Sur les rives du Limpopo - Christiane Washington - E-Book

Sur les rives du Limpopo E-Book

Christiane Washington

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Beschreibung

Une journaliste audacieuse plonge dans l'ombre des financements de la campagne présidentielle. La mort soudaine de son rédacteur en chef l'entraîne sur la trace d'une clé USB contenant des informations cruciales. Avec l'aide d'un ex-militaire, elle se dresse face à un adversaire insaisissable doté de ressources sans fin.


À PROPOS DE L'AUTRICE 


Officier de police, Christiane Washington est victime d'un accident en 2019. Hors service, la lecture de polars l'aide à s'évader. Au fil du temps, ils ont nourri son imagination, jusqu'à susciter l'écriture de sa propre intrigue criminelle.

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Seitenzahl: 311

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Christiane Washington

Sur les rives du Limpopo

Roman

© Lys Bleu Éditions – Christiane Washington

ISBN : 979-10-377-9949-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

1

L’embauche

Le cabinet Nagel Recruitement avait fait des miracles et le service de gestion du personnel de la chaîne Hexagonale TV recevait trois profils.

Le président ouvrit la pochette qui contenait ces candidatures et son idée fut très vite arrêtée. La réalité s’imposait, la solution passait par une féminisation de la rédaction. Cette candidate avait par ailleurs une particularité par rapport aux autres, elle était déjà un peu plus âgée. Piqué par la curiosité, il parcourut son dossier. Il avait ainsi découvert qu’elle avait été avocate avant de devenir journaliste, qu’elle était divorcée et sans enfant. Pour parfaire ce tableau, Laora Demey venait de terminer ses études de journalismes avec brio, en finissant dans les trois premières de sa promotion. Son regard féminin offrait donc expérience, disponibilité et sensibilité. C’était une évidence.

Le président Walinski Edouard, homme de petite taille, au crâne dégarni, revêtu de son perpétuel costume noir, était plutôt inquiet, très inquiet, habitude qu’on ne lui connaissait pas. En effet, autoritaire et sûr de lui, il manœuvrait, tel un capitaine à la barre, cet immense navire qu’était la chaîne Hexagone TV, alias HTV depuis vingt ans et, par ailleurs, une des plus importantes du pays.

Pour lui, un problème avait toujours une solution, et la difficulté résidait actuellement dans le prime qui semblait affecter le créneau du journal d’information. Or un bon prime time correspondait à une bonne facturation des spots publicitaires, les spots adossés aux émissions à fort audimat étant plus chers. Il fallait donc le solutionner et dynamiser le journal pour endiguer la perte d’audience.

Le président Walinski avait connu le virage de la privatisation. C’était maintenant celui d’une concurrence rude face à une offre de médias très riche et diversifiée : chaînes publiques et chaînes privatisées, l’information en continu et les réseaux sociaux.

Le conseil d’administration hésitait et le président, en homme averti, le savait ; le frein résidait dans le rapport entre les dépenses et un résultat qu’ils estimaient hypothétique. Il les abordait en leur présentant simplement les enjeux. Alors naturellement « son conseil » validait d’une part les deux nouvelles émissions du prime et d’autre part cette politique de dynamisation de la rédaction du journal télévisé, en début de soirée, en engageant madame Demey. La confiance envers le présentateur vedette n’était pas remise en cause, il s’agissait de muscler la rédaction, de lui apporter un nouveau regard.

Le recruteur appela la personne désignée par les services de la chaîne de télévision. Alors qu’elle recoiffait ses longs cheveux, son regard bleu limpide se tourna vers son téléphone qui sonnait :

— Mme Demey, Demey Laora ?

— Oui, à qui ai-je l’honneur ?

— Cabinet Nagel Recruitement. Nous avons pour mission de recruter un ou une jeune journaliste. Votre profil nous intéresse.

Laora resta sans voix. Elle venait d’obtenir son diplôme, il y avait deux jours seulement, et elle avait déjà une proposition !

— Mme Demey, vous êtes encore là ?

Elle reprenait ses esprits.

— Oui, oui, pardon. C’est pour quel média ?

— Je pense qu’il serait plus opportun d’en parler de vive voix. Êtes-vous disponible cet après-midi à 14 h ?

Il bousculait les conventions. Le temps n’était pas son allié.

— 14 h… oui, très bien.

Quelques heures plus tard, l’embaucheur lui présentait le poste, en insistant sur le côté coréalisation, plus que sur le statut de stagiaire : il lui fallait être sexy ! Et effectivement, Laora s’était immédiatement projetée dans ce rôle : travailler à la rédaction de la HTV ! C’était juste génial ! Elle laissait alors son esprit s’envoler, rêver ; mesurant la chance d’une telle proposition. Son interlocuteur la rappela à la réalité et la questionnait sur ses motivations. Cette candidate était parfaite. Hormis l’impression qu’elle laissait, d’être « parfois dans la lune », elle parlait bien. Ses motivations étaient claires, comme son projet personnel.

