Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Aiden Harper, professeur spécialisé en biologie marine et passionné par les récits légendaires des océans, découvre des indices qui le guideront sur la piste d’un authentique kraken. Accompagné de son neveu Martin, il se lance dans un périple de plusieurs mois à bord d’un baleinier dirigé d’une main de fer. Au cours de leur voyage, ponctué de rencontres malheureuses et de situations imprévues, Aiden et Martin devront faire preuve d’une grande créativité pour affronter les nombreux dangers qui les guettent. Feront-ils la découverte du tout premier spécimen de kraken ? La réponse se trouve entre les lignes.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dans cet ouvrage, Mathieu Louise a la certitude d’avoir imaginé une histoire qui lui ressemble. Passionné de légendes et de contes marins construits autour du kraken, il décide de prendre à son tour la plume pour donner vie à son imagination.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 325
Veröffentlichungsjahr: 2023
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Mathieu Louise
Sur les traces du kraken
Roman
© Lys Bleu Éditions – Mathieu Louise
ISBN :979-10-422-0798-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
La prestigieuse université d’Oxford ne possédait pas seulement des salles de cours richement décorées, des élèves brillants, une riche bibliothèque ainsi que les meilleurs professeurs et savants de l’époque. Non, elle possédait aussi un professeur pour le moins atypique. Non pas que ses connaissances étaient moindres par rapport à celles des autres professeurs. Bien au contraire, c’était un érudit averti et peut-être même le plus grand savant de la biologie marine de son époque. En plus des cours qu’il enseignait quotidiennement, il se passionnait depuis toujours pour les mythes et les légendes marines, étudiant avec fascination et enthousiasme les grands monstres des légendes. Il persistait à croire dur comme fer à une part de vrai dans toutes ces histoires, faisant souvent de lui un sujet de moqueries aux yeux des autres professeurs.
Le professeur Aiden Harper, grand homme mince aux yeux bleus montés de petites lunettes rondes, était une vraie boule d’énergie qui lui causait parfois quelques trop-pleins d’étourderie, faisant, comparé aux autres élèves et professeurs un personnage excentrique dans tous les sens du terme. Il n’était pas marié, ayant pour seule compagne ses recherches et comme seul grand amour l’océan et tous ses occupants. Mais il ne vivait pas seul. Il avait la garde de Martin, son neveu de 18 ans, avec lequel il était très proche et liait une vraie complicité. Martin, n’ayant jamais revu ses parents, avait toujours aimé écouter les récits de leurs explorations. D’après les dires du professeur, ils sont partis quand Martin n’avait que 8 ans pour une nouvelle expédition dans le nord et ne réapparurent malheureusement jamais.
Martin était un jeune homme aux cheveux châtains, ses muscles contrastaient avec ses traits fins et ses beaux yeux bleus. Il était d’une grande douceur et d’une étonnante maturité pour son âge. C’était un amoureux inconditionnel des livres, particulièrement de Jack London, Spencer et Shakespeare. Ce qui le porta naturellement vers des études en littérature où il se montrait brillant pour le plus grand plaisir de ses professeurs.
Ensemble, ils habitaient une maison typique anglaise au nord d’Oxford où régnait un perpétuel désordre de livres, archives, bougies consumées, documents et cartes étalées çà et là sur les tables et les bureaux. La maison comportait, en plus d’une petite véranda, cinq autres pièces : une cuisine et une salle de bain de taille moyenne ; deux chambres et un cabinet de recherches encombré d’échantillons de diverses espèces marines dont une superbe mâchoire de grand requin blanc. Des fioles au contenu incertain étaient entreposées sur la bibliothèque murale du fond, où se trouvaient des ouvrages de biologie écrits entre autres par Carl Chun, Charles Darwin ou Anton Dohrn. La décoration était très sobre, ne comptant que quelques cartes marines accrochées au mur et une photo des parents de Martin en compagnie du professeur. Il n’y avait ni fleur, ni toile d’art, ni ornement ou petit napperon, juste l’essentiel.
