Sollicitations criminelles - Jean Claude Jully - E-Book

Sollicitations criminelles E-Book

Jean Claude Jully

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« La lumière brillait dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point reçue. » Alors que le prêtre s’apprêtait à commenter ce prologue de l’évangile de Jean, il est abattu d’un coup de pistolet dans son église. C’était le jour de Noël, une heure avant le début de la messe. Commence ainsi une enquête dirigée avec tact et doigté par un policier, théologien de formation, qui semble se mouvoir avec aisance dans le monde hermétique d’une institution en mal de transparence. Les révélations sont terribles, les non-dits omniprésents, les rebondissements multiples. La vérité réside-t-elle dans l’interprétation que le prélat, réputé pour son intellect, envisageait de dévoiler ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Claude Jully décide, après de nombreuses années de participation à un atelier d'écriture créative, de passer de la rédaction de textes courts à celle d'un roman policier. "Sollicitations criminelles", son premier ouvrage de fiction, a pour trame le monde ecclésiastique, un environnement que l'auteur connaît bien en tant qu'ancien élève d'écoles privées. Auparavant, il avait publié ses mémoires du service national sous le titre Au service de la France aux éditions du net.





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Seitenzahl: 166

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Jean-Claude Jully

Sollicitations criminelles

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean-Claude Jully

ISBN : 979-10-422-1524-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Les évènements relatés dans ce livre de fiction romanesque sont imaginaires.Toute ressemblance avec des faits ou des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuite.

Chapitre 1

« Au commencement était le verbe »

Le carillon du clocher sonne la neuvième heure lorsque l’abbé Jean-Philippe Starb entre dans l’église par la porte latérale. Son pas décidé résonne lourdement sur le dallage de pierre du transept. Érigé dans les années 1880, l’édifice néoroman a belle allure avec ses murs et ses piliers en grès des Vosges. Un baldaquin en pierres torsadées coiffe le maître-autel. Son fronton est décoré d’un Christ en médaillon tenant entre ses mains l’Évangile entouré des lettres grecques alpha et oméga. Le commencement et la fin, tout un symbole qui donne à réfléchir sur la finitude de l’homme et l’espérance ultime.

L’office du jour de Noël débutera dans une heure exactement. Hier soir, l’abbé a célébré l’incontournable messe de minuit dans une église archicomble, pas loin de cinq cents participants. Des fidèles réguliers et beaucoup de pratiquants occasionnels. Venus par habitude à cette veillée traditionnelle, tout comme ils font leur Pâques. Ils pensent peut-être que cela leur vaudra, on ne sait jamais, quelques stock-options à monnayer plus tard lors du passage vers l’éternité. Une sorte d’assurance tous risques, fondée sur le pari de Pascal, la tentation d’acheter son salut, comme si ce dernier était à vendre.

L’abbé a bien sûr une préférence pour les premiers. Il éprouve de l’indifférence mâtinée d’une certaine indulgence pour les seconds, pour qui la messe de minuit est comme la bûche, le sapin ou la dinde aux marrons, un élément du décorum de Noël. Sans doute, il y avait aussi quelques curieux : cela ne fait qu’un mois qu’il est curé de la paroisse Saint-Aloyse de Strasbourg-Neudorf. L’abbé n’a pas beaucoup dormi : la messe s’est terminée vers 1 h et demie du matin. Aujourd’hui, les fidèles seront moins nombreux mais ceux qui viennent sont des croyants sincères et non des réveillonneurs en mal de digestion.

Il pénètre dans la sacristie après avoir traversé le chœur dans la pénombre. Il entend résonner les premiers accords des Grands Orgues. Il a appris par son fan-club de grenouilles de bénitier qui l’assiège littéralement depuis son arrivée que Mme Marie Voisin, l’organiste, est une musicienne exigeante ; elle vient toujours avant l’office pour répéter les pièces de son vaste répertoire qu’elle exécutera pendant la messe. Une entrée solennelle déchirera vers 9 h 55 littéralement le silence matinal et sortira les fidèles de leur torpeur. Pendant l’office, Marie Voisin privilégiera sans doute des sonorités douces et rondes. Enfin, une sortie brillante et virtuose ponctuera la messe.