Elle se souvenait encore de son entretien, après une nuit blanche et presque trois heures dans la salle de bain. Trois heures ou le temps minimum permettant à la fois de cacher les marques de fatigue et de trouver la tenue pour « en faire un peu, mais pas trop » !

Elle avait été très bien accueillie par Henri, journaliste confirmé, qui était depuis quelques années à la présentation du 20 h. Henri était un homme de 58 ans, très agile dans sa démarche, au visage connu et reconnu par des millions de concitoyens, derrière leurs écrans tous les soirs. Il avait directement amené Laora auprès des membres du conseil d’administration.

Elle était le choix du président Walinski et le conseil l’avait suivi. Il s’agissait, maintenant, de « faire connaissance » en parlant plus précisément des conditions de travail. Après leur présentation, très avantageuse, le conseil s’arrêtait sur le contenu du travail. Si elle commençait par une période de découverte, le job consistait à participer activement à la rédaction : proposition de reportages, couverture de l’actualité.

L’entretien terminé, elle rejoignait Henri pour une présentation des services de la chaîne. Le cinéma, la production, la distribution, la publicité, tout ce qui faisait une grande chaîne. Il lui avait, tout particulièrement, présenté une immense pièce entièrement ouverte et lumineuse, surplombée par une mezzanine, qui n’en faisait pas le tour entier, laissant la place à une gigantesque baie vitrée. Trois escaliers permettaient de descendre dans ce vaste open-space avec une multitude de bureaux, une quinzaine d’îlots de quatre postes de travail. On associait habituellement à cette vision, l’image d’une fourmilière. Des ordinateurs, fax, des papiers qui montaient, descendaient, se croisaient ; des téléphones sonnaient. C’était son futur lieu de travail.

Depuis une dizaine d’années donc, libre comme l’air, Laora n’avait pas compté ses heures. Elle était en reportage dans tout le pays ou tous les pays, découchait plusieurs jours de suite, suivant des procès, des accidents naturels, explorant ainsi toute une palette de thématiques. Elle s’épanouissait avant tout dans la recherche de la vérité dans tous les dossiers qui lui étaient confiés. C’était l’objectif, mais dans le sens d’une information la plus objective possible, qui pouvait éclairer sur la vérité des faits : elle n’était plus avocate et encore moins juge.

Depuis plusieurs mois, Laora était également la doublure d’Henri. Si elle gardait sa casquette de reporter, notamment dans le cadre de la couverture de la campagne électorale à venir, elle assurait aussi les remplacements sur les périodes de vacances du titulaire.

Elle était donc installée à l’étage, bénéficiant de son propre bureau et de sa propre équipe pour les reportages : un cameraman, un ingénieur du son et un technicien polyvalent. C’était plutôt une bonne chose : travailler en équipe, et surtout, s’assurer que tout se faisait dans les règles de l’art. Car Laora le savait, elle était maladroite. Il lui était arrivé de supprimer un mail plutôt que de l’enregistrer. Ses deux mains gauches sonnaient assez souvent le glas du matériel (professionnel, téléphone ou privé, vase…). Et cette maladresse, saupoudrée d’étourderie, donnait un cocktail explosif : combien d’heures avait-elle déjà passées sur le palier, parce que la porte avait claqué, avec les clés restées à l’intérieur ?

Le conseil d’administration était très satisfait de son choix : la présence de la journaliste correspondait à une hausse consolidée de l’audience sur le créneau. Ces dernières années avaient donc vu des renégociations à la hausse des contrats publicitaires !

Au terme d’une semaine de présentation du JT, elle regrettait l’attitude d’Henri qui semblait distant. C’était son mentor à la chaîne depuis le début et cela comptait beaucoup pour elle. En tous cas, elle ne voyait pas en quoi elle avait mal agi. Peut-être avait-il des problèmes…

C’était donc avec l’esprit préoccupé, que Laora rentrait chez elle. Mais ce soir, tout particulièrement, elle se sentait oppressée par la taille de son flat, qui lui paraissait soudainement immense. Sa baie vitrée sur une hauteur cathédrale lui donnait l’impression qu’elle allait s’écrouler sur elle. Elle effaçait très vite cette impression en allant respirer à la fenêtre de son appartement au vingtième et dernier étage. Parvenant à reprendre ses esprits, elle pouvait profiter de la vue imprenable et exceptionnelle sur la ville. Elle se retourna en fermant les yeux pour retrouver son calme.

S’installant dans son canapé, elle laissait son esprit divaguer entre ses derniers voyages et sa semaine sur le plateau. Elle adorait présenter le journal télévisé. Les différentes facettes, présenter le film des actualités, agrémenté de reportages, le tout étant l’aboutissement du travail de toutes les équipes, mais aussi les interviews en direct : homme ou femme politique, artiste de musique, chant, cinéma, toute une richesse d’expériences. Mais peu importait maintenant, chacun retrouvait sa place, lui sur le plateau, elle sur le terrain.

