Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Sarah a vécu un drame, un vrai, celui que redoute toute mère de famille. Une descente aux enfers commence et la pousse à commettre une folie qui marquera à jamais sa destinée. Dans sa quête éperdue pour échapper à sa réalité, le chemin est long et parsemé d’obstacles. Sarah sera guidée par des rencontres d’âmes bienveillantes et la spiritualité profonde des terres qu’elle explore. Parviendra-t-elle à raviver la flamme de vie qui sommeille en elle ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Emma de Retz a écrit cet ouvrage en s’inspirant de sa plus grande peur, des défis de sa vie, de ses nombreuses lectures passées et des initiations en développement personnel qu’elle a suivies. Si vivre est encore possible est son tout premier roman publié.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 341
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Emma de Retz
Si vivre est
encore possible
Roman
© Lys Bleu Éditions – Emma de Retz
ISBN : 979-10-422-1668-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
— Sarah… Sarah…
Du brouhaha, des petits clapotis de clavier, une porte qui grince autour de moi…
— Sarah, Sarah ? Tu dors ? Allez, viens !
Et meeerde… Qui me tire de ce sommeil ?
— Ouais c’est bon… je suis là, dis-je.
Et la douleur revient, tout recommence… mon estomac remonte jusqu’à ma gorge… il faut que je boive un verre d’eau…
Chaque fois, chaque jour, chaque réveil sera désormais la plus grande des souffrances. Indescriptible, arrachement, torture, j’aimerais rester, toujours, dans ce sommeil quand il est salvateur, reposant, inconscient. Quand il n’est pas cauchemar. Qu’on me laisse tranquille et dormir, personne ne va pouvoir comprendre à la fin !
— Lâche-moi… c’est bon…
— La réunion va commencer, on y va.
— J’arrive…
Je parviens tant bien que mal à décoller ma tête de mes coudes et à me redresser. Je me recoiffe vite fait et me frotte les yeux. Sans réfléchir, j’embarque un cahier, un crayon… je soupire en vérifiant l’heure et je jette un coup d’œil rapide sur mes mails, sans y croire… sans croire une seule seconde qu’un seul mot ne pourra susciter en moi le moindre intérêt, ni même le moindre infime espoir d’intérêt.
Les journées passaient vraiment vite avant, là rien que depuis ce matin, j’ai l’impression que la journée s’est répétée trois fois… longueur, indifférence, ennui et douleurs. Voilà ma vie, ma terrible vie ou plutôt ma première mort… car en fait je suis déjà passée de l’autre côté, en tous cas mon âme, mon esprit sont déjà loin, réduits en poussière. J’ai toujours envie de vomir, à chaque réveil, à chaque reprise de conscience, l’envie de vomir cet ennui et cette douleur, envie de vomir ma vie, ma mort, vomir tout le monde…
Toutes ces personnes sont si complaisantes, si faussement gentilles, ou alors, réellement gentilles, mais complètement à côté de la plaque. « Tu es jeune Sarah, il faut que tu vives. Je peux passer un soir ? On papotera, on boira un petit coup… ça te fera du bien ». « Oui bien sûr, viens quand tu veux ça me fera plaisir… »
Quelle hypocrite je suis ! Mais pourquoi j’aurais envie de papoter avec elle… de boire un coup ? Pour quoi faire ? Oublier ? Me vider la tête ? OK, alors viens avec plusieurs bouteilles, ça ne sera pas de trop pour me faire oublier. Et elle, elle est peut-être encore plus hypocrite que moi, je suis sûre qu’elle se dit au fond : « j’espère qu’elle ne va pas accepter ma proposition, qu’est-ce que je lui dirai, à part que ce qu’elle vit est horrible, de quoi allons-nous parler ? »
Je m’installe autour de la table, après avoir dit bonjour à toute l’équipe. Ils sont si gentils avec moi, ils excellent en supers sourires compatissants dès le lundi matin. Je voulais revenir vite, retravailler à toute vitesse, voir du monde, me concentrer sur mes projets. Je pensais que ça irait mieux, que j’oublierais, au moins l’espace de quelques minutes. Là, tout de suite, ce que je me dis c’est à quoi bon, pour quoi faire ? Je m’en fous de leurs foutus projets à tous. Ils parlent tour à tour de leurs avancées.