Martin venait juste de rentrer de son cours de lettres quand il aperçut son oncle, tournant en rond dans son cabinet en balbutiant d’incompréhensibles phrases et gesticulant dans tous les sens, envoyant voler des documents dans la pièce. Surpris, Martin nota une certaine frustration mélangée à de la colère dans les yeux de son oncle, pourtant de nature très optimiste et calme. Il sortit de l’ombre et demanda :
Le professeur Marc Callagan enseignait les mathématiques et Édouard Bridge la géographie à l’Université d’Oxford. Ils niaient catégoriquement les théories du professeur Harper et réfutaient son travail, le prenant pour un illuminé, ne ratant jamais une bonne occasion de tourner ses travaux en dérision.
Le professeur Harper surexcité ne tenait plus en place, sa chemise à peine mise et les cheveux en bataille. À le voir, on aurait juré qu’il n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Il scrutait inlassablement sa montre à gousset, comme pour trouver une réponse ou du courage. Une foule de papiers et de documents lui encombrait les bras, son énergie débordante ne manquait pas d’amuser Martin, qui lui tendit une tasse de thé bien chaude.
Tout en parlant, le professeur enfila son manteau, bu d’une traite son thé. À peine eut-il le temps de saluer Martin, qu’il était déjà sur le seuil de la porte. La matinée était fraîche, l’aurore projetait encore ses reflets incandescents sur les nuages chargés d’humidité, sans nul doute une pluie se préparait.
Le professeur Aiden Harper déambulait dans les rues avec entrain, il paraissait serein, sûr de lui et déterminé à affronter les épreuves qui se présentaient à lui. Mais son calme apparent cachait en réalité un profond chaos dans son esprit. Il le savait, cet entretien pouvait l’envoyer sur des sommets, ou le projeter violemment dans le néant et l’oubli. Sa carrière et sa renommée se jouaient aujourd’hui. Les quinze bonnes minutes de marche lui permirent de répéter son exposé et de parfaire les détails. Il fut arraché de ses pensées à l’entrée de l’université d’Oxford par une voix rauque et caverneuse, emplie de dédain.
Le professeur Mogador regarda le professeur Harper un moment, le dos voûté comme si tout le poids du monde reposait sur ses épaules, sans rien dire, ne laissant apparaître qu’une mine blafarde face au sourire forcé du professeur Harper. Il récupéra sa mallette et entra dans le silence le plus complet. Il entra dans une classe, s’assit, sortit de sa mallette crayon et support, fixa encore longuement le professeur et lui fit signe de commencer.
Le rire nerveux du professeur Harper s’arrêta aussi vite qu’il avait commencé. La pâleur de Mogador et son regard froid était posé sur lui ; il le fixait comme s’il pouvait lire au fond de son âme et trouver ses peurs et ses faiblesses. Assurément cette blague n’avait pas brisé la glace, bien au contraire, elle l’avait durcie. Le gouffre qui les séparait déjà s’agrandissait encore et l’incompréhension de Mogador fit tressaillir le professeur Harper qui sentit son front se perler de sueur.
Le professeur Harper était comme un lion en cage, bougeant, gesticulant dans tous les sens, utilisant tout l’espace disponible. Il sortait cartes, croquis, récits ou archives pour appuyer sa théorie. Il ressentit, comme jadis, la pression et le stress d’une présentation orale qui allait assurément influencer son futur. Le professeur était redevenu élève. Il redoublait d’efforts et d’enthousiasme pour capter l’attention et la curiosité de son auditeur, en vain.
Sans autre mot, le professeur Mogador rangea ses affaires et sortit de la classe pour repartir directement à Londres, laissant le professeur Harper seul, au milieu de la pièce dans un profond désarroi. La peine se lisait sur son visage, il était resté là, debout, le regard perdu dans le vide à peser les conséquences de ce funeste dénouement. C’en était fini, il le savait, les larmes ruisselaient sur ses joues et son cerveau ne traitait plus que la moitié des informations présentes autour de lui. Il aperçut les professeurs Callagan et Bridge passant devant la salle pour railler une nouvelle fois le professeur Harper de sarcasme. Mais à la vue de son visage déconfit et anéanti, ils poursuivirent leur chemin. Le professeur Harper, la mort dans l’âme, rassembla ses affaires, sans y mettre ni ordre ni soin. Sa vue était embrumée, ses gestes incertains. Avec tout le mal du monde, il quitta l’université pour se rendre, sans détour, à son foyer réconfortant.
