Sombres secrets en famille - Julie Rinck - E-Book

Sombres secrets en famille E-Book

Julie Rinck

0,0

Beschreibung

"Sombres secrets en famille" est un thriller psychologique centré sur les secrets et les non-dits familiaux. Carmen Calves, professeure de danse à New York, voit sa vie basculer lorsqu’un ami proche de son père lui apprend que ce dernier n’est pas mort par suicide, comme elle l’a toujours cru, mais assassiné. Sa mère biologique serait impliquée. Carmen décide alors de revenir en France pour découvrir la vérité. En enquêtant sur son passé, elle déclenche une série d’événements qui la mettent face à ses origines et à une femme prête à tout pour l’empêcher d’avancer. Entre souvenirs, révélations et confrontation, Carmen devra choisir : fuir ou affronter.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Julie Rinck a grandi en famille d’accueil, une enfance marquée par les silences et les secrets, qu’elle transforme aujourd’hui en matière romanesque. Passionnée par les récits policiers et le surnaturel, elle signe avec "Sombres secrets en famille" un premier roman à la croisée du drame familial et du thriller psychologique.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 483

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Julie Rinck

Sombres secrets en famille

Roman

© Lys Bleu Éditions – Julie Rinck

ISBN : 979-10-422-7263-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Prologue

Dans un bar miteux, isolé de tout, de parfaits étrangers se côtoyaient tous les jours à la même heure, de vrais piliers de bar. L’un d’eux, connu sous le nom de Cow-boy, à cause des santiags et des chemises en flanelle qu’il portait, était le patron du commerce. Il servait une énième bière à son plus fidèle client, mais aussi meilleur ami, Joseph ou Joe pour les plus intimes. Ce dernier ne semblait pas en forme, plutôt dépressif, ce qui était récurrent ces derniers temps. Il faut dire que dans sa vie personnelle, plus rien ne va. Sa femme, enceinte, l’a quitté pour un autre, et sa famille lui a tourné le dos quand il s’était engagé avec elle. Il avait beau essayer de trouver des solutions pour arranger les choses, mais il s’y prenait mal, surtout depuis qu’il s’était mis à boire. Forcément, l’alcool n’aidant pas, il cherchait du soutien auprès de ses collègues de travail, mais ces derniers fuyaient cette situation, en lui inventant des excuses bidon. Le seul qui était vraiment présent pour lui, c’était Cow-boy, Martin de son vrai nom. Celui-ci l’encourageait à passer à autre chose, en passant du temps avec lui, à la pêche ou au bowling, quand ils en avaient l’occasion, malgré leur planning chargé par leur travail respectif. Mais même cela paraissait inintéressant aux yeux de Joe, tellement il était obnubilé par sa femme.

— Bon sang, Joe, regarde la vérité en face, Manuela ne reviendra pas, s’exclama Martin en nettoyant une table, près du juke-box.
— Ouais, ouais, je sais, mec. Mais, je n’arrive pas à me la sortir de la tête, c’est plus fort que moi. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle est partie avec ce connard, lui répondit Joe en se tournant vers son meilleur ami.
— Écoute, je sais que c’est dur à accepter, mais malheureusement ce sont des choses qui arrivent, surtout que quasiment tout le monde t’avait prévenu que c’était une très mauvaise personne. Tes parents les premiers d’ailleurs, oui, je sais, tu n’aimes pas que je parle d’eux, mais, bordel, c’est la stricte vérité, mon pote !
— Non, tu crois ? Bien sûr que mes parents ont toujours raison, hein ? Ils sont super forts, ils ont tout vu, tout fait, mais pour donner ne serait-ce qu’un peu d’amour à leur fils aîné, là, il n’y a plus personne, renchérit Joe en agitant les mains dans tous les sens.
— Oui, je connais toute l’histoire, Joe, mais arrête de vivre dans le passé aussi, je sais que ce que tu as vécu est horrible, mais regarde comment tu as évolué, tu as un boulot que tu adores et ton meilleur pote qui ne te quittera jamais. Alors, cesse de tergiverser et passe à autre chose, concentre-toi sur ton taf et surtout pense à la petite fille que tu vas avoir. C’est le plus beau cadeau qu’un homme puisse rêver, ça, je peux te le jurer sur mon âme.
— Une fille, t’y crois toi ? Mais, si Manuela m’interdit de la voir après sa naissance, qu’est-ce que je fais ? Je ne peux pas rester sans rien faire, j’ai mon mot à dire dans cette histoire.
— Voilà, on y est, c’est ça, Joe le combattant, de retour enfin. Content de te retrouver mon pote, ne t’inquiètes pas, je serais là pour te soutenir, compadre.
— Oh yes, c’est parti pour le combat de ma vie, cette petite est tout pour moi, quitte à y laisser ma peau, je me battrais pour l’avoir à mes côtés, coûte que coûte.
— Bien parlé, amigo, cette sorcière n’aura qu’à bien se tenir, fini de faire du mal aux gens, ce sera à elle d’être punie pour une fois.
— Exactement, bon Dieu, comment j’ai pu être aussi aveugle à ce point, je te remercie du fond du cœur d’avoir réveillé l’homme qui dormait en moi, s’exprima Joe en serrant son ami dans les bras.
— C’est normal, mon frère, je ferais n’importe quoi pour toi, lui répondit Cow-boy.

1

Vingt ans plus tard

À New York

Carmen Calves était en train de donner des cours de danse rythmée à de jeunes élèves qui n’étaient pas les enfants de n’importe qui. En effet, leurs parents étaient soit des acteurs, des chanteurs, des basketteurs de la NBA, bref le gratin des célébrités. D’ailleurs, une vingtaine d’entre eux venaient d’arriver dans la salle de cours, ils s’installèrent sur des bancs à l’écart des danseuses pour ne pas perturber le cours. Il allait bientôt être l’heure de clôturer ce cours, Carmen demanda donc à ses futurs prodiges de la danse de s’étirer contre les barres fixées au mur. La jeune professeure se dirigea vers l’enceinte afin de baisser le volume et se dirigea vers les parents qui se levèrent en la voyant s’approcher. La jolie Française de 22 ans avait conquis le cœur des Américains en à peine deux ans qu’elle résidait au pays. Sa page Facebook attirait les regards de la gent masculine, surtout pour son corps magnifiquement dessiné et mis en valeur dans des tenues de leggings qui, épousaient parfaitement ses courbes. Les mères de famille, elles, s’attardaient plus particulièrement sur les vidéos de danse qu’elle avait réalisées pour faire de la publicité lorsqu’elle était enfin parvenue à louer un studio convenable et à un prix raisonnable. Toutes les économies d’une vie y étaient presque passées, mais Carmen s’en fichait et se sentait heureuse dans cette Terre qu’elle chérissait depuis toujours. À vrai dire, c’était son oncle, Martin dit Cow-boy par ses amis, qui lui avait transmis la fascination pour ce pays en lui précisant que son propre père n’avait jamais pu réaliser son rêve : faire un road trip aux États-Unis. Son père, Joseph Frantz, était aussi le meilleur ami de Martin, ces deux-là ne se quittaient jamais. Malheureusement pour la jeune femme, son père n’était plus là lorsqu’elle est venue au monde. Martin avait essayé de lui expliquer ce qu’il s’était passé, mais c’était beaucoup trop dur pour l’adolescente qu’elle devenait, d’entendre des choses aussi atroces. Son père se serait suicidé de manière assez étrange selon elle, surtout quand Marty était entré dans les détails. Certaines choses clochaient dans la façon dont il lui avait parlé et puis il évitait très souvent son regard.

