Sur le chemin du bonheur - M Kezia - E-Book

Sur le chemin du bonheur E-Book

M Kezia

0,0

Beschreibung

Elodie est une jeune fille muette qui a perdu sa voix suite à un traumatisme étant enfant. Elle partira faire un voyage de 10 jours aux États-Unis. A l'aéroport elle achètera un livre étrange nommé "Sur le chemin du bonheur", qui ne contient que des pages blanches. Sur sa route elle rencontrera Louna, une jeune métisse native des USA. Ensembles elles voyageront à travers le pays et vivrons de belles aventures. Alors entre apprentissages, voyages et traumatismes, laissez vous emportez par cette belle histoire. Attention : le livre que vous vous apprêtez à lire traite de nombreux sujets sensibles tels que la dépression, l'automutilation et le suicide. Si vous n'êtes pas bien dans votre vie actuellement, si vous êtes atteint de dépression ou si vous êtes sujet à des tendances suicidaires, merci de ne pas lire ce livre. L'auteur n'est absolument pas responsable des choix et/ou actes que vous ferez après avoir lu le livre. Si vous n'êtes pas sensibles où que vous voulez tout de même essayer malgré les avertissements, l'auteur vous souhaite une bonne lecture. Ce livre est déconseillé aux personnes de moins de 16 ans. Numéro d'aide suicide (France) : 3114

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 397

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Table des chapitres

Avant de commencer

Sur le chemin du bonheur

Chapitre 1 – Tu viens dormir chez moi ?

Chapitre 2 – La pire nuit de ma vie !

Chapitre 3 – Je suis une super actrice !

Chapitre 4 – Et action !

Chapitre 5 – Un cinéma et une voyante

Chapitre 6 – Tu es un démon ?

Chapitre 7 – C’est parti pour Yellowstone !

Chapitre 8 – Les livres de Louna

Chapitre 9 – La visite d’Antelope Canyon

Chapitre 10 – L’incident

Chapitre 11 – Ce n’est qu’un au revoir

Chapitre 12 – Destruction

Chapitre 13 – Hôpital et hurlements

Chapitre 14 – Passé sombre

Chapitre 15 – Dieu

Chapitre 16 – Reprends des forces !

Chapitre 17 – Sortie à Paris !

Chapitre 18 – La voix perdue !

Chapitre 19 – Une incroyable demande !

Chapitre 20 – Mariage à Punta Cana !

Chapitre 21 – L’enfant !

Chapitre 22 – Premier pas, second anniversaire et troisième noël !

Chapitre 23 – Rêves accomplis !

Chapitre 24 – Où est ma famille ?

Chapitre 25 – Papa

Chapitre 26 – Merci pour ce voyage

L’interview de Timothée !

Remerciements

Avant de commencer

Attention : le livre que vous vous apprêtez à lire traite de nombreux sujets sensibles tels que la dépression, l’automutilation et le suicide. Si vous n’êtes pas bien dans votre vie actuellement, si vous êtes atteint de dépression ou si vous êtes sujet à des tendances suicidaires, merci de ne pas lire ce livre.

L’auteur n’est absolument pas responsable des choix et/ou actes que vous ferez après avoir lu ce livre.

Si vous n’êtes pas sensible ou que vous voulez tout de même essayer malgré les avertissements, l’auteur vous souhaite une bonne lecture.

Ce livre est déconseillé aux personnes de moins de 16 ans.

Numéro d’aide suicide (France) : 3114

Sur le chemin du bonheur

19 janvier 2023.

Cette date résonne dans ma tête, elle est ancrée en moi, c’est à partir de ce moment-là que tout a démarré. L’histoire que je vais vous raconter est la mienne et jamais je n’aurais pu imaginer un tel destin. En ce jour du 19 janvier 2023, je me trouve à l’aéroport de Roissy, terminal trois, très impatiente d’embarquer à bord de cet avion qui va m’emmener à New-York. C’est mon rêve, celui de toute une vie, même si je suis encore jeune, je vais enfin pouvoir le réaliser. J’ai toujours été attirée par ce pays et à vrai dire je ne saurais dire pourquoi. Il y a comme cela dans la vie des gens ou des lieux pour qui vous ressentez une excitation, sans que vous puissiez expliquer pourquoi. Mais aujourd’hui je suis tout près d’atteindre mon but et les heures qui s’écoulent me paraissent être des semaines, des années ! Mon embarquement est prévu pour 15 heures. Je dois tuer le temps comme je le peux, afin de ne pas perdre patience et de ne pas laisser mes nerfs prendre le dessus sur mon moral. Je dois encore tenir le coup pendant 180 minutes, qui je le sais, vont me sembler interminables. Mais c’est le prix à payer pour atteindre le Graal, pour qu’enfin mon dessein le plus fou devienne réalité. Il n’y a pas grand-chose à faire dans les aéroports, du moins pour les gens comme moi qui ne disposent pas d’un budget très extensible. Bien sûr pour les plus nantis il y a les boutiques qui vont d’un luxe modéré à un très grand. Ces fameux lieux qui ne sont là que pour appâter, qui ne sont rien d’autre que des pièges à touristes. Moi je n’ai pas les moyens de m’acheter un sac à main signé d’une grande marque ou des choses de ce genre. J’ai beaucoup économisé pour me payer ce voyage. Alors tout le reste n’est pour moi que du superflu.

