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La fin de l’Île des Rêves dorés approche irrémédiablement. La catastrophe est imminente et la destruction se profile à l’horizon. Alors que la majorité de la population ignore tout de la menace ambiante, Joshua Brown joue le tout pour le tout afin d’éveiller, de galvaniser les consciences et encourager ceux qui oseront oser. Toutefois, cela suffira-t-il ?
À PROPOS DE L'AUTEURE
Laura Flechas cultive son amour pour les mots au fil de ses découvertes et aventures littéraires. Véritable véhicule d'optimisme, avec Sur les traces de Joshua Brown, elle souhaite insuffler une dose de courage à quiconque souhaitant se dépasser.
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Seitenzahl: 672
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Laura Flechas
Sur les traces de Joshua Brown
Roman
© Lys Bleu Éditions – Laura Flechas
ISBN : 979-10-377-6131-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Indication de lecture
Les passages en italique sont tirés d’ouvrages publiés, ceux en italique et encadrés par un astérisque sont de l’auteure.
Préface
L’expérience vibrante du moment présent n’est que le point de rencontre des pensées, des sentiments, des paroles et des actions de tous ceux qui partagent la scène de la vie. En s’affectant mutuellement de cette manière, en tant qu’entités coparticipantes de ce « maintenant », de cette réalité, ils modifient positivement ou négativement le lieu de son expression ou de sa manifestation – la Terre.
Puisque c’est la réalité que chacun vit et expérimente, il n’y a aucune raison de se plaindre ou de ressentir de l’injustice, et encore moins de s’épuiser à chercher des coupables afin d’échapper à la responsabilité de ses propres méfaits.
La Loi Divine a doté l’humanité d’un monde harmonieux pour son développement, d’une nature luxuriante et généreuse en nourriture pour tous, d’espaces ouverts, bienfaisants et propres dans lesquels il fait bon vivre. Pour cette raison, cet état de parfaite harmonie est devenu connu sous le nom de « l’île des rêves d’or ».
Mais avec le temps, ses habitants ont cru que cet état se maintiendrait de lui-même, oubliant que cette harmonie et cette perfection devaient être entretenues, nourries en retour par leurs actions, par leur appréciation et leur valorisation de ces richesses données en abondance à tous. Ils ont alors cru à tort qu’ils étaient les propriétaires de ces richesses et ont commencé à générer des sentiments égoïstes.
Ainsi, petit à petit, ils ont pollué l’environnement mental qui recouvrait l’île, ce qui s’est rapidement traduit par des actions individualistes, un terreau d’envie, de haine, de ressentiment, de colère, de tristesse, de frustration. Un réseau d’énergie dense et lourd a fini par couvrir et noyer la perfection dominante.
Ses habitants étaient si aveuglés qu’ils ne se rendaient pas compte des dégâts qu’ils causaient ; la lumière dorée d’hier s’est presque éteinte ; la densité asphyxiante de cette épaisse atmosphère mentale s’est abattue sur les auteurs de la catastrophe énergétique tangible.
Seules quelques personnes, conscientes des dommages causés, ont demandé à être soutenues et guidées pour corriger, guérir et récupérer l’héritage dilapidé ; leur demande est parvenue au niveau des gardiens planétaires, qui ont organisé et accordé la dispense de temps inhérente à la transmission des informations nécessaires à toutes les personnes de bonne volonté qui ont voulu élever le calice de leur esprit pour les recevoir.
Un temps prudent a été accordé pour la réalisation de cette mission par les bénévoles engagés, qui ont formé une croisade de sensibilisation afin d’unir les forces et les volontés en cette période de restauration planétaire.
De petits noyaux ont été formés dans différentes parties du monde pour semer la graine de la vérité et de l’unité fraternelle ; leur but était d’éveiller leurs semblables à la mission la plus importante de leur vie, le service aimant et désintéressé, ainsi qu’à leur capacité de se donner en guide à leurs frères et sœurs et de découvrir leur responsabilité envers les êtres habitant les royaumes inférieurs.
Ensemble, ils ont commencé à percer le manteau dense et sombre qui bloquait le passage de la lumière cosmique vers la terre. Comme des étoiles dans les nuits sombres, ils scintillent aujourd’hui, apportant espoir, clarté et paix à leurs frères.
L’île des rêves dorés traverse une période de crise, de transformation. C’est pourquoi le soutien décisif, le travail participatif et la coopération active de ses habitants, de ses enfants, sont nécessaires. L’île a besoin de toute urgence de l’action curative qui lui permettra, avec eux, de monter vers les prairies de la lumière éternelle.
Le temps presse.
Nous sommes tous bénis dans l’action.
Joshua Brown
Le commandant Jaxul se présenta à l’Amirauté ce jour d’août à 10 h pétantes, convoqué d’urgence par son haut commandement. Il était tendu, et pour cause. Au cours de ce rendez-vous, il allait finalement connaître en quoi cela consistait, cette mission si importante dont il aurait toute la responsabilité, cette raison primordiale de son existence, cette tâche pour laquelle il se préparait depuis si longtemps.
De quoi s’agissait-il ? À vrai dire, il n’était pas au courant des détails précis. Il savait seulement qu’il avait été choisi pour diriger une opération délicate mais transcendantale. C’était tout, mais même en ignorant presque tout, il avait travaillé avec ardeur, dans le but d’être prêt le moment venu.
L’Amiral E. M. l’attendait debout, impassible, en regardant par la grande fenêtre du bureau, très spacieux, meublé avec goût et sobriété. L’Amiral était un bel homme d’une soixantaine d’années, grand, athlétique et élégant ; les cheveux d’argent, abondants et coupés très court, encadraient son visage, lui donnant un charme supplémentaire. Dans ses yeux d’un vert profond, on devinait une âme juste et compréhensive, un caractère fort et décidé et la sagesse propre à ceux qui, à travers les années, ont accumulé et assimilé les leçons tirées des expériences enrichissantes de la vie.
Rassuré, il sourit en apercevant Jaxul, qui traversait le hall d’un pas ferme et sûr. La mission qu’il lui avait réservée était d’envergure, mais il le connaissait bien et savait avec certitude que cet officier brillant était l’homme de la situation. Il n’avait, donc, pas à s’inquiéter. Jaxul saurait faire face aux défis les plus difficiles, tout en restant lucide et serein. Il accomplirait la tâche délicate qui serait la sienne et reviendrait sûrement avec les résultats attendus.
L’Amiral fit une pause tout en fixant Jaxul qui écoutait avec attention ce que son supérieur disait.
Un long silence suivit les paroles de l’Amiral. De son côté, Jaxul resta pensif, en se demandant surtout comment il pourrait reconnaître ceux qui devraient venir avec lui, ceux qui seraient prêts, les « élus ».