À ses vingt ans, Carmen, son Bac en poche et un nombre impressionnant de trophées obtenus lors de concours de danse organisés partout en France, avait profité d’une offre bienveillante d’un particulier américain vendant un local à un prix attractif. Elle l’avait contacté dans la foulée, avait fait les démarches pour obtenir un passeport en règle et avait rassemblé toutes ses économies pour s’envoler vers sa liberté. Elle se souviendra toujours de son arrivée, 12 heures plus tard sur l’ancienne terre des Indiens d’Amérique, à peine avait-elle posé les pieds que des larmes s’étaient mises à couler abondamment sur ses joues. À l’aéroport JFK de New York, elle n’avait cessé de regarder partout autour d’elle, comme si elle n’y croyait pas. C’était devenu enfin la réalité, fini les rêves de voyage, de sensations fortes, elle était parvenue à sauter le pas. Plus de six ans à trimer comme une malade dans des restos en tant que serveuse ou dans deux boutiques de prêt-à-porter à Paris, elle avait réussi à rassembler son courage pour s’élancer. Ses deux boulots de vendeuse en prêt-à-porter lui avaient beaucoup plu, son Bac Pro en Management obtenu avec succès et sa tchatche avaient satisfait ses deux anciens patrons. Quand elle repensait à tout cela, Carmen était fière de ce qu’elle avait accompli, mais elle devait encore tenir une promesse faite à son père. En effet, avant qu’elle s’envole pour les States, la jeune femme avait prié pour son père et lui avait promis de tout faire pour dénouer le sac de nœuds qu’il y avait autour de son « suicide ». Martin était au courant de son projet et lui avait demandé de rester prudente, en ajoutant également qu’il serait là pour elle, si elle avait besoin de quoi que ce soit. En entendant ses paroles bienveillantes, Carmen s’était jetée au cou de Martin et avait enfoui sa tête dans son cou. L’étreinte avait duré longtemps puis la jeune femme s’était évaporée sans un regard en arrière.

Tandis que la jeune prof ressassait ses souvenirs, un vertige la surprend alors qu’elle s’apprêtait à discuter avec les parents des élèves. Elle eut juste le réflexe de s’accrocher à un homme debout devant elle. Des images floues défilaient au même moment dans son esprit à une vitesse folle. Le pire étaient les cris d’horreur qui accompagnaient ses visions barbouillées. On aurait dit les cris d’un homme à l’agonie ou qui était prêt à mourir. C’était insupportable pour Carmen, qui s’était accroupie par terre, la tête entre ses jambes, comme si elle se protégeait d’une quelconque menace. Elle se surprit aussi à émettre de petits cris d’effroi qui glacèrent le sang des célébrités qui l’entouraient. L’une d’elles s’abaissa et tenta de lui parler avec douceur, mais la jeune femme semblait ne pas l’entendre. Certains parents avaient récupéré leurs enfants en cachant leurs yeux afin de ne pas les traumatiser. Il ne restait plus qu’un seul homme, celui qui essayait de calmer la jeune femme. Au bout de plusieurs minutes, les images brouillées s’évaporèrent ainsi que les hurlements, Carmen relâcha ses muscles tendus au maximum. Elle parvint à se redresser, ouvrit les yeux et sursauta en voyant un homme sexy lui faire face. Elle mit quelques secondes à le reconnaître, c’était son acteur préféré. Elle lui fit un signe de la tête en guise de réponse à ses questions et celui-ci l’aida à se lever. Elle le remercia chaleureusement avec son sourire le plus séduisant et s’excusa pour cette scène honteuse. L’homme d’une quarantaine d’années lui assura que ce n’était point sa faute et lui demanda si elle désirait boire quelque chose. Elle déclina son offre en secouant la tête négativement et le remercia une nouvelle fois pour sa sollicitude. Après s’être rassuré que la jeune femme ne courait plus aucun danger, l’acteur s’éclipsa en laissant son parfum d’after-shave dans son sillage.

Carmen fit quelques pas jusqu’à la porte d’entrée, ramassa ses affaires et sortit de la pièce en verrouillant derrière elle. Au moment de se retourner, elle eut un autre malaise moins violent, mais elle glissa tout de même le long de la porte. L’arrivée inattendue d’un homme, devant ses pieds, la sortit de sa torpeur. Elle releva sa tête et le reconnut immédiatement. C’était Cow-boy, son oncle adoré, le seul auquel elle est restée en contact. Bon, ce n’est pas vraiment son oncle à juste titre, mais il l’a élevé comme sa propre fille lors du décès de son père. Malgré toutes les années, il n’avait pas changé, il était plus vieux, mais son sourire ravageur et son regard d’acier restaient identiques. Il lui tendit son bras, afin de l’aider à se relever, qu’elle accepta avec plaisir. Puis elle lui sauta au cou, en fermant les yeux et laissant son esprit vagabonder dans ses souvenirs d’enfance. Par exemple, le jour où il lui a appris à faire du vélo, elle n’avait que cinq ans, mais même avec les petites roues arrière, elle réussissait à chuter, tellement elle bougeait le guidon dans tous les sens. Ou alors, quand ils étaient dans le grenier de la maison parentale de Martin, et qu’ils étaient tombés sur une grosse malle à l’ancienne, remplie de vieux déguisements de carnaval. Ils s’étaient amusés à les essayer et à se photographier avec le Kodak que le père de Carmen lui avait laissé.

— Mon Dieu, comme tu as grandi, ma belle, regarde-toi, tu es devenue une jeune femme magnifique. Ton père serait tellement fier de toi et je le suis aussi d’ailleurs, lui dit Martin en se reculant et plongeant ses yeux bleus dans les siens.
— Merci oncle Marty, mais dis-moi, comment savais-tu que j’étais ici, à New York, dans ce bâtiment précisément ? lui demanda Carmen en le jaugeant du regard.
— C’est mon petit doigt qui me l’a dit. Non, je plaisante, en fait je connais quelqu’un qui connaît quelqu’un, et ainsi de suite… Écoute, il ne vaut mieux pas que tu le saches, ma grande, lui répondit-il en se détournant d’elle.
— Quoi ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Depuis quand me caches-tu des choses ? Il s’est passé quelque chose de grave, c’est ça ?
— Non, non, tout va bien, ne te mets pas dans des états pareils. C’est juste qu’il y a certains trucs de mon passé qui doivent rester cachés.
— OK, OK, je n’insiste pas, mais n’empêche que je trouve ça vraiment bizarre, lui répliqua la jeune femme en ne le lâchant pas des yeux.
— Bref, si je suis là, aujourd’hui, devant toi, c’est pour une seule et unique raison. Une promesse que j’ai faite à ton père, il y a longtemps. Il m’a dit que s’il lui arrivait un drame un jour, je devais creuser du côté de ta mère. Et je veux faire ça avec toi, à deux, on y arrivera plus facilement et puis tu es en âge d’apprendre la vérité sur la mort de ton père.
— Seigneur, à croire que tu as lu dans mes pensées. Je me faisais justement la réflexion, il y a encore quelques instants, lui annonça Carmen en s’approchant de lui.
— Non, tu plaisantes ! C’est fou quand même, une sacrée coïncidence.
— Mouais ou le karma dans ce cas-là. Allez viens, paye-moi un verre, je connais un bar sympa, à deux rues d’ici, on y sera plus à l’aise. Juste le temps de mettre mon sac dans ma voiture et on y va à pied.

