Suffisamment heureuse - Anne Clavaud - E-Book

Suffisamment heureuse E-Book

Anne Clavaud

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Beschreibung

Claire pensait avoir tout fait comme il fallait : un mariage, trois enfants, une carrière. Cependant, à la suite de son divorce, elle est confrontée à un vide qu’elle n’arrive pas à combler alors que tout devrait aller mieux. Avec un humour mordant et une touche de sarcasme, Claire, à la fois fragile et résolue, partage avec sa psychologue son quotidien entre crises de solitude, séances de journaling et méditations quelquefois maladroites. Mêlant tendresse et désarroi, ce voyage intime nous pousse à réfléchir sur l’acceptation et la résilience. Un récit émouvant pour tous ceux qui réalisent que retrouver son chemin, même incertain, est parfois tout ce qui compte.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Avec une carrière dans la banque, le parcours d’ Anne Clavaud a été marqué par un mariage de 28 ans, un divorce et un burn-out, des épreuves qui l’ont conduite à se réorienter vers le coaching de dirigeants. Elle aide ces derniers à développer « le courage de la vulnérabilité » en mobilisant leurs ressources psychoaffectives face aux changements. Passionnée par l’intelligence émotionnelle et les neurosciences, elle valorise l’importance des mots pour avancer.

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Seitenzahl: 227

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Anne Clavaud

Suffisamment heureuse

Conversations avec ma psy

Roman

© Lys Bleu Éditions – Anne Clavaud

ISBN :979-10-422-6825-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À toutes les femmes merveilleuses,

Avec ma profonde admiration,

Pour leur capacité à avancer,

Pour leur courage,

Leur résilience,

Leur force,

Leur humanité.

Une vérité dérangeante :

À la fin, vous réalisez que c’est seulement vous.

Personne ne vient vous sauver,

Personne ne peut vous comprendre

Aussi profondément que vous le souhaitez,

Personne ne peut vous encourager comme

Vous le pouvez,

Personne ne peut être là pour vous

Tout le temps,

Et personne ne peut chasser les pensées

Qui vous laissent abattus.

Ce sera toujours vous.

Première partie

Les gens ne pleurent pas parce qu’ils sont faibles,

mais parce qu’ils ont été forts trop longtemps.

Voilà comment ça a commencé…

J’ai « dévissé » hier, encore.

C’est comme ça que je parle de ces moments où je me sens partir, totalement perdue, dans une solitude la plus profonde. Je crois qu’on peut l’appeler le désespoir.

J’ai l’image de ces alpinistes qui chutent d’un coup.

Je me sens pitoyable.

Ces épisodes se répètent et je ne comprends pas pourquoi je réagis comme ça de manière aussi intense. Ils se répètent encore et encore, et il me semble que c’est de plus en plus violent.

Parfois, je crois que je deviens folle.

J’ai même l’impression de me parler à moi-même.

J’écris dans un journal pour essayer de comprendre, et de sortir ce mal de moi.

Oui, je le sens comme quelque chose en moi qui prend possession de manière soudaine et violente, et contre laquelle je ne peux rien faire.

Et j’ai mal, j’ai peur. Je suis effondrée, tétanisée. Je ne sais pas quoi faire.

Je veux appeler au secours, à l’aide, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je ne peux pas parler.

Je ne peux pas prendre mon téléphone pour appeler. Je ne peux pas bouger.

Je suis là dans mon lit, seule, personne ne m’entend. Personne ne vient.

Je veux que ça s’arrête, je n’en peux plus. Je voudrais que quelque chose se passe.

Mais rien…

C’est trop dur et ça se répète sans prévenir, je n’ai plus de force.

Je me sens à bout.

Je ne veux plus ressentir ça.

Je me sens quitter ce monde dans ces moments-là.

C’est trop dur.

Je n’ai plus la force, je n’ai plus de force.

Les pensées tournent dans ma tête.

J’écris pour sortir tout ça de moi.