Ils pensent qu’ils jouent leur vie, leur salaire, ils sont si fiers, ceux qui présentent leur PPT… et les autres. Les moins ambitieux, à part regarder leur montre ou leurs SMS toutes les cinq secondes tout en croyant que le grand chef ne les voit pas… finalement j’aurais presque envie de rire, là, maintenant…
Mais en réalité c’est moi que je ne supporte plus, moi qui ne sais plus sourire, moi qui ne sais plus voir le côté positif… jamais… la plus aigrie de toutes les personnes autour de cette table et c’est bien moi qui n’ai plus de cœur, plus aucune compassion… plus aucune amitié. Je ne me reconnais plus. Est-ce que cela sera toujours ainsi maintenant ? Ce goût amer, cette colère, vont-ils me poursuivre, où que j’aille, quoi que je fasse ? Il faut que cela cesse, tout doit s’arrêter, je veux récupérer ma vie d’avant…
La journée s’est déroulée à une vitesse folle, je veux dire ma première journée, celle au boulot. Réunion tôt le matin, lors de laquelle j’ai proposé le nouveau plan remis à jour pour la construction de l’espace loisirs-jeunes. Ensuite, enchaînement avec la rédaction du rapport concernant le plan d’urbanisme puis les corrections de la soutenance de mon apprentie. Tout ça, agrémenté d’un déjeuner plus qu’agréable avec mes copines autour de nos gamelles réchauffées au micro-ondes. Derniers potins, projets du week-end, dernières informations sur la nutrition naturelle et bio… Nos sujets favoris y passent et nous détendent. Il n’est pas rare qu’un fou rire pointe le bout de son nez lors de ces heures bénies. Parfois ces discussions sont interminables et à coup de trois ou quatre thés enfilés, le boulot ne reprend qu’au milieu de l’après-midi. Nous sommes privilégiés, je le pense et je le répète à ceux qui critiquent un peu trop et trop vite. Nous avons tous eu la chance d’intégrer cette entreprise florissante dans laquelle, il faut bien l’admettre, nous avons plutôt la vie tranquille : No stress ! Great place to work !
Il est 17 h et j’arrache mon sac à main, mon écharpe et mon gilet, je cours aux toilettes et saute dans ma voiture… direction la maison, ma campagne, pour ma deuxième journée… la plus belle.
Je déchausse mes chaussures à toute vitesse et fonce dans le séjour, un gros bisou à chacun… mon mari et ma fille qui elle, me saute dans les bras.
— Maman !
— Coucou ma puce ! Alors cette journée ? Tu as été sage à l’école ? Pas de punition ?
— Pas de punition maman… j’ai été un peu sage, mais la maîtresse m’a un peu fâchée quand même !
— Ah… et bien je crois qu’il faut faire mieux la prochaine fois !
Je tourne la tête vers mon mari avec un petit sourire…
— Bon… pas de punition c’est déjà ça !
— Oui, elle a juste fait le clown à la récré, me répond-il, lui aussi un petit sourire aux lèvres.
— OK, et toi, ta journée ?
Et la discussion continue, banale, habituelle, mais agréable. Que va-t-on manger ce soir ? Le programme du week-end, durant lequel se profile un petit repas entre amis, comme très souvent, les rendez-vous quelconques des semaines les plus chargées : il faut penser à changer les pneus de la voiture, prendre rendez-vous chez le dentiste, la routine quoi ! Les jours, les années défilent encore plus vite depuis que nous sommes trois… mais le bonheur ça doit être ça ! Ne pas s’ennuyer, profiter de chaque moment, des petits moments de bonheur comme un bon repas partagé, un petit achat spécial, un fou rire entre copines, une soirée croque-monsieur devant la télé. Il y a des miettes partout après, surtout avec Valentine… mais peu importe on se la coule douce.
— Mamannnnnnnn !
— Oh ce n’est pas vrai, mais arrête de crier comme ça Val ! Viens me voir si tu as un souci !
— Mammmmmmaaannnnnnn.
Là, je perds patience ! C’est si dur d’avoir, pour une fois, un réveil en douceur sans entendre hurler dès le petit matin ! Je me lève en furie et débarque dans la chambre de ma fille.
— Val, ma puce ce n’est plus possible ! Tu as bientôt quatre ans, tu ne dois plus te réveiller en hurlant. Je pense que tu es assez grande pour monter me voir dans ma chambre !
Et voilà une journée qui démarre encore sur les chapeaux de roues. Nous sommes samedi, c’est le week-end, et la petite terreur de la maison s’est encore éveillée aux aurores… la matinée va être longue.
Pourquoi suis-je la seule maman à galérer comme ça avec sa fille ? Cette petite tornade est la seule de la terre à se lever trop tôt et à craindre de sortir de son lit sans moi ou son père. Je n’ai pas cette patience et cette douceur qu’ont certaines mamans qui sont à mes yeux des saintes… c’est plus fort que moi je ne peux pas… j’ai toujours l’impression qu’elle fait les choses contre moi, en fait elle me hait, c’est ça, elle me déteste. Je rigole toute seule de mes pensées extrêmes et ridicules… mais n’empêche… un petit moment, rien qu’un tout petit réveil calme et doux… un seul en quatre ans… est-ce vraiment trop demander ?
La partie la plus dure dans le fait d’avoir des enfants c’est la partie discipline et le côté : « Je n’entendrai plus jamais le silence… et je ne serai plus jamais seule plus de dix minutes dans la maison ! »
Mais il faut l’avouer, cette vie, ce schéma basique, cette normalité, nous l’avons voulue, travaillée, programmée. Chaque décision de notre vie, de jeune couple sans enfant, préparait cette vie. Ma base, mon socle, pour toujours.
J’ai toujours pensé que les grands malheurs c’était pour les autres. Moi ? Je n’ai jamais eu à me plaindre réellement… jamais de gros drames, jamais de grosses difficultés. Mes parents n’ont jamais eu de soucis financiers, nous étions « à l’aise », nous partions en vacances deux fois par an, je n’ai jamais vu ma mère se poser des questions sur les prix pour faire les courses.