Quand elle se sentait ainsi submergée par la tristesse ou dépressive, Laora savait aussi pouvoir compter sur sa meilleure amie. Victoria, ou Vickie. Elles avaient grandi ensemble et étaient allées dans la même école, jusqu’aux études supérieures, Vickie ayant déjà fait le choix du journalisme à l’époque. Ayant gardé contact, elles s’étaient retrouvées en région parisienne.

Plus âgée que Vickie, Laora la dépassait de deux têtes avec ses 1m78. Laora avait les cheveux longs, sa meilleure amie, une coupe au carré qui la rendait plus petite encore. Elles étaient toutes les deux des filles de la montagne, aux yeux bleus comme certains glaciers. Elles allaient alors chez l’une comme chez l’autre, quelle qu’en soit la raison. Leur proximité s’était alors accrue, Vickie devenant la marraine du fils de Laora. C’était donc chez sa meilleure amie que Laora était allée, il y a quelques années pour y retrouver refuge et sérénité.

Encore aujourd’hui, ce souvenir particulier lui procurait toujours le même frisson, qui prenait des expressions physiques dès lors que le souvenir de son fils refaisait surface.

Comme souvent dans ces cas, elle se remémorait les premières années de sa vie d’avocate, où elle avait rencontré celui qui allait devenir son mari. Elle couvrait alors un procès au pénal. Lui, avocat des parties civiles, elle, de la défense, ils avaient croisé le fer, mais s’étaient découvert des affinités, en dehors.

Regardant à nouveau par la baie vitrée, elle prit quelques minutes, pour rêver devant cette animation quotidienne, comme une transition entre le rythme effréné de la rédaction, du JT et le silence de son habitation. Elle finit par s’endormir sur le canapé.

Elle était réveillée par le soleil qui passait la baie vitrée et lui frappait le visage. Sous la douche elle se redit, pour une énième fois, qu’il fallait vendre l’appartement. Ce n’était pas la première fois qu’elle se faisait une frayeur en rentrant, le soir surtout. Dès la sortie de la douche, la décision était donc prise : elle allait voir des agents immobiliers.

Si toutes les occasions étaient bonnes pour aller chez Vickie, elle souhaitait surtout qu’elle soit la première à être au courant de la mise en vente de son appartement. Elle savait aussi que sa meilleure amie l’aiderait activement dans la recherche d’un nouveau logement.

Mais dès le lendemain, elle reprenait les reportages pour la couverture de la dernière ligne droite de la campagne. À un mois du scrutin, elle suivait le candidat issu de l’opposition, M. Montova, pendant qu’un collègue s’occupait du président sortant. Il s’agissait d’observer les candidats ainsi que leurs bases électorales et diagnostiquer les risques et les enjeux de ce scrutin.

Concernant le dossier Montova, les meetings étaient nombreux, laissant apparaître un candidat, qui ne lésinait pas sur la dépense.

2

Black-out

Vingt jours avant le scrutin, le président Walinski posait l’idée d’un débat entre les deux épouses ; la première dame sortante et la femme du candidat d’opposition, que tout semblait opposer : parcours, âge…

Toute la journée, il y avait donc eu des tractations entre les deux états-majors, puis les équipes de campagne briefaient les deux femmes, pour ce rendez-vous fixé 48 heures plus tard.

Pendant deux jours, les journalistes se répartissaient les questions et travaillaient sur les relances en fonction des réponses possibles. À plusieurs reprises, Laora avait eu l’impression qu’Henri tentait de l’évincer, avançant l’idée d’une interview, « plus efficace », seul.

Le jour J, sur le plateau de télévision, les deux épouses, qui faisaient face aux deux journalistes, échangeaient de manière ferme et courtoise sur tous les thèmes : place des femmes, défense, idéologie, politique propre (famille, travail), idées économiques et surtout écologiques. L’éclairage du plateau était suffisant pour voir les deux oratrices, celle qui prenait la parole étant mise en avant par l’éclairage d’un spot.

Le débat, de qualité, dura une heure, sans finalement donner, d’avantage particulier. En effet, l’épouse du président sortant avait pris un léger avantage dans les domaines social et culturel et pour lesquels elle avait l’oreille du président.

La femme du candidat Montova, ancienne présidente d’un groupe d’investissement, l’avait pris sur les dossiers économiques et en parvenant à jouer le jeu de l’empathie avec une sincérité surprenante.

À l’issue, lors d’échanges informels, les deux candidates se retrouvaient avec Laora. Sur proposition de la candidate du président sortant, l’idée d’un reportage réalisé sur chaque épouse, monté et diffusé en parallèle, était validée. Les épouses voulaient relancer une campagne qui entrait dans sa dernière ligne droite, avec l’objectif de redonner un nouvel élan à la course électorale.