Et puis j’ai lu dans le magazine Elle que le journaling était positif. Journaling, tenir un journal quoi, comme lorsque j’étais une petite fille. Dans l’article, il parlait de ça et de la méditation, marcher dans la nature, prendre du temps pour soi.

Moi, j’ai l’impression de n’avoir que ça du temps pour moi…

Je reste prostrée dans mon lit. Je suis aspirée par lui. Mon corps est si lourd qu’il ne fait qu’un avec le matelas. J’ai les yeux fermés, je suis en boule enroulée dans ma couette.

Ma couette me protège.

Les pensées tournent dans ma tête et en même temps je ne me sens plus là. J’ai le sentiment d’être partie, je me sens partir, à mi-chemin entre ici et là-bas. Je n’ai pas envie de me retenir. J’ai envie de me laisser aller. Je n’ai pas la force de me retenir.

Et finalement, je me laisse aller encore plus en espérant pouvoir quitter ici et glisser doucement vers là-bas. Je ne sais pas où. Je n’ai pas peur. Je n’ai même plus la force d’avoir peur. Je n’ai plus d’énergie.

J’ai lutté pourtant.

Je me suis tapée sur la tête avec mes poings, je voulais arrêter la douleur. C’est abominable cette douleur dans ma gorge et dans ma poitrine.

Je ne comprends pas d’où ça vient et pourquoi c’est si douloureux.

Ça me fait peur cette violence et cette douleur. Tout me fait peur.

Mais j’ai quand même l’impression de devenir folle.

Est-ce qu’on peut être folle

quand on se demande encore si on devient folle ?

Et j’ai honte.

Honte de ressentir ça. Honte d’être comme ça. Comment exprimer quelque chose qui vous fait honte ? Honte de me sentir mal. Honte de ne pas savoir réagir. Honte de me plaindre, même si je ne me plains qu’à moi.

Honte d’être là dans ce lit, pitoyable, mais juste pour moi. Personne n’est au courant.

C’est marrant ça de pouvoir avoir honte alors que personne ne me voit ! Il paraît que la honte et la culpabilité sont les deux émotions les plus difficiles à combattre.

Ça tombe bien pour moi !

J’ai « dévissé » encore et plus profondément.

Je me sens brisée en petits morceaux. Mais j’ai honte de dire ça, car je n’ai rien vécu de grave par rapport à tant d’autres.

Pourquoi alors je ressens ça ? Qu’est-ce qui cloche en moi ? Pourquoi est-ce si intense toujours ? Si douloureux ?

Le jour est déjà levé. J’entends le bruit des voitures au loin.

Je ressens un vide terrible, un vide en moi, un vide abyssal. Je ne sais pas le remplir. Je sens ce néant quand je ne peux plus bouger de mon lit. Je me sens aspirée par mon matelas. J’ai l’impression que je m’enfonce, que je disparais dans mes draps, et je ne peux pas bouger. Je ne peux pas faire un geste. Je suis là et, pas là. Je me vois de l’extérieur. J’entends les choses, et je vois mes pensées comme si elles ne m’appartenaient pas et qu’elles défilaient.

Je suis à côté de mon corps qui est une masse inerte et lourde, écrasée sur mon lit. Je ne ressens plus rien. Je ne réagis plus aux sons, au chaud ou au froid. Ma tête est lourde.

Je dévisse encore d’un cran.

Je bascule dans un semi-coma.

Je ressens moins de choses. Du moins, je crois.

Ça y est, il me semble que ça va mieux.

Pourtant la douleur est toujours là dans ma poitrine. Tout est bloqué comme une espèce de boule.

Je ne fais que pleurer. J’ai des sanglots terribles qui viennent parce que je voudrais hurler ce que j’ai au fond de moi. Mais pas un son ne sort. Ma poitrine me fait souffrir, j’ai l’impression que ma gorge se resserre sur moi et m’empêche même de respirer.

Je ne peux pas bouger, cela me demande trop d’efforts. Je suis tellement fatiguée, je ne peux plus lutter, je n’ai plus de force.

Je ne peux plus rien faire seule. Je me sens si faible, je disparais.