Je prends mon téléphone portable et je me connecte sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas une fervente adepte de cela mais il n’y a rien d’autre à faire. Que j’aille sur tel ou tel site, on voit partout, à peu de chose près, les mêmes âneries. Instagram, Twitter, Facebook, beaucoup de tape-à-l’œil ou de déversoirs à insultes, rien en tout cas qui puisse vous aider à progresser dans la vie. En tout cas moi, je ne suis pas branché vingt-quatre sur vingt-quatre sur ces plateformes ridicules. Bien sûr je fais comme tout le monde, je surfe sur le Web comme on dit, mais moi je passe plutôt avec un hors-bord là-dessus, je ne m’y attarde pas trop longtemps. Bref, une fois de plus je suis déçue par ce que je vois et j’éteins mon portable. Décidément, j’ai vraiment du mal à comprendre l’engouement que cela suscite. Alors je m’adonne à un autre jeu, qui peut être tout à fait enrichissant. Je regarde avec attention les passants qui défilent et je m’imagine leur vie, qui ils sont et ce qu’ils font. Par exemple si l’un d’eux porte une cravate je le vois fort bien en chef d’entreprise et me plais à penser qu’il prend l’avion pour des affaires, que c’est un businessman, quelqu’un d’important et qui a une certaine classe. Même si l’expression veut que l’habit ne fasse pas le moine, je pense que la façon dont nous nous vêtons révèle beaucoup sur notre personnalité. Lorsque je vois des jeunes ne porter que des marques comme Nike, Adidas ou Teddy Smith je ne peux m’empêcher de penser que tout cela n’est que de la poudre aux yeux. Que sous ces lumières se cache une vie modeste qu’ils réfutent en voulant faire diversion avec ce qu’ils pensent être des signes extérieurs de richesse. Pour moi ils dépensent le peu d’argent qu’ils ont sans compter, uniquement pour fanfaronner devant les élèves de leur classe et faire voir qu’ils sont dans le coup. Ce genre de pratique peut faire regretter le port de l’uniforme à l’école ou de la blouse comme l’ont connu nos grands-parents. Si vous ne portez pas de marque, on se moque de vous et vous êtes rejetés car vous ne faites pas partie de leur monde.

Mon esprit vagabonde et je regarde ma montre. Il me reste encore quarante-cinq minutes à attendre. Les heures ne défilent pas, je sens mon cœur s’accélérer, la cocotte-minute va bientôt exploser. J’ai pourtant usé de plusieurs artifices pour tuer ce maudit sablier qui ne veut pas s’écouler, mais rien n’y fait. Je dois encore faire preuve d’imagination pour que mon entrée dans la carlingue soit la plus rapide possible. Alors je m’imagine des scénarios, des petits films qui défilent dans ma tête. Je me vois le soir lorsque je suis seule dans ma chambre et je me remémore ce à quoi je pense dans ces moments-là. Ce sont des synopsis totalement fous, car je sais que ceux-ci ne se réaliseront jamais, penser une telle chose est totalement superfétatoire.

Dans l’aéroport, je vois au loin un beau jeune homme qui s’approche de moi. Nos regards sont soutenus et ni lui ni moi ne voyons ce qui se passe ailleurs. Je suis focalisée sur lui et lui sur moi. Alors il vient presque se coller contre moi et je sens son souffle sur mon front, cette sensation m’envahit, elle est si agréable ! Puis nous nous asseyons sur un banc et nous échangeons nos numéros de téléphone. Il me fait la promesse de me contacter et à ce moment précis je peux dire que je suis aux anges, je suis la plus heureuse d’entre toutes. Je me vois déjà marcher avec lui main dans la main, je m’imagine qu’il y a une belle histoire qui commence et que celle-ci va perdurer. Je le regarde, je ne peux détacher mes yeux de son visage. Puis, alors que je frise la tachycardie, nous nous décalons car une jeune femme vient s’installer à côté de lui. Et là mes bras m’en tombent car l’autre l’embrasse. Quant au beau jeune homme il la serre en même temps dans ses bras et semble particulièrement apprécier ce moment présent. Et voilà, comme à chaque fois ce rêve récurrent se finit sur la même note, celle de la déception. Pourtant je devrais me faire à cette idée, vivre une histoire d’amour est pour moi quelque chose de chimérique, pour ne pas dire absurde. J’en suis malheureuse mais je ne peux prétendre à cela, je n’ai pas cette chance qu’ont les jeunes filles de mon âge. Moi j’ai ce truc en plus ou en moins qui me rend différente, qui fait de moi une femme sur qui on ne s’attarde pas. Cette fois j’en ai vraiment marre, il est temps de décoller. Pour m’exprimer vulgairement, je dirais que je vais péter un plomb, je n’en peux vraiment plus.

C’est le premier voyage que je vais effectuer toute seule et ce n’est pas n’importe lequel. C’est tout de même celui qui va m’amener aux States ! Pour l’occasion j’ai essayé, autant se faire que peut, de m’habiller comme une Américaine. J’ai un jean Levis qui me colle bien aux fesses, un bomber rouge à moitié ouvert qui laisse entrevoir un petit haut blanc qui s’arrête à la moitié du ventre. Là-bas je pense que je vais pouvoir me la jouer à la Californienne. Je suis blonde, je porte une longue queue de cheval et j’ai de magnifiques yeux jades. Je suis dans la taille moyenne en faisant 1 mètre 72. Vraiment, je suis l’archétype même de la nana sur ces plages de Californie !

Encore une fois, une de plus ou une de trop, je regarde l’heure sur mon portable. Cette garce n’avance pas. Ce n’est pas possible, je suis dans un monde parallèle dans lequel les minutes s’égrènent plus lentement. Je bous intérieurement, je me retiens car je sens une certaine colère monter en moi. Cela peut peut-être sembler ridicule, mais j’ai tellement attendu cet instant que la signification du mot patience ne me parle plus. Je décide d’aller faire un tour, d’une pour aller me dégourdir les jambes et secundo pour m’aérer le cerveau. Je dois absolument penser à autre chose, ne plus être obnubilée par mon vol et ne plus me focaliser à ce point sur mon départ. Dans un premier temps je me rends directement aux toilettes car il est vrai qu’une envie pressante prend de plus en plus d’importance et qu’avec l’énervement cela ne facilite pas les choses.

Lorsque je m’assois sur la cuvette, je me remémore certaines choses du passé, lorsque le bonheur venait encore frapper à ma porte, lorsqu’une certaine faucheuse n’était pas encore passée pour m’enlever quelqu’un de très cher. Je revois toutes ces images qui s’enchaînent et je ne peux m’empêcher de pleurer. Quand tout cela refait surface, c’est plus fort que moi, je ne peux retenir mes larmes, la douleur est trop forte.