Dès le lendemain, Laora reprenait le suivi du candidat Montova, dont la campagne l’épatait. Tous les jours ou presque, une nouvelle destination s’inscrivait au programme, pour des meetings avec distributions d’affiches, de casquettes, de t-shirts et tout autre objet de publicité à l’effigie du candidat. Ces meetings étaient de vrais shows à l’américaine. Avec le temps qui passait, elle finissait par se poser une question : « Avec quels moyens ? »

Une après-midi, elle profitait d’une pause au niveau de l’équipe logistique du candidat, pour s’y inviter et discuter de manière informelle. Dans l’échange, un technicien laissait échapper que, pour les deux dernières semaines, le budget hebdomadaire moyen était à sept chiffres.

Laora et son équipe étaient unanimes : si la dépense ne paraissait pas encore démesurée pour un second tour, il pouvait être intéressant d’effectuer quelques recherches, notamment sur le financement de la campagne. Elle en informait sa rédaction, avec laquelle elle décidait, tout en suivant le candidat dans sa campagne, d’enquêter sur son financement et trouver des informations concrètes.

Vickie faisait partie de la presse écrite et rédigeait assez souvent, pour ne pas dire tout le temps, l’éditorial du journal. Elle posait une analyse politique, culturelle, ou économique, sur n’importe quel sujet d’actualité. Suivie par un public de fidèles, qui appréciait son style et ses analyses objectives, elle s’exprimait avec bienveillance ou en étant plus impitoyable quand il le fallait.

Il était 21 h quand elle reçut un coup de fil de Laora.

— Salut Lao, comment ça va ?

— Salut, Vickie, ça va super. Là tout de suite, je suis dans les valises, on part dans un petit quart d’heure. Tu as quelques minutes ?

— Oui, dis-moi, tu m’inquiètes.

— Depuis quelques jours, je cogite sur le financement de la campagne de Montova. Tu devrais voir : chaque rassemblement est plus spectaculaire que celui de la veille ! Est-ce que tu as déjà eu, autour de toi, des échos, ou entendu quelque chose ?

— Oui, je vois, alors pas directement ; mes derniers éditos, en lien avec la campagne, traitent plus du programme défendu par les candidats. Le dernier concernait les conclusions qu’il était possible de tirer à la suite du débat, que tu as coanimé, entre leurs deux épouses. J’avais effectué des recherches pour la rédaction de cet article, la femme de Montova est une femme d’affaires de 44 ans, dont la fortune personnelle est importante. De là à justifier ce que tu me décris, je ne sais pas.

Vickie ajouta :

— C’est sûr qu’avec la validation du rehaussement spectaculaire du budget et des conditions de financement, on pouvait s’attendre à ce genre de conséquence. D’ici que ce soit l’origine du passage de Montova au premier tour…

— Oui, c’est exactement ce que je me dis. Est-ce qu’on peut se tenir au courant ? Si tu as des informations, pareil pour moi ?

— Oui, on fait comme ça, mais surtout à ton retour tu m’appelles, on se fait un truc.

— Oui sans faute. Je ne te dérange pas plus longtemps. Bises.

— Bises. Tu ne me déranges jamais !

Auprès du directeur de campagne, Luc De Vrij, était le chef de la sécurité. Il avertissait son responsable des dernières démarches de la journaliste de HTV.

— Monsieur, je suis informé d’une enquête en cours relative à la campagne. Une journaliste pose des questions, fait des recherches. Pour l’instant, ce n’est rien d’important. Je tenais à ce que vous le sachiez.

— C’est noté, monsieur De Vrij, mais vous me dites que ce n’est rien de grave. Alors ?

— Je tenais simplement à vous avertir que ça pouvait le devenir. Je vous propose de prendre des mesures préventives.

— C’est parfait. Faites comme ça, « des mesures préventives ».

Il poursuivit, après un petit silence :

— À ce stade, on gère à notre niveau, j’en référerai au patron en fonction de l’évolution.

Ces débats ou questions étaient quasi quotidiens. Si De Vrij n’était pas issu des grandes écoles, comme l’ENA, Sciences Po, il avait étudié le droit et avait eu la chance d’être un fidèle de la première heure. Sa capacité à résoudre les problèmes séduisait le clan du candidat, qui non seulement sollicitait son avis, mais l’écoutait, chose exceptionnelle, tant le nombre de conseillers était important.

De Vrij veillait donc à ce qu’aucun grain de sable ne vienne enrayer la machine électorale. Il s’agissait donc de régler le cas de la journaliste de HTV. Pour ce genre d’affaires, il savait qui appeler : Vladic Ongjen.

Ce dernier avait reçu des instructions très claires. Son équipe informatique était composée de deux informaticiens pouvant accéder n’importe où sur la toile et avoir des informations sur n’importe qui.

Ces deux redoutables hackers restaient plusieurs jours enfermés dans leur domicile, focalisés sur leurs nombreux écrans, entre lesquels ils se déplaçaient, grâce à leurs chaises et par la simple connexion ou déconnexion d’un clavier souple.

