Shamballapur - Yves-Victor Kamami - E-Book

Shamballapur E-Book

Yves-Victor Kamami

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Beschreibung

"Shamballapur" relate la vie d’Avidan, un médecin juif de Salonique, en Grèce, capturé par les pirates barbaresques en 904. Après maintes péripéties, lui et sa femme sont réduits en esclavage à Tarse. Malgré les épreuves, Avidan s’échappe et libère sa femme captive dans une ville voisine. Ensemble, ils cherchent refuge à Shamballapur, la cité légendaire de la vie éternelle, en suivant la Route de la Soie. Dans un périple semé d’embûches à travers des terres lointaines et hostiles, ils défient l’oppression pour atteindre leur destination. Leur quête de liberté est une ode à la résilience humaine et à la recherche de refuge au milieu de l’adversité.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Yves-Victor Kamami, écrivain prolifique, a déjà signé deux romans historiques, "Le Onzième Templie"r et "Diégo" el "Mulato, pirate des Caraïbes". En plus de ces récits, il compte également huit essais traitant de sujets médicaux variés, parmi lesquels "La médecine anti-âge".

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Yves-Victor Kamami

Shamballapur

La Cité de l’Immortalité

Roman

© Lys Bleu Éditions – Yves-Victor Kamami

ISBN : 979-10-422-2534-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma femme,

Corinne

et à mes enfants,

Cynthia, Georges et Roy,

avec tout mon amour

Chapitre 1

Salonique

(Grèce, en l’an 904)

Mon fils Salomon était en pleine préparation de sa bar-mitzvah, cérémonie d’entrée dans la vie adulte. Le chantre de la synagogue, rav Isaac Abravanel, lui apprenait les rudiments de la prière qu’il devait lire le jour J. D’autres élèves, vêtus de tuniques simples, étaient assis autour de vieilles tables en bois. Ils emplissaient la salle de cours de leur babillage. La pièce était faiblement éclairée par quelques chandelles disposées sur des candélabres, projetant une lumière tamisée.

Rav Isaac, affublé d’une barbe poivre et sel, vêtu d’une longue robe noire, se tenait à l’avant de la salle d’étude ; il avait disposé les rouleaux de la Torah sur un grand pupitre en bois massif. D’une belle voix calme et solennelle, il tentait d’expliquer les finesses et les commentaires de plusieurs générations de rabbins depuis l’Antiquité, répondant aux questions des élèves avec bienveillance et autorité.

Les élèves étaient penchés respectueusement sur d’autres parchemins, avec des plumes d’oie et des encriers qui traînaient sur leurs tables. Les plus âgés, empreints de sérieux, s’entraînaient à copier des ouvrages importants en hébreu du Talmud et de la Kabbale, mais aussi des ouvrages en grec et latin, des principaux auteurs de livres de philosophie et de médecine. On sentait une atmosphère sereine et fervente, propice à l’étude, ces jeunes aspirant à devenir scribes, copistes, rabbins ou médecins.

Soudain, un hurlement de douleur résonna à la porte de la synagogue, interrompant leur étude. C’était le boucher de la ville qui, blessé à la tête, cherchait refuge dans la synagogue. Il saignait abondamment et avait besoin d’être soigné rapidement.

À l’extérieur, la procession chrétienne annuelle de Saint Demetrius, le saint de la ville de Salonique, tournait rapidement en émeute. Dans la ferveur religieuse de la foule, un moine à l’air vif et dangereux, vêtu d’une robe noire, reconnaissant une femme juive parmi les passants, cria que les Juifs avaient tué Jésus. Cette accusation infondée déclencha la colère de la foule, qui se déchaîna sur les quelques passants et commerçants juifs sur le chemin de la procession.

Rav Isaac accueillit le blessé et me demanda de l’aider à nous barricader à l’intérieur de la synagogue, cherchant refuge et sécurité. La tension monta alors que la foule furieuse s’approchait de plus en plus et tambourinait à la porte, hurlant des injures.