Je tire la chasse et après m’être rhabillée je me regarde dans la glace. L’image que celle-ci me renvoie n’est pas des plus honorifiques et elle est loin de me mettre en valeur. Des larmes coulent toujours le long de mes joues et mon mascara se répand partout sur mon visage. En me dévisageant sous cet angle je me trouve ridicule. Pourquoi penser à des choses pareilles alors qu’aujourd’hui devrait être le plus beau jour de ma vie ? Je suis vraiment une cruche, pourquoi m’infliger de telles souffrances dans un moment pareil ? J’ai envie de hurler de toutes mes forces, mais aucun son ne sort de ma bouche (putain) ! Je ne prends même pas la peine de me sécher totalement les mains et je sors des toilettes rapidement. Cet endroit me semble d’un coup hostile. A chaque pas que je fais des gouttes d’eau se répandent sur le sol. Je pleure toujours, je n’arrive pas à arrêter cette fontaine ! J’ai la désagréable sensation que les gens me regardent, se demandant sans aucun doute quelle est cette folle qui se met dans un état pareil alors qu’elle va s’envoler dans peu de temps pour les États-Unis. Peut-être se disent-ils que j’ai cet immense chagrin à cause d’une rupture amoureuse, ce qui me rendrait très certainement moins grotesque à leurs yeux. Malheureusement je ne peux exprimer ce que j’éprouve et beaucoup ont du mal à comprendre cette douleur qui est mienne lorsque cela se produit. On a beau me répéter que je suis vivante, une part de moi est morte et cela pour toujours. Le choc que j’ai subi est toujours ancré au plus profond de moi, je suis marquée au fer rouge. Je dois tout faire pour que mes larmes s’arrêtent de couler, je ne veux pas devenir la risée de tout un terminal. Il n’y a pour cela pas trente-six solutions ni de remède miracle, je dois faire gamberger mon esprit ailleurs. C’est donc d’un pas décidé que je me dirige vers le kiosque à journaux. Là, un titre m’interpelle immédiatement : Sur le chemin du bonheur. Ce livre est l’œuvre d’une certaine Luna Milo, une Italienne sans doute. Je commence à feuilleter ce livre, mais au début il n’y a que des pages blanches. Et alors que je continue de faire défiler les feuilles, la même chose se répète inlassablement. Il n’y a toujours rien d’écrit sur ce livre. Pourtant le résumé au dos de ce dernier était prometteur, c’est d’ailleurs ce qui m’avait donné envie de l’acheter et aussi la réaction du marchand de journaux qui m’avait hurlé dessus :

— Ne feuilletez pas ce livre avant de l’avoir acheté, dedans il y a des conseils pour accéder au bonheur, bonne lecture.

N’empêche, alors que je m’étais assise sur le banc, je venais de débourser la somme de vingt euros pour un livre qui était totalement vierge ! J’étais donc assez remontée et n’avais qu’une seule envie, aller protester et dire ma façon de penser à ce libraire, en fait lui déverser tout mon courroux. Je me lève d’un bond et je file en direction du kiosque.

— Oui ?

— …

— Pardon, vous demandez quelque chose ?

— …

J’ai beau gesticuler dans tous les sens et montrer à l’autre que son livre ne contient que des pages blanches, aucun son ne sort de ma bouche, j’en suis incapable. Je me rends soudainement compte de cet oubli malheureux et c’est toute rougissante que je retourne m’asseoir. Si seulement il existait une machine qui permette de lire sur les lèvres, l’autre ne m’aurait pas regardé comme une folle furieuse !

Alors que je tente d’apaiser ma colère, je vois un homme passer en train de pousser un fauteuil roulant. A sa façon de se comporter je comprends qu’il est le père du jeune adolescent handicapé. Ce dernier est dans état végétatif et ne montre des réactions que par moments très fugaces, par cris et sautes d’humeur interposés. Tantôt il rentre dans ce qui ressemble à une colère violente, tantôt il est d’un calme absolu, et ne redevient rien d’autre qu’un légume. Je prends à cet instant une énorme claque dans la figure et je réalise qu’il est fort mal placé de me plaindre sur mon sort, de me complaire dans une lamentation si ridicule à côté de ce pauvre garçon.

J’ai beau me morfondre, il y en a qui sont dans des états beaucoup plus graves que le mien. Certes j’ai vécu quelque chose de sérieux, mais rien de comparable avec ce jeune. Il ne le saura jamais, mais le pauvre gamin m’aura aidé à relativiser, à prendre conscience de certaines choses. Alors que je me perds dans ces pensées qui me ramènent à la raison, on entend une voix qui hurle dans l’aéroport.

— Quoi ! Tu me passes pas de la bouffe gratuite ?! Ingrat va !

J’aperçois un peu plus loin une jeune femme qui quitte le snack très énervée. Je dois dire en la regardant un peu plus attentivement qu’elle a un look original. Elle porte des lunettes de soleil alors que nous sommes enfermés, marche comme une diva et ne porte que des vêtements de marque. Puis, alors que je la scrute de plus en plus, elle avance comme une furie et vient s’installer près de moi. Et là je fais tout pour ne pas éclater de rire. Ses vêtements ou chaussures griffées ne sont en fait que des pâles copies, tout est faux. Juste un exemple, une veste Adidas qui ne compte que deux bandes !

— Non mais pour qui il se prend ce type, rouspète-telle !

Je ne peux m’empêcher de la fixer et ce qu’elle me dit me déstabilise totalement. Elle passe une main dans ses cheveux et se recoiffe avant de me balancer sur un ton on ne peut plus sérieux :

— Oh désolée je ne t’avais pas vue. Ah ah ! Tu veux une photo c’est ça ? Bien, approche-toi !

