avoir sur moi quelques dizaines de grammes, une petite robe, un string et parfois un soutien-gorge. Il paraît qu’une femme occidentale pense au sexe dix fois par jour. Pour être sincère, depuis que je suis ici, j’explose régulièrement ce chiffre. Il semble enchanté de me voir heureuse et convoitée et qu’on lui dise qu’il a une très belle compagne. J’aime aussi qu’il me laisse une certaine liberté pour flâner sur les marchés au milieu de la foule ou marcher sur les plages, pieds nus, la tête au vent et l’appareil photo en bandoulière, à la rencontre des magnifiques gaillards rentrant sur leurs pirogues après une nuit de pêche. Mais il n’est jamais loin, il sait montrer aussi que je suis à lui et cela me plaît bien. J’ai besoin de sa protection. Avec lui, je suis rassurée. Je sens qu’il ne peut rien m’arriver de vraiment fâcheux.

Après une demi-heure de traversée, nous arrivons. Je suis immédiatement séduite. Un vrai coup de foudre. Le calme et la sérénité contrastent avec l’agitation de Dakar. De petits restaurants sénégalais dominent une plage à l’eau cristalline. Les enfants sautent du quai et nagent jusqu’aux petites embarcations qui mouillent dans la baie ou bien jouent au foot sur la plage. Le calme de Gorée est uniquement perturbé par le bruit des vagues, le bruissement des feuilles dans le vent et le brouhaha lointain des voix. Parfois une musique entraînante s’échappe d’une fenêtre ouverte. Pas de routes goudronnées ni de voitures, juste des ruelles fleuries de bougainvilliers et de jasmins et des maisons de style colonial aux balcons en fer forgé. Je suis contente de rester quelques jours ici. Maxime a raison, je suis sûre que ce lieu magique va nous révéler quelques secrets.

Maxime a réservé dans un hôtel de charme où d’emblée je me sens bien. C’est une ancienne maison de maître du XVIIIe siècle entièrement rénovée. Une piscine a été aménagée dans le magnifique jardin. Nous avons une grande chambre meublée avec goût dans le style africain, des tableaux de femme noire nue, des masques virils, un grand lit surmonté d’une moustiquaire, une belle salle de bains, une grande terrasse… un vrai nid d’amour. Maxime, toujours poète, préfère parler d’un très joli baisodrome. Un baisodrome qui visiblement lui donne des idées. Depuis que nous avons mis le pied au Sénégal, notre libido est au plus haut. Il y a des pays comme ça, plus aphrodisiaques que d’autres. Il commence à remonter ma robe et à me caresser les fesses. Je sais où il veut en venir. En général, je ne résiste pas. Mais, pour une fois, je le repousse. Je n’ai qu’une envie, me replonger dans cette foule si charnelle.

— Chéri, ce n’est pas le moment. Ne me tente pas. On a tout le temps. J’ai très envie de voir à quoi ressemblent ce petit coin de paradis et ses habitants.

— Je t’en prie. J’adore faire l’amour sous une moustiquaire.

— Non, n’insiste pas. Profitons du soleil.

— Tu as raison. Ce sera encore mieux ce soir. En plus, j’ai une petite faim.

— Ce n’est pas franchement un scoop. Premièrement, j’ai toujours raison. Deuxièmement, tu as toujours faim !

— Et, tu oublies, troisièmement… j’ai toujours envie de toi !

— Allez, je t’en prie. On y va ! Je suis sûre que tu seras encore plus excité après notre balade.

— C’est pas faux. J’ai repéré sur le bateau quelques jolis petits culs !