Chacun d’entre nous craignait pour ses proches et je me demandais si ma femme, Rachel, et ma fille, Déborah, étaient à l’abri dans notre maison. La tension atteignit son paroxysme lorsque la foule se mit à lancer des pierres et des objets en direction de la porte. Les jeunes étudiants, terrifiés, cherchaient refuge dans la prière. Nous espérions tous que les autorités interviendraient rapidement pour rétablir l’ordre et nous protéger. Nous dûmes attendre de longues heures avec anxiété l’arrivée des soldats du gouverneur de la ville, pour nous libérer.

Finalement, ils réussirent à disperser la foule amassée devant la synagogue. Les jeunes étudiants purent sortir de la synagogue en toute sécurité, bien que traumatisés par l’expérience.

La communauté juive avait déjà eu l’expérience d’épisodes similaires. Les rapports entre Juifs et chrétiens passaient par des hauts et des bas, en fonction du souverain qui régnait. Chaque fois que les chrétiens déferlaient en meute dans le quartier juif, pour une raison ou une autre, les Juifs devaient se calfeutrer dans leurs maisons en espérant que l’orage passe et que la garde les protège.

Alors que mon jeune fils était en sécurité auprès de Rav Isaac, je sortis de la synagogue pour retrouver au plus tôt ma femme et ma fille. J’étais angoissé à l’idée qu’elles aient été dans la rue pendant le passage de la procession et qu’elles aient pu être agressées par les pèlerins. Je poussais un soupir de soulagement lorsque je les retrouvais saines et sauves, occupées à préparer notre repas.

Rachel, ma femme, était toujours aussi belle qu’au premier jour de notre rencontre. J’éprouvais un élan de désir en la regardant. Ses longs cheveux d’un brun sombre entouraient son joli visage aux traits fins et réguliers. Alors qu’elle me parlait, j’admirais sa bouche sensuelle aux lèvres pleines, ses grands yeux au regard intense, d’une saisissante couleur dorée. D’ailleurs, ma fille Déborah lui ressemblait énormément, avec la même beauté charnelle, les mêmes yeux dorés, si étranges et inhabituels. Son joli visage était couronné d’une cascade de boucles brunes.

Je décidais alors de me changer les idées et de me promener dans les rues de la ville. Un beau soleil brillait au-dessus de Salonique ; un vent frais soufflait fort venant de la mer. On pouvait voir au loin des navires marchands s’approcher lentement du port. Je me dirigeais vers le marché aux poissons de la ville.

Situé près du port, dans la ville basse, on pouvait s’y repérer à l’odeur marine si caractéristique, mélange de sel et de poisson. Sur des étals en bois, les poissons étaient exposés, recouverts de nattes pour mieux les maintenir frais et appétissants.

Les vendeurs, affairés autour de leurs étals, braillaient pour attirer les promeneurs, dans le vacarme des ateliers, le tumulte des bêtes hennissantes et les cris des colporteurs. Certains préféraient relayer auprès de leurs clients les dernières rumeurs inquiétantes de brigandage et de guerre aux alentours de la ville, quand ce n’étaient pas des récits de tempêtes auxquelles ils avaient survécu. D’autres affirmaient avoir échappé de justesse aux pirates barbaresques qui infestaient la mer Égée.

Ma ville de Salonique, véritable joyau, était idéalement située, tant par voie terrestre sur la route de la Soie, la Via Egnatia, qui relie Durazzo en Italie à Byzance, que par voie maritime, notre port en eaux profondes permettant à tous les navires marchands de Méditerranée de venir y accoster. Elle était d’ailleurs bien protégée des coups de vent avec une enceinte fortifiée et un accès facile aux navires.

