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Un futur angoissant. Une mémoire capricieuse. Un passé mystérieux. Lors d'une mission en Asie, Nicolas, archéologue, découvre un étrange objet qui va changer sa vie. Aidé de Manon, il va suivre la piste qui le mènera tout droit vers ses origines.
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Seitenzahl: 187
Veröffentlichungsjahr: 2023
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À Nicolas.
04:14
La mer de la mort
La caverne de jade
Luminescence
Le départ
Retour aux sources
Le laboratoire
Catalyse
Révélations
Origines
Les Tournesols
1987
Puzzle
Fernando
Séléné
La traversée
Epilogue
Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite et surtout sacrément hallucinante !
Mardi 14 septembre 2039, 04 :14.
Cloué au lit, le dos compressé sur le matelas, mes yeux étaient rivés sur le plafond. Les chiffres rouges projetés et dansant entre les pales transparentes du ventilateur étaient presque imprimés sur ma rétine.
04 :14.
Chaque matin depuis deux semaines, c’était la première chose que je voyais en ouvrant les yeux.
Immobile, les draps serrés entre mes doigts crispés et des gouttes de sueurs perlant sur mon front, j’étais comme hypnotisé par ces chiffres.
Une forte chaleur régnait en cette fin d’été 2039.
Depuis 2025, une canicule s’abattait chaque été sur la France. Cette nuit, la température était correcte : 38°C.
Pourtant, ce n’était pas l’atmosphère presque étouffante envahissant ma chambre qui provoquait mes récentes insomnies.
Depuis plusieurs mois, les maux de têtes s’amplifiaient, les trous de mémoire aussi. Jusqu’à maintenant, craignant la sentence des médecins et préférant ignorer la maladie, je n’avais jamais osé prendre rendez-vous.
Mais le 31 août dernier, lorsque mes yeux s’étaient ouverts à 04 :14, je ne savais plus qui j’étais, ni où je me trouvais. Complètement perdu et sans aucun repère, je m’étais laissé envahir par une angoisse grandissante.
Quelques secondes. Quelques minutes. Je n’avais aucune idée de la durée de cette crise. Mais lorsque j’avais réussi à émerger, ma décision était prise. L’après-midi même, un check-up complet m’attendait à l’hypercentre médical de l’agglopole de Rouen.
J’étais arrivé avec une quinzaine de minutes d’avance à mon rendez-vous. Le complexe médical ultramoderne avait été érigé en 2028 sur le même site que l’ancien centre hospitalier universitaire Charles Nicolle. Après de longues minutes d’errance dans un labyrinthe de corridors, j’avais enfin fini par trouver la réception du bâtiment alpha. En guise d’accueil, un simple dispositif de scanner rétinien. Après avoir approché mon visage du détecteur, un faisceau vert balaya mes yeux, puis une voix féminine de synthèse plutôt plaisante annonça par le haut-parleur :
— Monsieur Nicolas Lebaron, dossier 2039160891, salle d’examens préliminaires alpha-02, emplacement 4.
Sur l’écran, le résultat de l’examen ophtalmologique effectué en parallèle de mon identification s’afficha : 10 dixièmes à chaque œil.
Parfait.
Je suivis les indications fournis par la voix et rejoignis la salle d’examens située à quelques mètres de là.
La pièce, d’un blanc éclatant, contenait une dizaine de sièges ressemblant à s’y méprendre à des cocons. Chacun d’entre eux étaient numérotés et j’aperçus l’emplacement 4 juste en face de moi.
La décoration était minimaliste et, étonnamment, l’endroit presque vide. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas mis les pieds dans un hypercentre médical et je ne me sentais pas vraiment à mon aise dans un espace aussi épuré. Seules les caresses d’air frais provenant de la climatisation parvenaient à m’apaiser.
Les deux femmes déjà installées dans leur cocon ne prirent même pas la peine de lever les yeux sur moi, trop occupées à naviguer sur les tablettes tactiles laissées à disposition.
Je pris place, laissant la structure interne en mousse à mémoire de forme épouser aussitôt mon corps. Une fois confortablement installé, une musique douce et relaxante émergea des deux haut-parleurs situés de part et d’autre de ma tête. Puis, la même voix de synthèse qu’à la réception me transmis les instructions :
— Monsieur Lebaron, les examens préliminaires vont débuter. Veuillez apposer votre main sur le manoscanner afin que le système informatique de l’hypercentre démarre l’actualisation de votre dossier médical. Veillez à glisser votre index dans l’emplacement prévu pour le prélèvement sanguin.