Cela change l’abbé Starb de ces organistes de village qui improvisent sur trois accords majeurs et arrêtent de jouer dès que le célébrant a rejoint la sacristie à la fin du culte. En revanche, la musicienne a un défaut : il lui arrive de jouer fort et même très fort lorsqu’elle répète et il vaut mieux fermer la porte.

L’abbé met généralement à profit ce moment privilégié, une heure avant le début de l’office, pour peaufiner son homélie. Il a la réputation d’être un orateur hors pair mais, paradoxalement, se sent plus à l’aise à l’écrit. Il préfère également parler dans une salle de cours que devant une assemblée dominicale aux effectifs parfois plus impressionnants. Il retravaille donc ses homélies comme un jeune abbé débutant, remettant cent fois son ouvrage sur le métier. Tout y passe, le fond bien sûr mais aussi la forme, le débit de la voix et surtout le fait de la poser dans la bonne tessiture. Il évite les effets de manche que certains de ses collègues curés affectionnent, généralement pour camoufler la faiblesse de leur pensée par une emphase physique.

La lecture de l’évangile du jour de Noël est un texte difficile à commenter. Le prologue de Jean commence par ces mots « Au commencement était le verbe ». Jean l’évangéliste privilégie une approche symbolique de l’enseignement chrétien qui ne prête pas forcément à la vulgarisation. Rendre intelligible le message, la bonne nouvelle est un exercice difficile.

L’abbé s’assied à la table près du mur d’angle qui fait face à la monumentale armoire murale en acajou verni. Il allume la petite lampe de chevet et commence à lire ses feuillets manuscrits à la faible lueur de cette liseuse improvisée. Il range ses lunettes dans son étui. Elles corrigent sa myopie mais ne lui sont d’aucune utilité pour lire de près. Il se dit une fois de plus qu’il serait grand temps de passer aux verres progressifs.

Plusieurs fois, l’abbé bute sur le début de son homélie. Comment peut-il expliquer simplement à des fidèles que le verbe est le fils, la deuxième personne de la trinité présente au commencement ? Ce fils s’est incarné il y a deux mille ans dans Jésus de Nazareth. Comment peut-il faire comprendre que le divin est dans l’humain, la transcendance dans l’immanence ?

Toute cette pensée spéculative va se révéler inutile. Le bruit sec de la porte en chêne qui s’ouvre brutalement met fin à la réflexion de l’abbé. Il lève les yeux et cherche ses lunettes dans l’étui à côté de lui. Il ne peut distinguer précisément dans la pénombre cette forme dans l’embrasure qui le fixe.

Chapitre 2

Le capitaine Pierre Valin, officier du SRPJ (service régional de police judiciaire) de Strasbourg a presque fini son petit déjeuner composé de café noir sans sucre et d’une demi-baguette beurrée lorsque son portable sonne. Il reconnaît la voix du commissaire divisionnaire beaucoup moins ferme et assurée qu’à l’ordinaire. Le taulier est inquiet. Cela se sent dans ses intonations, son débit inhabituellement lent, ses hésitations et ses silences.

— Allez à l’église Saint-Aloyse dans le quartier du Neudorf. Le curé vient d’être assassiné par balle dans la sacristie. Le cadavre a été retrouvé il y a moins d’une heure juste avant la messe.

— La brigade antiterroriste a été prévenue, je suppose : il peut s’agir d’un crime islamiste. Le Neudorf est le quartier de Cherif Chekatt.

Depuis les évènements sanglants du marché de Noël de décembre 2018 où Cherif Chekatt, un délinquant radicalisé résidant au Neudorf, avait tué de sang-froid cinq personnes et blessé huit autres, la psychose d’attentats djihadistes reste omniprésente.

La piste est plausible. Un prêtre avait été tué par un islamiste dans son église à Saint-Étienne-du-Rouvray, en 2016. En toute logique, le capitaine avance cette hypothèse. Mais le commissaire est moins catégorique.