Et là elle me prend par les épaules et vient me coller contre elle et avant que je puisse réagir, elle fait un selfie. C’est une belle femme et elle le sait, c’est une métisse aux yeux bleus et elle est tout bonnement magnifique. N’empêche, son attitude ne me ravit pas pour autant. Elle se prend pour qui pour me serrer d’une telle façon et de me photographier sans ma permission ? Et puis sans aucune hésitation elle me demande mon compte Instagram car elle a bien l’intention de publier dessus. Et moi sans réfléchir, comme une pauvre andouille, je le lui donne.

— Bien Elodie, c’est ça ? Je t’ai aussi ajoutée en amie. C’est un cadeau qu’une personne de mon rang s’intéresse à toi, profite !

Pour qui elle se prend celle-là ? C’est qui cette fille ?

— Moi c’est Louna, je suis née aux États-Unis et je connais énormément de choses là-bas. Et toi Elodie, tu viens d’où ?

Ce n’est pas possible, elle sort d’une autre planète ! Elle me parle comme si nous étions les meilleures amies du monde alors qu’il y a encore très peu de temps chacune ignorait l’existence de l’autre. Elle continue à palabrer sans cesse et je défierais quiconque de réussir à la faire taire ! Mais ce qu’elle raconte est tout sauf intéressant. Elle ne parle que d’elle et utilise même la troisième personne pour le faire, ce qui est à mon sens le comble de la vanité ! Elle passe sans cesse sa main dans ses cheveux et parle fort tout en gesticulant exagérément, de façon à ce que beaucoup de monde la remarque. A la voir agir ainsi, je comprends aisément qu’elle ne cherche qu’une seule chose, être le centre d’intérêt pour tous.

De nouveau elle insiste et s’égosille pour me demander qui je suis, d’où je viens, ce que je fais, etc... A vrai dire elle commence sérieusement à m’agacer. Je ne vois alors qu’une solution pour réussir à lui faire fermer son clapet, ceci pour le bien de tous car je vois au regard des gens qu’elle a réussi son coup, tout le monde n’a d’yeux que pour elle, elle est le nombril du monde. Je cherche alors dans mon blouson ma fameuse carte, celle qui me donne droit à des privilèges, mais dont je me passerais bien. Mais j’ai beau fouiner partout, je ne la retrouve pas. Avec l’autre à côté qui ne cesse son cinéma, je commence sérieusement à m’agacer. A mon tour je m’agite comme une folle. Car il n’y a pas que pour elle que j’en ai besoin, mais pour beaucoup d’autres choses dans mon quotidien. Ne la retrouvant absolument pas, je prends mon téléphone et j’écris cette phrase avant de lui tendre mon appareil :

— J’ai perdu ma carte d’handicapée, je suis muette !

— Bien, je ne te connais pas mais je vais t’aider à retrouver ta carte !

Je la remercie par un hochement de tête et ensemble, nous partons à sa recherche. Durant tout ce parcours, elle n’a de cesse de me dire combien elle est présente sur les réseaux et me vante son incroyable popularité. Elle va même jusqu’à me dire qu’en France elle n’est qu’une vedette, alors qu’aux États-Unis elle est une vraie star ! J’hallucine, tout simplement. Je dois avouer que c’est bien la première fois que je rencontre un personnage pareil, loufoque avec une telle outrecuidance ! Mais elle est vraiment dans son monde, persuadée de tout ce qu’elle avance. Puis, alors que nous repassons par la librairie, les toilettes et tous les endroits où je suis passée, elle me lance cette phrase face à laquelle je dois faire preuve d’une grande contenance pour ne pas hurler de rire. Elle me dit qu’à l’heure d’aujourd’hui elle n’a pas moins de 10 followers sur son compte. Je serre les dents et tout ce que je peux pour ne pas me faire pipi dessus. Fort heureusement, le ridicule ne tue pas. Je ne suis pas d’une nature moqueuse, mais là j’avoue que j’ai envie d’enfoncer le clou et je lui écris sur mon portable tout en lui affichant mon plus beau sourire :

— C’est dingue, ça me fait tout drôle d’être en compagnie de quelqu’un d’aussi connue !

Et là elle me trucide de nouveau. Je vois à son visage car elle n’a pas du tout saisi toute l’ironie que j’avais mise dans ma phrase. Non, elle a pris cela au premier degré et est convaincue que je suis aux anges d’être avec une star.

L’heure de l’embarquement approche et je n’ai toujours pas retrouvé ma carte, je panique de plus en plus, j’en ai besoin pour l’embarquement. La diva me regarde et me dit :

— Hum, désolée mais je ne peux plus t’aider, je vais monter à bord de l’avion dans cinq minutes.

Alors je la regarde s’éloigner et mes larmes coulent de nouveau sur mon visage. Je prends mon portable dans ma main, celui-ci glisse et tombe sur le sol. Et là miracle ! Ma carte se trouve dans la coque de ce dernier, à l’arrière du téléphone. Je cours comme une folle et j’arrive dans le hall d’embarquement. Alors que je regarde sur mon portable, une main se pose sur mon épaule, c’est Louna !

— Alors la muette, t’as retrouvé ta carte ?

La muette ? Mais comment elle me parle l’autre ?! Avec un sourire de convenance je lui montre mon précieux sésame. De nouveau elle me saoule avec ses histoires et me dit qu’elle retourne aux États-Unis pour rencontrer des amis influenceurs. Et voilà, de nouveau elle me fait profiter de sa bêtise !

Puis, alors que je suis parvenue à faire le vide en moi et que je ne l’entends que faiblement, comme si elle se trouvait loin de moi, elle me sort son billet d’embarquement. Et là, je suis à la limite de faire une syncope. Elle a le numéro juste après le mien, je vais devoir l’avoir comme voisine de vol. Je suis effondrée…

CHAPITRE 1 Tu viens dormir chez moi ?

Cinq heures, cinq longues heures que Louna n’a pas fermé sa bouche. Comment fait-elle ? Elle prend des substances ce n’est pas possible autrement ! En tout cas moi, à l’entendre palabrer sans cesse de la sorte, j’avoue que j’en aurais bien besoin.