La route du retour lui parut une éternité. Toutes ces années de travail, en vain. La honte, la colère, le désespoir et un profond chagrin se mélangeaient dans son esprit déjà torturé. Il était enfermé dans les tourments des questions qui l’assaillaient.
Le professeur Harper entra, la tête baissée, les épaules tombantes dans sa petite maison d’Oxford. Il laissa dégringoler ses affaires, s’allongea et son esprit s’assombrit plus encore.
Martin, entendant le professeur Harper entrer, courra jusqu’à son cabinet, créant une tempête sur son passage, avide de connaître le dénouement de l’affaire et de lui montrer ses propres découvertes.
Martin s’arrêta net devant son oncle à l’allure hébétée et au regard vide.
Martin tendit le carnet au professeur Harper qui le récupéra sans à peine bouger, réajusta ses lunettes et se mit à lire.
« 28 avril 1909. Nous naviguons difficilement, les conditions sont extrêmes. Nous avons réussi à remonter jusqu’au point le plus au Nord-Est du Groenland. Nous sommes aux confins du monde. Malgré la bonne saison, le froid est mordant, terrible. Nous avons découvert une ouverture en forme de dent de loup dans la glace sous laquelle se trouvait une tache d’ombre d’une immensité incroyable, incommensurable. Nous en sommes maintenant certains, cette ombre n’est pas un artifice de la nature. Il y a quelque chose sous la glace, quelque chose qui effraye les marins au plus haut point. Nous ne pouvons nous approcher plus, l’équipage est affolé, nous sommes au bord d’une démence générale. Le capitaine est forcé de rallier l’Islande au plus vite. Ce qu’il y a sous la glace est, et doit rester, un mystère. L’équipage a fait le serment de ne rien révéler, pour le bien de l’humanité. La pensée même de ce que je qualifierais de monstre me glace le sang. Nous ne pouvons le comprendre. Ne vous en approchez sous aucun prétexte. »
Le professeur Harper ne montra aucune expression, rien ne semblait troubler la tristesse de son visage, comme s’il n’avait pas compris un mot de sa lecture. Puis, sans prévenir, ses sourcils se hissèrent sur son front, ses yeux s’écarquillèrent et tous les traits de son visage se tirèrent à l’excès. Se levant d’un bon, oubliant tous les dommages qu’il avait encaissés, il se retourna vers Martin qui le regardait avec la même lueur dans les yeux.
Sans que le professeur Harper ne puisse donner de réponse, Martin partit d’un bond dans sa chambre à l’étage. De son côté, le professeur était prêt et plus motivé que jamais. Il sortit d’un coffre accolé à la fenêtre une multitude de documents, cartes, et divers outils utiles à l’expédition qu’il déposa sur le bureau au centre de la pièce.
Il fit glisser son doigt sur le globe entreposé dans l’angle de la pièce pour tracer le trajet à accomplir, puis, appuyant d’un doigt sur l’Australie et d’un autre sur le Canada, le globe s’ouvrit en deux parties à la verticale. Il en récupéra un gros sac d’argent qu’il déposa avec le reste des affaires sur le bureau. Après avoir balayé la pièce du regard pour éviter tout oubli, il sortit du cabinet donnant directement sur la cuisine disposant d’une table à manger en son centre. Il se mit alors à préparer une appétissante dorade achetée quelques jours auparavant sur le marché.
Le repas fut servi dans une excitation extrême, Martin assommait le professeur Harper de mille questions concernant le voyage.
Assoiffé par ses explications, le professeur but son verre d’eau d’une traite et grignota un bout de son morceau de poisson. Il sentit le regard interrogateur de Martin qui attendait une réponse à sa dernière question.
Sur ces mots, le professeur se leva et débarrassa la table. Puis, il souhaita une bonne nuit à Martin et alla s’effondrer dans son lit, mort de fatigue.