Si je pouvais citer deux périodes dans ma vie où les choses n’ont pas été vécues de manière si facile, il y aurait d’abord la préadolescence… Le début des années collège. Franchement est-ce génial, sur le moment, de voir son corps changer à vitesse grand V ? Les boutons d’acné apparaître, les rondeurs ?
Cette période, si marquée par le manque de confiance en soi, la recherche même d’une petite identité, la peur d’être impopulaire, moche, de ne pas plaire… J’ai beaucoup de mauvais souvenirs de cette période-là. Des crises d’angoisse nocturnes, des pleurs, des disputes avec les copines, les clans, les premiers chagrins d’amour…
Ensuite viendrait… l’année lors de laquelle mon père a sombré dans la dépression. Magique année, terrible année, pas vraiment facile à l’âge du lycée d’être confrontée à la dépression nerveuse d’un de ses parents.
L’année de mon premier petit copain, de mes premières soirées arrosées et de mes meilleurs souvenirs avec ma bande de potes. Une année complètement bipolaire durant laquelle se sont mêlés instants magiques et instants assez tragiques et traumatisants. J’avais enfin trouvé une identité de jeune adulte parmi mes proches et mes amis, mais dans le même temps, j’avais découvert une certaine vérité et difficulté du monde adulte… mes parents n’étaient peut-être pas si « parfaits » que je ne le pensais et certains secrets commençaient à transparaître.
Malgré cela, finalement, comparé à d’autres de mes amis et à certains drames familiaux chez des amis de mes parents, je me sentais encore largement privilégiée et protégée.
Ces années lycée resteront gravées dans ma mémoire avec de merveilleux souvenirs. Les amis de l’époque, dont certains sont toujours très présents aujourd’hui, auront toujours une place à part dans mon cœur.
Eh bien ça y’est, je paie cette sérénité trop longue d’avant… mais je la paie dix mille fois.
Il fait nuit ce soir-là, quand je sors du boulot un peu plus tard que d’habitude, je voulais vraiment boucler ce projet avant demain pour l’exposer à ma chef rapidement et partir en week-end l’esprit tranquille.
L’esprit tranquille… quelle ironie ! Quelle naïveté de croire que je pourrais encore avoir, un jour, l’esprit tranquille…
Le plus grand malheur qu’une maman puisse connaître s’abat sur moi et c’est bien au sens propre et non figuré que ce putain de malheur s’est abattu sur ma vie, sur mon bonheur, sur ma famille, sur ma maison !
Je n’ai plus rien, comment cela est-ce possible ? Qu’ai-je fait pour mériter cela ?
Ce maudit avion, j’aurais aimé connaître la probabilité pour qu’il explose après quelques minutes de son décollage, au-dessus de ma maison, réduisant en fumée tout ce qu’on avait construit et tout ce que je chérissais tant.
Bien sûr, cette tragédie a fait la une des journaux, le plus stupéfiant des accidents de l’aviation française venait de réduire ma vie en miettes, mon mari et ma fille ayant perdu la vie, écrasés par la chute et l’effondrement de la maison, à la suite de l’explosion de l’A310.
Le bruit tonitruant des sirènes des pompiers et des secours résonne encore dans ma tête, à tout jamais, elles bourdonnent ces sirènes, mon cerveau ne peut plus les faire taire, ni les cris des proches voisins se rapprochant, ni ceux des enfants de ma voisine qui se rendent compte que leur mère est aussi ensevelie, en dessous cette brutalité de la vie.
L’odeur non plus ne s’effacera jamais de ma mémoire, ça sentait le chaud, le brûlé, le malheur et la mort.
Je suis morte ce soir-là, mais malheureusement pas au sens propre du terme, j’aurais dû y mourir également, à quoi bon, rester là et regarder sa vie disparaître, à quoi bon continuer à respirer, à penser, se souvenir… je ne veux plus me souvenir, plus jamais, j’en ai marre de penser et de repasser tous ces instants dans ma tête. Marre de ne plus trouver le sommeil, marre de ne plus avoir le goût à rien, marre du regard des gens quand ils me voient et essaient de s’occuper de moi… Je ne veux plus qu’on s’occupe de moi, bordel !
Ce jour-là, cette réunion n’en finit pas, je veux dire, elles sont toujours très longues et depuis ma « mort », très chiantes ces réunions, mais là, c’est inhumain, je ne peux plus, je ne supporte plus, j’ai besoin d’une clope et de prendre l’air !
Mon gentil collègue me regarde et mon apprentie me sourit délicatement, ils voient bien que je vais péter un câble, que je ne vais pas bien…
Avant j’étais la collègue à qui on ne pouvait rien reprocher et la seule à être toujours de bonne humeur, ils le voient bien que ce fléau qui s’est abattu sur moi me tue, trop lentement, me change…
Et ils ne m’en veulent même pas, ils savent que personne ne supporterait cela.