L’Amiral reprit aussitôt la parole :
La société de cette île a touché le fond. Les hommes ont tellement pollué l’air et l’eau, qu’ils en meurent maintenant. Leur soif de pouvoir et leur convoitise démesurée font que les plus puissants exterminent les plus faibles, en les dépouillant sans aucune considération. Ils ont découvert que la drogue rapportait beaucoup d’argent et, même en dépit de la santé et de la vie des autres, ont mis en place des réseaux de distribution et vente de ce poison létal déguisé en poudre inoffensive hautement purifiée et traitée. Évidemment, la drogue est à l’origine de la dépendance incontrôlée des jeunes et des moins jeunes et la cause première de la dégénération totale de l’organisme humain…
Mais, que cette dure réalité que vous allez découvrir ne mine pas votre moral, Jaxul. Rappelez-vous : tout ce que vous allez voir fait partie d’un processus d’évolution ; tout est parfaitement prévu et disposé pour montrer le chemin à ceux qui voudront bien le suivre. C’est la bataille entre l’ignorance et la sagesse, et vous savez bien que, tôt ou tard, c’est cette dernière qui l’emporte, comme toujours, comme toutes les fois où d’autres îles, plus lointaines ou plus proches, plus connues ou moins connues les unes que les autres, ont dû endurer précédemment la même situation…
Vous saurez distinguer, donc, les étincelles, les éclats, les petites flammes. Vous savez, plus la nuit est noire et sombre, plus facilement vous voyez les étoiles. C’est simplement l’effet de contraste. Après, ils viendront vers vous, car vous êtes « lumière » intense, et l’affinité fera le reste.
Cependant, il ne faudra surtout pas intervenir en agissant sur leur libre arbitre. Dès que chacun aura compris le message et réellement appris la leçon, il fera le nécessaire pour être prêt le moment venu. « Quand l’élève est prêt, le Maître apparaît. Et quand l’élève est prêt encore, le Maître disparaît ». Vous ne serez que l’exemple, Jaxul. Vous ferez miroir pour qu’ils puissent s’y refléter, s’y reconnaître ; vous les guiderez pour qu’ils puissent se découvrir, puissants phares de lumière et vainqueurs incontestables des ténèbres…
Voilà les grandes lignes de votre mission. Pour les détails logistiques, vous irez voir Wana dès demain matin. Elle vous attend aussi et fera en sorte de vous munir de tout ce dont vous aurez besoin.
Vous êtes le seul élément de mon régiment qui participera à cette mission, mais quelques-uns de mes collègues ont déjà envoyé d’autres agents dans les différentes régions de l’île, des agents que vous connaissez sûrement et dont quelques-uns vous attendent, peut-être, pour vous prêter main-forte. Les alliés, vous les trouverez, donc, sur place, mais je ne vous donnerai pas de noms, car vous êtes censé ne rien savoir. Avez-vous des questions, Commandant ?
Quant à la durée de la mission, je peux vous dire seulement que vous devrez faire vite, car le temps presse. Nous calculons qu’il vous reste sept semaines de notre temps, grand maximum. Cela dit, rappelez-vous que la vitesse du temps n’est pas partout la même. Là-bas, les heures sembleront s’écouler plus lentement…
Ah ! Une dernière chose, avant que je ne l’oublie. J’ai un mot pour vous, une sorte de carnet de bord, un petit pense-bête dont l’auteur fait partie de l’équipe d’élite du nouveau Grand Maréchal des Forces Alliées de la Fraternité. Dans les moments de doute, ce texte vous aidera à ne rien oublier, à voir la lumière dans l’obscurité, à vous redonner du courage. Mais ne l’ouvrez pas tout de suite. Occupez-vous d’abord de la logistique et attendez pour demain soir pour le lire.
L’Amiral ouvrit le tiroir de son bureau, d’où il sortit un rouleau en parchemin, délicatement attaché par un ruban en soie. Une toute petite carte pendait du but du ruban ; en lettres dorées l’on pouvait y lire : « Tu n’es jamais seul. »
Jaxul se leva lentement pour prendre le rouleau que l’Amiral lui tendait.
Dès que le Commandant sortit de la pièce, refermant doucement la porte derrière lui, l’Amiral ferma les yeux, évoquant ses premières missions. Il se rappelait notamment celle où Jaxul, tout jeune à l’époque, l’avait accompagné pour la première fois, son aura resplendissante, le cœur drapé de son dévouement inconditionnel et son courage à toute épreuve…
Beaucoup de temps s’était écoulé depuis. Aujourd’hui, c’était Jaxul, lui-même, qui allait diriger l’opération. Il avait bien grandi et bien mûri, ce garçon timide d’autrefois. Le jour viendrait aussi où ce jeune officier le remplacerait… Il en était convaincu !
Depuis sa plus tendre enfance, Jaxul avait su que la Vie lui réservait des choses importantes. Témoin d’exception, autrefois, des phénomènes liés au passage de son île à un niveau supérieur de vibration, il s’était promis de se préparer sérieusement comme instructeur, capable de guider un jour les habitants d’autres îles et de les préparer à franchir « le même pas pour devenir meilleurs ».
Jaxul fut un élève remarquable, un étudiant hors pair. Curieux et inquiet, assoiffé de sagesse, il apprit à communiquer avec les plantes, avec leurs « âmes pures », mieux connues comme les « élémentaires ou esprits de la nature », dont les vertus et les bienfaits, en très peu de temps, n’eurent plus de secrets pour lui.
À l’aide de la méditation, il réussit à libérer volontairement son esprit du corps physique et à élargir sa conscience jusqu’à pouvoir comprendre la Vérité de Dieu, si complexe encore pour nous, les humbles terriens mortels. Son travail quotidien et solitaire lui permit de progresser rapidement, sans perdre pour autant l’humilité propre aux sages.
Sa douceur d’esprit et sa générosité étaient évidentes. Sa démarche sereine, la tendresse dans son regard et la sagesse de chacun de ses mots, toujours chargés d’amour, transmettaient paix et harmonie autour de lui. Ses mains, grandes et bien soignées, semblaient bénir tout ce qu’elles touchaient.
Repéré par les Maîtres du « Haut commandement de la confédération galactique », il fut amené à se déplacer dans des îles lointaines, dans des villages inconnus, pour partager ses expériences et les résultats obtenus dans sa recherche de la perfection.
Depuis très jeune, il avait travaillé aux côtés de l’Amiral E. M., chef des « Forces de l’aide et de la fraternité », confédération des armées du service inconditionnel, dont la mission primordiale était celle de porter secours et assistance à tout « frère cadet » postulant à faire partie du Monde Nouveau.