Quelques minutes après s’être changée et douchée dans les vestiaires, ils sortirent du bâtiment et affrontèrent la chaleur estivale new-yorkaise. Les rues étaient bondées de monde comme toujours, qui semblait pressé de rentrer chez eux ou se désaltérer en buvant une bière bien fraîche chez Jimmy’s Bar, l’établissement le plus prisé de la Grosse Pomme. Carmen se dirigea, droit vers sa petite Corolla rouge et ouvrit la portière arrière droite, jeta son sac de sport sur la banquette et referma en claquant la portière. Puis, ils marchèrent en silence et observèrent ces personnes en se demandant s’ils arriveraient à enfin éclaircir le mystère qui l’entoure depuis vingt ans. Une chose était sûre, non seulement ils feront tout leur possible pour trouver le fin mot de l’histoire, mais un affrontement entre mère et fille sera primordial.

Installés confortablement dans des banquettes en simili cuir d’un vert bouteille, Martin héla le barman, qui s’avança vers eux avec un sourire agréable. Il reconnut Carmen et se baissa pour lui donner une accolade.

— Salut Frenchie girl, comment vas-tu ? Ça fait une paie qu’on te voit plus dans le coin. Tu te cachais ou quoi ?
— Salut Jim, non, je travaille, figure-toi. Plutôt que de dire des bêtises, veux-tu nous servir un Sprite bien frais pour moi et une bière pour mon oncle, lui rétorqua-t-elle en lui tapotant gentiment le bras.
— OK, no souci, à tout de suite, les Français.
— Frenchie girl, hein, tu t’es fait un nom en venant ici, lui balança Martin en se marrant.
— Ouais, c’est ça, vas-y, tu peux te moquer, mais aux States, il y a pas beaucoup de Français, donc forcément ils sont surpris dès qu’ils en voient.
— Tu m’étonnes, après Paris, te voilà à New York, c’est incroyable ! J’en reviens pas, Carmen, c’est hallucinant. Tu es devenue quelqu’un ici, en tout cas, c’est ce que ça donne comme impression.
— C’est pas faux, avec mes concours de danse gagnés à force d’un travail acharné et mes cours de danse que je donne à des enfants de célébrités, il faut bien admettre que j’ai super bien mené ma barque. J’ai toujours été une passionnée des États-Unis donc, forcément, j’allais me donner à fond pour réaliser mon rêve. Après, si je suis partie de Paris, ce n’est pas pour rien non plus, je veux dire que la France me rappelait trop papa et je n’arrivais plus à me concentrer sur mes objectifs. C’est pour cela que dès que j’ai eu une opportunité de m’inscrire à un concours de Street Dance à New York, j’ai sauté sur l’occasion.
— Oui, je comprends. Et je ne t’en veux pas, bien au contraire, à ta place, j’aurais fait exactement la même chose. Ton père serait vraiment fier de toi, je sais que je me répète, mais c’est la vérité. En parlant de vérité, tu serais prête à la découvrir sur le décès de ton père ?
— Depuis deux ans, j’y suis parée et j’ai peur de soulever d’horribles choses, mais il est temps de dénouer le vrai du faux. Pour la mémoire de papa, on le lui doit, rappelle-toi la promesse que tu lui as faite, renchérit la jeune femme en le soutenant du regard.
— Oh, je ne suis pas près de l’oublier, ne t’inquiète pas pour ça. De toute façon, j’ai des contacts à Paris au sein de la police qui pourront nous aider.
— Toi, tu connais des flics, c’est pas flippant du tout.
— Non, pas dans ce sens-là, disons que je leur ai donné quelques tuyaux lors d’anciennes enquêtes.
— Ah d’accord, tu étais un indic, quoi.
— Oui, on peut dire ça comme ça.
— Cool, j’espère qu’ils sont réglos tes potes, parce que déjà que je ne fais pas confiance en la justice de notre pays, mais les flics, c’est encore pire.
— Ils ne sont pas tous pareils, tu sais. Il y en a qui donnent leur vie pour réussir leur boulot, d’autres qui fondent des associations aux victimes.
— OK, on va s’arrêter là, ça devient trop larmoyant.
— Finis ton Sprite, on prend ta voiture et on file à ton appart, tu prépareras des affaires pour quelques mois et on partira à l’aéroport, direction Charles de Gaulle, Paris.
— Pourquoi tu es aussi pressé, y a pas le feu au lac. Et puis, faut que je contacte une amie pour Spirou, mon chien, il faut bien que quelqu’un s’en occupe pendant mon absence.
— C’est-à-dire que j’ai déjà pris les billets d’avion, tout est prévu, lui répondit Martin en laissant 20 dollars sur la table.
— OK, OK, let’s go. Bye, Jim, prends soin de toi, embrasse Carol pour moi, à bientôt.

Après trente minutes de trajet, ils arrivèrent au studio de Carmen, un beau cocon, situé entre le 2e et le 3e District. Elle ouvrit sa porte, se dirigea droit vers sa chambre, sortit une valise et rangea quelques vêtements. Elle alla dans le salon, fouilla dans une commode Ikea et trouva du liquide, qu’elle avait mis de côté au cas où arriverait une catastrophe nucléaire. On pourrait dire que c’était le cas, un cataclysme même. Bon sang, elle devait aussi appeler Jenny, c’est la seule en qui elle avait confiance pour garder son chien, un adorable King Charles. D’ailleurs, où était-il passé ? D’habitude, dès qu’elle rentrait, il lui sautait dessus et lui faisait la fête. Elle l’appela, mais ce dernier ne montra pas le bout de son nez. C’est en allant voir dans la salle de bain qu’elle fit une macabre découverte. Son chien était éventré, laissant les boyaux sortis dans sa baignoire. Elle se détourna vite de cette vision d’horreur et courut vers la cuisine pour vomir. Martin étant resté dans la voiture, ne pouvait pas deviner ce qu’il se passait chez elle. C’est lorsqu’il entendit son hurlement qu’il sauta de la voiture et monta quatre à quatre les escaliers menant à l’appartement de la jeune femme. Il la trouva à demi allongée contre un placard en dessous de l’évier. Elle lui désigna machinalement l’endroit où a eu lieu le massacre. Cowboy se précipita vers la salle de bain et manqua de défaillir devant la vision cauchemardesque. Il s’accroupit quelques instants et posa sa tête sur ses genoux, ses mains accrochées à ses cheveux. Il mit plus de vingt minutes avant de sortir de cette léthargie et en secouant sa tête afin de chasser cette horreur de son esprit, retourna auprès de Carmen. Aucun mot ne pouvait aider à apaiser cette situation, donc il la força à se relever, prit son sac de voyage et ils sortirent du logement sans un regard en arrière.