— Oui, l’antiterroriste est saisie mais il n’est pas sûr, Valin, que ce soit un crime commis au nom de l’islam ; on a trouvé près du cadavre une page qui semble arrachée d’une bible. Le passage d’un texte, la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue, est surligné.

— C’est un extrait du prologue de l’Évangile de Jean. Vous avez raison, monsieur le commissaire. Un islamiste ne citerait sans doute pas un passage de l’évangile !

— C’est pour cela que je vous confie l’affaire : je sais que vous avez fait des études de théologie et vos connaissances dans le domaine de la religion nous seront utiles pour enquêter dans ces milieux. Évidemment toutes les pistes doivent être explorées, y compris celle du terrorisme. La mort d’un prêtre, à Noël dans son Église avant l’office, va être relayée par tous les médias. Ils s’étonneront de l’absence de protection des paroisses des quartiers périphériques comme le Neudorf. L’essentiel du dispositif Sentinelle est concentré sur les églises de l’hyper centre. Vous me tenez au courant des avancées de votre enquête. Il faudra être rapide et efficace… Vous m’entendez… rapide et efficace. Je compte sur vous.

Le taulier raccroche. D’habitude, il est avare de mots et ne répète jamais deux fois les mêmes propos. « Peut-être, se dit Valin, que l’appartenance du commissaire à la franc-maçonnerie connue de presque tous, et fréquente parmi les cadres supérieurs de la police nationale, contribue à cette inquiétude. » Si l’enquête devait piétiner par la suite, certains ne manqueraient pas de mettre en exergue le fait qu’un service dirigé par un franc-maçon n’arrive pas à élucider l’assassinat d’un ecclésiastique.

Le capitaine gare son véhicule le long du parvis de l’Église Saint-Aloyse. Être de service un jour de Noël ne le dérange pas plus que cela. Il vit seul depuis presque trois années, depuis que Sophie l’a quitté, estimant qu’il était impossible de construire une relation durable avec quelqu’un qui n’a pas vraiment d’horaire. Il est vrai que son ancienne compagne, cadre dans un organisme de sécurité sociale, bénéficiait de l’avantage inouï d’organiser presque à sa guise son temps : horaire variable, jours de congés, RTT, télétravail un jour par semaine, parfois deux. « Les horaires de bureau aménageables permettent de créer les conditions d’une vie stable, disait-elle, c’est un plus pour la vie de famille. » Famille qu’elle voulait fonder avec lui, le désir d’enfant était bien réel mais pas avec un père policier, absent lorsqu’on a besoin de lui. Sophie lui avait même suggéré de passer les concours administratifs afin de mener une vie plus paisible à ses côtés. Dans ces conditions, l’issue ne pouvait être que la rupture car Pierre Valin tenait trop à son travail. Il était devenu policier par vocation, pour être au service de la vérité. Le service de la vérité, c’est quand même autre chose que de gérer le service immatriculation d’une caisse primaire d’assurance maladie !

Il n’a plus vraiment d’attaches familiales. Fils unique, son père est décédé quelques mois auparavant à la suite d’un cancer foudroyant et sa mère, septuagénaire, souffre de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé. Elle ne le reconnaît déjà plus et croit parfois, lorsqu’il lui rend visite à la maison de retraite, qu’il est le fils d’une autre pensionnaire. Il ira la voir ce soir pour l’embrasser et passer un petit moment avec elle, c’est Noël quand même ! Cela lui fera plaisir de voir sa mère mais en même temps il sait que ce sera également une grande souffrance. Il ne reconnaît plus son regard, ne devine plus dans ses yeux cette infinie tendresse qui l’a accompagné tout au long de sa vie. Il a lu un jour dans un journal de vulgarisation médicale que les proches de malades atteints d’Alzheimer vivent deux fois leur disparition. La première fois quand la maladie atteint un stade avancé au point que les troubles de la mémoire font passer les enfants pour des étrangers, la deuxième fois lorsque la vie quitte le corps alors que l’esprit a déjà tiré sa révérence. Valin pense souvent à cela. Voilà pourquoi, il est toujours volontaire pour travailler les weekends et les jours de fête. Le temps passe plus vite et il a moins le sentiment d’être seul. Les fêtes de famille quand on en a plus n’en sont pas vraiment. Mais la solitude lui pèse de plus en plus. Il la ressent comme ce sentiment indicible de ne plus compter pour personne. Mieux vaut travailler dans ces conditions comme un jour ordinaire.