Ce fut l’Amiral lui-même qui lui apprit les secrets de la logistique et la science de « l’adaptabilité », celle qui permet d’agir de façon appropriée face aux contraintes inhérentes à chaque situation.
L’adaptabilité était, en effet, la clé du succès :
Ne permets jamais que rien ni personne ne vole ta paix intérieure. S’il pleut, si la neige tombe et le vent souffle, si la situation est adverse, il n’y a qu’une issue : s’adapter et agir en conséquence…
S’adapter. Maintenir l’esprit ouvert et ne pas s’attacher aux habitudes ; permettre que « l’instinct » prenne la main quand les connaissances acquises semblent inutiles ou insuffisantes ; s’adapter, nager dans le « sens du courant » et se laisser guider par la Main Divine, confiants et sûrs de l’existence d’une raison incontestable à l’origine de chaque événement, de toute circonstance, de chaque défi… S’adapter, et ne chercher qu’à comprendre et à bénir toute leçon.
S’adapter, se donner la possibilité de changer d’opinion, d’essayer d’autres solutions ; aller vers l’inconnu sans regarder derrière soi ; chercher le bien partout, et le faire partout. S’adapter, apercevoir un phare de lumière dans la nuit la plus sombre et rester calme au milieu de la redoutable tempête ; être une source de joie dans la profonde tristesse et de l’espoir nécessaire pour atteindre le but fixé, sans défaillir…
S’adapter, respecter son prochain, comprendre ses attitudes ; agir avec droiture sans oublier jamais les principes qui encadrent le travail de chaque jour ; reconnaître ses propres valeurs en toute humilité, préserver sa dignité et servir sans compter…
S’adapter, s’enrichir des cadeaux que réserve la Vie et se sentir heureux chaque jour d’être vivant ; être le caméléon qui s’accorde sans problèmes à l’entourage changeant, à la musique vibrante, au silence total ; à la lumière éclatante des jours ensoleillés, aux grises nuances des longues heures de pluie… Et sourire, toujours sourire, parce que dans la musique, tel que dans le silence, la gaîté se promène ; parce que dans la lumière, comme dans les ombres, habite la Vérité…
S’adapter, regarder autour de soi sans laisser échapper la moindre critique, analyser les situations sans juger, agir sereinement sans condamner. S’adapter, comme l’eau, liquide béni qui garde son essence et sa pureté, ses pouvoirs et ses vertus, qu’elle soit versée dans un verre du plus fin des cristaux ou dans la cruche de terre du plus humble des mortels ; comme l’eau, toujours disposée à redonner généreusement la vie, à calmer immédiatement la soif, à éliminer efficacement les traces de la saleté… à purifier.
Jaxul était devenu maître dans l’art de la compréhension des circonstances, de l’acceptation joyeuse et de l’adaptabilité inconditionnelle devant toute situation. Et quand l’on maîtrise, quand le processus basique d’apprentissage se complète (connaître – comprendre – savoir – être), il ne reste que transmettre, que répandre la lumière que l’on devient, pour déclencher le même processus chez les autres, pour l’éveiller chez ceux qui viennent derrière et qui n’attendent que cette étincelle qui révélera dans le plus profond de leurs âmes cette vérité, cachée mais indiscutable, de la grandiose perfection qui vit dans chaque être, de l’admirable capacité d’amour dans chaque cœur, de l’infinie ressemblance de chaque homme avec le Créateur.
Et puisque, par la Lumière, par l’Amour et par la Volonté du Créateur, la pensée avait tout compris, le cœur était conscient de sa mission et l’âme se sentait enfin prête, Jaxul se donna entièrement à la douce tâche d’éveiller les âmes endormies, de montrer, avec l’exemple, le sentier (pas toujours facile mais toujours très gratifiant) du service à autrui, à son frère, à son égal.
Si l’Amiral lui faisait confiance, c’était surtout parce que, même dans les situations les plus difficiles de sa période d’apprentissage, Jaxul avait fait preuve de courage, de sagesse, de sérénité et de « réactivité », mais réactivité dans le bon sens du terme : dans le sens de savoir ce qu’il faut faire face à chaque circonstance et, mieux encore, dans le sens de le faire tout de suite, sans hésitation, sans l’ombre d’un doute.
Jaxul agissait toujours en conséquence, de façon rapide et judicieuse mais en paix. Car, en agissant en paix, la sagesse s’impose sur la violence et sur l’injustice, sur la confusion et sur le désespoir ; car en agissant en paix, la lumière montre le chemin au cœur, à la pensée, à la voix, et guide les mains et les pas vers la solution efficace et pleine d’amour dont on a besoin.
Et sa réponse était immédiate, précise, remplie de compréhension ; elle témoignait surtout de la maîtrise, de la connaissance et du respect de soi et des autres. Sa voix, parée sans exception d’une douceur parfois déconcertante, transmettait le message voulu, tranchant s’il le fallait, mais restait toujours accompagnée de la tendresse infinie de son regard et de la générosité sans limites affichée systématiquement dans son sourire, faisant de lui une source intarissable d’amour.
***
Le lendemain matin, Jaxul récupéra des clés et des documents chez Wana, l’attachée logistique du bureau de l’Amiral. Elle lui avait préparé une grande enveloppe kraft contenant, d’après ce qu’elle lui dit, toutes les instructions expliquées dans le détail : sa nouvelle pièce d’identité, le nom de son contact sur place, l’adresse de son domicile. Côté voyage, elle lui confirma que le vaisseau le déposerait sur le quai du port dès 6 h.
Jaxul avait hâte de se trouver à l’endroit où l’aventure commencerait ; il voulait déjà s’investir, retrouver les autres membres de l’équipe, se consacrer avec eux, en corps et en âme, à la mission confiée. Conscients du peu de temps dont ils disposaient, ils avaient intérêt, tous, à anticiper jusqu’au moindre détail, pour arriver, dans la mesure du possible, à ne rien laisser au hasard.
Bien que serein, Jaxul était pressé de tout étudier, pour se préparer en conséquence et mettre en place sa stratégie. Il était déjà 15 h quand il est finalement rentré chez lui.
Le silence profond et paisible de la demeure lui transmettait la douceur des souvenirs, et le parfum délicat des fleurs disposées dans le vase en cristal qui enjolivait le salon, éveillait en lui le sentiment de reconnaissance, de gratitude infinie à l’égard de la Vie pour le cadeau quotidien de bonheur qu’Elle lui prodiguait.
En moins d’une minute, la grande table du salon se vit envahie de documents ; des tas de photos, quelques plans, des textes relativement longs, furent éparpillés ici et là, et placés petit à petit, après lecture, dans l’ordre séquentiel correspondant à l’idée que Jaxul se faisait dans la tête au fur et à mesure qu’il s’imprégnait des détails de la mission.