La communauté juive, qui figurait parmi les fondateurs de la ville en 315 avant J.-C., avait évolué au fil des événements. De nombreux Juifs d’Alexandrie étaient venus s’y réfugier en 145 avant J.-C. lorsque le roi d’Égypte, Ptolémée Physcon, avait souhaité se venger d’eux pour avoir soutenu les légions de son frère Ptolémée Philometor. Deux Juifs, Onias et Dosithée, avaient, en effet, été généraux de ce dernier. La chute de Jérusalem et la destruction du second Temple avaient entraîné un exode des Juifs sur tout le pourtour de la Méditerranée, mais également sur toutes les rives des grands fleuves, tels que l’Euphrate, le Tigre et le Danube.

La communauté juive de Salonique avait été ensuite courtisée par Saul de Tarse, dit Saint-Paul pour les chrétiens, qui avait cherché à convertir les Juifs à la nouvelle religion. Ils eurent ensuite eu à subir un massacre dans la ville, comme leurs concitoyens chrétiens en 300 par l’empereur romain Galère, l’assassin de Demetrius de Mitrovitsa.

Démétrius, le proconsul de la ville, avait été converti au Christianisme, et avait alors été tué à coups de lance sur ordre de l’Empereur. Par la suite, Demetrius devint le saint protecteur de Salonique et la basilique de la ville porta son nom.

Puis, en l’an 322, Les Juifs de Salonique furent persécutés et relégués au rang de citoyens de seconde zone par l’empereur Constantin, qui ne leur permit plus ni de témoigner en justice, ni de posséder des esclaves, ni de recruter des prosélytes souhaitant se convertir au judaïsme. Cependant, ils étaient essentiels au développement du commerce, notamment entre le port du Pirée et Constantinople. Salonique eut ensuite à souffrir des attaques de la ville par les tribus slaves Avars, puis Bulgares. Ces derniers s’installèrent d’ailleurs dans tout l’arrière-pays de la ville, après avoir pris la foi chrétienne.

La synagogue, située dans la partie basse de la ville, n’était pas très loin des églises Saint-Demetrius et Sainte-Sophie et elle vibrait au son des hymnes et des cloches. Le quartier juif était l’un des plus beaux, regorgeant de monuments majestueux, de thermes, de fontaines et de jardins enchanteurs. On pouvait également y admirer le stade et l’hippodrome où la population s’entassait régulièrement pour les jeux et les combats de gladiateurs.

Mais, au fil du temps, les droits politiques des Juifs diminuaient, surtout depuis l’arrivée sur le trône du Basileus Léon le Philosophe, avec de moins en moins de professions qui leur étaient autorisées. Heureusement, certains avaient emprunté la route de la Soie vers la Chine et ramené à Salonique les secrets de fabrication de la soie. Nombreux étaient ceux établis dans ce commerce, mais également dans les échanges commerciaux avec l’Orient, ramenant de Chine et d’Inde de la cannelle, du camphre, du bois précieux et des épices. Ainsi, les Juifs de Salonique étaient devenus experts dans la culture du mûrier, l’élevage du ver à soie, la fabrication de la soie et la teinturerie.

De plus, certains autres s’aventuraient sur la route de l’Ambre, qui partait d’Alexandrie, passant par Salonique, la mer Égée puis par Novgorod jusqu’à la mer Baltique, ramenant de ces contrées des tissus de laine, des peaux de castor et de martre, du caviar de la Volga, du miel des Carpathes, des pierres précieuses. D’ailleurs, nombre de Turcs, de Khazars, de Slaves Sklavènes et de Valaques emplissaient les rues de la ville, du fait des foires marchandes.

Chapitre 2

Maître David et La Fraternité Blanche

Sortant du marché aux poissons, je me dirigeais vers la maison de Maître David. Il m’y avait donné rendez-vous pour que nous nous penchions sur certains textes sacrés, comme le Sefer Yetsira, une œuvre majeure de la Kabbale.

Maître David était considéré comme une autorité intellectuelle, religieuse et juridique par toute sa communauté, un Sage parmi les Sages. Il était connu également pour sa grande richesse et sa prodigalité à l’égard des pauvres, alors qu’on ne savait pas vraiment d’où lui venait cette opulence. Certaines rumeurs insistantes parlaient de magie, d’un trésor qu’il aurait ramené de ses voyages en Orient, mais il n’y avait aucune preuve.