Concentre-toi, Sarah, aller, essaie d’écouter ce qu’ils disent et de t’y intéresser, c’est forcément intéressant, quelque part, ce beau projet de construction qui va voir le jour grâce à toute l’équipe, une belle promotion à la clé sûrement… quelle merde ! Mais qu’est-ce qu’on s’en fout que le devant du bâtiment fasse penser au Colisée de Rome et que cela sera vraiment innovant dans cette petite ville d’Île-de-France … Y’a quand même des choses plus importantes dans la vie.
Je ne sais pas, on n’a qu’à faire un bâtiment beaucoup plus simple et moins coûteux et avec l’argent économisé faire avancer la recherche contre le cancer, ça, au moins ça sauvera des vies !
Pitié, merde, faites que cette phrase soit bien restée encrée dans ma tête, faites que je ne l’aie pas formulée à voix haute…
Bon, cette fois, l’honneur est sauf et mon emploi aussi peut-être, pour l’instant…
Si j’étais mon patron, la lettre de licenciement aurait déjà été envoyée, six mois, plus de vingt-cinq semaines à faire et dire de la merde et à pourrir l’ambiance et le travail de chacun… vite un licenciement ! Mais, à mon grand regret, mon boss est beaucoup trop humain pour me virer maintenant. Il me convoque toutes les semaines dans son bureau pour me demander comment je me porte, si les collègues sont sympas avec moi, s’ils continuent à me décharger d’un maximum de travail, si j’ai besoin de quelque chose. Poliment, je le remercie et lui assure que je ne pourrais pas trouver meilleurs collègues.
Il est adorable et à la fois, je le déteste, il ne peut pas comprendre, il a sa famille, lui, sa petite femme qui l’attend tous les soirs à la maison. Il le boit encore lui, ce petit verre de vin plaisir du moment de détente avec son amour, il parle encore à ses deux fils tous les soirs, en les embrassant avant d’aller se coucher.
Je n’ai plus rien, rien à quoi me raccrocher, je sais bien que j’inquiète tout le monde. Le week-end dernier mon frère Christophe et sa femme ont débarqué à l’improviste, les cons ! À 14 h je n’étais toujours pas habillée ! J’étais juste sortie du lit pour prendre mes médocs, mes antidépresseurs… Ces molécules pour lesquelles j’ai toujours eu une aversion bien exprimée, en ayant vu leurs ravages sur mon père, sont aujourd’hui mes meilleures amies… il paraît qu’elles aident mon cerveau à tenir le choc et à ne pas trop avoir d’idées noires et bien je me demande ce que cela serait sans…
J’ai failli ne pas aller leur ouvrir, j’avais bien reçu le SMS de Nathalie, ma belle-sœur, une fois qu’elle était plantée devant la porte, mais j’espérais qu’elle s’en aille si je ne répondais pas.
J’ai essayé dans les premiers temps de rassurer tout le monde et de tenter de faire renaître ce positivisme qui me caractérisait. Je pensais que j’allais trouver une cause qui me sauverait. J’ai pensé monter une association pour les victimes collatérales de crashs aériens, une association pour tous les parents ayant perdu un enfant, un époux, une épouse… il faut dire que ce genre d’association ne manque pas, on peut en compter bon nombre. Forcément, pas mal de gens ont eu la même idée que moi, trouver quelque chose qui fasse avancer, encore et quand même.
J’ai pensé tout plaquer pour aller vivre au fin fond de la campagne française dans un village en autarcie et autonome pour tenter de couper et d’éliminer tout ce qui aurait pu encore me faire me souvenir…
Ne plus avoir à faire aucun geste de ma vie d’avant, peut-être était-ce cela la solution pour ne plus se souvenir, et ne plus y penser ?
Un soir triste et sombre comme tant d’autres, je ne sais pas ce qu’il se passe, cette dernière idée ne me quitte pas. Ne plus avoir à faire aucun geste commun à ma vie d’avant, aucun endroit, aucune personne, aucune odeur… pour ne plus y penser, ou moins, ou plus jamais… cette idée m’emmène et me transporte, je ne peux m’en empêcher, tout le trajet me ramenant du boulot… Je crois que je ne vois même pas la route, je conduis en mode robot, perdue et fixée avec cette vision.
Pourquoi ce soir-là, je ne me l’expliquerai jamais, la goutte d’eau comme on dit, une association de pensées à un moment donné.
Il faut que je change tout, absolument tout ou que je meurs. Je ne vois plus que ces deux alternatives possibles et malheureusement je suis trop peureuse pour provoquer la deuxième.
Le jour commence à s’éteindre, la lumière se fait douce et basse, presque orangée. Je me gare dans mon parking et regagne le petit studio que je loue depuis… depuis ce terrible soir de février.
Je prends une valise cabine, y jette quelques vêtements simples, un jean, un gilet, deux shorts, cinq tee-shirts, quelques culottes et chaussettes, ma liseuse, une boîte de doliprane, un déodorant, un gel douche et un tube de BB-crème. Je ne peux pas m’en empêcher, je prends aussi le mouchoir en tissu qui servait de « doudou » à ma chipie… l’alliance de mon défunt époux. Je vérifie que j’ai mon passeport, ma carte bleue dans mon sac à main et mon chargeur de téléphone. Dans la petite valise, je fourre également ma tablette et mon disque dur avec toute ma vie à l’intérieur, toutes mes photos… puis j’appelle un taxi.