Valin a pris avant de partir une douche rapide mais a oublié de se raser. Il ne cherche pas forcément à plaire mais remarque en regardant dans le rétroviseur intérieur de son véhicule qu’il ne présente pas très bien. La barbe taillée est revenue à la mode depuis quelques années et l’absence de rasage fait même tendance. Cela s’inscrit dans le négligé chic. Or son apparence ne rentre dans aucune de ces deux catégories.

« Tant pis », se dit-il.

En sortant de sa voiture chauffée à la température idoine, il ressent la sensation désagréable d’un froid vif malgré sa parka fourrée et se dirige à grandes enjambées vers l’édifice. Quelques badauds s’agglutinent devant le portail de l’Église resté fermé. Un écriteau manuscrit rédigé à la hâte indique de façon laconique que la messe n’aura pas lieu sans en indiquer la raison. L’accès par la porte latérale est gardé par deux policiers en uniforme.

Le capitaine entre dans l’église. Il voit deux de ses collègues féminines du service en train d’essayer de calmer une femme corpulente aux cheveux gris, assise sur le banc du premier rang, en sanglots. Valin apprend que c’est la sacristaine, Mme Martinez, une veuve retraitée. Elle est venue comme chaque dimanche préparer l’autel et installer les livres sur l’ambon1. Valin entre dans la sacristie où deux agents de la police scientifique en combinaison sont en train d’opérer depuis près d’une demi-heure.

— Il est mort sur le coup, dit l’un d’eux à Valin. La balle a touché le milieu du front et traversé la boîte crânienne. Une page arrachée d’un livre a été trouvée sur la table, peut-être déposée par l’assassin. On l’a envoyé au labo pour les empreintes. Je vous ai adressé la photo du document sur votre portable.

Le capitaine les remercie d’un signe de la tête. Il connaît leur professionnalisme. Demain, il trouvera leur rapport et celui du médecin légiste sur son bureau indiquant l’heure exacte de la mort, l’endroit d’où la balle a été tirée et le type d’arme utilisée. Les débuts d’une enquête criminelle sont toujours tributaires de la qualité des renseignements fournis par le service de la police scientifique. Cela permet très vite d’orienter ou de réorienter les recherches sans exclure aucune piste. Car la capacité à se remettre en question est une qualité essentielle d’un policier, au même titre que l’opiniâtreté et la ténacité. Valin regarde sur son portable la photo du document trouvé près du cadavre. Il s’agit bien du prologue de l’évangile de jean. Le cinquième verset est surligné en jaune fluo pour le mettre en évidence. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.

Valin sort de la sacristie et s’approche de Mme Martinez. Une femme qui doit avoir une quarantaine d’années, grande et élancée, avec des cheveux noirs coiffés au carré, se tient à côté d’elle. Elle tente à son tour, avec les deux policières, de calmer Mme Martinez encore sous le choc. Pierre Valin est impressionné par la présence que cette femme dégage. Séduisante sans chercher à l’être, habillée d’un manteau sombre, sobre et élégant qui a dû être acheté dans une boutique de mode, avec des coutures surpiquées aux manches et aux poches. L’expression de ses yeux d’un bleu très clair, les traits réguliers et fins d’un visage aux proportions harmonieuses et surtout cette posture au charme indéfinissable l’attirent et le mettent mal à l’aise à la fois. Il regrette d’être si peu présentable, se dit qu’il aurait dû se raser, mais que c’est trop tard. De toute façon, cela ne l’empêchera pas de commencer son enquête.