Tout a commencé, si je peux dire, avec des personnes qui la reconnaissent dans la rue, puis sa mythomanie est allée crescendo. J’ai ensuite eu droit à une vidéo qui, selon ses dires, avait littéralement cartonné. Je ne sais pas si elle fait exprès, si elle est vraiment ignare, mais cinquante vues ce n’est pas ce qu’on appelle un buzz. Enfin si cela est son ressenti, j’imagine fort bien le peu de vues qu’ont ses autres vidéos. La voir fanfaronner ainsi pour si peu frise vraiment le ridicule. Alors que je crois qu’elle a atteint les sommets de l’absurdité, elle enfonce le clou magistralement, maniant naturellement son talent de fabulatrice. Maintenant elle me raconte qu’elle a foulé le tapis rouge en compagnie de Brad Pitt, rien que ça ! Je ne sais si je dois sourire ou pleurer à cet instant, tellement tout cela est pathétique.

— Dis-moi tu es aussi au courant que j’ai…

Ce n’est pas possible, elle ne s’arrête jamais. Que quel-qu’un vienne m’aider, je vous en supplie ! Je jette un regard de désespoir à toutes les personnes susceptibles de me venir en aide, que ce soit le beau gosse de steward, qui malgré tout, esquive dès qu’il le peut ma zone à cause d’une certaine pipelette, ou ce pourrait même être la personne qui donne les coupes de champagne et les petits fours. En pensant à cela d’ailleurs cela ne fait qu’envenimer un peu plus mon énervement. Je suis placée contre le hublot et avec l’autre hystérique qui se trouve à ma droite, je n’ai pas pu profiter de ces plaisirs si gentiment proposés par la compagnie.

— Et puis voilà quoi !

Et soudain le miracle tant attendu se produit. Louna ne dit plus rien, mes tympans se mettent enfin au repos. Je vais pouvoir dormir, souffler un peu, relâcher cette pression qu’elle m’impose depuis le début de notre rencontre. Je la regarde, elle aussi, mais elle reste murée dans le silence et se met alors à bailler.

— Super ! Le criant à voix haute dans ma tête.

Elle ferme alors doucement les yeux et sans savoir pourquoi je me mets à l’observer. J’ai tout le loisir de la regarder lorsqu’elle est ainsi. Et je dois dire que je ne vois plus la furie de tout à l’heure, j’ai à côté de moi une superbe fille, une très belle métisse. J’en viens à me demander si elle a un petit copain, ce qui peut sembler probable et improbable à la fois. Elle a tout pour plaire, mais en même temps elle est insupportable ! Puis, après l’avoir longuement dévisagé, je ferme moi aussi les yeux et je m’endors paisiblement.

— Ouin ! Ouin ! Ouin !

Ce n’est pas vrai, c’est une blague, il ne peut pas en être autrement ! En tout cas si c’en est une, elle est de très mauvais goût. Le comble s’acharne vraiment sur moi. Là c’est un bébé qui est en pleurs et ses pauvres parents essaient tant bien que mal de le faire taire mais rien n’y fait, le petit braille toujours à s’en arracher les poumons ! Comment est-ce possible d’ailleurs qu’un truc aussi petit puisse crier aussi fort ? Cela relève du surnaturel ! Une autre chose m’interpelle également, alors que tous les passagers ont les yeux rivés sur ce gosse qui importune tout le monde, Louna dort d’un sommeil profond, elle est imperturbable.

Il ne faut pas moins de trente minutes pour que le petit monstre cesse son cirque. Tous les passagers ont un regard noir en regardant les parents de ce démon et même si cela peut paraître injuste, moi je trouve cela plutôt normal. Personnellement je déteste les enfants, ils ne font que chialer matin, midi et soir. Tu les nourris, tu joues avec eux, tu les laves et la seule façon qu’ils ont trouvé pour te remercier est de te crier dessus. Autant avoir un animal de compagnie à ce stade-là. Lui te fera toujours la fête, peu importe ton état, il ne te boudera pas quel que soit ton état d’esprit ou ton humeur. Tu peux être fatiguée, de bonne humeur, en pleine crise amoureuse, il sera toujours là. Plus les jours passent et plus ma préférence va vers les animaux, l’être humain est en perdition. Cela est même pire avec mon handicap, les hommes me jugent, même sans savoir, pas les bêtes !

Une heure s’est écoulée, il ne reste plus qu’une heure trente de voyage. Et le voyage continue. Louna a toujours les yeux fermés et dort comme un loir. Enfin pas tout à fait, car depuis à peu près dix minutes, son sommeil est agité, elle est sujette à des petits gestes et elle transpire. Est-elle en train de faire un cauchemar ? Je pense que cela est fort possible. Je continue donc d’observer son état lorsque, à peine deux minutes plus tard, des larmes se mettent à couler sur ses joues, lui faisant couler à elle aussi son mascara.

— Ahhhhh !

Elle se met d’un coup à hurler et à sursauter, ce qui pour ce dernier détail a le même effet sur moi. Moi aussi je fais le geste de crier, mais bien entendu aucun son ne sort de ma gorge. Pourtant je pense que cela m’aurait aidé, elle vient de me ficher une sacrée trouille !

Elle est d’un coup en panique et regarde autour d’elle. A son regard, je comprends qu’il lui faut quelques instants pour comprendre qu’elle est revenue dans la réalité. Cette belle et jeune métisse se tourne alors vers moi, prenant conscience que j’ai assisté à toute la scène. Doucement elle s’essuie son maquillage qui a coulé le long de son visage et se met brusquement à rire. Puis elle me dit sur un air enjoué :

— Ah là là, encore un rêve où je suis poursuivie par des centaines de fans ! Même dans mes rêves ils ne veulent pas me lâcher, ahah !

En fait elle va bien, c’est juste une fausse alerte. Bien que je ne sois toujours pas convaincue de la véridicité de ses propos, je suis heureuse de la voir sourire. Et pour la première fois depuis de nombreuses années, je me mets moi aussi à esquisser un rictus. Je vois à son visage que ma réaction la surprend, pour ne pas dire qu’elle la choque. Je suis certaine que pour elle je n’étais alors rien d’autre qu’une râleuse.