Après un bref passage dans la salle de bain pour recoiffer mes boucles blondes, mettre un rouge à lèvres flashy et enlever mon soutien-gorge, nous sortons. Bien sûr, le dernier détail n’échappe pas à Maxime :

— Tu as bien fait de retirer ton soutien-gorge. Tu es encore plus belle, j’adore deviner le léger balancement de tes seins quand tu marches…

Notre hôtel est situé tout près de la maison des esclaves. C’est une ancienne maison de traite construite par les Hollandais au XVIIIe siècle et restaurée il y a vingt ans environ pour devenir un mémorial de la déportation de millions d’Africains vers les Amériques. C’est ici un point de passage obligé pour tous les visiteurs, anonymes ou célèbres. Mitterrand, Clinton, Obama, Hollande, pour ne citer qu’eux, ont tenu à se faire photographier ici… sans oublier, bien sûr, de le faire abondamment savoir. Nous décidons de prendre un déjeuner léger, un capitaine grillé sauce pili-pili, à l’ombre d’un flamboyant et d’y aller en premier. Nous préférons accomplir notre devoir et affronter au plus tôt les moments qui peuvent s’avérer pénibles et culpabilisants. Maxime sait que la perspective de cette visite me perturbe un peu. Je ne suis pas toujours vaillante face aux horreurs du passé. J’ai peur de revivre l’effroi qui m’avait saisie en visitant le camp d’Auschwitz il y a quelques années.

Mais ici, c’est différent. À première vue, l’endroit est plutôt charmant et trompeur. C’est une jolie propriété coloniale donnant sur la mer avec une grande cour intérieure et un escalier à double volée menant à de beaux appartements au premier étage richement décorés. On imagine aisément sur les grandes terrasses de belles dames en robe à crinoline devisant gaiement tout en sirotant des orangeades servies par des domestiques en livrée. On trouve aussi quand même au rez-de-chaussée des pièces sinistres, aveugles, rongées par l’humidité et fermées par de lourdes grilles. Elles sont reliées par un passage voûté menant directement aux rochers et à la mer, au nom inquiétant : la Porte du Voyage Sans Retour.

Pendant que Maxime règle au téléphone quelques détails sur ses réunions de demain, en attendant l’intervention du guide, je me promène dans la bâtisse me mêlant aux groupes de jeunes Noirs. J’adore leurs rires. Ils n’arrêtent pas de se taquiner. Très vite, je me rends compte que dans chaque pièce je retrouve un beau garçon qui m’avait souri sur le bateau et à qui j’avais répondu en catimini d’un sourire complice. Je suis sûre de l’avoir également croisé sur le chemin de l’hôtel. Il me regarde ostensiblement. Je me sens comme une gazelle traquée par un lion en maraude. C’est un peu inquiétant, mais pas du tout désagréable. Je suis parcourue par des frissons lorsqu’il m’adresse des clins d’œil. J’ai entendu ses copains l’appeler Malik. Il est grand et mince avec de longues tresses rasta, d’une grande virilité quelque peu adoucie par des micro-bracelets multicolores à son poignet. Il ne passe pas inaperçu. Bien sûr, je feins l’indifférence… tout en guettant ses apparitions. Il s’en est aperçu maintenant et ce petit jeu l’amuse visiblement autant que moi. C’est follement troublant d’être une proie. Mais je ne veux pas qu’il sente mon émoi et exciter son instinct de chasseur. Je ne veux pas qu’il sente mon trouble désormais carrément sexuel. Je me sens fautive. Mais c’est trop bon, ce n’est pas en Suède que je pourrais vivre ça !

Les joues écarlates et le cœur battant, je finis par rejoindre Maxime dans la cour où sont réunis les visiteurs pour écouter le guide qui a déjà commencé ses commentaires.

L’ambiance jusqu’à présent bon enfant change très vite quand il évoque les conditions épouvantables des malheureux captifs entassés nus, les fers aux pieds, dans les cellules au rez-de-chaussée, les enfants séparés de leurs mères, les châtiments terribles infligés aux rebelles, les viols des femmes et la sortie finale vers le bateau qui va les emmener vers les Amériques dans des conditions épouvantables, victimes des rats, des maladies et des traitements cruels. Tout est fait pour leur ôter leur humanité et les réduire à l’état de bêtes de somme trimant sans cesse sous la menace permanente des coups de fouet, des marquages au fer rouge et autres amputations. Dès les sinistres geôles de Gorée, ils sont dressés à vivre dans la terreur, seule garante de leur docilité.