— Je suis Marie Voisin, l’organiste dit-elle en s’adressant au capitaine Valin avec une voix tremblotante. J’avais entendu crier dans l’Église et je suis descendu de la tribune. J’ai retrouvé à ce moment-là la sacristaine, madame Martinez, en pleurs.

Le capitaine remarque ses belles mains aux doigts longs et fins. Elles lui évoquent celles de ces pianistes concertistes qui courent tout le long du clavier d’un grand Steinway lors de la cadence finale du premier mouvement d’un concerto. Valin toujours aussi impressionné par la musicienne observe involontairement un bref moment de silence avant de commencer à poser les inévitables questions routinières.

— Avez-vous entendu le coup de feu ?

— Non, j’étais en train de répéter une pièce qui nécessitait toute la force de l’instrument. Je n’ai rien entendu.

— Mais vous avez entendu les cris de Mme Martinez ? répondit Valin étonné qu’on puisse entendre les cris ou les pleurs mais pas un coup de feu.

— Oui, c’était pendant le silence entre deux morceaux de musique que je travaillais. À ce moment, j’ai entendu les cris.

— À quelle heure ?

— 9 h 30.

— Vous en êtes sûr ?

— Oui, j’ai une marotte d’enseignante, je regarde fréquemment ma montre pour suivre le timing du cours et traiter ce qui doit l’être dans les délais.

— Est-ce que des objets ont été dérobés ?

— Il faudrait demander à Mme Martinez, mais je ne pense pas qu’il y ait des objets de valeur ici.

Mme Martinez commence peu à peu à revenir à un état normal ; les tremblements s’estompent et entre deux sanglots elle murmure :

— Nous n’avons pas d’objets de valeur dans cette paroisse et aucune somme d’argent n’est entreposée dans l’église. Les troncs sont vidés après chaque office. La quête de la messe de minuit a été emportée hier soir par le trésorier de la paroisse.

Valin continue à interroger Mme Martinez quant aux circonstances exactes de la découverte. Elle est venue un peu avant 9 h et demie. Comme d’habitude, elle allume les lumières du chœur, laissant la nef dans la pénombre jusqu’au commencement de l’office. Les six vitraux disposés de manière circulaire au-dessus du maître-autel semblent alors s’irradier comme si la lumière procédait d’eux. Elle est surprise ce matin de voir la porte latérale de l’église complètement ouverte. Elle entend la musique d’orgue très distinctement depuis l’extérieur de l’édifice. Après avoir refermé la porte, elle se rend à la sacristie et ne remarque d’abord que la faible lueur de la lampe de table dans la pénombre. En tournant la tête vers le mur d’angle, elle voit le cadavre du père Starb baignant sans son sang et se met à crier. Heureusement que Mme Voisin l’organiste est venue très vite à sa rencontre. La musicienne a tenté de la calmer puis a appelé la police avec son téléphone portable.

— Vous aviez remarqué une feuille arrachée d’une bible et posée sur la table ?

— Non, je n’ai pas fait attention à cela. Il y avait plusieurs feuilles sur la table et j’avoue que la vue du cadavre m’a fait perdre tous mes états.

— Je comprends. Le père Starb s’est-il attiré des inimitiés ?

— Il est arrivé il y a un mois, répond Marie Voisin avec un timbre de voix plus assuré qu’auparavant. Je dirai que, dans cette paroisse, il n’a pas eu le temps de se faire des ennemis. Personne n’a fait vraiment connaissance avec lui. Il y avait bien quelques dames d’un certain âge qui l’assiégeaient littéralement mais je me suis laissé dire qu’il fuyait leurs présences. Il donnait l’impression d’un intellectuel qui ne cherchait pas le contact.

Marie Voisin semble sortir peu à peu de sa réserve, sans doute mise en confiance par un officier de police au comportement attentionné qui parle avec une voix grave et cuivrée. Valin sait qu’il suscite généralement l’empathie des auditionnés, en tout cas de ceux qui n’ont rien à se reprocher. Mais il reste parfaitement redoutable lors des interrogatoires, sans aller jusqu’à l’agressivité que manifestent certains collègues vis-à-vis des suspects.

— Où était-il curé auparavant ?