J’ai tellement besoin que quelqu’un vienne m’aider. Que quelqu’un m’entende, entende ce cri que je suis incapable de donner.

J’ai juste besoin que quelqu’un soit là, à côté de moi, et me réconforte, m’apaise, me dise que ça va aller maintenant, que c’est fini. Il va juste me prendre dans ses bras et je vais pouvoir me laisser aller enfin.

Et je ne serai plus seule.

Je sens enfin la chaleur de sa main, sur moi, sa caresse. Je sens la chaleur qui traverse mon corps et le réchauffe, le ranime. Il me prend dans ses bras et me sert comme pour me réanimer, me ramener à la vie. La chaleur m’envahit, la douleur s’efface.

Maintenant je ne suis plus seule, alors tout va bien.

Je peux souffler.

Et pourtant je divague, je le sais et après tout,

au point où j’en suis.

Peut-être que je vais pouvoir enfin parler. Je sens ce nœud toujours dans ma poitrine qui m’étouffe. J’ai l’impression de chercher, de fouiller et je n’y arrive pas.

C’est trop douloureux. Je bute sur cette masse et je bloque. Je ne sais même pas de quoi je parle. Je ne comprends pas.

Je voudrais comprendre.

Je ne veux plus lutter.

Je ne veux plus souffrir.

Mais personne n’est venu. Personne ne viendra, je le sais.

Épuisée, je m’endors un peu, je somnole.

Et je sais qu’il va falloir que je trouve la force de me lever toute seule. Je sais que je vais le faire. Je l’ai déjà fait. Je n’ai pas le choix.

Je vais me lever. Je vais aller dans la salle de bain, me doucher, m’habiller. Je vais faire tous ces gestes mécaniquement.

Je me sens tout en coton. Je vais doucement.

Je vais faire tous ces gestes, l’un après l’autre, en me concentrant dessus. Cela me demande un effort, encore.

Jusqu’à la prochaine fois.

Cette fois, c’est décidé, il est temps que je consulte un psy. C’est vraiment trop douloureux et je me fais peur surtout. C’est tout moi ça, il y a toujours un moment où je sais, je sens qu’il faut que j’agisse. C’est évident, j’ai besoin d’aide. Et puis j’ai bien compris que cette aide ne viendra pas toute seule.

Alors oui, je peux essayer de faire tout ce qu’ils disent dans les livres, les magazines, faire du sport, ou au minimum de la marche, pratiquer la respiration, la pleine conscience, etc., mais on est d’accord, ça ne va pas suffire.

Vous avez compris comme moi que personne va venir me sauver, parce qu’il n’y a jamais personne qui vient.

D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours eu ce sursaut au dernier moment et je trouve la solution, le petit truc, la personne qui pourra m’aider.

Souvent je me dis qu’il faut croire qu’il y avait une sacrée énergie

de vie en moi, une sorte de force qui se manifeste

quand j’ai l’impression que je n’y crois plus.

1re séance chez la psy

Je suis dans la salle d’attente. Elle est cosy, simple c’est bien. Et j’y suis seule. Je me sens stressée, enfin, je ne suis pas à l’aise. Je crois que j’attends tellement de ce rendez-vous tout en sachant que rien ne sera résolu en une heure, que je ne sais pas quoi ressentir.

Je révise ce que je veux dire dans ma tête.

Bon, je ne sais pas trop comment ça se passe, mais j’imagine qu’il faut que j’explique pourquoi je suis là.

Je ne sais pas par quoi commencer. Et puis, j’ai envie d’efficacité, d’aller à l’essentiel. C’est tout moi ça. Je réfléchis à quoi dire pour présenter la situation et être précise et synthétique.

L’émotion monte.

Une porte s’ouvre, j’entends des pas. La psychologue arrive, Madame Isabelle Tardieu. Elle me dit bonjour. Elle est assez grande, un peu moins que moi, elle est plus jeune, sans doute une quarantaine d’années, moins peut-être. Elle est souriante, sans trop, et a une forme de réserve. Elle me fait signe de la suivre et je me lève et j’avance.