Pour rester en contact, Ongjen était équipé d’un portable avec un adaptateur wifi USB et d’un téléphone satellite, lui permettant, quelles que soient les circonstances, de garder le contact.

En matière d’industrie de la désinformation, Ongjen savait à qui s’adresser, notamment au Proche-Orient. Mais en l’occurrence, il s’agissait de régler rapidement le problème, qui résidait dans l’interception de toutes ses communications ou tous ces messages, pour en diffuser un autre. Son équipe de hackers était largement qualifiée et s’occupait donc de créer les conditions de l’interception.

Ils ne mettaient pas longtemps à craquer les pare-feu de la centrale électrique et parvenaient également, à ré encoder des antennes de téléphonie, qui émettaient alors des ondes de brouillage. Ainsi, dès la fin du discours du candidat Montova, il n’y avait plus ni courant ni communication dans la zone de la réunion.

Pour transmettre la nouvelle information, Ongjen prit son téléphone satellite et composa le numéro de la rédaction de la chaîne HTV.

— HTV, l’accueil, bonjour.

— Bonjour, Madame. Je cherche à joindre votre rédacteur en chef.

— Bien sûr, qui dois-je annoncer ?

— Annoncez monsieur Smith

— Très bien, veuillez patienter.

Moins d’une minute plus tard.

— Monsieur Smith ?

— Oui.

— Je vous transfère.

La standardiste raccrocha et Ongjen entendit une première sonnerie. À la deuxième, on décrocha :

— HTV, le rédacteur en chef, bonjour.

— Salut, c’est Ongjen.

— Ongjen ? répondit le rédacteur en chef, surpris par le son d’une voix qu’il croyait disparue.

— Oui, c’est bien moi. Je ne t’ai pas oublié et j’ai besoin de toi pour une petite affaire.

— Je ne veux plus avoir à faire à vous !

— Ce n’est pas comme ça que ça marche, tu oublies ta dette. Or me rendre ce petit service pourrait l’effacer.

Laissant quelques secondes au rédacteur en chef pour prendre sa décision, même s’il n’avait pas le choix, il poursuivit : la journaliste qui suit l’équipe de campagne est trop curieuse. Elle ne t’enverra rien aujourd’hui…

— Quoi, vous l’avez…

— Tais-toi et écoute ! Elle ne t’enverra pas son reportage. Mais ne t’inquiète pas, je t’envoie un papier qui pourra très bien faire l’affaire.

Un petit silence planait à nouveau. Ongjen s’attendait à une observation, une résistance, mais visiblement son interlocuteur se liquéfiait. Il termina donc ainsi :

— Enfin quand je dis « je », tu diras que ces infos viennent d’elle.

— Elle m’a effectivement appelé pour me faire part de ses premières investigations sur votre équipe. Si je ne donne pas des éléments nouveaux, ça éveillera les soupçons.

— Pas d’inquiétude, j’ai dit. Je te donnerai ce qu’il faut.

Le rédacteur en chef n’était pas rassuré, les vieux souvenirs qui refaisaient surface, l’avaient anéanti. Après l’appel, il mettait plusieurs minutes à reprendre ses esprits, jusqu’à la réception d’un mail dont la lecture le rendait davantage anxieux. Il avait logiquement déduit que son maître chanteur devait agir pour le clan Montova, puisque Laora enquêtait sur lui ; mais le mail lui portait préjudice !

Deux visions incompatibles, sur lesquelles il n’avait pas le temps de s’attarder, car Ongjen lui avait aussi dit qu’il ne lui laissait pas une heure avant de dévoiler son passé.

— Le JT est dans trente minutes ! dit-il en se dirigeant vers le présentateur vedette du 20 h.

— Henri, une info de la part de Laora. On n’a pas de reportage aujourd’hui, problème technique. Attention, c’est chaud. Si on ne la sort pas maintenant on sera doublé par les chaînes d’info en continu.

Le rédacteur en chef savait qu’il s’écartait de la ligne éditoriale habituelle, ce qui ferait sûrement réagir en haut lieu, mais il n’avait pas le choix.

Ne pas passer à côté d’une info présentée comme cruciale, à dix jours de l’élection, avait été la stratégie justifiant son empressement à passer l’information, auprès de son équipe.

À des centaines de kilomètres de là, Laora paniquait. Alors que, dans le camion-régie, le montage se terminait, le technicien ne parvenait pas à le télécharger. Il y avait d’abord eu la coupure de courant, puis quelques minutes après, celui-ci lui confirma ce qu’elle craignait ; toute la région était comme sous un black-out. Elle était dans tous ses états car cela arrivait justement le jour où elle avait rassemblé de nouveaux éléments qui demandaient à être analysés par la rédaction. Parvenant à réfléchir, elle jugeait cette coupure presque opportune.