Le réveil fut matinal pour le professeur Harper. Il enfila une chemise bleue boutonnée jusqu’au col, un veston bleu nuit sur lequel il accrocha sa montre à gousset, pantalon et blaser noir venant compléter sa tenue. Il entra dans la cuisine ou Martin l’attendait déjà un verre de thé à la main.
Sur ces mots ils partirent en direction de l’université. Sur la route ils regardaient les rues pavées, les lampadaires, les automobiles passant dans tous les sens. Ils ressentaient une certaine nostalgie à la vue de cette vie en mouvement qui leur semblait si banale quelques jours avant. Ils admiraient leur univers comme s’ils ne le reverraient plus jamais, savourant chaque son, chaque odeur, comme pour la première fois, ou la dernière. La matinée était calme, grise et nuageuse. Le professeur et Martin étaient tous deux dans les tréfonds de leurs pensées, n’échangeant aucune parole jusqu’à l’université.
Le professeur le regarda avec un sourire approbateur et entra dans le hall où se mélangeaient déjà professeurs et élèves. Il alla droit dans le bureau du doyen, frappa à sa lourde porte de bois et entra à son appel.
Le professeur se tenait droit comme un « i », dévisageant le doyen pour essayer de lire sur son visage une quelconque expression trahissant ses pensées. Mais le doyen, petit gringalet aux cheveux grisonnants, resta de marbre devant lui en continuant de fixer le professeur par-dessus ses lunettes, ne montrant aucun signe d’étonnement. Il ajouta simplement :
Le professeur, conscient du cadeau que le doyen venait de lui faire, lui tendit une main pleine d’amitié et de reconnaissance qu’il serra non sans chagrin. Le professeur se dirigea vers la porte, l’ouvrit et se retourna pour ajouter :
Harper se dirigea vers le laboratoire des sciences, à l’autre bout de l’université, en songeant « ça s’est plutôt bien passé… très bien même ! Je crois que le doyen Pirx m’affectionne en fin de compte. Il faudra que je pense à lui rendre la monnaie de sa pièce ».
Il traversa de longs couloirs bordés de colonnes en pierre de style gothique. Il passa devant la « Radcliff camera », la bibliothèque de l’université, dessinée par l’architecte James Gibbs. Ce bâtiment circulaire du style baroque anglais est l’un des plus riches au monde. Il possède un ouvrage de chaque livre édité dans le Royaume-Uni et y renferme aussi d’autres trésors tels que des dessins de Michel-Ange et Léonard de Vinci, ainsi que des tableaux de Picasso, entre autres. Le professeur admira ce joyau, le cœur serré.
Il entra dans le laboratoire et emballa soigneusement dans un sac tout ce dont il aurait besoin pour récolter des échantillons et procéder à des expériences sur place. Notamment plusieurs loupes, seringues, scalpels, ciseaux, pics et pinces à dissection. Ainsi que des éprouvettes graduées, béchers, ballons, pipettes et fioles jaugées en abondance. Il prit aussi un bec Bensen destiné à produire une flamme pour chauffer les préparations et stériliser le matériel.
Puis il repartit vers les grandes portes d’entrée en repassant une dernière fois devant sa salle de cours pour quitter, peut-être définitivement, ce lieu qu’il aimait plus que tout. Il fut arrêté dans son élan par les professeurs Bridge et Callagan adossés devant leur classe.
Le professeur Harper ne prit pas la peine de s’arrêter pour donner davantage d’explications. Il s’en voulait déjà de leur avoir livré d’aussi précieuses informations qu’il aurait préféré garder confidentielles. Mais son orgueil ne résista pas à la tentation et son visage esquissa un sourire de gloire et de fierté en passant les portes.
Pour lui le plus dur était fait. Il rentra dans sa petite maison en passant par la gare pour acheter deux tickets de train en direction de Londres. Départ le lendemain matin, dix heures. Il fit ensuite un détour par la boulangerie pour se procurer du pain de voyage et par l’épicerie pour récupérer quelques vivres utiles à son voyage. Il était joyeux, apaisé et enfin libre de poursuivre son rêve et, n’y a-t-il plus noble cause que la consécration d’un rêve ?
Il arriva en premier et se mit en hâte dans les préparatifs du départ. Il commença par remplir une malle de ses affaires les plus chaudes et d’y joindre les articles empruntés à l’université. Passant le reste de la journée à trier et organiser ses nombreuses cartes et documents.