Les rires se sont tus. On n’entend plus désormais que des murmures et quelques sanglots.

Moi aussi, je suis bouleversée et très en colère. Je suis révoltée contre les négriers, les missionnaires, les saloperies de colons européens et leurs délicieuses épouses. Comment pouvaient-ils avoir la conscience tranquille et vivre paisiblement au-dessus de telles atrocités ? Peut-être même s’en délectaient-ils ? C’est contraire à toutes mes convictions. Un grand malaise physique m’envahit. Je sens maintenant rôder dans l’air l’âme de ces malheureux. Je me sens Noire, l’une d’entre eux et traîtresse à ma communauté. Je n’ai plus rien à voir avec mes semblables, ces touristes replets qui dans une heure auront oublié leur indignation. C’est sûr, ma place aurait été au sous-sol, pas à l’étage dans les salons luxueux. J’aurais consolé les enfants, soigné les suppliciés et donné de l’amour à ces pauvres êtres. J’aurais supporté d’être nue et attachée avec mes compagnons d’infortune, mais certainement pas violée par ces soudards.

Malik est maintenant à côté de moi. Il perçoit mon émoi et ma peine. Son regard pénétrant me réconforte et m’envoûte. Il le comprend. Je le regarde et je baisse les yeux dans un signe de soumission. Il s’approche encore plus, mais c’est moi qui fais le dernier geste. Je recule discrètement. C’est ma façon de montrer ma solidarité avec tous ces malheureux. J’ai besoin d’un pardon et d’un contact libérateur et expiatoire de ma honte après des siècles de sévices et de mépris. Je veux racheter nos fautes à tout prix, en payant de mon corps s’il le faut. Il ne bouge pas, moi non plus. J’éprouve un trouble inédit au contact de ce corps rassurant et sombre si nouveau pour moi et de son parfum enivrant et poivré au patchouli et vétiver. Au travers de mon mini-slip et de ma petite robe en coton très fine, je sens son ventre musclé et son sexe qui se déplie avant de se dresser contre mon petit cul. Je suis heureuse, c’est le pardon que j’attendais, une marque d’amour plus forte que les horreurs du passé, la consolation de ma honte.

Je suis prise de vertiges et je laisse faire. Je voudrais qu’il me serre très fort et caresse mes seins libres sous la robe. Je suis paralysée, clouée par ce sexe dominateur et bienfaisant. Dans ma tête, tout est confus. Je suis dans un état second. Que m’arrive-t-il ? En Suède, j’aurais réagi vivement, crié au harceleur ou giflé le grossier personnage. Comment puis-je faire ça à l’insu de Maxime plongé dans son recueillement dans ce lieu où tant de gens ont souffert ? Pourquoi vouloir maintenant ce que je lui ai refusé tout à l’heure ? Je ne suis vraiment qu’une salope perverse. Finalement, je ne vaux pas mieux que cet abominable Marquis de Sade. Chez lui aussi, les cachots et les actes de barbarie déclenchaient des pulsions sexuelles incontrôlables. Pourquoi suis-je aussi excitée tout à coup en faisant exploser mes tabous ? Mon cœur bat très fort, je suis parcourue d’ondes de plaisir électriques. Mon sexe est trempé, mon slip aussi. J’ai peur de jouir et de crier mon plaisir.

Je parviens enfin à me maîtriser et je me détache de Malik. Je reprends péniblement mes esprits. Maxime me prend la main.

— Mon petit amour, je ne m’attendais pas à ce que tu sois aussi bouleversée, me dit-il tendrement.

J’arrive à peine à prononcer quelques mots.

— Pardonne-moi… tu me connais… j’ai été submergée par l’émotion… mais ça va mieux maintenant.