3

Rupture

À 20 h, le journal télévisé s’ouvrait et Henri annonçait le premier titre : « Le candidat à l’élection présidentielle, Philippe Montova, ne paie pas ses impôts ». Après d’autres titres, il revint sur le premier et le développa :

— Info qui nous vient de notre envoyée spéciale, Laora Demey, présente au dernier meeting du candidat Montova, qui révèle une très probable évasion fiscale. Celui-ci qui détient des millions en avoirs ne paie pas d’impôts sur notre sol. Des éléments plus complets vous seront présentés lors de nos prochaines éditions, notamment dès l’édition de cette nuit.

Alors que le journal se poursuivait, le poste du rédacteur sonna. Le président Walinski était au bout du fil :

— C’est quoi cette info ? On est sûr de la source ? Je croyais qu’on n’avait plus de retour de madame Demey ?

— Je vous confirme que l’info vient de Laora. J’ai eu un coup de fil en ce sens. Pas directement de sa part. L’info semblait importante, mais il ne nous restait que trop peu de temps pour l’inclure dans le 20 h. Nous avions, de plus, la chance d’avoir la primeur de l’info, il nous fallait la garder.

— Je n’aime pas trop. S’il est vrai que nous cherchons tous le scoop, nous devons recouper nos sources et rester au plus près des collaborateurs de terrain. Le fait de ne pas avoir eu de confirmation ou de liaison avec madame Demey ne me plaît pas.

Il poursuivit :

— Et vous auriez dû être moins affirmatif dans votre exposé : ne « paierait » pas.

Le président raccrocha. Le rédacteur en chef savait qu’il était allé vite, mais il n’avait pas eu le choix. Le journal, toujours en cours, était passé à l’interview d’une jeune chanteuse, en vue sur Instagram. Le téléphone du rédac’ sonna à nouveau : c’était Laora.

« Merde », se dit-il.

Deuxième sonnerie. Il ne voulait pas décrocher, il savait qu’il allait bafouiller. Troisième sonnerie.

« Mais si je ne décroche pas, ce n’est pas normal », se répondait-il à lui-même. Il inspira fortement, expira pareillement et décida de décrocher, interrompant la quatrième sonnerie.

— C’est Laora, je suis contente de t’avoir au bout du fil, ça fait je ne sais combien de temps que nous étions coupés de tout ! Impossible de transmettre quelque chose…

— Ne t’inquiète pas. On a reçu les infos par fil. Et tout est déjà passé au JT…

— Par fil ? Je viens de te dire que je ne pouvais rien faire : ni téléphoner, ni mailler, ni faxer, ou même envoyer un pigeon voyageur. Rien ! Qu’est-ce que tu as balancé ?

— Ce que le message disait : la fraude fiscale… Désolé, Laora, on se rappelle, j’ai un double appel.

Il pianota (soulagé de ne pas devoir lui parler plus longtemps) et prit le second appel, c’était le président :

— C’est sur toutes les chaînes et je viens d’avoir l’équipe de campagne du candidat Montova. Leur démenti est formel, ils disent qu’ils produiront les papiers au plus vite. Vous m’avez vendu un scoop ? Nous récoltons l’opprobre ! C’est quoi ce bordel ?

Le président Walinski était très énervé, le rédacteur en chef réalisait que la situation lui échappait. Il découvrait et comprenait, trop tard, la stratégie de l’équipe derrière lui. En temps normal, il l’aurait vu, mais depuis le coup de téléphone il n’était, tout simplement, plus dans ses meilleures dispositions. Il était faible, c’en était fini de lui.

Le président Walinski ne supportait pas l’absence de réponse de son interlocuteur :

— Vous vous foutez de moi ? On perd tout notre crédit sur ce coup, et vous ne réagissez pas ?

Il poursuivit :

— Et que va dire l’équipe du candidat Montova ? Il tire déjà à boulets rouges sur la presse, l’accusant de connivence avec le pouvoir en place ! Et je passe les commentaires sur les réseaux sociaux ! Vous me joignez Mme Demey et à son retour tous les deux dans mon bureau !

Le président raccrocha violemment.

Depuis qu’il avait eu Ongjen au téléphone, c’était le début d’une descente aux enfers. Il savait que tout était perdu, et que, selon l’expression consacrée, « le temps de passer à la caisse » arrivait.

Le rédacteur en chef de HTV était un homme que toutes rédactions aimaient avoir. Il connaissait tous les ressorts du job. Sa minutie et sa précision étaient particulièrement reconnues, faisant de lui un chef d’orchestre efficace dans les préparations des journaux télévisés.

À l’époque, il était jeune et menait la grande vie. Ses premiers salaires étaient intégralement engloutis dans une vie de luxe. Avec le temps, il s’était un peu assagi, mais il gardait, en lui, le démon du jeu. Il était un parieur et un joueur compulsif, couramment installé dans une arrière-salle bien connue du monde de la nuit et du jeu. Bien que travaillant dans l’ombre du plateau télévisé, il était connu comme une personne importante des médias. À ce titre, il avait accès aux plus importantes tables. Les éléments de sa vie de luxe avaient ainsi été rapidement perdus, ses dettes s’étant corrélativement, très vite, accrues. Ongjen était apparu dans cette phase de recouvrement de dettes. Il avait très vite compris quelle contrepartie il pouvait tirer d’un tel personnage.

