Scandale - Nathan Glimmer - E-Book

Scandale E-Book

Nathan Glimmer

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Beschreibung

Réflexion sur la réalité et les récits qui la façonnent, "Scandale" présente diverses variations autour de l’extravagant succès de la chanson C’est si bon. La légèreté et l’ignominie humaines y côtoient des éclairs de génie, sans que l’on ne comprenne parfaitement où et quand ils se manifestent, ni comment, ni pourquoi.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Nathan Glimmer, féru de musique, explore régulièrement ce domaine par la lecture et l’écriture. "Scandale" est le fruit de ces inclinations.

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Seitenzahl: 75

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Nathan Glimmer

Scandale

Roman

© Lys Bleu Éditions – Nathan Glimmer

ISBN : 979-10-422-2592-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Quand la légende est plus belle que la réalité,

on imprime la légende.

John Ford, L’homme qui tua Liberty Valance

L’histoire

Nice, juillet 1947

— Fichtre ce qu’il peut faire beau aujourd’hui ! Regardez-moi ce ciel limpide, ce soleil ardent, et la Méditerranée étincelante… Non vraiment, quelle idée d’avoir encore accepté cette partie de bridge avec Papa !

Ainsi pense Henri Betti, né Ange il y a trente ans à quelques jours près, ici même à Nice, alors qu’il parcourt le cours Saleya pour se rendre au café où l’attendent effectivement son père et quelques-uns de ses amis, autres immigrés parmesans, pour la partie de cartes hebdomadaire à laquelle tient tant le nouveau retraité – Monsieur Betti père était peintre en bâtiment, Madame, vendeuse de poissons sur les marchés. Et puis ce n’est pas tout le temps que son fils est à ses côtés. Il passe plus de temps avec ses amis saltimbanques parisiens qu’avec sa famille, pour sûr…

Le ciel est bleu, l’air est doux, Henri déambule dans ces ruelles et placettes où il a grandi. Place et rue Rossetti, rue Pairolière, rue du Malonat… Il aime jusqu’au bruit de ses pas sur les « maloun », ces tommettes caractéristiques du Vieux-Nice. Les façades colorées se succèdent, les clairoirs qui les ornent extraient l’air des ruelles que les salestres évacuent. Ces mouvements aérauliques ne procurent pas seulement un précieux confort thermique aux piétons, ils contribuent à diluer et diffuser l’odeur enivrante des épices que l’on vend dans diverses échoppes du quartier. Henri ne manque d’ailleurs pas de saluer en passant quelques commerçants qui l’apostrophent en retour, lui proposent fruits ou légumes, frais et bon marché. Non vraiment, tout va bien ce matin.

Le succès de « Mam’zelle Printemps » au théâtre Moncey est certes mitigé, mais ce n’est pas à cause de sa partition musicale, saluée par la critique. On lui a même rapporté que « Le régiment des mandolines » était sur toutes les lèvres des Parisiens ces temps-ci ! La Lily Fayol n’y est sans doute pas pour rien, en roulant les r à outrrrance comme elle fait de ses hanches… mais le compositeur non plus, et c’est lui ! (Ah ! Lily… pense Henri qui sourit).

Mais c’est vrai qu’il pourrait passer plus de temps ici. Nice lui a toujours plu, et plus encore, réussi. Bien sûr, il y a Paris : le Conservatoire National Supérieur de Musique, avec ses deux éminents professeurs. Le grand Lazare Lévy tout d’abord dont l’enseignement lui a été si précieux, sans qui il n’aurait pas l’aisance corporelle et le doigté qu’on lui reconnaît usuellement (il n’a jamais avoué, à quiconque, que d’aucuns au Conservatoire lui ont reproché son insuffisante vélocité, le faisant ainsi douter de ses talents pianistiques, puis de sa pugnacité alors que chaque jour davantage il rechignait à s’exercer…) Monsieur Raymond Pech ensuite, sans qui, il l’admet volontiers, il n’aurait jamais obtenu le prix d’harmonie alors qu’il avait à peine vingt ans !

Voilà pour les Maîtres. Il est plus difficile de recenser ses maîtresses, alors qu’en parallèle de sa formation musicale, il a officié toutes les nuits ou presque dans divers night-clubs, le Paradise, près de Montparnasse, l’Alcazar rue du faubourg Montmartre… entouré de jeunes danseuses dévêtues, affectueuses et joyeuses filles de tant de joie. Sans parler de celles rencontrées au gré de ses pérégrinations durant la guerre, lorsqu’il accompagnait Maurice Chevalier en France, en Europe, en Afrique du Nord… Nous y reviendrons.