Déjà je sens ma gorge nouée. Ça va pas être facile.

Elle s’assied sur un fauteuil et je prends place en face d’elle. Elle me regarde et me dit :

« Je vous écoute, vous aviez l’air pressée de venir quand nous nous sommes parlé au téléphone. Que se passe-t-il ? »

Je voudrais parler, mais ma gorge se serre encore plus

et les larmes arrivent déjà.

Mon Dieu, mais pourquoi faut-il que je pleure maintenant ?

Ça ne pouvait pas attendre un petit peu, non ?

Je fais comment maintenant ?

Je me sens déjà ridicule avant d’avoir commencé.

MA PSY : C’est OK, vous pouvez vous laisser aller. Nous sommes ici juste pour vous et vous êtes en sécurité. Et puis après tout, vous êtes aussi là pour ça.

Je voudrais respirer un grand coup, mais non, c’est bloqué.

Juste un peu pour me reprendre, pour essayer de réguler

mes sanglots et ma voix.

MOI : Je m’appelle Claire. Je suis divorcée depuis 10 ans après 25 ans de mariage, classique, et j’ai 3 enfants, grands, adultes je veux dire. Ils ont 24, 28 et 30 ans. Alix vit en Australie, Elisa et Niels à Toulouse. Je vis seule, je suis célibataire, depuis longtemps déjà.

En fait, je me rends compte que je n’ose même pas dire depuis combien de temps. Est-ce que c’est si honteux d’être célibataire ? Qu’est-ce que ça dit de moi si je suis seule ?

Je marque une pause, et la psy me regarde sans rien dire.

Elle attend. Elle tient un stylo et un petit carnet dans ses mains.

Je suppose qu’elle va prendre des notes de nos séances.

Je ne sais pas si je me sens très à l’aise avec le fait

qu’elle note ce que je dis.

« En fait, j’ai rencontré quelqu’un après mon divorce, mais ça n’a pas marché et je l’ai quitté. Et puis après, ça a été compliqué. Il y a eu le Covid, et puis je crois qu’il y a quelque chose d’autre, mais je ne sais pas quoi. »

Est-ce que je suis en train de me justifier d’être célibataire ?

Comme pour dire que ce n’est pas de ma faute ?

« Mais je me sens seule et je fais des crises où je perds mes repères et je ne sais pas si ce sont des crises d’angoisse ou de panique. Je n’ai pas l’impression d’être en panique. Je suis plutôt effondrée.

J’ai essayé beaucoup de choses, mais là, je n’y arrive plus toute seule. C’est pour ça que je suis venue vous voir. Je sens que j’ai besoin d’aide. »

Je marque une nouvelle pause. J’ai un peu l’impression de donner mon CV comme si je passais un entretien, ça ne me met pas plus à l’aise

que ça… La psy ne dit rien. Je suppose que je suis censée continuer.

« En fait, je crois que je surréagis. Je veux dire OK c’est normal d’avoir envie d’être avec quelqu’un pour partager des moments sympas dans la vie, mais je ne devrais pas forcément souffrir de solitude ? Si ?

Parce qu’il y a des personnes qui vivent seules et qui sont heureuses non ? Enfin, je veux dire, elles ne veulent pas de vie avec quelqu’un.

En fait, j’en sais rien. Je n’en connais pas. Mais j’entends dire ça. »

J’ai l’impression de partir dans tous les sens,

je ne sais pas pourquoi je parle de ça.

« Je ne sais pas… En fait, il y a plusieurs choses. C’est devenu difficile au moment du Covid. Mes enfants étaient confinés chez eux. Et même si nous avons pu faire des visios, comme tout le monde, je crois que c’est à ce moment-là, que les crises ont commencé.

Si, il y a autre chose. J’ai quitté mon dernier poste à la suite d’un Burn out. Je me suis retrouvée sans travail, sans compagnon, sans logement.

J’ai vécu chez des amis pendant 3 mois. Ils m’ont recueillie ; je peux dire ça comme ça.