C’est seulement arrivée dans la voiture que Carmen se rendit compte de l’ampleur de la situation. Martin conduisit en silence, en lui jetant des œillades par moment, surtout pour se rassurer, mais il savait que malgré eux, quelqu’un cherchait à faire peur à la jeune femme. Pourtant personne n’était au courant pour elle, elle avait fait le nécessaire pour cacher ses déplacements et Martin était le seul à qui elle parlait. Dans son for intérieur, Carmen se mit à douter de la sincérité de son oncle. Elle repensa à ses cachotteries qu’il lui a avouées plus tard dans la journée. Que se passe-t-il ? Pourquoi lui veut-on du mal ? Cela a-t-il un rapport avec ses recherches qu’ils vont effectuer ? Toutes ces questions avaient une réponse à faire froid dans le dos. C’était une évidence pour elle, mais elle se promit de ne rien lâcher, bien au contraire, quitte à aller en enfer pour dénicher la vérité. Elle n’avait plus peur désormais, c’était la rage qui la poussait à continuer son combat. Pour toi, Papa.

Ils arrivèrent à l’aéroport JFK, une heure de trajet plus tard. Après s’être garés sur une place de parking devant l’entrée de l’aéroport, ils descendirent de voiture et allèrent décharger le peu de bagage qu’ils avaient. Ils entrèrent et regardèrent les panneaux d’affichage de décollage. Martin, ayant les tickets, repéra tout de suite leur avion. Une heure d’attente. A priori, il y a eu du retard. Ils enregistrèrent leurs valises et patientèrent à la salle d’attente qui leur était attribuée. Tous deux restèrent silencieux, l’un regardant son passeport et l’autre, restant fixé sur l’image atroce de son chien mutilé. Elle n’arrêtait pas de se demander ce que toute cette histoire allait donner. Elle se posait la question, assez étrange tout de même, si son père n’aurait pas été dans un trafic ou un truc du genre, pour qu’on puisse lui faire du mal à ce point-là. Ça paraissait énorme, mais elle ne voyait pas d’autre solution. De plus, Martin était sur la réserve depuis qu’il lui avait évoqué son passé avec les flics. Tout ça devenait de plus en plus mystérieux. En fait, ça l’agaçait plus qu’autre chose. Elle avait hâte d’arriver en France afin d’élucider cette affaire, mais une peur tenace restait ancrée en elle. Et si tout ce bazar ne venait pas de sa mère, elle avait laissé tomber son père bien avant sa naissance. Elle ne pouvait pas confirmer ses soupçons, la solution qu’il lui restait, c’était de rechercher la famille de sa mère. Mais elle n’avait aucune idée de la manière de s’y mettre, elle ne savait rien d’elle, mis à part ce que son oncle lui avait dit. Depuis ce jour, elle avait une certaine rancune envers sa mère et n’a jamais essayé de la chercher. Cela ne l’a jamais intéressé. Comment peut-on obliger sa propre fille de vivre sans son père ou pire de le dénigrer comme s’il était le pire des monstres ? Elle n’arrivait pas à concevoir cette mentalité de la part de sa mère. Pourtant il lui arrive par moment, d’avoir des flashs où elle se revoit enfant, dans un parc d’attractions avec sa mère et un autre homme ou bien, dans un restaurant, attablés autour d’une table profitant d’un bon repas. Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ou bien la réalité ? Elle n’en a jamais parlé à Martin, encore moins à l’époque, mais bon, est-ce qu’il lui aurait dit la vérité ? Aujourd’hui elle en venait à douter de lui. Dorénavant, il y allait avoir du changement, elle était vraiment décidée à lui faire révéler le fin mot de l’histoire. Plus de mensonges.

Une voix féminine aiguë les sortit tous deux de leurs réflexions, leur avion était enfin arrivé. Ils se levèrent et avancèrent vers leur porte d’embarquement. Ils montrèrent leur ticket à une hôtesse de l’air et marchèrent vers l’appareil. Une autre hôtesse de l’air leur souhaita la bienvenue et les guida vers leur siège respectif. Sous le coup du hasard, ils n’étaient pas installés côte à côte. Cela arrangeait beaucoup Carmen, elle avait besoin de se retrouver seule avec ses pensées et faire le tri dans tout ce bazar. Elle se retrouva entre une mère de famille, la quarantaine environ et un homme plutôt jeune, une vingtaine d’années environ. Les deux inconnus ne la remarquèrent à peine, tellement ils semblaient obnubilés par leur occupation. Encore mieux, se dit-elle. Elle chercha quand même du regard où se trouvait Martin, qui était quatre rangées derrière elle entre deux enfants de 5 ans. Il semblait assez déçu d’être obligé de supporter deux gosses qui n’arrêtaient pas de gesticuler. Ça amusait énormément la jeune femme. Bien fait pourtoi, se dit-elle. Elle observa chaque passager, ainsi que les hôtesses, en se demandant si les malfrats qui s’étaient attaqués à son chien la suivaient. Elle ne trouva rien de curieux dans le comportement de chacun et préféra retourner à ses pensées.

Mais elle décida finalement de sortir le roman qu’elle lisait ces derniers temps. Le dernier de John Grisham, un de ses auteurs favoris. Elle avait toujours été attirée par ce genre d’histoire, les crimes les plus sanglants la passionnaient énormément. Mais le côté juridique de cet auteur la fascinait également, car il arrivait toujours à placer le suspense où il fallait. Et la fin était souvent incroyable, qu’elle semblait si surprise que ça l’incitait encore plus à découvrir ces histoires intéressantes. Elle se souvenait du premier roman, du genre policier plutôt soft, qu’elle avait lu L’accident de Danielle Steel. Elle l’avait piqué à une connaissance de son oncle, qui était venue les visiter. En se remémorant ce souvenir, un sourire narquois se dessina sur ses lèvres. Puis, en grandissant, sa passion pour les enquêtes criminelles avait évolué et elle avait pu découvrir de nouveaux auteurs, encore plus géniaux. Elle se demandait souvent ce que ça faisait d’écrire ce genre d’histoire. C’est vrai qu’elles sont inventées la plupart du temps, mais il devait y avoir un peu de vrai tout de même. Il faut se mettre dans la peau du personnage principal pour ressentir chaque émotion, surtout lorsqu’on arrive à élucider une enquête et arrêter le ou les criminels. Elle s’est toujours dit qu’un jour, elle aussi finirait par écrire son histoire. Mais pour cela, elle avait besoin de comprendre le pourquoi du comment afin de démêler tous ces nœuds dans cette affaire. Bon, on en a pour 12 heures de vol, je vais essayer de dormir un peu et on verra demain ce que ça va donner quand on arrivera à Paris, se dit-elle. Elle inclina son siège, mit un bandeau sur les yeux, cala sa nuque sur son coussin de voyage et ferma les yeux en expirant doucement.

La voix du steward annonçant leur arrivée en France la sortie de son sommeil réparateur. Ça devait faire au moins quinze jours qu’elle n’avait pas aussi bien dormi. Elle émergea tout doucement et regarda les gens s’agiter autour d’elle. Elle se réveilla d’un coup en s’activant à son tour. Elle ramassa ses affaires, les rangea dans son sac et suivit la file des passagers vers la sortie de l’appareil. Elle aperçut, à quelques mètres d’elle, Cowboy, les cheveux hirsutes, visiblement mal réveillé qui s’avança péniblement parmi ces personnes. En sortant enfin de l’avion, elle ressentit une drôle de sensation l’envahir. C’était un signe annonciateur de stress, qu’est-ce que ça pouvait l’agacer fortement. Elle n’arrivait jamais à comprendre la raison de ce stress permanent dès qu’elle allait affronter une situation ou autre chose. Même en allant chez le médecin, elle angoissait à un point tel que ça la rendait malade. C’était très frustrant pour elle, elle voulait essayer de se canaliser en cherchant des solutions à ce mal être, mais rien n’y faisait. Bref, c’était l’histoire de sa vie. Elle rejoignit son oncle, qui était affairé à récupérer leurs bagages. Toujours sans dire un mot, ils se dirigèrent vers une agence de location de véhicule et ressortirent un quart d’heure plus tard, les clés en main. Une Renault 208 grise les attendait sur le parking à l’extérieur de l’aéroport. Après avoir placé leurs valises dans le coffre, Martin s’installa au volant, Carmen côté passager. Cette dernière choisit ce moment pour briser le silence.