En l’attendant, je n’ai pas oublié de prendre un tranquillisant et je m’enfile deux verres de vin blanc cul sec, de toute façon la bouteille est entamée et je ne suis pas près de revenir, je la termine ! Ce que je m’apprête à faire va raviver en moi de trop douloureux sentiments… mais c’est le prix à payer, pour partir loin et tout oublier…
Pendant le trajet du taxi, je vérifie et sauvegarde sur un cloud tous les codes et mots de passe dont j’ai besoin, celui de la banque, de la sécu, des impôts. Je me surprends moi-même, mais pendant quelques minutes je suis d’une lucidité incroyable, je pense à tout, je suis efficace et je prépare ma fuite tel un tueur en cavale. J’en profite pour regarder mes comptes, je calcule dans ma tête quelques trucs vite fait. Et puis je m’en fous, merde, on verra de toute façon, je n’ai pas le choix, je ne peux plus rester qu’ils m’oublient tous, car moi je veux les oublier, je veux tout oublier !
Mais où je vais ? Réfléchis rapidement Sarah, Aéroport de Roissy Charles de Gaulle… tu peux aller loin, très loin… Aller ! Taxi ! Dirigez-vous vers le terminal 3 s’il vous plaît.
Il pleut maintenant et il fait nuit, normalement à cette heure-ci, je me suis déjà enfilé quelques verres de vin supplémentaires, histoire de m’assoupir plus vite, de m’enivrer juste un peu, pour flotter…
Notre rêve c’était la Nouvelle-Zélande… je ne peux pas aller là-bas, on a dit, plus rien comme avant, plus de pensée, ni de souvenir d’avant… un endroit où David ne m’aurait jamais suivie ? En tous cas, pas dans ses priorités et que nous n’avions jamais évoqué ou que de très loin… Mes yeux tombent sur une publicité pour la compagnie Air Tahiti Nui… Tahiti… ce n’est pas le rêve de chacun ça ? Putain, OK pourquoi pas la Polynésie française, comme son nom l’indique c’est français, cela offre un côté rassurant, pour de ne pas trop galérer dans les démarches, la langue et le reste. Ah oui, mais là… l’avion, le trajet, ça va être vraiment trop long… J’espère qu’ils ont des médecins à bord et de l’alcool… Je vais devoir prévoir au moins une escale.
Je me dirige vers les guichets Air France :
— Bonsoir, je voudrais savoir s’il y a un vol me rapprochant de la Polynésie française, ce soir, sur lequel il y aurait encore une place ?
— Bonsoir, Madame, nous allons regarder ensemble.
Je la laisse pianoter sur son ordinateur quelques secondes quand elle reprend :
— Si vous avez un ESTA valide, il y a un vol non complet dans cinq heures pour Los Angeles, ensuite de là-bas, vous pourrez vous rendre à Papeete. Est-ce que cela vous irait ?
— Oui pourquoi pas… dis-je hésitante, elle doit me prendre pour une folle… elle n’a pas tout à fait tort.
Je ne pensais plus à ce fichu document nous autorisant à fouler le sol américain, j’ai un peu de chance, puisqu’un voyage professionnel m’avait envoyé à Boston il y a moins de deux ans. Je saisis l’opportunité.
— Très bien, Madame, je procède à votre réservation, avez-vous un bagage en soute ?
— Non, juste cette petite valise cabine…
Et mon cerveau, qui va exploser comme cet avion… il y a six mois… La gentille dame me réserve immédiatement le deuxième billet qui me transportera des États-Unis à Papeete, au moins une chose dont je n’aurai plus à penser, en revanche je dois avoir un petit laps de temps de repos entre les deux vols, sinon je ne survivrai pas, l’overdose médicamenteuse de calmant n’est quand même pas une option pour moi.
Oui, mais si je changeais d’avis, si je me dégonflais ? C’est un peu plus facile et moins cher de revenir vite fait de Los Angeles que de Papeete… Bon, elle m’indique que je n’ai pas le choix de prendre un billet me faisant sortir des États-Unis pour pouvoir y entrer, le débat est clos, elle me réserve un billet quatre jours plus tard, le moins cher qu’elle ait dans un laps de temps assez court. Quelques minutes après je m’approche des guichets d’enregistrement.
Après quelques heures, pendant lesquelles il a fallu passer la douane et tous les autres contrôles, je m’installe dans le salon d’embarquement, j’en profite pour mettre mon téléphone à charger et j’appelle ma mère…
Elle est dans tous ses états, évidemment, elle n’aurait pas été une vraie mère si elle n’avait pas réagi comme ça. Je lui fais mal, très mal, encore… car elle non plus n’arrive pas à s’en remettre, sa petite fille adorée lui manque terriblement et je pense qu’elle souffre de tout mon malheur, comme si elle y était.