D’un côté, il entassa tout ce qui concernait la logistique. De l’autre, l’ensemble des « arguments ». C’est dans ce dernier tas que Jaxul concentra toutes les photos.
Tel que l’Amiral l’avait annoncé, ces photos choquaient. On y voyait, par exemple, des images déchirantes des ravages de la guerre, des corps mutilés et des cadavres gisant par terre, des océans de sang, des visages défigurés, des regards perdus : la plus monstrueuse manifestation de la violence ! La destruction, la désolation, le désespoir, la solitude, la mort, comme seuls vestiges du passage du plus redoutable des fléaux de l’humanité.
Ses causes ? Des plus variées aux plus ridicules. La convoitise d’un bout de terrain, le besoin d’un morceau de plage pour garantir l’accès sur la mer, le pouvoir et la manipulation par la possession de ce liquide visqueux de la couleur de l’ébène, si précieux et chaque fois plus difficile à trouver : le pétrole. Les différences raciales ou religieuses ; la haine, l’histoire, la vengeance, tout motif était bon et justifiait les actions et les agressions des plus puissants, qui s’attaquaient aux plus faibles et plus inoffensifs peuples minoritaires, dont la moindre richesse devait leur être enlevée, volée d’emblée.
D’autres photos, non moins poignantes, montraient des scènes de famine ; des enfants dont le squelette et la peau ne faisaient qu’un, puisque, faute d’aliments, les muscles avaient pratiquement disparu. Le regard sombre et drapé de mélancolie était la seule manifestation de vie affichée chez ces êtres humains, qui restaient accroupis et immobiles pendant des heures, désespérément accrochés au fil mince et fragile de leur existence.
En s’attaquant à un nouveau tas de photos, Jaxul resta longtemps à regarder celles d’une nature outrée et blessée ; d’abord les oiseaux mazoutés à cause de la pollution de la mer, mourant lentement sans pouvoir échapper à cette pâte gluante et noirâtre, puante et mortelle qui les empêchait de voler, de respirer. Et oui, ce même pétrole et ses dérivés versés dans la mer, parfois par accident mais la plupart du temps intentionnellement, devenaient à nouveau le bourreau, l’émissaire de la mort.
Ensuite, il y avait les photos qui évoquaient la forêt dévastée. D’immenses taches jaunes remplaçaient inévitablement le vert profond de la végétation exubérante de la jungle ; sur des hectares et des hectares de forêt gisaient des milliers d’arbres, couchés à jamais parterre, inertes et, vaincus, achevés par les scies implacables sous prétexte d’élargir les champs de cultures. Néanmoins, le but caché était plutôt d’exploiter sans mesure ni contrôle le bois, ressource naturelle par excellence, anéantissant ainsi la source d’oxygène la plus efficace, la plus fiable, la seule, le poumon de cette île, de ce paradis magnifique d’autre temps, mais maintenant démuni et sans défense, triste victime en train de perdre tout son sang irrémédiablement.
Changement d’image, de décor, mais toujours dans le même contexte : les cadavres des éléphants, sauvagement assassinés pour s’emparer de leurs défenses, si convoitées, car l’ivoire se vendait cher… L’eau des rivières, dont la pureté cristalline de jadis n’était plus qu’un souvenir lointain, avait été remplacée par une surface d’écume, résultat de l’utilisation des détergents et d’autres poisons impitoyables, responsables de l’extermination implacable des poissons, de la faune, de la flore, de la vie…
Jaxul aura passé plus de deux heures à regarder toutes les photos, à décrypter le cri de détresse de la Mère Nature, à prendre les notes qu’il aura considérées comme nécessaires, pertinentes à sa mission.
Ce n’est que bien après avoir tout ramassé, rangé et soigneusement disposé dans sa valise, qu’il décida de s’attaquer au parchemin. Maintenant qu’il avait tous les éléments pour mijoter son plan d’action, pour établir sa stratégie, il pouvait alors prendre le temps de lire son contenu secret.
Un mot, écrit à la main par l’Amiral lui-même, avait été glissé en plus dans le rouleau. Jaxul sourit en lisant ces courtes phrases, toujours précises, toujours si chargées de sagesse, de tendresse, d’Amour :
« Jaxul,
Il faut se rappeler ces paroles à tout moment :
*
« Où que tu ailles, où que tu sois, jamais seul tu ne seras…
En tout instant, un ange veille sur toi, un ami pense à toi quelque part,
Quelqu’un qui t’aime vole dans ses rêves vers toi
Et la tendre douceur de son affection se confond avec ton ombre,
Où que tu ailles, où que tu sois… »
*
Vous n’êtes pas seul. La Lumière, qui vit en vous, saura vous guider ; la Force qui habite en vous, sera votre réconfort ; l’Amour qui jaillit de votre âme vous permettra de servir…
Vous n’êtes pas seul, vous ne l’avez jamais été, vous ne le serez jamais !
Votre frère et ami. »
Jaxul resta longtemps à méditer au sujet du mot de l’Amiral. Bien que le respect des distances imposées par leur rang les empêchât d’être plus proches, l’Amiral et lui-même se connaissaient depuis toujours, et des liens fraternels solides et sincères s’étaient tissés à jamais entre eux. Jaxul fut touché de ces mots, de la démarche de l’Amiral, de la confiance qu’il lui témoignait. Et même dans son évidente humilité, cette preuve d’amitié lui réchauffa le cœur.
Il sourit, débordant de paix, avant de se pencher sur la dernière étape de la préparation de son voyage : le parchemin. L’Amiral avait dit « pense-bête », une sorte de carnet de bord… Jaxul savait, donc, que son contenu était très important. Et il imaginait déjà le degré de sagesse de l’écrit, s’il avait accompagné au quotidien le chemin de l’Amiral.
Une fois le ruban retiré, Jaxul put lire en lettres dorées et noires :
« Mon Père qui es en moi, que ta Volonté soit faite en moi
Car Tu es ma volonté.
Donne-moi la faculté d’exprimer dans toutes mes actions
L’Amour que je ressens,
Car Tu es l’Amour qui vit en moi.
Que toutes mes satisfactions viennent de ta Loi Divine
Car, en la respectant, je n’ai plus besoin de rien.
Permets-moi de témoigner de ta Présence en moi à tout moment,
Car Tu guides mon expression.
Que ma vie soit toujours l’exemple parfait de ton harmonie,
Car je suis le temple où tu officies.
Donne-moi la capacité de servir,
Pour que mon œuvre soit la manifestation de ton Action,
Car mon œuvre est ton Action quotidienne.