— Comment s’est passé ton vol ? Tu as pu dormir ?
— Ça peut aller et toi, lui répondit-il du bout des lèvres.
— J’ai dormi comme un loir.
— Cool.

Le silence revint aussi vite, mais cette fois-ci, il y avait un soupçon d’amertume qui ressortait de la bouche de son oncle.

Pourquoi était-ce si difficile de se parler à cœur ouvert ? Il lui cachait quelque chose, elle en était persuadée. Qu’avait-il pu faire ou dire pour qu’il réagisse de cette manière ? Elle en avait assez de ces interrogations qui ne cessaient de la tourmenter. Elle préféra se concentrer sur la route et observa le décor magique de Paris, avec toutes ses lumières sublimes qui l’habillaient. Elle avait presque oublié que cette ville était aussi magnifique et cela lui fit monter les larmes aux yeux. Elle les essuya d’un revers de main en essayant d’être discrète afin de ne pas avoir le regard inquisiteur de Martin pointé sur elle. Elle ne savait pas où ils allaient et, à vrai dire, peu, lui importait. En revanche, elle avait hâte de boucler cette affaire, qu’elle puisse retourner à New York, sa nouvelle maison. Au moins, là-bas, personne ne connaissait son passé, donc elle ne se sentait pas jugée. Après trente minutes de trajet, ils stoppèrent devant un immeuble délabré de trois étages, en pleine banlieue pour couronner le tout. Mais qu’est-ce qu’on fout là ? se demanda-t-elle. Elle vit Martin descendre de voiture, marcher jusqu’au coffre, sortir leurs affaires et se diriger vers l’immeuble en question. Elle descendit prudemment de voiture et suivit Martin en surveillant les alentours, plus particulièrement les balcons. Elle se rappelait un épisode d’une émission de faits divers où l’on voyait des gens balancer des fours ou des machines à laver de leurs balcons. Et puis, ces endroits étaient le repère des dealers ou autre magouille. Elle n’était vraiment pas à l’aise du tout à l’idée d’habiter dans ce lieu, même si ce n’était que pour quelques mois. Mais elle n’en dirait rien à son oncle et choisit de prendre son mal en patience. Ils grimpèrent des escaliers cassés, les murs étaient insalubres, l’odeur était insupportable. Arrivés au troisième étage, devant une porte autrefois d’un blanc éclatant, aujourd’hui elle était plutôt grisâtre, Martin inséra une clé dans la serrure et dut se reprendre à plusieurs reprises pour réussir à déclencher le mécanisme et ouvrir cette porte. Ils entrèrent dans un minuscule couloir, nu, aux murs fissurés de partout. Le sol était dans un état déplorable, il ne manquait plus que des cafards et ils se retrouvaient dans un vrai bouiboui. Heureusement pour eux, il n’y en avait pas. Ils visitèrent l’appartement, pièce par pièce, ils eurent la surprise de découvrir deux belles chambres propres et finement décorées. Ils en prirent chacun une et s’installèrent à leur guise. Assise sur un lit large de deux personnes, Carmen jeta un regard circulaire dans la pièce. Elle se dit que finalement, cela pourrait bien se passer. Elle vérifia l’état du mobilier, et tout semblait si beau et neuf, qu’elle se demandait pourquoi le reste de l’appartement était aussi délabré. Elle entendit son oncle déambuler dans la pièce voisine et se mit elle aussi en action. Elle sortit ses vêtements de son sac, les rangea délicatement dans une armoire brune, équipée de huit compartiments et d’une tringle pour ranger des manteaux ou des chemises sur des cintres. Elle glissa son sac de voyage en dessous du lit et sortit de la pièce en direction de la cuisine. Cette dernière était jaune de graisse, que ce soit sur les murs et au plafond. Il allait falloir faire un bon brin de ménage et bien insister sur le dégraissant pour rendre cette pièce utilisable.

2

Elle ouvrit le frigo, qui était rempli à ras bord, et prit une petite bouteille d’eau pour se rafraîchir. L’apparition de Martin, son téléphone portable à la main, finit d’achever son étonnement grandissant au fur et à mesure de ses découvertes. Elle essaya de ne pas écouter la conversation et sortit de la pièce pour aller revoir la salle de bain. En voyant la baignoire beige avec ses pieds en laiton, elle revit malgré elle l’image atroce de son chien. Elle se retourna rapidement et s’aspergea d’eau du robinet. Elle observa son visage dans le miroir et s’aperçut à quel point elle avait pris de l’âge en quelques jours. Bien sûr, c’était une illusion et compréhensible même, vu ce qu’elle venait de traverser, mais cela lui fit peur à tel point qu’elle se détourna, dégoûtée par ce qu’elle voyait. Elle entendit Martin s’approcher d’elle doucement et ranger son portable dans sa poche arrière de son jean. Il la regarda d’un air franc et il lui indiqua du pouce gauche le salon. Il lui proposa de s’installer dans le canapé, s’assit sur la table basse en verre, face à elle.

— Bien. Je sais que tout ça est compliqué pour toi à comprendre, mais nous devons rester ici pour quelque temps, commença-t-il maladroitement en se grattant la barbe.
— OK.
— Bref, tout ça pour te dire que je viens de raccrocher avec un pote flic, Jérôme et il m’a dit qu’il allait venir pour nous expliquer comment on allait procéder.
— Un pote flic ? Tu es pote avec les flics maintenant ? Je pensais que tu étais une sorte d’indic. Au fait, tu sais quoi, ne me réponds pas, je m’en moque royalement, lui rétorqua-t-elle en haussant les épaules.
— Oui, bon, je sais que je ne t’ai pas tout dit. Une fois que tout sera terminé, promis, je te raconterai la vérité. Il ne va pas tarder et c’est le seul en qui j’ai confiance, lui répondit Martin en regardant sa montre.

La sonnerie du logement retentit au même moment. Il alla ouvrir et un homme, immense et baraqué, fit son entrée. Carmen se leva, assez perturbée par la beauté sauvage qui ressortait de cet étranger. Jérôme marcha vers elle, lui tendit une main ferme, qu’elle serra timidement. Il avait des mains de boucher, tellement elles étaient larges et puissantes. Elle ne le lâchait pas des yeux. Elle semblait hypnotisée par son regard d’un vert gazon. C’était assez étonnant de voir des yeux d’un ton de cette couleur, c’était la première fois qu’elle voyait ce genre de nuance dans des iris. Martin toussota bruyamment, et tous deux se séparèrent, gênés de cette situation.