On pouvait le reconnaître de loin à son allure, avec son chapeau pointu, sa longue barbe blanche, son visage bienveillant marqué par le temps et ses yeux pétillants d’une profonde sagesse. Ses longs cheveux lui tombaient sur les épaules et sur sa robe grise brodée de symboles ésotériques. Sa demeure était remplie de manuscrits anciens, des grimoires témoignant de sa correspondance régulière avec les sages juifs des villes d’Alexandrie et de Bagdad. De plus, comme il brillait également par ses talents de médecin, toutes sortes de potions et de plantes garnissaient les étagères de sa maison.

Malgré son âge, il était toujours animé d’une formidable énergie, entouré d’élèves apprentis talmudistes et de médecins comme moi-même. Ce véritable gardien de la connaissance, ce puits de science nous apportait réconfort et espoir en l’avenir.

Grâce à lui, je m’étais destiné à la médecine, plongé dans les nombreux manuscrits qui composaient sa bibliothèque, tant sur Hippocrate que sur Galien. Maître David avait également énormément de connaissances des différentes potions à base de plantes qu’il m’avait appris à confectionner en fonction des différentes maladies à traiter. Sa réputation attirait des malades venus de tout l’État byzantin et j’apprenais tous les jours mon métier de médecin en le secondant sur des cas cliniques parfois difficiles. D’ailleurs nous formions un binôme thérapeutique recherché et j’étais de plus en plus sûr de mes diagnostics que je confrontais avec ceux de mon Maître.

Cependant, un jour, il me prit à part, m’entraînant dans une petite pièce secrète, dissimulée de sa maison. Dans cette pièce à la lueur tamisée, ornée de symboles ésotériques et de parchemins anciens, Maître David, vêtu d’une ample robe blanche ornée de broderies complexes et d’une tiare blanche posée sur sa tête, se trouvait devant un manuscrit sacré. La scène mystérieuse et étrange imposait immédiatement le respect. Me souriant avec bienveillance, il se mit à prononcer d’une voix grave empreinte de sagesse des paroles en araméen, langue des anciens Hébreux que je ne maîtrisais pas.

MAÎTRE DAVID : Cher Avidan, bienvenue dans cette pièce secrète où je cache des connaissances profondes et sacrées. Tu as fait le choix de t’engager sur le chemin de la Kabbale, une voie qui révèle les mystères de l’Univers et les liens entre l’humain et le divin. Avant que nous puissions poursuivre, il est crucial que tu te prépares à ton entrée dans la Fraternité Blanche, une fraternité de Grands Initiés aux mystères éternels. Nous sommes des érudits versés tant dans notre religion que dans la philosophie, la science, l’art et la musique, œuvrant au perfectionnement de l’humanité. Notre Fraternité est fondée sur la coopération, la discipline, l’harmonie, l’amour fraternel et notre idéal philosophique et religieux ; es-tu prêt ?

AVIDAN : Oui, maître, je le suis. Je ressens un appel intérieur vers cette sagesse de la Kabbale, et je suis prêt à m’engager dans cette quête de connaissance.

MAÎTRE DAVID : Parfait. Avant de continuer, comprends que la Kabbale est bien plus qu’une simple étude intellectuelle. C’est une recherche de l’essence même de la réalité, une exploration des mondes cachés et une union avec le Divin. Tout comme un alchimiste transforme le plomb en or, nous cherchons à élever nos âmes vers la lumière supérieure, vers Dieu.

Maître David se leva alors de son siège et s’approcha de moi, tendit la main au-dessus de ma tête, les doigts écartés comme le faisaient les Grands Prêtres Cohen de Jérusalem lorsqu’ils bénissaient le peuple. Je baissais alors la tête pour recevoir sa bénédiction, ressentant une intense connexion mystique entre nous.