Et permets-moi de comprendre que tout fait partie de moi,
Même ce que je ne comprends pas,
Car Tu as tout fait en moi et sans Toi je ne serais pas. »
Aussi résumé que consistant, aussi simple que dense, aussi poétique que profond, le texte fut lu et relu à haute voix, phrase par phrase. Jaxul faisait une pause après chacune d’entre elles, cherchant à mieux déguster le miel doux du message, à assimiler parfaitement l’ampleur de sa signification, à s’assurer d’avoir tout compris.
Les larmes dans ses yeux témoignèrent la vive émotion dont ces mots étaient à l’origine. Son cœur, reconnaissant, bâtit avec force. Une fois de plus, la Vie lui montrait qu’il n’avait pas à s’inquiéter… Sans aucun doute, il disposait du meilleur des « coéquipiers » et, en conséquence, cette prière s’adressait à Lui.
Jaxul regarda soudain la montre. Il était déjà 20 h et l’heure du départ approchait. À la hâte, il finit de préparer sa valise et partit aussitôt en direction du quai où le navire qui l’emmènerait à destination l’attendait, tel que prévu, se tenant prêt à partir dès qu’il serait à son bord.
***
Le soleil se levait dans l’horizon, en annonçant ainsi la naissance d’un nouveau jour. Le va-et-vient rythmique et paisible des vagues de la mer ressemblait à un hymne d’accueil, discret mais reconnaissant, destiné à rendre hommage à celui qui venait de si loin seulement pour aider ceux qui voudraient faire un effort, ceux qui seraient prêts à travailler, ceux qui seraient d’accord pour se laisser guider, ceux qui décideraient d’oser…
Le débarquement se réalisa sans contretemps et, juste après, le navire disparut tellement vite, que personne n’eut le temps de le remarquer.
Jaxul resta quelques instants à regarder tout autour de lui. Devant ses yeux, sa mission prenait forme : il était déjà sur place ; il avait dans ses mains la possibilité réelle de s’investir pour mener à bout cette tâche, si difficile qu’importante et belle, qui lui avait été confiée.
Il respira profondément et avança d’un pas ferme et décidé, sûr d’être assisté par la Main Divine, sûr de savoir s’y prendre, sûr de pouvoir assurer la réussite, les bons résultats que l’on attendait de lui.
D’après les instructions qu’il avait reçues, la maison de Léa Cartier, alias Linara, était le point de départ de l’aventure et se trouvait à quelques rues du port.
Jaxul n’eut pas de problème à la retrouver. C’était bien la seule maison à avoir les murs peints en jaune, parmi de douzaines et douzaines de maisons blanches et anonymes. Même si tous les toits en tuile de terre cuite donnaient une certaine uniformité à l’ensemble, ce point de couleur lui donne une touche de joie et l’habillait de charme, servant en même temps de point de repère pour les passants. Le petit jardin fleuri et bien entretenu laissait deviner le soin avec lequel la main verte de la maîtresse de maison s’en occupait.
Bien que la maison fût très modeste, une lumière particulière s’échappait de ses fenêtres, ce qui ne surprit pas du tout Jaxul. Il connaissait bien son interlocutrice, un être de lumière infinie, en mission comme lui sur cette île. Effectivement, étant arrivée quelque temps avant lui, elle avait déjà effectué un long parcours sur place pour préparer dans le moindre détail l’arrivée de Jaxul et pour être prête à l’aider à accomplir sa mission.
Jaxul frappa à la porte et elle s’ouvrit aussitôt, comme s’il était attendu… Il l’était certainement. Un grand sourire sur le visage de Linara lui donna la bienvenue. Il serra très fort dans ses bras cette amie de longue date, lui transmettant toute l’intensité de son énergie. Elle était petite et rondelette ; ses yeux d’un vert profond irradiaient de la bonté et de la générosité, de la gentillesse et de la sympathie. Sa voix tendre et accueillante finit par remplir l’enceinte.
Jaxul acquiesça. Linara improvisa alors un sobre petit déjeuner, avec du café, de galettes de maïs et des fruits, qu’ils partagèrent tout en se rappelant le bon vieux temps. Pendant plus d’une heure, les souvenirs défilèrent sous les yeux de leur mémoire, l’un après l’autre. Les détails des anciennes missions accomplies sous les ordres de l’Amiral, alors qu’il était seulement Commandant, furent évoqués, de même que les expériences vécues lorsqu’ils étaient plus jeunes, à l’époque où l’entraînement commençait à peine et ces enfants de douze ans, curieux et assoiffés de connaissance qu’ils étaient, avaient quitté leurs parents respectifs pour entamer cette période d’apprentissage qui ne cesserait jamais.
Ensemble, ils avaient éveillé leur conscience, ils avaient étudié les Lois, les « vraies », dont la compréhension leur avait permis d’avancer dans le chemin de la sagesse. Ils surent découvrir la raison une et immense de l’existence de chaque être : L’amour ; ils prirent conscience de la seule mission de chacun : servir ; et finalement, ils comprirent que la seule façon d’être heureux était de servir dans la joie.
Ils riaient. Le rire angélique des années de leur enfance était resté dans leurs âmes et jaillissait naturellement à cet instant, mélodieux, diaphane, illuminant leurs visages et remplissant la pièce d’une joyeuse paix.
Soudain, le silence se fit et Jaxul prit un air sérieux :
Grâce à eux, les premiers pas sont faits, les chemins sont suivis, les buts sont atteints. Ils travaillent très dur à porter sans relâche leur propriétaire, à supporter son poids et ses excès. Parfois, ce n’est pas pour eux une tâche si facile, car on les oblige à être enfermés dans de chaussures qui, au nom de la mode, de la soi-disant élégance et, surtout, de la vanité, ne font que les soumettre à des martyres inavouables, à des supplices insupportables… Ils parcourent d’un pas ferme des distances inimaginables tout au long de leur existence, et se font légers et agiles quand il leur faut danser…
Voilà. Les chaussures que tu commercialises viennent chouchouter ces pieds maltraités ; la souplesse des peaux utilisées pour les confectionner donnera aux pieds la sensation de chausser des gants. Et le rapport qualité – prix te fera prospérer et durer dans le temps.
Jaxul sourit. Elle avait pensé à tout. L’argument des chaussures l’avait touché. Il évoquait ouvertement, simplement, le sens de sa mission. Il venait s’occuper des âmes humbles qui, mis à part leur modestie, étaient conscientes de l’importance de leur rôle dans la réalisation du rêve du monde nouveau ; il venait guider leurs cœurs vers le travail spirituel individuel, consciencieux et constant, consacré au service à son prochain, sans tenir compte de ses défauts et des contraintes de son caractère ; il venait leur montrer que leur parcours à travers des sentiers parsemés de roses et d’épines, en faisant face aux obstacles de la vie quotidienne, les conduirait bientôt au bout de ce chemin emprunté depuis longtemps à la recherche de la sagesse, de la perfection.