Je la rassure en lui disant que je reviens vite et que c’est nécessaire pour moi et qu’elle ne s’inquiète pas, de nos jours tout est sécurisé et nous pourrons communiquer à tous moments. Enfin en vrai, je n’espère pas, car qui dit communiquer avec ma mère dit encore se souvenir et encore avoir mal.
Pour tous les autres, je décide de faire un SMS groupé… désolée pour la personnalisation, mais là, je ne peux pas :
Bonjour à tous, je tenais à vous remercier chaleureusement pour le soutien que vous m’apportez depuis ces derniers mois. C’est un peu trop dur à gérer, dans la vie avec le quotidien d’avant, alors j’ai décidé de changer radicalement de routine pour les prochains mois. Je pars faire un petit périple au bout du monde. Je suis quasiment dans l’avion, là. Je vous donnerai des news, ne vous inquiétez pas. Bises à tous. Sarah
J’envoie le même message à mon boss en ajoutant un petit complément :
Je suis sûre que Martin gérera d’une main de maître la fin du projet de l’espace jeune, fais-lui confiance ! Tu peux, bien évidemment, me virer sur le champ, mais stp, peux-tu d’abord solder tous mes congés, il me restait vingt jours je crois, je te donne des nouvelles dans quinze jours, après avoir réfléchi…
Ce qui est bien quand on a déjà tout perdu, c’est qu’on n’a plus peur de rien. Certains seraient catastrophés et inquiets de perdre leur job ! Pour moi, c’est bien le cadet de mes soucis !
Ça y est c’est l’heure, heureusement je dois embarquer, j’étais à deux doigts de changer d’avis et d’opérer un demi-tour.
Les portes se referment, je prends place sur mon siège et boucle ma ceinture. Je suis assez calme, à ma grande surprise, les tranquillisants ont fait effet. Tous les autres passagers n’en ont que faire de moi et c’est bien ainsi, cela fait du bien, on ne me demandera pas comment je fais pour supporter cette épreuve avant quelque temps ; je vais pouvoir souffler un peu… Pourquoi je sens une larme couler sur ma joue alors ? À cet instant où l’avion quitte le sol, mon sol, mon pays, mon histoire. Que suis-je en train de faire ? Comment vais-je gérer l’absence à mon boulot ou même ma démission ? Mon appartement, merde… je ne vais pas payer un loyer pour rien trop longtemps.
L’avion est bien haut dans le ciel maintenant et les hôtesses commencent déjà leur service, un petit verre de vin ne me fera pas de mal. Je mange le petit paquet de cacahuètes qui l’accompagne et je ferme les yeux, mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, les yeux rivés sur l’écran devant moi, je ne sais même pas ce qui défile, je ne regarde pas, je suis perdue dans mes pensées puis m’endors.
David, il était mon ami, depuis deux ans que nous étions dans la même classe. L’année du Bac, les années insouciantes, festives, oh oui plutôt très festives… les soirées, l’alcool, l’école Buissonnière, nos soirées en boîte…
Je sortais avec un mec d’une autre section, d’un autre groupe, les conneries prenaient un niveau toujours plus haut, chaque semaine, quand j’y repense, c’était un peu la déchéance, notre insouciante déchéance de jeunesse. Ce n’était pas bien grave, on ne faisait pas grand-chose de mal, enfin dans le sens pénal du terme et on savait que cela ne durerait que quelques mois, jusqu’au Bac, une parenthèse avant les choses sérieuses.
David et moi on se disait quasiment tout : ses déboires amoureux, mes problèmes à la maison, on riait souvent, très souvent ! Il était mon meilleur pote. Un jour, je n’ai pas compris pourquoi à l’époque, David avait commencé à s’éloigner, il était devenu dur avec moi, beaucoup moins sympa et moins fraternel. Je sentais bien qu’il ne s’intégrait pas trop à l’autre groupe, qui pourtant avait tout pour lui plaire. Un soir, alors qu’on rentrait en bus, une grosse engueulade avait éclaté entre nous, à cause d’un détail dont je ne me souviens plus, mais soudain il s’était mis à me dire des choses horribles, à me reprocher des tas de trucs, je l’avais pris comme une grande injustice et il faut le dire, comme une grosse baffe en pleine figure. J’étais descendue du bus, juste avant lui, partant en courant et en pleurant vers chez moi, quand il m’a rattrapée par la main et m’a embrassée. Deuxième claque en pleine face…
Je me réveille quand l’avion traverse une zone de turbulences. Moment de panique intense, mêlé au malaise de ce rêve autobiographique qui me replonge dans une vive douleur. Une vague d’angoisse monte jusqu’à ma tête, j’ai l’estomac remonté dans la gorge. Ça y est, c’est mon heure à moi aussi, l’avion va s’écraser, je commence à gigoter sur mon siège et me dépêche de faire un bilan visuel en regardant tous les autres passagers et l’hôtesse en face de moi. Ce ne sera pas pour cette fois, tout le monde est parfaitement calme et les mini secousses n’ont duré que trois minutes. J’ai mal au ventre, une vive douleur me prend et une suée m’envahit, cet état fait partie de mon quotidien maintenant, ces pics d’angoisse se produisent plusieurs fois par jour. Lorsqu’ils m’arrivent en pleine nuit, je me réveille en sursaut et mon cœur met au moins une heure à retrouver son rythme normal, quand je ne termine pas en vraie crise de spasmophilie, cherchant comme une dingue un sac plastique pour respirer dedans.