— Carmen, comme je te l’ai dit, il y a un instant, Jérôme peut nous aider.
— Effectivement, je travaille pour la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres, section disparitions mystérieuses, annonça ce bellâtre en s’installant sur un fauteuil.
— Le 36, carrément quoi, répondit Carmen en ne cessant d’observer Jérôme.
— Oui, c’est ça. Cela fait près de cinq ans que je mets mon service à contribution pour la section des disparitions mystérieuses. À vrai dire, cette section est plutôt récente, j’y suis rentré quasiment à sa création.
— Waouh, ça, c’est cool ! Et vous avez réussi à élucider des mystères ? lui demanda la jeune femme en lui souriant.
— En effet, mais malheureusement je ne peux pas vous dévoiler mes secrets, sinon je devrais vous tuer, plaisanta-t-il en lui répondant par un sourire à son tour.
— Enfin bref, là n’est pas le sujet qui nous préoccupe en ce moment, s’énerva Martin en tapotant la table basse de l’index.
— Oui, c’est vrai. Comme a dû vous le dire votre oncle, vous vous trouvez dans une planque spéciale pour affaires troublantes, où nous travaillons avec des informateurs en les mettant en sécurité. De cette manière, nous pouvons les surveiller et les protéger lors de confrontations possibles avec des suspects.
— Euh, quoi ??
— Laissez-moi vous expliquer en détail. Premièrement, on trouve un indic parfait. Deuxièmement, on le met en confiance en lui promettant de le protéger en cas de représailles. Et dernièrement, on le place dans une de nos planques et nous nous mettons au boulot.
— Ah là oui c’est plus clair, je vous remercie, ironisa Carmen en pouffant de rire.
— D’accord, vous vous moquez de moi, c’est ça ?
— Non, pas du tout, mais avouez que c’est tordu votre truc. C’est vrai, quoi. Vous trouvez votre gus, vous lui promettez monts et merveilles puis vous le planquez afin de bosser tranquillement avec lui. Je ne sais pas, mais c’est une drôle de manière de procéder.
— Ah oui et vous ferez comment vous ?
— Je ne suis pas flic déjà donc la question ne se pose pas.
— Oui, bon, ça suffit maintenant, on tourne autour du pot, s’emporta Martin en se levant d’un bond du canapé.
— Tu as raison. Comme tu me l’as demandé, j’ai réussi à trouver quelques documents sur ton ami. Mais rien de très réjouissant. Le problème c’est que je n’ai rien trouvé sur la mère. Comme si elle n’avait jamais existé, ou alors elle est douée pour se cacher aux yeux de tout le monde. Cela étant, tu m’as dit qu’elle faisait partie de la communauté des gens du voyage, donc à mon avis, elle a trouvé le moyen de rester discrète à travers eux. Ce sont de grandes familles où tout le monde se protège par tous les moyens nécessaires possibles. Je pense qu’il faut essayer de creuser de ce côté-là.
— Merveilleux, et on fait comment, étant donné qu’on ne connaît pas son identité complète et encore moins son adresse, renchérit Martin en battant l’air de ses mains, accablé.
— Et sur mon acte de naissance, on peut peut-être trouver un indice, sur son nom au moins, proposa la jeune femme en les regardant tous les deux.
— Justement, j’ai le document en question, et il est écrit : Manuela Calves, répondit Jérôme en vérifiant sur le papier.
— Super, on est bien aidé là. Tu sais combien il y a de Calves en France ? Et encore si elle est encore en France, c’est vrai, elle pourrait être en Espagne où ailleurs, s’emporta Martin en faisant les cent pas dans la pièce.
— C’est un bon début, Martin, calme-toi, toute enquête commence par un petit indice, minuscule qu’il soit.
— Il a raison Cowboy, tu devrais arrêter de tourner en rond et rassis toi pour commencer, tu me stresses à gesticuler ainsi, répondit Carmen en le fusillant du regard.
— OK, OK, excusez-moi, c’est juste que toute cette histoire est rocambolesque et cette promesse que j’ai faite à ton père est primordiale pour moi. C’est une pression énorme pour moi, je me monte trop la tête, voilà tout.
— C’est compréhensif, Martin, je ne sais pas si tu te souviens, mais j’ai trouvé mon père mort dans le grenier quand j’avais dix ans. À partir de ce jour, je me suis battu pour connaître la raison de son geste et c’est comme ça que je suis devenu flic dix ans plus tard.
— Je suis navrée pour votre père, je peux imaginer à quel point c’est dur d’affronter un choc pareil, rétorqua Carmen avec de la tristesse dans la voix.
— Oui, c’était très compliqué surtout pour ma mère qui l’aimait plus que tout. Je vous remercie pour votre sollicitude.
— Bon, qu’est-ce qu’on attend pour commencer les recherches ? demanda Martin en se levant du canapé.
— Allons-y, j’ai emporté mon ordinateur portable avec moi au cas où, répliqua le policier en échangeant un regard rapide avec Carmen.
— Vous désirez peut-être boire quelque chose en attendant ? Un café ? Un soda ? proposa cette dernière à tous les deux.
— Deux cafés, ce serait super, merci, lui répondit Martin avec un petit sourire.
— C’est parti. Deux cafés pour ces messieurs. Avec du lait et du sucre ?
— Noir pour moi et avec du lait pour Jérôme sans sucre pour les deux, si mes souvenirs sont bons, répliqua Martin en observant la réaction du policier, qui lui répondit à l’affirmative.
— Ça marche. No souci.

Carmen se dirigea vers la cuisine d’un pas décidé. Elle mit en marche la machine à café qu’elle avait préparée machinalement. Elle sortit deux tasses du placard au-dessus de l’évier et prit le lait dans le frigo. Elle sortit également un plateau d’un autre placard et disposa le tout dessus. Elle jeta un regard circulaire à la pièce et arrêta son regard sur le policier, affairé à ses recherches sur son PC portable. Elle le trouvait craquant pour un flic, pas idiot, mais assez brut de décoffrage. Tout ce qu’elle aimait chez un homme. Le seul hic c’est que c’était un flic, et ça lui semblait impossible d’envisager un rapprochement possible avec lui. Rien qu’à l’idée, cela lui donnait la chair de poule.

Après une heure de recherches ardentes, le policier poussa un cri de joie.

— Ça y est, je tiens quelque chose.
— Ah oui et qu’est-ce que c’est ? s’enquit Carmen en se rapprochant de lui.
— Bon, je vous avoue que j’ai galéré, mais comme je ne me décourage jamais, j’ai réussi à trouver le casier judiciaire de votre mère. Et je peux vous dire qu’il n’est pas vierge.

Racolage, exhibitionnisme, agression contre les forces de l’ordre et violences aggravées multiples. Votre mère n’est pas une enfant de chœur.