— Sortons d’ici, c’est trop pénible. Promenons-nous dans l’île. Tu verras, c’est magnifique.

— Très bonne idée, intervient Malik qui a entendu notre conversation. Je suis le meilleur guide de l’île, cinq-étoiles sur Lonely Planet, recommandé par Le Guide du Routard, dit-il dans un grand sourire, je vous propose mes services. Je connais tous les bons coins et les secrets les mieux gardés de Gorée.

— Pourquoi pas ? répond Maxime avec enthousiasme en découvrant Malik. Tu tombes bien. Qu’en penses-tu, ma chérie ? Cela va te changer les idées.

— Oui… pourquoi pas, balbutié-je, en essayant de masquer mon embarras.

J’hésite entre le plaisir de rester avec ce beau garçon et la peur de commettre l’irréparable.

— Merci les amis. Vous n’allez pas être déçus, je vais bien m’occuper de vous.

Je baisse les yeux, de plus en plus gênée.

La visite commence. Les deux hommes s’entendent comme deux larrons en foire. Une forte complicité s’établit très vite. Parfois, ils plaisantent, parfois ils discutent avec sérieux. De tout et de rien, du foot, des boîtes de nuit très chaudes de Dakar cachées au fond des bidonvilles, des seins des femmes blanches, des croupes des femmes noires, du plaisir des amours interraciales, de la sécheresse qui gagne le continent africain, des plages qui disparaissent, des futures élections, de la dureté de la vie au Sénégal… Malik fait part de son rêve de venir vivre en Europe où il a déjà des cousins ou bien d’épouser une femme blanche.

— Une femme riche, précise-t-il, pas une institutrice ou une fonctionnaire, je ne veux pas vivre dans une de vos cités avec les immigrés !

Une amitié aux apparences sincères s’installe. Malik semble oublier qu’il cherche à baiser la femme de son nouvel ami. Peut-être ce double jeu l’excite-t-il ? Maxime semble comme moi sensible à sa beauté et à sa virilité. Malik est visiblement attiré aussi par les hommes mûrs. Est-il sincère ou manipulateur ? Les séduirait-il pour mieux avoir leur femme ?

Le ménage à trois, c’est une expression française qui a fait le tour du monde. Je me dis que finalement c’est sans doute une très bonne idée… surtout quand c’est moi qui suis au centre du jeu. Cela résout pas mal de problèmes. Cela m’éviterait d’avoir à choisir entre un homme mûr et expérimenté et un jeune amant vigoureux. Une version tropicale de Jules et Jim en plus torride, pourquoi pas ? Si seulement Maxime pouvait être d’accord ! J’aimerais tant qu’ils s’aiment ces deux-là. En tous les cas, je vais tout faire pour.

Malik se révèle être un excellent guide. Il connaît parfaitement l’île et ses habitants qu’il salue systématiquement. Il plaisante avec les hommes, taquine les gamines délurées avec leurs petits seins naissants, présente ses respects aux anciens troublant à peine leurs parties de dominos et joue au foot avec les futurs Mbappé. C’est une vraie star ici et il en joue. Je ne suis pas fana des visites guidées, mais, pour une fois, il réussit à m’intéresser. Avec un humour très imagé et beaucoup d’expressions pittoresques, il nous raconte comment l’île a été successivement portugaise, hollandaise, anglaise et enfin française. Avec sans doute quelques arrière-pensées, il évoque de sa voix chaude les traditions de métissage qui régnaient ici autrefois avec les signares, ces superbes mulâtresses qui faisaient tourner la tête des marchands et des officiers et les plaisirs des femmes de colon qui lorgnaient sans complexes, en échangeant des commentaires salaces, les pauvres esclaves nus. Je sens bien que les propos les plus suggestifs me sont adressés et qu’il cherche à entretenir mon trouble. Cette drague oblique m’amuse, mais ne me laisse pas indifférente. Non seulement il est beau et viril, mais il sait être aussi drôle, sensuel, subtil. Finalement, si on l’écoute, à condition bien sûr d’être du bon côté, de fermer les yeux et les oreilles et de chanter très fort à la messe le dimanche, la vie semblait plutôt agréable…