MAÎTRE DAVID : Cette bénédiction rituelle symbolise la transmission de la sagesse antique qui m’a été communiquée au fil des générations. Au-delà des mots, c’est une transmission d’énergie et de connaissance. Écoute, maintenant, les paroles qui marqueront ton entrée dans notre fraternité.

Maître David récita ensuite des paroles sacrées en araméen, qui me faisaient frissonner et vibrer intérieurement, alors que je n’en comprenais que quelques bribes. Je fermais les yeux, attentif à chaque intonation et à chaque mot, me laissant gagner par une intense émotion.

MAÎTRE DAVID : Si tu acceptes ces enseignements et te joins à notre fraternité, tu t’engages à poursuivre la lutte des fils de la Lumière contre les fils des Ténèbres. Les épreuves seront nombreuses, mais elles te forgeront et t’apporteront une compréhension plus profonde de toi-même et de l’Univers.

Maître David alluma ensuite les bougies d’un chandelier à sept branches, illuminant davantage la pièce, et me tendit un manuscrit mystérieux avec de nombreuses cartes de contrées inconnues, des images d’animaux étranges et des symboles ésotériques.

MAÎTRE DAVID : Prends ce manuscrit, il contient des enseignements primordiaux et magiques de la Kabbale que tu dois assimiler afin de poursuivre une quête sacrée. Les symboles et les mots qu’il contient te guideront dans ton cheminement spirituel. Sois un gardien vigilant de cette sagesse ancestrale, et transmets-la plus tard avec honneur et respect à un disciple dont tu jugeras qu’il en est digne. Le promets-tu ?

Tremblant d’émotion, je ressentis soudain le poids d’une certaine responsabilité qui pesait sur mes épaules.

AVIDAN : Je le promets. Je respecterai ces enseignements, je les étudierai avec dévotion et, le moment venu, je les transmettrai à qui de droit.

MAÎTRE DAVID : Alors, laisse-moi tout d’abord te dire que la Kabbale rejoint parfois la philosophie grecque. Ainsi, Pythagore et Apollonios de Tyane ont également voyagé et cheminé vers la Vérité que tu devras découvrir par toi-même. Puissent tes efforts t’apporter compréhension, éveil spirituel et unité avec le Divin. Je ne peux que t’initier, te guider et t’inspirer au début de cette quête. Ce sera ensuite à toi de continuer à progresser vers des horizons inexplorés et des découvertes que tu ne peux même imaginer aujourd’hui.

Maître David m’avait ouvert la voie vers certains secrets mystiques et magiques. Selon lui, il me fallait désormais étudier et explorer ce cheminement symbolique par moi-même. Ce qu’il m’avait caché, c’est qu’il souhaitait ainsi m’armer mentalement face au danger qui se profilait contre notre petite communauté.

Il connaissait notamment certains mots secrets qui pouvaient nous sauver en cas d’une attaque sur notre Juderia. Il m’avait expliqué les différentes étapes pour l’élaboration d’un golem, un serviteur de glaise d’une force surhumaine qui aurait été capable de nous protéger des barbares. Une simple combinaison de lettres sur son front aurait permis de l’activer ou de le mettre en sommeil.

Mon Maître avait un rêve qu’il m’avait communiqué, c’était de retrouver des tribus d’Israël perdues dans le monde, voire même ces royaumes juifs d’Orient dont certains voyageurs parlaient avec enthousiasme. Ces légendes constituaient pour lui l’objet d’une quête intellectuelle qu’il avait imaginée sans jamais la mettre en pratique. Ainsi, une de ses obsessions était que je devais me rendre un jour dans le royaume juif des Khazars, sur les bords de la mer Noire.

Je progressais lentement, jonglant avec la Guematria, la science des nombres, décelant dans les textes sacrés des messages cachés qui me ravissaient de bonheur. Mon Maître insistait sur l’étude assidue en binôme, nous demandant quels enseignements nous y avions trouvé et j’étais toujours surpris de trouver dans les mêmes textes des argumentations différentes. Je jonglais avec les mots hébreux et araméens, la symbolique des nombres, certaines formules presque magiques et les interprétations mystiques des Écritures pour le plus grand bonheur de mes collègues de la Yeshiva de Maître David.