— Incroyable, mais vrai ! Je comprends mieux maintenant pourquoi ton père ne la supportait plus sur la fin. Il m’avait raconté tant de fois leurs querelles extrêmes où elle pouvait se montrer violente envers lui, expliqua Martin en regardant simultanément Jérôme et Carmen.
— Oui, je me souviens que tu m’avais évoqué certains de ses souvenirs, je me suis toujours demandé ce qu’il lui avait trouvé pour vouloir faire sa vie avec elle.
— Tu sais, si un jour on arrivait à expliquer comment l’amour fonctionne vraiment, je suis persuadé qu’il n’y aurait plus de couple sur terre, lui expliqua Cowboy, un sourire sur les lèvres.
— Oui, tu n’as pas tort, enfin bref avec ce qu’on vient de découvrir, on a un début de piste. De mon côté, je peux rencontrer les flics qui l’avaient coffré à l’époque et trouver ce qui en ressort, renchérit Jérôme en tapotant sur son ordi.
— Bonne idée, nous, en attendant on peut essayer de se renseigner sur Facebook, on ne sait jamais si elle a un compte. Ou sur d’autres réseaux sociaux, rajouta Carmen en sortant son portable de sa poche.
— Euh, ouais, mais je te préviens tout de suite, je n’y connais rien aux réseaux sociaux, lui dit Martin en soutenant son regard.
— OK, c’est pas grave, reste à côté de moi et regarde l’artiste.
— Super, vous deux sur le net et moi, je file au commissariat du 12e, c’est là qu’elle avait été arrêtée.
— Parfait, à plus tard.

Jérôme se leva du canapé, mit son blouson et sortit sans un regard en arrière. Carmen et son oncle commencèrent les investigations sur le portable de la jeune femme. À la vitesse que pianotait Carmen, Martin en fut tout de suite perdu. La jeune femme rigolait sous cape et continua ses manipulations.

Rien sur Facebook, Instagram ou Snapchat. Décidément, ils n’étaient pas aidés.

— Dis-moi, tu es sûr de ne pas avoir un élément sur elle que mon père t’ait raconté et que tu as pu oublier, lui demanda Carmen en se retournant vers lui.
— Honnêtement, ma belle, non. En tout cas, rien de concret. Mis à part, le fait qu’elle fasse partie de la communauté des gens du voyage, je n’ai rien d’autre à te dire.
— C’est pas possible, je suis sûre qu’on peut trouver ne serait-ce qu’un minuscule indice dans tes souvenirs. Essaie de te replonger dans ces souvenirs, fais le tri de ce qui te semble pas important et pioche celui qui peut être crucial à notre affaire, encouragea Carmen en lui prenant son visage dans les mains et posa son front contre le sien.
— OK, OK, je vais tenter un truc. Attends, j’ai peut-être quelque chose là, cria-t-il après quelques minutes de réflexion. Ton père m’a dit qu’elle habitait dans un camp situé dans le 10e arrondissement de Paris, à l’époque qu’ils s’étaient rencontrés.
— Oui, pas mal. On peut aller voir si cet endroit existe toujours et si on rencontre du monde qui la connaît potentiellement.
— Allons-y, j’envoie juste un message à Jérôme pour lui dire où on va, je prends ma veste, les clés et on décolle.

Carmen alla dans sa chambre chercher un sweat, son sac à dos et sortit de l’appartement, suivi de Martin. Ils dévalèrent les escaliers rapidement et se retrouvèrent dehors en un rien de temps. Ils sautèrent dans la voiture et démarrèrent en trombe. Le paysage défilait devant eux si vite, qu’ils ne remarquèrent pas qu’un autre véhicule les talonnait à quelques mètres d’eux. C’était une berline noire, type BMW, très puissant comme bolide, mais discret. Ils conduisirent en silence, chacun le cerveau en ébullition, échafaudant telle ou telle hypothèse saugrenue.

« Je t’en supplie, Seigneur, fais qu’il y ait une trace de ma mère dans ce lieu », supplia la jeune femme, les yeux rivés au ciel. L’adrénaline serpentait dans ses veines, stimulait son cœur et augmentait ses espérances. Elle touchait au but, elle le sentait au fond d’elle. Elle ne savait pas comment, mais son subconscient lui disait que cet endroit allait lui révéler certaines vérités. Vingt minutes de trajet, ils arrivèrent à destination. Heureusement pour eux, non seulement cet endroit existait encore, mais en plus, plusieurs caravanes étaient installées. Ils descendirent prudemment de voiture et s’avancèrent à pas de souris vers l’une d’elles, où une vieille femme était assise sur une chaise de camping, lisant un livre.

— Excusez-moi, nous sommes à la recherche d’une femme du nom de Maria Calves, savez-vous où on peut la trouver ? demanda Carmen, une lueur d’espoir dans les yeux.
— Mon Dieu, est-ce que c’est toi ? Carmenita ? La vieille dame se releva péniblement et s’avança vers la jeune femme en la détaillant du regard.
— Pardon ? Vous… vous me connaissez ? balbutia la jolie brune en ne comprenant rien à ce qu’il se passait.
— Oui, je sais tout de toi. Regarde-toi, tu es devenue une jeune femme merveilleuse et belle à se damner. Je suis ta grand-mère Isabella Calves, la maman de ta mère.
— Quoi ? Comment est-ce possible ? J’y comprends rien. Est-ce que c’est vrai ?
— C’est la pure vérité, ma petite-fille. Sache que chez nous, les gitans, le mensonge est interdit. Le Seigneur nous punit si nous ne disons pas la vérité. C’est notre coutume et notre religion.
— Excusez-moi, désolé de casser ces retrouvailles, mais on aimerait savoir où se trouve votre fille, madame, s’il vous plaît, intervint Martin maladroitement.
— Oui, vous avez raison, nous aurons tout le temps pour discuter plus tard. Mais je ne sais pas du tout, hélas, où est Manuela. Cela fait quelques années que je n’ai plus aucunes nouvelles. Je sais juste qu’elle est partie avec ce Gadjo quand elle a accouché de toi, raconta la vieille dame en regardant la jeune femme. Elle m’a laissé le nourrisson et est partie sans une explication ni un regard en arrière. Lorsque tu as eu deux ans, étant affectée par la maladie qui me rongeait, j’ai été contrainte de te déposer dans un foyer d’accueil.
— Oh, mon Dieu, c’est incroyable. Je… euh… je ne le savais pas. Personne ne m’a jamais rien dit. Mon père était dans le flou le plus total, mais il s’est battu pour connaître la vérité et n’a pas réussi à la découvrir à cause de ma mère. Votre fille est affreuse, mauvaise et je ne lui pardonnerai jamais ce qu’elle a fait à mon père.
— Je le sais, mon enfant et je te comprends. Tu as raison, mais utilise cette colère comme une force et poursuis ton combat pour la vérité. Tu as un don en toi, j’arrive à le sentir dans tes yeux et dans ton cœur. Sers-t’en et fais-en une armure pour te protéger des autres qui peuvent te nuire. Retourne ce mal contre eux en la canalisant de toute ton âme. Ce don t’a été attribué par le Tout-puissant.
— Je me disais bien qu’il y avait quelque chose qui clochait chez moi, se moqua Carmen en pouffant de rire.
— Non, je suis sérieuse Carmen. Tu es très forte, c’est ce don qui te permet de voir ce qui est bon et ce qui n’est pas bon chez les gens. Je le sens émaner de toi. Concentre-toi et tu le sentiras à ton tour.
— Encore une fois, je suis désolé, mais ce n’est pas le moment idéal pour ça, s’emporta Martin. On doit retrouver ta mère, Carmen.
— Oui, oui. C’est vrai. Pardon. Grand-mère, n’as-tu rien d’autre à nous dire qui nous permettrait de la trouver ?
— Non, je suis navrée, mais je ne sais rien. Comme je vous l’ai déjà dit, elle s’est enfuie sans explication.
— Eh merde. Tout ça pour rien, s’énerva Martin en tapant du pied.
— C’est pas grave, peut-être que Jérôme a du nouveau. Appelle-le et vois ce qu’il a à te dire, proposa Carmen en posant une main réconfortante sur le bras gauche de son oncle.
— Ouais, bonne idée, répliqua ce dernier en sortant son portable.
— Je voudrais rester plus longtemps discuter avec toi, grand-mère, mais on a encore du travail. Promis, je reviendrai te revoir pour rattraper le temps perdu.
— Avec plaisir, ma chérie. Tu es la bienvenue ici, reviens quand tu veux, lui dit la vieille femme en la prenant dans ses bras. Et n’oublie pas de te servir de ton don, lui seul pourra t’aider dans ton combat.
— Merci pour tout. À bientôt, abuelita.