Mais n’est-ce pas Nice qui met sur son chemin son ami Roger Lucchesi, alors que déboussolé (et disons-le plutôt soulagé) par sa récente démobilisation du service militaire, il traînait sur la Promenade ? Ce cher Roger, compositeur-guitariste corse de son état, qui lui propose de rencontrer Maurice Chevalier à qui il compte soumettre une de ses compositions ! Quarante-huit heures plus tard, le jour même de l’anniversaire d’Henri – ce que c’est que la vie, quand même ! – les voilà tous deux seuls avec l’Artiste, à La Louque, son étonnante propriété cannoise. Reçus dans le majestueux salon, aux hautes baies vitrées ouvertes sur la terrasse riche de cactus en pots de terre cuite de toute taille, en surplomb de la piscine d’où s’extrait la Vedette en les accueillant1. Le temps d’enfiler un peignoir blanc, chausser ses espadrilles bleu marine, et le voilà les guidant vers le piano d’acajou brillant qui occupe un angle protégé du soleil du salon aux parois blanchies, cossument couvertes de miroirs et tentures. Ils boivent ensemble une citronnade fraîche puis se mettent à l’ouvrage. La composition de Roger, intitulée « Ah ! L’amour », ne convainc pas l’Artiste, qui lui demande de ne pas lui en tenir rigueur, l’invitant à se resservir de citronnade pour s’en consoler, et qui dans le même élan de paroles et amples mouvements de bras, toujours le sourire aux lèvres, s’adresse désormais à Henri, lui proposant tout de go de l’accompagner pour ses prochains concerts et enregistrements.

Henri hésite, réfléchit, prend conseil auprès du Professeur Pech, lequel bénit cet abandon sacrilège de la grande musique au profit du music-hall, parce que, et uniquement parce que, Monsieur Maurice Chevalier le lui a demandé. Le père Betti se montre moins compréhensif mais le jeune Henri bien sûr alors ne l’écoute pas, et s’embarque aux côtés du « Patron » pour une aventure qui dura cinq ans. Des centaines de concerts, des milliers d’heures à interpréter, puis composer une partie, quarante morceaux au moins, du tour de chant du plus grand chanteur français de music-hall, star internationale depuis ses succès outre-Atlantique de l’entre-deux guerres.

Des centaines de dates dont une que nous devons citer, une en plus de toutes celles au Casino de Paris où pendant huit semaines en 1941 ils divertissent une salle où Parisiens et officiers du Troisième Reich se côtoient. Plus qu’une date, un voyage, d’une journée seulement, et non une tournée comme il fut rapporté. Mais quelle journée que ce 2 décembre 1941… Au Stalag XI-A d’Altengrabow, là même où Maurice Chevalier fut prisonnier durant la Première Guerre mondiale, ils se produisent tous deux à la demande des autorités de Vichy. Y ont-ils joué « Y a d’la joie » devant plus d’un millier selon Henri Betti, « quelque trois milles » selon les organisateurs, prisonniers de guerre français comme on le lit dans la revue de propagande nazie Signal en janvier 1942 ? Est-ce exact que plusieurs centaines de prisonniers reprirent en chœur « La chanson du maçon » comme le raconte ailleurs Henri Betti ?

Pour être complet sur cette visite, précisons qu’elle se fit selon divers récits, y compris celui de notre pianiste dans son autobiographie, aux trois conditions suivantes négociées par Maurice Chevalier : durée limitée aux 24 heures de relâche du Casino de Paris, libération de dix prisonniers originaires de Belleville et de Ménilmontant, aucune rémunération associée à leur prestation.

Il n’y eut pas en revanche lors de ce séjour allemand de « rencontre » à proprement parler d’Adolf Hitler et de Joachim von Ribbentrop, comme on peut le lire, abasourdi, sur le site henribetti.com, mais à en croire l’autobiographie précitée de l’intéressé, uniquement sa présence le 2 décembre matin, concomitante à celle du Führer et de son ministre des Affaires étrangères, dans le grand hall d’un hôtel d’Unter den Linden, au cœur de Berlin.