Je crois que ma voisine a remarqué mon désarroi et me tend son plus gentil sourire compatissant et rassurant. J’étire à peine mes lèvres pour lui rendre un minuscule sourire poli et je m’empresse de fermer les yeux, il est hors de question qu’elle commence à me parler.
C’est interminable ces heures d’avion, je me demande comment font toutes ces personnes qui le prennent autant de fois que moi je vais chercher mon drive. Mes jambes me font mal et je change toutes les deux minutes de côté, j’ai une grande envie de m’étirer. Je décide d’aller aux toilettes, une petite décompression de la vessie ne me fera pas de mal et cela me dégourdira les jambes. J’en profite pour contrôler mon apparence dans le miroir, pas de trace de mascara coulé, les quelques larmes versées n’ont pas laissé de chemin noir le long de mes joues.
Pendant que je me lave les mains, un flash et un petit moment de stress s’emparent de moi. OK, je vais arriver dans deux heures à Los Angeles, ça sera presque le matin et je me demande bien ce que je vais faire et où je vais aller. Il faut vite que je réfléchisse et que je me trouve un petit hôtel. Cela coûte combien un hôtel à L.A ? Sûrement assez cher. Je n’ai même pas de dollars sur moi… Bon ce n’est pas la peine de vouloir chercher sur le net, sans connexion je ne peux rien faire, tant pis je resterai un petit moment à l’aéroport pour me trouver un point de chute. Deux heures à tuer encore et la petite voisine qui me tend des regards à nouveau… vite un film, les écouteurs, je lui tourne le dos.
Je sens de nouveau mon ventre qui se resserre, comme un étau, l’estomac et toutes mes entrailles se tordent, on rêvait tellement de faire beaucoup de voyages avec David et Val, une fois qu’elle aurait été en âge de profiter aussi. Ce ne sont pas les idées qui manquaient, surtout pour David, l’Amérique du Sud avec l’Argentine et la Patagonie, ou même l’Indonésie, de l’autre côté… Plus jamais je ne l’entendrai faire des projets et s’emporter, se déchaîner quand il parlait de découvrir d’autres pays. Son enthousiasme en était, fatiguant, usant dans ces moments-là, mais qu’est-ce qu’il pouvait me faire rire et m’émouvoir aussi, avec ses yeux brillants de rêves, d’espoir et d’énergie.
J’ai l’image de son sourire, de son pull préféré, de sa coupe de cheveux souvent hirsute et de ses mains, bloquées devant mes yeux, je ne vois plus rien, mes yeux s’embrument, je suis prise d’un hoquet et je sens le regard de ma voisine qui se tourne vers moi. Je détourne instantanément mon regard vers le hublot, fais mine de réajuster mes écouteurs et de me concentrer à nouveau sur l’écran devant moi. J’aurais dû être avec eux ce jour-là, uniquement avec eux, on aurait dû se tenir la main, s’enlacer et partir… ensemble.
Au lieu de cela, me voilà en partance à l’autre bout de la planète, à je ne sais combien de mètres d’altitude, à parfois espérer que l’avion ne tombe, vite, très vite, et à un autre moment, espérer repartir très vite en France, m’enfouir dans mon canapé, pleurer, pleurer encore et jeter tout ce qui me passe sous la main contre les murs, comme je fais si souvent.
Finalement, je parviens à m’assoupir un peu, combien de temps ai-je dormi ? Une demi-heure ? Une heure ? Le bip des ceintures retentit, le chef de cabine ou commandant, je ne sais qui parle, annonce l’atterrissage. OK ! On y est, c’est maintenant, enfin presque… et merde, du coup je ne peux plus me lever, je vais être obligée d’attendre que l’avion soit arrivé et de rentrer dans l’aéroport pour me soulager et me rafraîchir aux toilettes.
L’aéroport de L.A grouille de monde, pourtant l’heure est précoce. Il me semble énormissime, mais il faut dire que cela fait plusieurs mois que je ne suis pas vraiment sortie de mon studio. Je me sens comme une fourmi au milieu de tous ces gens affairés, cela m’arrange bien, ni vu ni connu je me faufile et personne ne me remarque. Je traverse les différentes étapes de sécurité, je passe dans le duty free où des couloirs entiers et longs de plusieurs kilomètres desservent une multitude de boutiques luxueuses.
Pour le coup, je commence à penser que je n’ai peut-être pas pris une décision si pourrie que ça, cela fait cinq minutes que je ne pense pas à… Bon, OK, loupé, mais j’ai déjà tenu cinq minutes ce n’est pas si mal et je crois même qu’un sourire naissait sur mes lèvres en découvrant ce lieu, pourtant empli de frénésie, que je fuis beaucoup en ce moment.