Maître David était une véritable autorité parmi ses pairs du pourtour méditerranéen. Il avait dû calmer nos coreligionnaires lorsqu’ils avaient imaginé que le prophète Elie, descendu du ciel, nous avait été envoyé à Salonique pour y préparer la venue du Messie.

Selon certains, des guérisons miraculeuses étaient survenues, des magies de toutes sortes se déroulaient, sans qu’on puisse trouver quelque trace de ce prophète tant désiré, censé annoncer la fin du monde et la résurrection des morts. La nouvelle avait même été colportée jusque dans les communautés juives d’Espagne, de France et d’Allemagne, sans compter que le Naguid, le Prince des Juifs d’Égypte, avait aussi eu vent de l’information.

Puis Maître David s’était renfermé sur lui-même, semblant de plus en plus inquiet. Un jour, son visage étant plus grave que d’habitude, marqué par de probables nuits sans sommeil, il me prit soudain à part d’une voix angoissée :

MAÎTRE DAVID : Avidan, je suis heureux de te voir en ces temps difficiles. Assieds-toi et écoute-moi attentivement. J’ai attendu ce jour avec impatience. Dans cette période d’incertitude sur notre avenir, face au danger des pirates barbaresques, le temps est venu de te révéler le plus grand secret de tous les temps.

AVIDAN : Maître David, je suis honoré de ta confiance. Je suis tout à ton écoute.

MAÎTRE DAVID : Au fil des siècles, les sages de la Kabbale ont cherché un chemin vers l’immortalité, et aujourd’hui je voudrais savoir si tu as bien pu étudier soigneusement les symboles et les cartes du manuscrit que je t’ai confié. Comme tu l’as compris, il mène vers un lointain royaume juif appelé Shamballapur.

AVIDAN : Le pays de l’immortalité ? Existe-t-il vraiment ? Comment pouvons-nous y accéder ?

MAÎTRE DAVID : Oui, il existe et il est caché à la vue de tous. Ce manuscrit, dont tu as désormais la charge, date de l’époque des Sages de Yavné et il mène vers ce pays merveilleux. Examine-le et garde-le avec soin. Les symboles, les cartes et les mots gravés dessus renferment de grands secrets qu’il te faut préserver, figurant des royaumes existants, mais aussi des évènements futurs.

AVIDAN : C’est fascinant, maître. Ces symboles araméens semblent énigmatiques et magiques. Comment puis-je les comprendre ?

MAÎTRE DAVID : La clé de la compréhension réside dans la contemplation et la méditation. Chaque symbole renferme un sens profond, une sagesse transmise par nos ancêtres. Prends le temps de te plonger dans chacun d’eux, de les analyser et de les assimiler. Laisse ton esprit s’ouvrir à de nouvelles possibilités.

AVIDAN : Je suivrai vos instructions à la lettre, maître. Mais comment puis-je être sûr de ne pas me perdre en chemin ?

MAÎTRE DAVID : Le voyage vers ce royaume juif est rempli d’épreuves et de défis. Mais ne crains rien, Avidan, car je serai à tes côtés par la pensée tout au long du chemin. Je vais t’enseigner comment surmonter les obstacles et les dangers qui se présenteront face à toi.

AVIDAN : Honoré de votre confiance, je serais prêt, le moment venu, à entreprendre ce voyage extraordinaire vers ce pays mystérieux.

MAÎTRE DAVID : Ta détermination est admirable, Avidan. Sache que le voyage est aussi important que la destination elle-même. Tout au long de cette quête, tu grandiras en sagesse et en force. Et lorsque tu arriveras enfin au pays de l’immortalité, tu deviendras toi-même un maître, prêt à guider les générations futures sur le plan spirituel. Je n’ai aucun doute quant à ta capacité à réussir, Avidan. Souviens-toi toujours que la vraie immortalité réside dans l’héritage que nous laissons derrière nous, dans les connaissances que nous partageons et dans l’amour que nous donnons. Maintenant, prépare-toi, tu devras prochainement te lancer dans l’aventure du fait des dangers qui nous guettent.