Joshua prit ses affaires et ils sortirent de la petite maison. Il profita pour faire l’éloge du jardin fleuri, et Léa ne sut pas dissimuler sa fierté. En effet, un compliment, venant de celui qui était tout un connaisseur et ami très proche des plantes, voulait dire qu’elle s’y était vraiment investie et que le résultat était incontestable. Si Joshua avait apprécié la beauté de son jardin, le reste était du superflu…
Ils descendirent la petite rue et tournèrent à droite jusqu’à la rue de l’Avenir, assez fréquentée et plutôt bruyante. Les voitures circulaient à grande vitesse et le tintamarre de leurs klaxons rendait difficile l’écoute.
Joshua regarda Léa, un peu surpris, et son amie répondit sans tarder :
Joshua ne dit rien. Encore une fois, elle le surprenait.
À peine quelques minutes plus tard, ils arrivèrent à destination. Les murs de la façade sobre de cette bâtisse de deux niveaux étaient à l’origine aussi blancs que ceux des petites maisons des ruelles voisines. Seulement que, compte tenu de la circulation considérable de véhicules grands et moins grands, la pollution implacable y avait laissé ses traces incontournables : une pellicule noirâtre s’était agrippée à la peinture, drapant les murs d’un manteau gris et triste. En revanche, les grandes fenêtres étaient en bon état et laissaient apercevoir les bonnes dimensions de la pièce qui accueillait sa boutique. Une cloche sonna quand ils ouvrirent la porte, et l’employée adressa un grand sourire de bienvenue à son nouveau patron.
Joshua était bouche bée. Il ne se rappelait pas d’avoir rencontré auparavant quelqu’un qui puisse enchaîner tellement de phrases sans s’arrêter, presque sans respirer !
Elle avait fait exprès de ne pas lui mentionner la surprenante collaboratrice. Et elle avait eu raison car, sans lui donner même pas le temps d’avoir à s’en occuper, Léa avait résolu un des principaux problèmes inhérents à la boutique.
Et elle lui tendit une petite enveloppe blanche, dûment scellée.
Joshua ouvrit l’enveloppe, lut les quatre chiffres inscrits sur la carte et s’exécuta. Un déclic presque imperceptible lui indiqua que la porte pouvait être poussée. Derrière elle, à quelques mètres, l’escalier en colimaçon, habillé en bois, montait jusqu’à l’appartement.
Sa valise à la main, il devança Léa et fut surpris, encore une fois, par le goût sobre et raffiné de la décoration. Il trouva d’un côté le petit salon, où un canapé et un fauteuil en cuir étaient disposés en angle, en face le coin cuisine avec une table minuscule pour manger et de l’autre côté la petite chambre et la salle de bains.
L’appartement était petit, certes, mais fort accueillant. Les meubles en bois, très design, contrastaient avec les tableaux multicolores accrochés aux murs, d’un blanc impeccable. La moquette épaisse et d’un bleu électrique, vif et lumineux, invitait à se déchausser sans plus attendre.
Tel que Léa le lui avait annoncé, quelques photos de sa fille ornaient la table base du salon et le mur de la chambre. Elle souriait toujours, sa fille, depuis toute petite, sur toutes les photos, et son visage angélique dégageait le même bonheur paisible et contagieux si naturel chez son père.
Il pensa à elle, qui était très loin depuis longtemps ; mais, qu’est-ce que la distance, qu’est-ce que le temps, sinon des unités de mesure aussi intangibles qu’inutiles ? C’est vrai, comment peut-on croire que quelqu’un est loin, si la tiède tendresse de ses souvenirs réchauffe le cœur dès que nous pensons à cet être cher ? Comment prétendre qu’il y longtemps que nous n’avons partagé des instants de joie et de bonheur si là, tout de suite, et seulement en fermant les yeux, nous ressentons sa présence, entendons sa voix et nous plongeons dans la lumière resplendissante de son regard ? Pour lui, tout était clair. Il savait déjà que ni la distance ni le temps n’existaient. Et il faisait en sorte que ses pensées et ses sentiments soient toujours avec sa fille, avec tous ceux qu’il aimait, avec tous ceux qui, d’une façon ou autre, faisaient partie de son existence.
Léa sourit à son tour. Elle savait que Joshua appréciait tout ce qu’elle avait fait pour lui, ce qu’elle faisait pour l’aider dans l’accomplissement de sa mission, de leur mission…
Il faut dire aussi qu’elle le connaissait très bien et qu’elle n’avait eu aucun problème pour trouver ce qu’il lui fallait. Le résultat n’aurait, donc, pas pu être meilleur : elle savait de son amour et sa préférence pour le bois, matière noble et si chaleureuse ; elle connaissait l’effet du blanc sur la pureté de son âme, du bleu sur la force de sa volonté, sur son pouvoir de décision. Elle mesurait dans l’éclat de ses yeux l’intensité de son affection pour sa fille, « la » fille comme il l’appelait quand il parlait d’elle, gêné de penser que le possessif « sa » n’accorde une connotation égoïste ou possessive, justement, à sa phrase.
Joshua déposa la valise sur la chaise mise au pied du lit à cet effet et revint au salon, où Léa l’attendait, avec le sac en cuir où il avait rangé tous les documents relatifs à la mission.
Ils s’assirent confortablement sur le canapé et, des heures durant, épluchèrent chaque indice, chaque photo, passant au peigne fin toutes les informations dont ils disposaient, échangeant leurs idées et peaufinant jusqu’au plus infime des détails ce qui serait leur plan d’action. Il n’y eut plus de blagues ni de rires. C’était du travail sérieux et très important, et la situation exigeait toute leur concentration.
Le soleil s’était couché depuis bien longtemps lorsqu’ils finirent leur réunion et sortirent. Les lumières de la boutique étaient déjà éteintes et Mélissa, l’employée, partie. Ils quittèrent la rue de l’Avenir et marchèrent en silence tout au long de la petite ruelle qui conduisait à la « maison jaune ». Joshua raccompagna Léa jusqu’à chez elle et décida de faire un tour par le port avant de rentrer.
***
Tard dans la nuit, la vie suivait son cours pour ceux qui croisaient le chemin de Joshua. Certains le regardaient et lui souriaient ; mais d’autres l’ignoraient, renfermés dans leurs propres problèmes et angoisses ; ceux qui, ayant trop bu, avaient beaucoup de difficulté à se tenir debout, s’appuyaient contre les murs en lançant des propos incompréhensibles et des balbutiements inaudibles, tellement ils s’étaient éloignés de la réalité ; d’autres encore, affichaient sur leurs visages la grimace rude et amère devenue le masque quotidien collant sans remède à la peau, et semblaient être gênés par sa présence, se méfiant de lui, même sans l’avoir jamais vu auparavant, même sans en avoir une raison apparente.