Maintenant étape suivante, je n’ai qu’une envie c’est d’enlever mes chaussures et de me poser dans un hôtel propre et chaleureux, avec un minibar dans la chambre… oh oui un minibar ! Je passe les derniers contrôles douaniers et je trotte vers l’extérieur avec ma petite valise cabine traînante derrière moi. Je m’arrête avant de sortir, je ne sais même pas où je vais, dans quel hôtel ?
Il me faut une connexion wifi pour chercher un point de chute. Je me rends compte que je n’ai pas activé l’option « étranger » sur mes données mobiles, je me contenterai donc du wifi pour donner des nouvelles à ma mère. Je décide, avant de débuter mes recherches, de m’arrêter à un guichet d’informations pour demander quelques conseils. Je ne suis pas très douée en Anglais, mais pour demander dans quel quartier trouver un hôtel bon marché et le moyen de transport le plus simple à utiliser, je m’en sors plutôt pas mal. La gentille hôtesse m’explique que, pour rester que quelques nuits et être dans un quartier sympa, je peux me rendre à Venice Beach, le métro, qui est ici un moyen de transport assez sûr peut m’y emmener. Seul problème, dans un métro nous ne sommes pas seuls et j’ai un peu peur de me faire dévisager par tous ces gens, que j’imagine en train de scruter ce que j’ai dans la tête et ce que je ressasse. Je suis sûre qu’ils vont me juger, en se demandant où je vais et ce que je fais là, seule.
Google, mon ami, aide-moi à trouver les premières infos nécessaires à un séjour rapide à L.A. Je trouve un petit coin repos, je m’installe et me connecte au wifi de l’aéroport. J’ai quatre nuits à tuer à Los Angeles.
Je me penche sur le site Booking pour l’hôtel, il y a tous les prix et finalement beaucoup de noms de quartiers que je ne connais pas. Je filtre et décide de suivre les conseils de l’hôtesse, Venice Beach me voilà, cela me fera grand bien de voir la mer, en espérant que les abords ne seront pas trop bondés, mon agoraphobie me mène la vie dure en ce moment. Je me rends vite compte que mes nuits à L.A représenteront un gros budget, les prix sont affolants à Venice Beach en cette saison. Les seules nuits abordables sont celles proposées en dortoirs, mixtes ou non, ben voyons… aller, je choisis plutôt d’exploser mon budget, hors de question que je me retrouve avec d’autres voyageurs pour dormir, aucune envie d’entendre leurs ronflements ou autre…
La seule vraie chambre d’hôtel que je trouve en dessous de cent euros la nuit se situe près d’un quartier nommé Marina Del Rey non loin de Venice, OK cela ira bien, en plus le petit-déj est compris. Il va falloir que je budgète mes dépenses, mais je crois que si je ne veux pas revenir en courant en France au bout de quelques jours, autant choisir quelque chose qui ressemble à un vrai hôtel. Je vérifie quand même la distance de Venice avec l’aéroport, cela me va, moins de vingt minutes de voiture, cela devrait être raisonnable niveau prix, en taxi ou assez court en bus.
Je suis devant le terminal, il fait déjà quasiment vingt degrés dehors et c’est la valse des taxis, quelques-uns des chauffeurs sortent de leur voiture et me dévisagent, j’ai un petit coup de pression. Finalement, je repasse la porte-tourniquet, je rentre et prends les escalators en descendant jusqu’aux accès au métro, je crois que je préfère encore me fondre dans la foule. Je m’attarde quelques minutes sur le plan en vérifiant l’adresse de mon hôtel. Eh bien cela va me prendre plus d’une heure avec ce moyen de transport, il va falloir que je me fasse violence et que je ressorte prendre un taxi. Courage, je viens de traverser l’Atlantique seule dans un avion, je devrais survivre à vingt minutes de voiture avec un inconnu, mais c’est presque plus délicat pour moi. Je me redirige dehors et, sans réfléchir, vers le premier taxi libre que je vois. Je lui donne l’adresse de mon hôtel et je vérifie qu’il prend bien la VISA pour payer, c’est vrai qu’il va falloir que je songe à prendre un peu de dollars sur moi. Victoire, je suis installée dans la voiture qui m’emmène vers le quartier où je passerai la nuit. Le chauffeur n’a pas l’air bavard et ne m’adresse même pas la parole, deuxième victoire !
Je plonge mon regard par la fenêtre et observe la vie dehors, dans cette ville, que je ne connais pas. Je vois quelques jeunes, qui semblent être en vacances, sûrement des touristes, un peu hippies, enfin c’est ce que j’imagine des jeunes qui parcourent cette région, la plage de L. A… Ce que je connais de ce pays se résume à ce que j’ai pu voir dans les innombrables séries TV américaines qui nous montrent souvent d’énormes villas, de la richesse et le soleil. Il est quasiment certain que la réalité ne sera pas fidèle aux images que j’ai en tête. Je ne peux pas m’empêcher de me demander ce que je fous là ! Mais quelle idée j’ai eue de m’enfuir ainsi, si loin et surtout sans aucune préparation, je me demande quelles galères vont me tomber dessus !