Martin rentra à la tombée de la nuit et tomba sur un délicieux « bangers and mash », une sorte de saucisse servie avec de la purée et des oignons, posé sur la table.
Le professeur Harper ponctua sa phrase d’un clin d’œil et monta s’allonger. Le temps que Martin débarrasse, le professeur dormait déjà.
Dès sept heures, nos deux aventuriers étaient debout, préparant leur déjeuner constitué d’œufs, de bacon, de haricots blancs et de thé, tout en discutant science et météorologie. Le repas fut englouti à une vitesse folle et les préparatifs reprirent de plus belle. Mallettes et sacs encombraient déjà l’entrée. Martin emballa quelques livres et beaucoup d’affaires chaudes, il prit aussi la photo de ses parents ainsi qu’un cahier vierge et des crayons en quantité suffisante pour retranscrire leur expédition. À huit heures et demi, tout était fin prêt. Le professeur expliquait quelques termes nautiques quand quelqu’un frappa à la porte.
Le professeur ouvrit la porte et se retrouva face à Callagan et Bridge. Très surpris par cette visite inattendue, il resta muet. C’est le professeur Callagan qui brisa la glace :
Les deux confrères lui tendirent une carte et un compas.
Le professeur Harper, bien que troublé par ces offrandes inattendues, les accepta de bon cœur en promettant de ne pas oublier ses confrères le moment venu. Il leur serra chaleureusement la main.
Les deux collègues retournèrent dans leur voiture, non sans un ultime adieu, et repartirent à vive allure. Le taxi arriva au même instant devant la maison du professeur Harper.
Ils chargèrent le taxi des deux imposantes malles noires contenant les outils et les cartes. Deux autres sacs de voyage pour les habits furent ajoutés tant bien que mal dans la voiture qui ne pouvait supporter plus de chargement. Le professeur fit un dernier tour pour s’assurer d’aucun oubli, verrouilla sa porte d’entrée et glissa les clefs dans le pot de fleurs suspendu au côté de la porte.
Le trajet en voiture fut très bref, le chargement et le déchargement des bagages ont occupé plus de temps que le trajet en lui-même. Le voiturier fut grassement payé par le professeur Harper. Il fallut recommencer la même épreuve pour entrer dans le train et amasser tous les bagages. À peine ont-ils eu le temps de s’installer que les portes se refermèrent au coup de sifflet de dix heures. Le train prit de la vitesse dans un fabuleux vacarme. Le trajet laissa le temps au professeur d’analyser la carte du Groenland récemment offerte. La carte étalée sur la table ne cessa pas d’intriguer Martin et d’émerveiller le professeur qui répétait souvent à mi-voix « magnifique, splendide, excellent ».
Sans écouter la réponse, le professeur rangea toutes ses affaires. Quand il eut fini de replier la carte, le train s’arrêta à la gare de Londres à midi pile.
Le professeur et Martin se retrouvèrent dans la grande gare de London Bridge et traversèrent à contre-courant le flot des voyageurs pressés derrière les trains. Ils arrivèrent à la sortie de la gare. Martin fut émerveillé par la quantité et la diversité des Londoniens passant devant ses yeux. Beaucoup de véhicules encombraient la voie pavée sur laquelle se dressaient de grands bâtiments qu’il trouva très élégants. Des voitures allaient et venaient dans tous les sens ainsi que de grands bus rouges à deux étages que Martin connaissait, mais n’avait jamais encore vus. Il ne se lassait pas de regarder les gentlemen et les ladies tous très richement habillés. Parmi toute cette énergie en perpétuel mouvement, il aperçut au loin certaines personnes amputées d’un bras ou d’une jambe, derniers témoins d’une guerre cruelle qui a laissé sa marque sur ces hommes. Mais avant qu’il ne fasse part de son observation à son oncle, celui-ci brisa le silence :
Ils s’étaient déjà tous deux mis en marche dès que le professeur eut fini sa phrase. Ils arrivèrent très vite à la réception de l’hôtel où les accueillit un grand concierge fin et sec.