Joshua avançait en silence, d’un pas sûr. Il dégageait ce calme propre à ceux qui ne craignent rien car ils n’ont rien à se reprocher, à ceux contre qui les ténèbres ne peuvent rien, tellement leur lumière est resplendissante. Son regard limpide ne jugeait pas, son cœur pur ne critiquait pas, son âme transparente ne condamnait pas. Il ne faisait que constater les dégâts que la souffrance, la solitude et le désespoir avaient faits parmi les habitants de cette île, confortant malheureusement les renseignements qui lui avaient été fournis. Personne ne pouvait cacher cette condition pesante et douloureuse, résultat incontestable de l’ignorance et du manque d’amour.
La pauvreté se lisait facilement sur les vêtements déchirés et sales des mendiants qui lui tendaient la main à la recherche d’une petite pièce, la faim s’affichant sur ces visages maigres et tristes qui ne savaient plus cacher le secret de cette dignité perdue à jamais. Leurs pieds nus, recouverts de plaies, témoignaient des chemins d’épines, plus que de roses, qu’ils avaient dû parcourir. Le regard égaré de leurs yeux permettait de deviner le degré de leur désarroi. Leurs corps fatigués n’avaient plus la force de continuer à se battre. Leurs cœurs meurtris ne voulaient plus croire à la moindre possibilité de s’en sortir. Ils n’avaient plus rien, depuis que leur foi les avait abandonnés. Assis par terre dans un coin de rue, ils se serraient les uns contre les autres pour essayer de se réchauffer. Les plus petits dormaient dans les bras de leurs mères, échappant ainsi pendant quelques heures à l’indiscutable gravité de leur situation.
Combien de ces enfants étaient nés pauvres et désemparés ? Tous ! Combien d’entre eux avaient déjà connu le bonheur simple de dormir sous un toit, dans un lit douillet et propre, après avoir bu une tasse de lait chaud ? Aucun ! Combien d’entre eux resteraient dans l’ignorance la plus totale, puisque l’opportunité d’apprendre à lire et à écrire semblait leur être niée, fermant ainsi définitivement pour eux la porte qui conduit au monde mystérieux et fascinant des livres ? Pas facile de le savoir !
Joshua ne s’arrêta pas. Il descendit la côte et traversa, une à une et jusqu’à la plage, les ruelles qui le séparaient de la mer. Alors, il se déchaussa pour sentir le doux contact du sable et resta quelques instants debout, respirant profondément l’air marin qui venait généreux à son encontre. L’eau tiède suivait le va-et-vient rythmique des vagues et caressait délicatement ses pieds, lui rappelant cependant que cette même masse d’eau infinie et incommensurable, aussi inoffensive qu’elle se montrait ce soir-là, aussi amicale et porteuse d’apaisement, aurait bientôt la difficile tâche de clore le dernier chapitre d’une histoire qui approchait sans remède à sa fin.
Les milliers d’étoiles qui saupoudraient joyeusement le manteau de velours noir profond du firmament évoquèrent les paroles de l’Amiral. En effet, c’était grâce à la sombre obscurité de la nuit que l’on pouvait contempler et apprécier dans sa juste et grandiose valeur toute l’intensité de l’éclat des étoiles. En effet…
Il repensa à la mission. Dès le lendemain, et sans plus attendre, tout serait mis en œuvre pour tenter d’en faire profiter au plus grand nombre de frères et sœurs possible. Tel que l’Amiral le lui avait dit lors de l’entretien préalable à son départ, et par la force de l’affinité et de son amour infini, les « étincelles », qu’il saurait détecter, viendraient vers lui sans qu’il ait le moindre effort à faire.
Pour commencer, il suffirait d’inviter les gens à la réunion d’information et de leur expliquer le programme. Après, il faudrait initier le travail de groupe avec ceux qui auraient pris la décision de l’accompagner, en leur transmettant à chaque séance un sourire rassurant, des mots de réconfort et l’énergie indescriptible et miraculeuse d’une accolade fraternelle et sincère. Il s’investirait complètement dans cette belle aventure pour leur permettre de réveiller en eux-mêmes l’essence réelle de leur vie, la connaissance endormie dans le plus profond de leur âme, la force de l’espoir et le courage optimiste, en leur rendant ainsi ces outils, aussi inoffensifs qu’efficaces, dont ils auraient besoin pour croire à nouveau en eux et pour rêver d’un monde meilleur.
Il ne leur apprendrait rien, car tout ce qu’il avait à leur dire était déjà gravé dans leur mémoire ; son exemple et ses propos ne feraient qu’ouvrir les yeux de leur âme à cette merveilleuse Vérité dont ils étaient les heureux dépositaires, depuis bien longtemps et sans en être vraiment conscients.
Il remit ses chaussures et revint sur ses pas, rentrant aussitôt chez lui.
Comme d’habitude, le repos était de mise, voire indispensable. Pas question de ne pas prendre soin du corps, ce véhicule parfait et complexe qui lui donnait la possibilité de se rendre utile, de servir, de manifester tout simplement l’amour qui jaillissait de son être. Il fallait dormir suffisamment, donc, pour que l’organisme puisse récupérer les forces et être en forme le lendemain.
Il fallait aussi que son cerveau, son cœur et son âme s’apaisent pour que, grâce à la méditation, la voix intérieure puisse être entendue et son message reçu, pour que l’énergie de l’inspiration divine et sacrée nourrisse son esprit, renforçant son courage et sa volonté, éclaircissant ses pensées, lui montrant le chemin et renouvelant la joie qui naît de l’Amour.
Et très tôt le matin, un peu d’exercice physique donnerait aux muscles le dynamisme nécessaire pour démarrer l’aventure d’une nouvelle journée…
Néanmoins, et comme toutes les nuits avant de se coucher, Joshua resta assis sur le bord de son lit quelques minutes, les yeux fermés, le dos bien droit, les épaules vers l’arrière et les mains sur ses cuisses. Il commença à respirer lentement, profondément, rythmiquement, apaisant ainsi son corps, sa pensée, ses sentiments. C’était, en fait, une méditation courte, le moment de s’adresser au Locataire sacré qui habitait son âme. Il affectionnait dialoguer au quotidien avec cet Être intérieur, son ami le plus fidèle, à qui il avait la possibilité de confier ses inquiétudes et ses doutes, en toute tranquillité, en toute sincérité, et dans le plus grand secret. La cerise sur le gâteau, l’instant magique de sa réponse, venait juste après, lorsque la voix de la pensée se taisait enfin pour permettre à l’âme et au cœur d’écouter son tendre message, sage, rassurant et rempli d’Amour.