— Cela me fait plaisir de te voir sourire Elodie !

Non un compliment et de sa part en plus ! Je suis à la fois choquée et heureuse, cela fait des années que je n’ai pas eu droit à une félicitation. Que ce soit sur mon physique, mes petites attentions ou la volonté que je mettais au travail, jamais je n’avais eu droit à cela. A cet instant, ces mots me touchent et je commence à l’apprécier de plus en plus.

— Et moi ? C’est quoi que tu aimes chez moi ?

Aïe, en fait elle voulait juste avoir un compliment en retour. J’aurais dû m’en douter, il est impossible de changer ce genre de personne. En fait elle ne pense qu’à elle. J’ai été idiote, j’ai eu l’illusion de croire qu’elle pouvait être sympa, alors qu’en fait il n’en est rien. Elle se fout du monde, parle fort, ne jure que par elle et ne donne des compliments que pour en recevoir en retour. Là c’est franchement la goutte d’eau qui fait déborder le vase et je le lui fais bien comprendre. Je ne veux plus communiquer avec elle.

— Ben qu’est-ce que t’as ? T’as pas de compliments à me donner ?

Ni une ni deux, je prends mon téléphone et je lui marque « Tu es beaucoup trop bavarde ! »

C’est sûr elle va réagir, même si j’ai toujours détesté ces travers, je n’aime pas user de cela mais là, elle ne m’en laisse pas le choix.

Elle me regarde d’un air interrogateur.

— J’espère que le message est bien passé, pensais-je.

Enfin elle semble comprendre ce que je veux lui dire depuis le début. Je perçois enfin un semblant d’espoir, une pensée positive.

— Tu es sérieuse là ? C’est donc comme ça que tu me vois ?

Bien joué ma cocotte, tu as enfin compris les choses telles qu’elles sont, il était grand temps ! Elle détourne alors son regard du mien, regarde ses mains qui se mettent à trembler et un sourire se dessine sur son visage. Un sourire, pourquoi ? Ce dernier est plutôt mal approprié, je lui ai dit ce que je pensais, non ?

— Je vois que tu es impressionnée par ma capacité à tenir une discussion !

Elle se met alors à rire bruyamment et de nouveau tous les passagers la regardent. Sans déconner on dirait un personnage de cartoon ! Dans la vie, la vraie, il n’y a aucune personne de ce genre, cela n’existe pas. Je suis encore abasourdie par sa réaction que le pilote fait une annonce :

— This is your captain speaking, we are experiencing some turmoil, so please buckle up and stay calm.

Etant d’une nullité absolue en anglais et le rire en continue de Louna ajouté à cela, je ne comprends pas un traître mot de ce qu’il vient de dire. Je saisis alors mon téléphone et j’écris pour Louna, afin qu’elle me traduise les propos du pilote. Je vois alors ses yeux qui pétillent, elle est aux anges, quelqu’un lui demande un service, elle redevient le centre d’intérêt !

— Le pilote nous a dit que nous arriverons d’ici trente minutes et que nous allons avoir droit à une nouvelle coupe de champagne !

Bien que je n’avais rien saisi, j’étais sceptique car il me paraissait peu probable que le pilote ait dit une telle chose, ce n’était pas open bar que je sache. Malgré cela, je fais comme si je l’écoute et je détache ma ceinture de sécurité en attendant mon verre d’alcool. Cette fois-ci la même annonce arrive, mais en Français.

— C’est votre commandant qui parle, nous allons traverser une zone de turbulences, merci de boucler votre ceinture et de bien vouloir rester calme.

Je regarde alors Louna qui fait mine de ne rien remarquer en se plongeant dans son téléphone. J’attache ma ceinture et j’entends également le clic de la sienne. Il ne restait plus qu’une heure de vol et celle-ci se déroula sans encombre.

Arrivée à destination, je pars récupérer ma valise sur le tapis roulant. Voir toutes ces personnes qui attendent m’amuse, il y a dans cette situation quelque chose de cocasse. Certains prennent leurs bagages rapidement, d’autres attendent plusieurs dizaines de minutes, quand d’aucuns ne retrouvent rien du tout !

Avant de prendre un taxi, je vérifie s’il ne manque rien dans la valise. J’avoue que j’ai ce tempérament assez parano, je suis méfiante pour beaucoup de choses. Je passe tout en revue. Il y a bien ma brosse à dents, mon dentifrice, des chaussettes, des pulls, des culottes, des shorts, des tee-shirts, de la nourriture et même ma tablette avec son chargeur. Ma valise pèse environ dix kilos, moi qui avais en tête de partir pour deux semaines. Après avoir bien tout contrôlé, je jette un œil aux alentours pour vérifier que Louna n’est pas dans les parages. Ce n’est pas que je déteste cette fille, mais je l’ai eue dans les pattes suffisamment longtemps.

Avant d’atterrir, nous nous sommes tout de même dit au revoir et elle m’a même fait un câlin. Encore une fois je n’ai rien dit car j’ai vu que cela lui faisait plaisir.

Alors que je scrute au loin, je l’aperçois qui attend sa valise, sans rien dire. Elle est étonnamment calme, cela me semble bizarre. Je suis alors sur le point de quitter l’aéroport lorsque j’entends et reconnais entre mille sa voix aiguë retentir.

— Comment ça vous ne voulez pas porter ma valise ?

— Madame, je fais partie de la sécurité, je vous ai dit, nous gérons seulement les personnes à problème.

— Oh je vois, vous voulez sûrement un autographe, amenez-moi un papier.