Je me tiens un peu en retrait. Je ne suis vraiment pas à l’aise. Je suis encore trempée, il me semble que tout le monde peut s’en apercevoir. J’ai peur qu’une auréole apparaisse sur ma robe ou que Maxime devine mon excitation à mes tétons qui pointent. Je voudrais en rester à une admiration muette et oublier l’épisode de la maison des esclaves, mais mon attirance pour Malik se renforce encore quand il marche devant moi souple et félin comme un danseur de Tango. Quelle élégance et quel charisme ! Je vois ses jambes fuselées, ses fesses rebondies, sa taille mince, ses épaules larges et surtout sa peau noire lisse et douce comme un cuir pleine fleur Hermès. Je ne peux oublier sa bite dure comme du bois d’ébène. Je suis au supplice. Pourquoi ai-je accepté cette promenade alors que j’aurais été si bien à me faire bronzer au bord de la piscine ? Je le sais maintenant. Je veux retrouver cette bite. Je veux qu’il me défonce et qu’il jouisse en moi. Je veux savoir comment cet homme fait l’amour. C’est mon côté femme gâtée, terriblement égoïste. Depuis toujours, le meilleur, c’est pour moi. Je ne supporte pas de ne pas avoir le plus beau mâle de Gorée et, pourquoi pas, du Sénégal. Peu m’importe mon orgasme, je veux satisfaire son désir, être son objet sexuel. Je deviens folle. Je suis prête à me damner pour un moment d’éternité. Je ne peux quand même pas demander à Maxime son autorisation ! Pourra-t-il un jour me comprendre et me pardonner ? Je ne veux surtout pas le perdre. Je suis une femme surexcitée, mais j’ai toujours été honnête. Tromper ne fait pas partie de mon plaisir… enfin, je crois. Mais les choses changent parfois… Et comment moi, qui ai eu les hommes les plus séduisants et les plus riches de Suède et de France, puis-je désirer violemment être le jouet sexuel d’un jeune play-boy sénégalais qui me fait, à l’insu de mon compagnon, des gestes qui seraient déplacés si je ne venais pas de me frotter contre son sexe comme une petite chienne en chaleur ?

Leur complicité me rend jalouse. Je me sens exclue de leurs jeux de séduction. Je finis par répondre aux sollicitations de Maxime qui s’inquiète de mon humeur absente et par arrêter mes bouderies.

— Je t’en prie mon amour. Oublie un instant ce que tu viens d’entendre sur ces pauvres esclaves. Viens t’amuser avec nous, Malik est vraiment très sympa.

Pauvre Maxime ! Je suis étonnée, pour une fois, il ne semble pas avoir compris la situation. Je décide de surmonter ma culpabilité et de laisser parler mes sentiments.

— Tu as raison, Malik est vraiment… comment dire… très sympa.

Je me mets délibérément entre eux, je prends leur main et nous dévalons les rues en pente en chantant en chœur des chansons de Bob Marley.

— I wanna love you, every day and every night !

— We’ll share the shelter of my single bed !

— Is this love, is this love, is this love !

— Is this love that I’m feelin’ ?

Bonne question ! J’ai décidé de faire bonne figure et ma joie est communicative. Nous arrivons à l’hôtel, essoufflés. Nous quittons Malik, mais nous lui promettons de venir à la soirée qu’organisent les jeunes de Gorée dans l’ancien palais du gouverneur vers vingt-deux heures.