Le rédacteur en chef avait mal vécu cet épisode et s’était juré de ne plus mettre les pieds dans ces salles de jeu. S’il y était parvenu, il restait toutefois débiteur. Au début, il n’en dormait pas, puis les jours, les mois et enfin les années avaient doucement fait leur œuvre, jusqu’à ce coup de téléphone.

Laora n’en revenait pas, son rédacteur en chef l’avait proprement envoyé sur les roses ! Toutes ses tentatives pour le rappeler se soldaient par un échec : répondeur. Du coup, elle se posait mille questions.

La connexion était revenue dans le secteur. Sur les écrans, les bandeaux d’informations passaient en boucle et l’inquiétaient. Qu’est-ce que c’était cette histoire de fraude fiscale démentie par le candidat Montova ?

— Putain, ils ont diffusé quoi comme reportage à la con ?

La réponse, elle la trouvait sur les réseaux sociaux : Twitter, FB, Insta, etc., s’affolaient. Les tweets ou les commentaires crucifiaient les journalistes, la presse, et le système en général.

Elle demanda à son équipe de reprendre tous les plans de séquences qui manquaient à la suite du « black-out ». Il était hors de question de transmettre quelque chose de manière dématérialisée ; l’équipe interrompait son activité et faisait retour au siège.

Le téléphone sonna, c’était le rédacteur en chef :

— C’est le mégabordel, Laora. Ordre d’en haut, tu rappliques. Il raccrocha dès sa tirade terminée, sans lui laisser le temps de répondre.

Voilà un appel qui ne la rassurait pas, même si l’idée du retour était, au moins, validée.

Le directeur de campagne venait de raccrocher avec le candidat challenger. Il lui avait fait part des derniers éléments et notamment les réactions sur les réseaux sociaux. Il concluait en estimant le gain de l’affaire à une augmentation de cinq points des opinions favorables, au moins. Cette conclusion lui avait valu les félicitations.

Le lendemain, à 11 h, elle était devant le bureau du patron, sur le même siège que lors de son arrivée il y a dix ans. Elle pressentait toutefois très fortement que ce n’était pas pour le même résultat.

En moins de douze heures, dans la nuit qui avait suivi l’annonce du journal de la chaîne HTV, l’équipe de campagne du candidat Montova était montée au créneau. Elle avait dénoncé des attaques d’un président sortant, aux abois dans les sondages, accusations, de plus, relayées par des organes de presse soumis.

Depuis très tôt ce matin, le président Wallinski s’était donc répandu en excuses face à cette fake news, s’abritant derrière un malheureux souci technique ayant empêché de croiser les informations. Il s’agissait d’un terrible concours de circonstances.

Avec quarante ans de carrière, il avait pu sauver sa tête, tant il est vrai que le débarquer maintenant ne relevait pas d’un choix des plus opportuns. Il lui fallait, toutefois, désigner un responsable, afin d’apaiser la situation.

Après une tirade sur la rupture de confiance, sur l’éthique du journaliste et elle ne savait plus quoi encore, le couperet tombait : fini le 20 h, plus d’équipe dédiée, retour dans l’open-space où Laora traiterait les reportages qu’on lui assignerait.

Devant une sanction manifestement injuste et disproportionnée, elle retrouvait de vieux reflex, en devenant son propre avocat :

— Je ne comprends pas exactement ce qui s’est passé, mais, faites-moi confiance, je le saurai. En attendant et là, je vous rejoins : vous savez que je ne pourrai pas accepter ce que vous me proposez. Vous n’aurez pas ma démission comme ça. Êtes-vous prêt pour une nouvelle bataille ? Alors que l’élection se profile et que les médias ont leur côté au plus bas. Votre chaîne est-elle prête à un nouveau duel ?

Le président connaissait sa désormais future ex-journaliste. Il savait pourquoi il la voulait à l’époque et s’attendait à ce que la séparation ne soit pas un jeu facile, notamment dans les conditions de la rupture.

En manager expérimenté, il avait déjà désamorcé ce dossier et il savait donc jusqu’où il pouvait aller. Il opina du chef, laissant Laora poursuivre.

— Je vous transmettrai mes conditions, préalable à un possible accord. Laora s’étonna elle-même des termes et de l’intonation de cette phrase. Elle raisonnait comme à l’époque de ses plus belles plaidoiries.

— Nous sommes donc d’accord, répondit le patron, fier d’avoir obtenu une tête, qu’il pouvait présenter au conseil d’administration en retour des mesures prises après cet incident.

Laora sortit sans se retourner et alla jusqu’à son bureau, où elle regroupa ses affaires dans un sac. Elle ne fit aucune halte en allant jusqu’à la porte d’entrée. En la franchissant, les larmes lui montèrent aux yeux. Elle avait le cœur serré, prenant conscience que cette aventure se terminait et qu’elle ne reviendrait que pour signer sa rupture.