A cet instant je vis toute la tristesse dans le regard de l’agent de sécurité. Il y avait chez lui un mélange de perplexité et de désolation, chacun son tour mon pote, moi j’ai déjà donné. Je regarde une dernière fois cette scène improbable et je quitte l’aéroport afin de prendre un taxi, direction New-York. C’est la ville de mes rêves, celle que j’ai toujours voulu visiter. Le rêve Américain est enfin à ma portée, je le sens. Nous mettons quarante minutes pour arriver au centre- ville. Là le chauffeur se gare et me demande 35 dollars. Et d’un coup je réalise mon énorme bourde, je deviens toute rouge. Non je n’ai pas pensé à tout, j’ai même oublié une chose primordiale. Je ne suis pas passée à un bureau de change pour convertir les euros. Je lui montre alors mes billets, tente de lui faire comprendre par les gestes que je dois les changer. Il me regarde et sa façon de me fixer me fait même un peu peur. Je prends alors mon portable et j’écris sur google pour qu’il traduise mes propos.

— Je dois aller à un bureau de change.

Et là, je comprends qu’il n’est pas d’accord.

Il me montre mon sac du doigt. Je devine qu’il veut voir ce qu’il y a dedans. J’ai peur, je vais me faire dépouiller. Je m’exécute et je vois son énorme sourire. Ni une ni deux, il me fait comprendre qu’il désire ma nourriture.

— Good french’s food !

Je m’exécute, un peu malheureuse d’avoir dû céder toutes mes gourmandises.

Bon, mon aventure démarre sur une mauvaise note mais en descendant de la voiture je retrouve mon sourire. Il neige sur la grosse pomme et cela laisse la place à un spectacle magnifique. Aussi, ici, tout est surdimensionné. Les énormes buildings lumineux, les encarts publicitaires géants ou même la population qui sort chaque seconde, tout est grandiose ! Je suis vraiment heureuse d’être à destination et de m’y sentir aussi à l’aise. Mon cœur bat la chamade, non pas par peur, mais à cause de l’excitation que me provoque ce voyage. Je regarde ma montre, il est déjà seize heures. Mais avec le décalage horaire de Paris, 6 heures, je suis complètement claquée et je n’ai pas spécialement envie de m’atteler à quelque chose. Je décide donc de trouver une chambre d’hôtel afin de bien me reposer, même si je dois me lever aux aurores le lendemain. Je pars donc en direction du premier hôtel.

— Hello, welcome to the Central Park West Hôtel !

Je montre ma carte d’handicapée à l’hôtesse et je commence à m’exprimer avec la langue des signes. Malheureusement celle-ci ne comprend rien et je suis obligée une fois de plus de sortir mon téléphone, via la traduction google. Un semblant de discussion peut alors commencer. Elle m’indique un prix de 70 dollars. Et là une fois de plus je me sens rougir de la tête aux pieds. J’ai complètement zappé le bureau de change alors que je suis sortie du taxi il y a peu ! Je ressors mon portable et grâce à google je me confonds en excuses et lui demande le bureau de change le plus proche. Elle a même la gentillesse de me faire un plan.

Une fois sur place je prends 500 dollars avec moi. Malgré cela, il me faut quinze minutes pour venir ici et autant pour repartir à l’hôtel. De retour là-bas, l’hôtesse toute confuse m’indique que plus aucune chambre n’est disponible. Je me mets donc en quête de trouver un autre hôtel. Et à partir de ce moment-là je fais mon chemin de croix, je vais d’échec en échec. Toutes les chambres à moins de 100 dollars la nuit sont prises. C’est une véritable poisse, une malédiction qui s’abat sur moi. Je visite alors pas moins de dix établissements, mais aucun d’entre eux ne me réserve une agréable surprise. Mais bon je devais m’y attendre, je suis à New-York ! Il est 18 heures et je commence vraiment à fatiguer, pour tout dire je sature. Je cherche des Airbnb sur internet et là encore je ne trouve rien qui me correspond. Il n’y a que des choses trop chères, des villas de luxe, ou bien des grandes maisons avec au moins mille mètres carrés de jardin ! Je fouine alors, encore et encore et au bout d’une heure une annonce retient toute mon attention, c’est celle qu’il me faut. Elle date d’un mois mais est toujours disponible. La nuit est à 30 dollars, ce qui est dans mes cordes. La seule contrepartie vient du fait que la personne qui loue cette chambre habite elle aussi sur place et arrive le soir quand elle rentre du travail. C’est le pied, je suis super heureuse ! Je la contacte par message. Elle me dit que la chambre est toujours disponible et que je peux venir quand je veux. Alors que je m’apprête à lui signifier que je suis muette, mon téléphone s’éteint, plus de batterie ! Je crois à cet instant que je vais devenir folle, mais je ne me laisse pas abattre. Je prends alors le premier taxi que je croise tout en sachant que cela va encore être compliqué. Je me mets alors à lui mimer des choses sans attendre de réponse, mais étonnamment il me répond aussi en langue des signes. Puis il me demande si je suis sourde. Je lui dis que non et lui indique que je suis Française. Il se met alors à communiquer avec moi dans la langue des signes en Français.

— Oh une muette qui entend très bien, c’est rare vous savez ! Où voulez-vous aller ?

Je lui signale l’emplacement ainsi que le nom de la rue. Il démarre et nous nous dirigeons en direction de la petite maisonnette que j’ai vue. Lorsqu’il voit la photo il me dit :

— Vous ne savez pas où vous mettez les pieds je pense, ahaha !

Je lui demande pourquoi une telle réflexion en utilisant le langage des signes.

— Ah ça c’est à vous de le voir, mais la personne qui habite cette maison a mauvaise réputation.

Au bout de trente minutes, j’arrive enfin à destination. Il se gare devant la petite maison et me dit :

— Ce qui est sûr c’est que vous n’allez pas vous ennuyer ici, bonne soirée et bon voyage à vous !

Je lui règle ses 50 dollars, j’appuie sur la sonnette du petit portail. Aucune réponse. Je répète cette opération plusieurs fois mais toujours sans succès. Je fais alors une chose que je déteste, j’enjambe le portail et je vais toquer à la porte.

— J’arrive, entends-je !

La personne qui m’ouvre est toute heureuse de me voir.

— Oh mais c’est ma petite Elodie ! T’as fait bon voyage jusqu’ici ? Allez, tu peux rester autant que tu veux, ce sera gratuit pour toi, ah ah !