J’entreprends d’abord de laver ma petite culotte et de la mettre à sécher. J’ai hâte de faire disparaître toute trace de mes effluves coupables. Puis, je reste dans mon bain près d’une heure tout en buvant un grand verre de jus d’hibiscus au gingembre. Je veux purifier et apaiser mon corps. Pas facile dans un lieu aussi sensuel ! Maxime se contente d’une douche pour regarder à la télé la finale du championnat de lutte sénégalaise. Pour rien au monde, il ne manquerait ces combats virils et violents. J’entends de mon bain les clameurs de la foule et les cris enflammés des commentateurs. C’est en wolof, je ne comprends rien. Mais j’aime cette ambiance de fête populaire. Je me sens ragaillardie. Je suis à deux doigts (!) de me masturber, mais je me reprends. Ce serait dommage de s’adonner à un plaisir solitaire. Je sais ce que je veux ce soir, m’amuser, donner du sexe à Malik et à Maxime. J’ai besoin d’être en forme. Après m’être soigneusement maquillée et parfumée, je mets mon plus bel ensemble de lingerie Victoria Secret et peaufine le vernis de mes ongles de pieds et de mains. Je boutonne quelques boutons de ma petite robe en prenant soin d’offrir en haut un décolleté révélant les dentelles intimes de mon soutien-gorge et en bas mes cuisses bronzées. Tant mieux si sous certains angles on peut voir ma petite culotte brésilienne en tulle rouge brodé. J’ai décidé de repousser ce soir les limites de ma pudeur. Maxime me fait remarquer que je fais beaucoup de progrès ces temps-ci et que pour une fois ce n’est pas lui qui m’oblige à être sexy. Aurait-il déjà compris ?

Nous prenons un dîner d’amoureux dans un petit restaurant sur le port. Maxime sent que j’ai envie ce soir de faire la fête. Il commande deux caïpirinhas, mon cocktail préféré, et une bouteille de rosé pour accompagner des brochettes de gambas et des bananes flambées.

Le dîner démarre pourtant mal. Nous nous disputons vivement sur la maison des esclaves. Maxime ne peut s’empêcher de faire preuve de son cynisme habituel.

— Tu sais, le rôle de la maison des esclaves est très surestimé. Le guide s’est vraiment lâché. Il a fait dans le sentiment, pas dans la vérité historique. Il a simplement oublié le rôle des tribus alliées aux négriers et les traditions millénaires d’esclavage des Arabes en exagérant sur toute la ligne. C’était en fait une toute petite maison de traite qui a vu passer juste trois cents esclaves par an, bien loin des centaines de milliers qui partaient du golfe de Guinée. Et les bateaux mouillaient bien à l’abri dans le port et non dans les vagues face au bâtiment…

Je suis encore dans l’émotion et la révolte. Mon sang ne fait qu’un tour. J’ai très envie de m’opposer à cette approche comptable et à cette manie française de tout critiquer. Je ne peux m’empêcher de défendre la portée spirituelle de ce lieu où pourtant je viens de vivre une intense émotion sexuelle. Et puis j’ai envie de défendre la cause des Noirs trop souvent méprisés. Je me sens ce soir l’âme d’une pasionaria, une Jean Seberg – elle aussi d’origine suédoise comme par hasard – toujours prête à se battre pour ses compatriotes de couleur. C’est mon côté tigresse et têtue, je ne veux rien lâcher.

— Peut-être c’est exagéré, mais c’est pas important ! Ce qui compte, c’est qu’il y ait un lieu de pèlerinage qui procure un choc. J’ai bien vu que tu n’as pas ressenti comme moi la violence du lieu. Comment peux-tu rester au niveau des chiffres ? C’est indigne de toi. Je te croyais beaucoup plus sensible. Oui, la France n’a pas inventé l’esclavage. Oui, peut-être ce n’était pas le plus grand comptoir. Et alors ? Pour évoquer le passé, toi tu peux défiler le 14 juillet sur les Champs-Élysées, aller aux Invalides ou au Panthéon. Et nos amis noirs d’Afrique ou d’Amérique où peuvent-ils aller ?

Maxime, surpris par ma réaction, ne répond pas. Je crois que j’ai marqué un point.