J’avais 52 ans. »

Il fallait peut-être commencer par là.

Après 25 ans d’une vie de famille « idéale » et d’une carrière « exemplaire », ça interpelle pour le moins.

Qu’est-ce qui s’est passé dans ma vie ?

Qu’est-ce que j’avais fait ?

« Il y a eu d’abord un Burn-out par suite d’un harcèlement professionnel qui m’avait laissée en miettes. J’ai vécu ce moment où je ne savais plus si j’étais moins en sécurité dans l’entreprise, aux injonctions contradictoires, ou à l’extérieur, mais en grande interrogation sur ma vie professionnelle et avec la crainte du chômage.

J’avais emménagé chez mon compagnon de l’époque, pour de mauvaises raisons, et dans cet état de faiblesse psychologique. Et au bout de dix mois, je savais que je ne pourrais plus rester. Quand j’ai pris enfin ma décision, j’ai senti qu’il fallait que je parte vite de chez lui.

Tout en me faisant soigner pour mon burn-out, j’avais rapidement engagé une reconversion professionnelle. Tout en même temps. Je craignais de ne plus avoir de revenus. J’allais démarrer une formation pour devenir coach, un vrai projet auquel je tenais et dans lequel je m’investissais pleinement.

Après 3 mois passés chez mes amis, j’ai emménagé chez moi, dans l’appartement où je suis encore aujourd’hui.

Puis, il y eut le Covid. Et là, stop.

Et depuis, je ressens un vide dans ma vie, un grand vide. J’ai peu d’amis, j’ai perdu des amis, avec le divorce et puis la vie des uns des autres. Mais pour moi c’est douloureux, peut-être parce que je ne me fais pas des ami(e)s facilement.

Et puis j’aimerais avoir quelqu’un dans ma vie aussi. Enfin, c’est sûr.

Mais j’ai l’impression qu’il n’est pas possible de rencontrer quelqu’un. Ou c’est moi. Non ? »

J’aimerais qu’elle me dise quelque chose, mais non.

J’ai l’impression de dire des banalités qu’elle entend toute la journée.

Je me dis qu’elle pense que « c’est ça ton problème

et c’est pour ça que c’était urgent » ?

« Ou bien c’est mon âge. J’ai 55 ans, je ne vous ai pas dit. Je ne sais plus.

En fait, je crois que j’ai peur de faire de nouvelles crises et d’en faire de plus en plus. J’ai peur parce que je ne maîtrise rien à ces moments-là. Je veux dire, je vois ce qui se passe, mais c’est comme si moi je ne pouvais rien décider, rien contrôler. Il y a quelque chose en moi de plus fort que moi. Ça me fait vraiment peur. »

LA PSY : Je comprends, c’est très déstabilisant. C’est une émotion en vous qui n’arrive pas à s’exprimer et vous avez le sentiment qu’elle vous envahit. Elle a besoin que vous l’écoutiez pour la comprendre. Vous avez bien fait de venir. En parlant, vous allez dénouer les fils.

OK, je veux bien, mais moi, je ne suis pas là pour faire une analyse pendant des années. J’ai plus le temps pour ça. Et puis, j’ai déjà consulté un psy à différentes périodes de ma vie pour m’aider à passer un cap ! J’ai besoin d’aller mieux, vite !

MOI : J’ai oublié de vous dire. J’ai besoin d’échanger avec vous et que vous me posiez des questions, que vous me challengiez. J’espère que c’est comme ça que vous travaillez avec vos patients. Parce que je sens que je ne vais pas pouvoir continuer longtemps comme ça…

LA PSY(sourit cette fois) : Oui, ne vous inquiétez pas. Mais il vous faut aussi vous écouter et pour le moment, je sens que vous avez plutôt besoin de réconfort et de compréhension. Le cheminement va se faire ensemble.

J’aurais voulu encore rester et parler, mais la séance était finie. Déjà, il va falloir que je m’y fasse à ce temps limité. Nous avons programmé le prochain rendez-vous dans huit jours et nous allons nous voir toutes les semaines.