Je regarde avec tristesse cette personne qui m’a exténué à bord de l’avion.

— Tu viens dormir chez moi ?

Je rentre alors dans la maison dans laquelle j’allais assister à une drôle de nuit.

CHAPITRE 2 La pire nuit de ma vie !

Étrange, c’est le mot qui me vient en tête lorsque j’entre pour la première fois dans la maison de Louna. Tout est rangé à l’intérieur et rien ne traîne, pour dire vrai je m’attendais à un bordel monstre. Comme quoi l’habit ne fait pas le moine. Louna est partie se doucher et m’a laissée seule avec un verre de thé.

A l’intérieur de la maison, il n’y a rien d’anormal, tout est assez classique, un appartement ordinaire en fait. On y trouve un canapé, une petite télévision, un four, un frigidaire, une table, quelques chaises ainsi que des éléments de décoration à bon marché. Les mêmes que l’on trouve dans des magasins discount en France, c’est une petite maison mais qui suffit largement à une seule personne. Je suis encore stupéfaite par une telle propreté, un tel ordre dans le rangement, il n’y a vraiment rien qui traîne. Même une simple télécommande n’est pas posée en vrac sur un coin de la table. Pour ce qui est de la poussière il en est de même, on n’en distingue pas le moindre brin. A-t-elle passée un coup de lingette et d’aspirateur avant que je n’arrive ? Ça je ne le saurai sans doute pas et puis j’étais à ce moment préoccupée par l’instant T. Cela fait au moins quinze bonnes minutes qu’elle est sous la douche. Que fait-elle pour mettre autant de temps ? Elle ne va tout de même pas laisser une bonne amie seule attendre dans le salon ?

Impatiente comme je suis, je cherche alors de quoi m’occuper. J’ouvre mon livre aux feuilles blanches, je prends un stylo laissé dans ma valise et je m’installe sur la table, prête à noircir les premières pages.

Puis au bout d’un certain temps j’entends enfin la douche qui se coupe. Je suis épuisée et je n’ai qu’une hâte, aller me coucher. En attendant qu’elle finisse par sortir, je termine tranquillement ma tasse de thé. Cinq minutes passent encore avant que la porte de la salle de bain ne s’ouvre.

— Bon ben désolée Elodie, mais l’eau n’arrive pas à chauffer, ça fait des mois que ça dure mais aucune personne ne veut m’aider.

J’ai beau ne pas l’apprécier particulièrement, en voyant son visage empli de tristesse cela me fait quelque chose, comme un petit pincement au cœur.

— Dis-moi c’est quoi ton livre qu’il y a sur la table ?

Ni une ni deux je prends celui-ci entre mes mains et je le referme. Puis je le range soigneusement dans ma valise. Son contenu ne regarde que moi et personne d’autre, je n’ai aucunement le besoin ni l’envie de me livrer à des confidences. Malgré mon empressement à le débarrasser de sa vue, elle ne perd pas son aplomb.

— Oh je vois c’est un journal intime ? Pas de souci, je ne le lirai pas.

Pour une fois elle semble dire la vérité, mais connaissant un peu mieux le personnage je préfère fermer ma valise à clé pour plus de précaution.

— Je parie que tu ne pensais pas que c’était aussi propre chez moi, avoue ?

Je lui fais un haussement d’épaules, pour ne pas la vexer. Comment pourrais-je avouer que je m’attendais à pénétrer dans un véritable capharnaüm ? Je ne suis pas goujate à ce point !

— Une fille de mon rang se doit d’avoir une maison impeccable et bien rangée !

Cette fille est et restera un mystère pour moi, elle est d’ailleurs, en tout cas pas de ma planète. Elle ne vit que pour et par les caméras alors que personne ne la connaît. Elle se donne un style tout simplement, mais pour qui et pourquoi ? Elle se dit entourée de plein de gens alors qu’elle semble vivre seule.

— Dis-moi Elodie, tu veux aller te doucher ?

Je lui fais non de la tête et je lui écris un mot sur une feuille que je prends dans ma valise.

— Oh je vois tu es fatiguée et tu aimerais te coucher, pas de souci. Bon par contre un petit détail un peu embêtant…

La façon dont elle me regarde à cet instant n’est pas pour me rassurer. Elle semble gênée de ce qu’elle va m’annoncer. Ce sera quoi cette fois ? Un lit pour deux peut-être ?

— Euh en fait il n’y a qu’un lit pour 2 personnes.

Bingo ! J’aurais dû faire voyante je pense. Je prends une autre feuille et lui remarque un mot.

— Le canapé est complètement mort, ça fait des années que je l’ai et quand tu t’allonges dessus, tu as un mal de chien au niveau du dos au bout de cinq minutes !

Je me sens piégée, mais que faire ? Ai-je vraiment d’autre alternative ? Comment vais-je pouvoir dormir avec une fille aussi bizarre ? Que se passera-t-il une fois la lumière coupée ? Va-t-elle m’agresser, abuser de moi sexuellement ? Je m’imagine alors mille scènes plus dégueulasses les unes que les autres.

— Bon tu viens ? Par contre je te préviens, je prends le côté gauche du lit.

Et là je prends cela comme un sacrilège, une déclaration de guerre purement et simplement. Elle peut me kidnapper, me torturer, tout ce qu’elle veut, mais dormir du côté droit cela m’est impossible ! Mais bon je dois me faire une raison, je ne suis pas chez moi et après tout, c’est elle la maîtresse de maison.

Je rentre dans la chambre qui est comme le reste de la maison, propre et très bien rangée. Elle a une énorme penderie et chaque vêtement est classé par genre. Les jeans, les tee-shirts, les chaussettes, les culottes et les pulls. Tout est séparé et rangé de manière parfaitement symétrique.

— Bien tu peux te coucher si tu veux.

Je ne dis rien et je m’installe du côté droit. Je me retourne rapidement pour ne plus voir son visage et pour enfin me reposer et surtout, dormir.

— Allez bonne nuit Elodie.

— …