Les craintes de Maître David étaient largement fondées, car nous avions déjà été confrontés, plusieurs années auparavant, aux attaques répétées de pirates musulmans et de soldats slaves, bulgares et koumanes du nord sur les environs de Salonique.

En effet, une peur grandissante se répandait dans la ville à la suite de rumeurs sinistres et troublantes de massacres atroces à l’est et au sud. D’étranges histoires se répétaient de bouche en bouche, des choses bizarres entraînaient des déplacements autour de Salonique des paysans slaves Avars, effrayés par les mauvaises nouvelles de tueries dans les fermes isolées. Un grand feu semblait brûler la plaine sous les pieds de ceux qui fuyaient et se réfugiaient dans notre ville. Déjà la ville voisine de Démétrias avait subi les assauts des barbares et ses habitants passés au fil l’épée.

Chapitre 3

La bar-mitzva

Le grand jour de la bar-mitsva de mon fils aîné arriva rapidement. Rachel et moi étions heureux de voir notre fils Salomon la fêter ce jour de Shabbat, 28 juillet 904. Notre petite communauté juive était dans l’euphorie, les danses et les chants. La synagogue était remplie et pavoisée de fleurs ; la préparation de notre fils à la lecture de la Torah par mon Maître avait porté ses fruits. Samuel avait été tout à fait à la hauteur de nos espérances lors de sa lecture de la Torah.

Après la cérémonie, nos invités s’étaient dirigés vers la salle des fêtes où des torches et des chandeliers créaient une atmosphère chaleureuse. Le banquet attirait autour de lui tous nos amis. La nourriture cachère était abondante : de la viande rôtie, des poissons et des gâteaux. Le vin coulait à flots.

Des ménestrels jouaient des airs entraînants pour divertir les invités, accompagnés de jongleurs. Ceux-ci s’étaient mis à danser dans de folles farandoles. Des chansons, de la danse, de la musique et des jeux, il n’y avait rien de tel pour amuser nos invités. Certains d’entre eux avaient ramené de leurs lointains voyages en Asie des fusées éclairantes et des pétards qui éblouissaient et assourdissaient tout le monde. D’autres venaient de tout le pourtour méditerranéen, étant soit de la famille, soit des relations d’affaires.

On entendait à qui mieux mieux un brouhaha de tambourins, de pipeaux, de flûtes et de trompettes sensés traduire la joie qu’ils avaient de faire la fête.

Le vin commençait à tourner les têtes lorsqu’un certain Solal grimpa sur une table et commença une danse endiablée, tapant du pied et sonnant de son shofar.

Nous étions heureux malgré l’accumulation de mauvaises nouvelles que des émissaires de l’empereur de Constantinople venaient nous rapporter depuis plusieurs semaines. En effet, une peur grandissante gagnait les cœurs. On évoquait à demi-mot la terreur qui se répandait dans les campagnes autour de la ville. De terribles pirates sarrasins avaient commis les pires tortures sur des villageois.

C’est alors qu’un cri d’effroi gagna l’assemblée de nos invités, suivi d’un silence pesant. Un homme arriva soudain à cheval au galop dans un nuage de poussière, au milieu des convives, saignant abondamment. Il tomba de sa monture, le visage pâle et ensanglanté, affalé sur le sol, hoquetant des mots incompréhensibles. Il s’agissait probablement d’un Juif par son accoutrement, mais personne ne semblait le connaître. Tous les invités l’entourèrent avec désespoir, dans l’attente des soins médicaux de Maître David Aboulafia. Sa monture semblait d’ailleurs également épuisée, les flancs luisant de sueur et de fatigue.