Elle recula de quelques pas et plongea une dernière fois les yeux dans ceux de sa grand-mère. Elle y puisa tout ce dont elle avait besoin. Du courage et de l’amour. Elles se séparèrent et chacune partit de son côté en se promettant qu’elles n’oublieront jamais ce moment précieux. Martin et elle retournèrent à la voiture en échangeant un regard de sollicitude et partirent en direction de l’appartement.

Arrivant au parking du bloc d’immeubles, ils virent Jérôme appuyé sur sa voiture, lunettes au nez. Seigneur, il est encore plus sexy avec ses lunettes, se dit la jeune femme en ne le lâchant pas des yeux. Heureusement qu’il était habillé en civil, sinon ils auraient eu des problèmes avec les jeunes du quartier. C’est connu, les jeunes détestent les flics. Et les policiers ont peur de s’aventurer dans ces quartiers.

— Alors, vous avez trouvé quelque chose ? leur demanda le beau brun.
— Toi d’abord, lui répondit Martin.
— Bien. J’ai bavardé avec les deux flics qui ont pris la déposition de Manuela et apparemment, elle n’était pas très collaboratrice avec eux. C’était tout le contraire même. Elle s’est braquée dès le début de sa mise en garde à vue et à l’arrivée de son avocat commis d’office, c’était encore pire. Elle l’aurait envoyé balader d’un regard glacial qui aurait fait flipper le bonhomme. Puis plus rien. Rien de rien. Retour à la case départ. Je suis désolé et vous ?
— Non, ce n’est pas vrai ? Merde, à part le fait qu’on ait fait la connaissance de la grand-mère maternelle de Carmen, on a que dalle nous aussi. Elle serait partie du camp après avoir accouché de la petite sans un mot d’explication ni un regard d’excuse. C’est le néant complet. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait, à ton avis ? Après tout, c’est toi le flic, lui répliqua Martin en le maudissant intérieurement.
— OK, OK. Calmons-nous et réfléchissons à la prochaine étape. Remontons à l’appart, on y sera plus tranquille, proposa Carmen en se dirigeant vers le bâtiment.

En arrivant dans le logement, ils s’écroulèrent dans le canapé, abattus. Jérôme se redressa et ralluma l’ordinateur devant lui. Il recommença ses recherches, pendant que Carmen et Martin se regardèrent, impuissants. D’un coup, la jeune femme se releva et s’avança décidée vers la porte d’entrée. Martin lui demanda où elle allait, auquel elle répondit qu’elle avait besoin de faire un tour. Elle prit les clés de voiture et sortit précipitamment de l’appartement. Elle grimpa dans le véhicule et démarra en trombe. Elle savait ce qu’elle voulait faire à ce moment précis. Elle roula pendant une vingtaine de minutes et stoppa sa voiture devant un bâtiment bleu, des néons blancs annonçaient Greg Boxing. Satisfaite, elle descendit de voiture et s’empressa d’entrer dans cet endroit qu’elle adorait plus que tout. Une vraie salle de boxe. De la sueur, des grognements, du sang parfois. Voilà un lieu où elle se sentait à son aise. Ça pourrait perturber certaines personnes, mais quand on connaît le vécu de la jeune femme, on peut comprendre qu’elle ait besoin de se défouler. La salle était presque pleine, les deux rings étaient occupés, mais elle se dirigea vers un petit bureau, situé au fond de la salle. Elle vit à travers la fenêtre, le patron Greg, parlant au téléphone et attendit qu’il raccroche. Ayant terminé son appel, il releva la tête et aperçut la jeune femme, un sourire aux lèvres. Il se précipita sur elle et la prit dans ses bras.

— Oui, moi aussi je suis contente de te revoir, boss, mais là tu m’étouffes, lui dit Carmen en sortant de son étreinte.
— Oups, désolé. Regarde-toi. Waouh. Tu es sublime. Et musclée. Tu continues la boxe aux States ?
— Non, mais je pratique la danse et le jogging. Quelques tractions par ci par là, mais pas de boxe. C’est pour ça que je suis là devant toi. Tu serais d’accord pour me laisser un punching-ball pendant une heure tous les matins ?
— Et comment ! Tu es la bienvenue ici. Tu es chez toi, ne l’oublie jamais. D’ailleurs, tu resteras toujours mon élève la plus douée. J’ai accroché certaines affiches de tes anciens combats dans la salle. Suis-moi.

En effet, cinq affiches étaient scotchées au mur annonçant les victoires qu’elle avait obtenues avec acharnement. Bon, c’étaient des matchs clandestins, mais ça comptait quand même. Il faut préciser qu’une femme n’a pas le droit de combattre face à un homme. C’est dans les règles de la boxe. Mais, à ce moment-là c’était une révélation pour Carmen, elle s’en souvenait encore aujourd’hui. Son premier round s’était déroulé en banlieue, dans un hangar abandonné, elle n’avait que 16 ans. Elle se rappelait la peur qui la tenaillait tout le long du trajet, mais Greg était présent pour la rassurer. Il croyait en elle, car dès leur première rencontre, il avait senti une force incroyable qui émanait d’elle. Il se voyait s’avancer vers elle, alors qu’elle défonçait un punching-ball avec une rage de dingue. Elle paraissait toute frêle, mais avait une énergie du diable tellement elle en imposait. Il avait commencé par essayer d’en apprendre un peu plus sur elle, mais elle se fermait comme une huître. Alors, il s’était posté derrière le punching-ball, le tenant de ses mains et il l’avait laissé continuer son enchaînement. Il se rappelait la lueur noire dans ses yeux, à l’époque, ça l’avait impressionné qu’une femme aussi jeune puisse avoir de la haine à ce point. Mais il s’était dit qu’il pourrait l’aider à la canaliser, en faire une force. Et c’est ce qu’il avait fait après deux mois d’essais infructueux pour la convaincre, elle avait finalement accepté son offre.

— Tu vois ma belle, je ne t’ai jamais oublié. Tu étais la meilleure et la seule qui se battait de cette manière. Mais j’imagine que ce n’est plus d’actualité, n’est-ce pas ? Je vois dans ton comportement que tu as l’air préoccupé par une mission.
— Ce n’est pas faux Greg, mais je ne peux rien te dire, en tout cas tant que je n’ai pas démêlé les nœuds de ce bazar.
— Oui, je comprends et je ne t’embêterai pas avec ça ni les gars d’ailleurs. Je leur demanderai de te laisser tranquille, comme ça tu pourras t’entraîner en paix.
— Je te remercie beaucoup boss. Je reviendrai demain et je te payerai les séances. Non, ne dis rien, je te payerai, répliqua la jeune femme en voyant qu’il allait dire quelque chose.