J’ai le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait. Je ne sais pas si cela va servir à quelque chose. Mais au moins, je sais que je vais la revoir dans huit jours, et qu’elle sera là pour moi pour m’écouter.

C’est mon point de repère, comme une balise à laquelle

je peux me raccrocher.

J’ai un but pour les prochains huit jours.

Je me sens soulagée quand même et je suis contente de lui avoir parlé. Je crois que je suis contente de mon choix.

Ce n’est qu’une 1re séance, mais je pense que c’est bien pour moi.

Se dire que je devais voir un psy n’était pas évident.

Et puis, il fallait trouver le psy qui me convienne avec qui

je me sente écoutée et en sécurité. Je me suis posé beaucoup de questions pour trouver une psy. Déjà, homme ou femme ?

Est-ce que ça a une importance ?

Quel psy d’abord ? Psychologue ou psychiatre ?

Et puis j’avais besoin d’un rendez-vous tout de suite, enfin très vite, dans quelques jours ou la semaine prochaine, mais pas plus.

J’ai opté pour une psychologue.

Je me suis dit qu’il fallait que ce soit pratique. Il fallait que ce soit facile pour y aller et puis ensuite, je ferai confiance au destin.

Celui ou celle qui répondra ou me rappellera sera la bonne.

C’est une technique comme une autre.

Elle a toujours marché pour moi.

J’ai fait confiance à mon intuition.

J’ai tapé dans la barre de recherche de Google psychologue Toulouse. Les noms ont défilé. J’ai choisi celui qui m’inspirait, facile d’accès. Parfait, j’ai appelé.

La personne m’a répondu. J’ai bien aimé son timbre de voix et sa façon de parler. Elle avait de la disponibilité pour le lundi suivant.

C’était parfait.

J’ai trouvé mon sauveur. J’étais un peu soulagée et impatiente aussi.

Et puis tout à coup, je me dis : « Mais, ça va prendre combien de temps pour aller mieux, est-ce que c’est la bonne solution ? »

Et le petit train repart dans ma tête.

2e séance chez ma psy

MA PSY : Bonjour, Claire, comment s’est passée la semaine ?

MOI : J’étais impatiente de revenir. J’ai trouvé longs ces huit jours. Parce qu’au fond rien n’a changé depuis que je suis venue. Je me sens toujours aussi perdue.

Je sais pas trop ce que je dois dire, mais je me lance.

« En fait, c’est super banal de divorcer quand les enfants deviennent adolescents et qu’ils n’ont plus autant besoin de vous. C’est là que vous vous rendez compte si vous avez encore des choses à partager avec votre mari. En fait, il y avait déjà une part de vide pour moi, un sentiment d’inutilité. Plus personne n’avait besoin de moi. Et moi, je ne voyais pas comment je pouvais remplir ma vie sans eux. Vous savez, l’autre jour, j’ai entendu une interview de Charlotte Gainsbourg qui disait que c’était super dur pour elle le départ des enfants de la maison et qu’on en parlait peu. Et je suis d’accord avec elle. C’est hyper violent en fait. C’est un changement de rythme total. Bien sûr, on peut dire que c’est progressif, mais au fond non.

Pendant des années, vous êtes une maman. Mes enfants étaient le sens de ma vie. Je ne viens que de le réaliser. Pourtant, j’ai continué à travailler, je voulais avoir une vie active et ne pas être qu’une maman. Mais au fond, j’ai tout organisé pour eux, autour d’eux.