Pendant une quinzaine de jours, la vie de Laora se résumait à un concentré de morosité : elle se sentait très fatiguée et à plusieurs reprises, une vague de tristesse l’envahissait. Depuis plusieurs nuits, elle se réveillait deux ou trois fois. Le matin, elle ne dormait pas plus longtemps pour autant, dormant alors le jour et passait sa journée en pyjama.

Elle avait fini par consulter son médecin. S’il avait fini par lui prescrire des médicaments pour mieux dormir et donc se reposer, il avait aussi été très clair :

— Remobilisez-vous, madame Demey, vous êtes aux portes de la dépression.

Laora se demandait comment répondre à l’injonction de son médecin, car elle ne voulait rien faire et n’avait envie de rien. Lors de ses nombreux moments de doutes, une certitude se dessinait, agissant comme la lumière d’un phare, ramenant au port un navire en difficulté : quitter Paris.

Quand elle ne dormait pas, Laora regardait la télévision. C’est ce qu’elle faisait, aujourd’hui, en mettant le canal HTV qui diffusait une interview du nouveau président de la République. Si elle reconnut Henri, elle se surprit à se demander qui était « cette pimbêche » qui l’accompagnait.

Elle regardait l’interview sans vraiment l’écouter. Focalisée sur sa « remplaçante », elle ne pouvait pas s’empêcher de repenser à tous ces moments qu’elle a vécus sur ce plateau : les cicatrices n’étaient, visiblement, pas encore refermées !

À l’écran, le nouveau président revenait sur cette dernière semaine de campagne, évoquant d’abord le rôle de la presse, puis sa remontée fulgurante, pour conclure sur l’effet « antisystème » qui avait pleinement joué.

Puis tout à coup, quand son regard quitta la télévision, elle fut prise de vertige, avec la sensation que les murs se déformaient et s’écroulaient sur elle. Elle mit plusieurs minutes à retrouver ses esprits ; son appartement lui paraissant soudainement plus grand, mais aussi, et surtout, plus triste.

En revenant au petit écran, en écoutant le président défendre les premières mesures de son quinquennat, une évidence s’imposait : elle devait faire une liste des bénéficiaires de ces derniers évènements, en notant que le nouveau président en prenait la tête !

« C’est tellement évident que ça paraît même trop beau pour être vrai » ! se dit-elle.

Justement en bonne enquêtrice et en tant qu’ancienne avocate, le premier reflex quand crime il y avait, était d’aller sur les lieux du crime.

« En même temps, il n’y a pas eu crime et je n’ai pas envie de remettre les pieds à HTV », se répondit-elle.

Elle se leva, prit une feuille blanche et s’installa à sa table. L’interview qui se poursuivait n’était devenue qu’un fond sonore pendant que Laora dressait une liste des intervenants.

« Je m’exclus de la liste des suspects », se dit-elle avec un léger sourire.

En premier, le rédacteur en chef ; elle regardait les mots devant elle fit la moue, sans parvenir à une conclusion convaincante. « Pourquoi avait-il mis tant d’empressement dans la transmission de l’information ? Il y avait la pression des chaînes d’info qui ne rataient rien… Ou aurait-il été payé par une chaîne concurrente pour dénigrer HTV ? »

En second, Henri, dont elle semblait ressentir de la défiance depuis qu’elle le remplaçait au 20 h. Or Laora était maintenant partie, mais de là à y voir une manœuvre du présentateur du 20 h, il y avait un monde !

La chaîne HTV en dernier lieu, « non, ce n’est pas crédible, elle a subi une tempête et ne retrouve le calme que maintenant ! ».

En effet, la présence du président sur le plateau de HTV, ce soir, était un signe de détente.

Après plusieurs heures, aucune des notes griffonnées sur son papier ne lui permettait de tirer de conclusion, en dehors de celle de trouver l’origine de ce black-out « opportun », pour trouver des réponses.

Une seule chose l’avait donc maintenu dans la réalité : la volonté de quitter la Capitale et retourner dans sa région natale. Il ne lui avait fallu que quinze jours pour vendre son appartement. En cette fin d’après-midi, elle avait également conclu l’accord de séparation avec la chaîne, les échanges s’étant faits par mails. Elle devait maintenant aller à l’agence immobilière signer son compromis.

À peine revenue, son téléphone sonna :

— Vickie.

— Comment vas-tu ?

— Bof, je ne sais plus ce que je veux faire. Je suis perdue.

— Tu es chez toi ?

— Oui.

— Ne bouge pas, j’arrive.

Laora ne savait même pas si elle voulait rester seule, ou avoir de la visite. Au fond d’elle, voir sa meilleure amie l’avait toujours réjouie. Dix minutes plus tard, cette dernière sonna.

— Coucou !

— Oh, Vickie ! Laora l’accueillit en éclatant en sanglots.