(L’exercice pourrait sembler compliqué. Mais il ne l’est pas tant que ça ; d’ailleurs, avec un peu de pratique, nous pouvons tous y arriver, dès que nous oublions pendant quelques instants le monde extérieur et franchissons la porte du paisible silence qui nous conduit directement à Lui…)
La journée avait été très intense, riche en rebondissements et, surtout, l’avant-goût de ce qui l’attendait. Il pensa aux mendiants qu’il avait aperçus dans la rue. Ils étaient là pour montrer aux autres les conséquences de l’injustice et de l’indifférence. Il savait, pourtant, qu’il ne pourrait pas faire grand-chose pour eux, qu’ils avaient une leçon à apprendre de cette situation et, en même temps, une leçon à donner à leurs congénères.
Dans sa tête, Joshua avoua alors à son Locataire ce qui commençait à le tracasser :
*
Seigneur, je viens seulement de réaliser la magnitude démesurée de cette mission et me rends enfin compte du degré de responsabilité qu’elle requiert. Je sais que je me suis préparé en conscience, mais il reste toujours l’ombre d’un doute, la peur de ne pas réussir, de ne pas en avoir la force, de ne pas pouvoir le faire tout seul.
*
Avec ces simples paroles, Joshua avait finalement reconnu qu’il pourrait être très difficile pour un seul homme, pour un simple mortel, de faire face à ce défi ! Sa pensée et son cœur inquiets se turent alors. Un silence profond s’installa dans son âme, assoiffée de lumière…
Quelques instants après, la voix douce de son interlocuteur d’exception lui dicta ces phrases concises et éloquentes :
*
Tu n’es jamais seul, rappelle-toi toujours de cette vérité :
Je Suis avec toi lorsque tu fais des rêves ; ensemble, nous les voyons se concrétiser.
Je Suis avec toi lorsque tu fais des projets ; ensemble, nous les réalisons.
Je Suis avec toi lorsque tu fais face aux problèmes ; ensemble, nous trouvons les solutions.
Je Suis avec toi lorsque tu relèves les défis ; ensemble, nous vainquons les obstacles.
Je Suis avec toi lorsque les doutes te guettent ; ensemble, nous prenons les décisions.
Je Suis avec toi où que tu ailles, avec toi où que tu sois.
*
L’effet du message ne se fit pas attendre. Tels qu’un baume miraculeux et réconfortant, ces mots parcoururent instantanément toute l’humanité de Joshua. Il réalisa alors qu’il avait laissé aux doutes une petite chance de prendre le devant. Il avait pris un risque d’envergure ! Mais son Coéquipier venait de le remettre à sa place, lui rappelant le pouvoir indéniable de la foi.
Plus un ombre d’inquiétude ; le calme total et joyeux de la confiance renouvelée dans la Providence vint remplir complètement son esprit.
Après ses remerciements sincères pour cette aide précieuse, Joshua reprit peu à peu conscience du moment présent et de son corps, de ses muscles, de sa respiration et des battements de son cœur, de l’odeur des fleurs qui enjolivaient sa chambre, du bruit lointain des voitures qui circulaient sur l’avenue.
Il put alors s’allonger confortablement sur son lit et prodiguer à son corps fatigué le repos qui commençait à lui manquer. Et pendant les jours suivants, il consacra son temps à propager dans les rues son invitation à « la boutique » …
***
Très tôt ce matin-là, Joshua descendit dans la boutique, pour y jeter un coup d’œil avant l’arrivée de Léa et de sa super-collaboratrice… C’était le grand jour ! Tout était tellement bien rangé et si délicatement aménagé pour l’inauguration, que la petite boutique ne pourrait qu’avoir du succès.
Joshua parcourut les stands et, de temps à autre, s’arrêta pour toucher le cuir de ces chaussures dont la qualité de la fabrication et le design moderne et sobre ne laissaient pas de place à la moindre critique : le matériel aussi était d’excellente qualité. Les prix, pour autant, n’étaient pas exorbitants et, compte tenu de la situation économique actuelle, seraient l’autre atout garantissant l’avenir florissant de l’affaire…
Une fois son tour de reconnaissance fini, Joshua revint au comptoir, où quelques brochures, finement imprimées sur du papier glacé, étaient disposées dans un panier d’osier blanc, orné d’un beau ruban rose. Son attention ayant été sollicitée, il en prit un exemplaire et put y lire :
*
COMPRENDRE – LA CLÉ DU BONHEUR
Atelier
Nous proposons cet atelier à des gens courageux et volontaires, qui n’ont pas peur de se remettre en question dans le but d’avancer dans son chemin vers une vie meilleure et qui voudraient contribuer inconditionnellement à rétablir un monde en harmonie, un paradis de paix.
Si vous croyez faire partie de ce « groupe », venez nous rejoindre samedi prochain à 14 h.
Nous vous invitons à travailler ensemble. La compréhension est la clé du bonheur…
*
Mais, à qui nous adressons-nous ?
« … À ceux qui sentent profondément que leur passage sur terre est bien plus transcendantal que naître, se reproduire et mourir luttant dans la vie ;
… À ceux qui cherchent depuis longtemps le pourquoi des guerres, de la faim, de la misère, de la maladie ;
À ceux qui se sentent intimement engagés dans la régénération et la transformation de la planète ;
À ceux qui n’ont pas permis à l’écroulement social, à la violence, aux conflits, au chaos d’anéantir leurs désirs et leurs rêves, et qui hébergent encore l’espoir dans leur cœur ;
À ceux qui nourrissent leur esprit avec la force de la foi, de la foi en eux-mêmes et en leur capacité de reconstruire et de faire de projets ;
À ceux qui savent que l’unité de la planète est possible si nous éliminons de notre cœur les sentiments d’individualisme et de divisionnisme qui ont fragmenté la Terre, dans les domaines physique, culturel, social, économique et spirituel.
Bienvenue à ceux qui ont ressenti un vide dans leur existence, comme si quelque chose leur manquait ; à ceux qui soupirent sans raison apparente, à ceux qui savent qu’ils ont une mission même s’ils ne la voient pas clairement ; à ceux qui osent penser et agir bien au–delà des schémas reçus et appris.
Bienvenue à ceux qui, pendant la nuit, contemplent les étoiles et qui reconnaissent derrière chacune d’entre elles une énigme à résoudre, un mystère à découvrir ; à ceux qui se sentent “observés” mais qui n’arrivent pas à savoir qui le fait ;