Ils étaient mon essentiel. »

Ils le sont toujours, c’est juste moi qui ne suis plus le leur…

« Je crois qu’on ne se rend pas assez compte de ce que c’est en termes de rythme. De gérer toute l’intendance de 3 enfants, au gré des vacances scolaires, des examens, des réussites, des copains et copines, des activités sportives, des vacances, des déceptions, des joies, des anniversaires, des sorties scolaires, des rendez-vous chez le pédiatre, l’orthodontiste, le dentiste, l’ophtalmo, le podologue, les vaccins, les week-ends avec les amis, des rentrées scolaires, des fournitures, des livres à revendre et à acheter, des inscriptions, les disputes avec les amis, les réconciliations après d’interminables séances de consolation, le cœur déchiré, les rendez-vous avec la CPE pour dénoncer un harcèlement à une époque où on prenait encore moins en compte le harcèlement, les questionnements sur soi et la vie, et juste préparer le repas du soir, l’orientation, le choix des études… Et se demander tout le temps si on fait ce qu’il faut comme il faut, si on a dit ce qu’il faut, si on a été assez patiente, compréhensive ou si on a su rester claire sur ses valeurs. Être là, toujours, mais pas trop, pas insistante surtout. »

J’ai un peu l’impression d’être mélodramatique… ou de dire des évidences. Franchement, je ne sais pas trop pourquoi je suis partie là-dessus. Je me sens pathétique et banale.

Pourquoi je suis là ? Il y a plein d’autres femmes qui vivent ça aussi.

Est-ce que c’est plus simple parce que

nous sommes nombreuses à le vivre ?

« Vous voyez… Et puis un jour, il n’y a plus rien. Il n’y a plus ces repères sur l’agenda, plus d’obligation, plus d’attente de votre part.

Vous savez au fond, je crois que je n’ai jamais réussi à remplir ma vie depuis. J’y ai cru parfois, j’ai essayé beaucoup, mais je n’y arrive pas. »

Ma voix s’essouffle et se fait inaudible.

« Il y a un poids terrible dans cette solitude, une douleur terrible, je me sens seule d’une manière anormale. Je sens que c’est anormal. Mais c’est difficile… »

MA PSY : Qu’est-ce que vous voulez dire ? Je sens que ça vous touche. Que se passe -t-il ?

Je peux plus parler, mes yeux s’embrouillent, ma gorge se serre.

Je ne sais pas pourquoi.

MA PSY : Prenez votre temps, doucement.

Si je sais pourquoi, mais je ne sais pas

si je vais oser en parler. Même ici.

MOI : Je ne vous ai pas tout dit. Parce que c’est très difficile à dire pour moi. Parce que j’ai l’impression qu’on ne va pas me croire, parce que c’est impossible pour moi à mettre ça en perspective dans ma vie. J’ai vécu presque 35 ans sans y penser vraiment ou en le chassant et ça a marché. Et là, ça ne marche plus. Ça m’envahit, ça déborde, ça me terrorise, ça m’anéantit.

Je flanche, je me noie dans mes larmes, ma gorge est tellement serrée que ma voix ne passe pas. On dirait qu’elle est métallique,

un son affreux, un mélange aigu et cassé sort de ma bouche.

Ma psy attend avec toute l’empathie dont elle est capable,

elle sait, elle sent que c’est important et qu’elle

est là pour permettre que ça se passe.

« À 15 ans, j’ai fait une tentative de suicide. Mais elle est passée totalement inaperçue. »

Je hoquette, je suis à la fois effondrée et terrifiée.

« Comment je fais pour parler d’un événement terrible qui n’a existé que pour moi ? Et aujourd’hui, cet événement me revient en mémoire et même en images en permanence. Quand je fais mes crises d’angoisse sur mon lit, je me revois sur mon lit à l’époque. Les mêmes sensations, le même vide, la même envie de m’échapper.

Comment je peux vous parler d’une tentative de suicide si personne ne l’a vue ? Qui peut vous dire que ce que je raconte est vrai ? Je suis peut-être en train de tout inventer. Mais si vous ne me croyez pas, cela sera comme à 15 ans, il ne se passera rien.

J’ai enfoui cet épisode dans ma mémoire comme un non-événement, puisqu’il a été totalement occulté.Mais là je ne comprends pas pourquoi, je n’y arrive plus. Je n’arrive pas à le chasser. Et ça me bouffe. »

MA PSY : Voulez-vous me raconter ce qui s’est passé Claire ?

MOI :