La voix rassurante, la musique apaisante, le confort, tout ici était étudié pour détendre les patients. Le manoscanner pivota sur ma droite et je plaçai ma main sur l’empreinte moulée sur la tablette. J’insérai mon index dans la cavité puis un voyant vert apparut, indiquant le démarrage du téléchargement. La Micro-Puce Médicale implantée dans ma paume contenait tout mon historique de santé et surveillait entre autres ma tension et mon rythme cardiaque en temps réel. La voix angélique reprit :
— Monsieur Lebaron, le prélèvement sanguin va commencer dans quelques secondes. Vous allez sentir un léger picotement au bout de votre index. Une mise à jour du programme de votre micro-puce va être effectuée. Veuillez laisser votre main sur le manoscanner jusqu’à ce que le voyant s’éteigne.
A peine la phrase terminée, je sentis la fine aiguille perforer l’extrémité de mon index pour récolter une goutte de mon sang puis le dispositif y appliqua un gel cicatrisant. Le voyant disparut, je retirai ma main et le manoscanner retourna à sa position initiale.
— L’analyse de vos données est en cours. Veuillez patienter.
L’angoisse qui s’était peu à peu évaporée pendant les analyses reprenait progressivement le dessus. Je sentais les battements de mon cœur accélérer ainsi qu’un poids écrasant comprimer mes poumons à chaque inspiration.
— Monsieur Lebaron, les résultats de vos examens ont été transmis au docteur Sandoz. Veuillez-vous rendre dans la salle alpha-207 pour des analyses complémentaires. Merci et bonne journée.
Bonne journée… Comme si ça allait être une bonne journée. Des examens supplémentaires avec un médecin, c’était mauvais signe.
Je me levai de mon siège, pas assez lentement pour éviter un léger vertige, et sortis de la pièce. Face à moi, un long corridor blanc dont les parois étaient parsemées de portes en verre opaque. Avant de m’y engager, je pris le temps de consulter le plan virtuel du bâtiment. Derrière chaque porte se trouvait une salle d’examen complète munie des équipements les plus récents. Le bâtiment alpha de l’hypercentre, dans lequel je me trouvais, était entièrement consacré aux neurosciences. Le premier et le second étage se focalisaient sur l’étude du cerveau et dans cette partie du second étage, quinze salles d’examens étaient dédiées à l’étude des dysfonctionnements de la mémoire.
Sur le plan en trois dimensions, un point bleu indiquait ma position. Il me suffisait de sélectionner ma destination - la salle d’examen 207 - pour que mon trajet se matérialise sur le sol du corridor par une ligne lumineuse qu’il me suffisait de suivre. J’avançai donc calmement, lisant au fur et à mesure les écrans qui surmontaient chaque porte, puis arrivai devant l’entrée de la salle alpha-207. Installé à son bureau, j’aperçus le docteur Sandoz qui consultait un dossier sur son écran. Le jeune homme d’à peine trente ans tourna la tête et se leva pour m’accueillir.
* * *
Après une heure d’examens – questionnaires, tests de mémoire, et IRM – j’attendais les résultats, seul, assis sur une des chaises inconfortables d’une autre salle d’attente aseptisée. Le verdict, à la fois tant redouté et pressenti me fut annoncé par le docteur Sandoz en personne :
« Monsieur Lebaron, je suis désolé de vous l’annoncer… mais les analyses et les IRM sont formels : vous commencez à développer l’une des variantes de la maladie d’Alzheimer… »
16 :14, la voix du docteur résonnait encore dans ma tête.
Ce matin du 14 septembre, cela faisait donc deux semaines que mes yeux s’ouvraient à 04 :14, deux semaines que je savais que ma mémoire s’effaçait progressivement.
Cinquante-sept années allaient disparaître, et je ne pouvais rien empêcher, comme près de 80% de la population pour qui ce diagnostic était inéluctable.
En l’espace de quinze ans, la maladie d’Alzheimer était devenue la maladie du siècle. Des centaines de chercheurs travaillaient ensemble aux quatre coins du monde sur ses différentes formes afin de trouver un traitement efficace. Les recherches étaient financées par des fonds publics et privés, des dons et surtout grâce aux amendes phénoménales infligées en 2026 aux industriels de l’agro-alimentaire, qui utilisaient de manière démesurée certains additifs identifiés comme l’une des causes de la maladie. A l’heure actuelle, les recherches progressaient, des pistes existaient pour certaines variantes, mais toujours aucun traitement…
04 :15
Je clignai des yeux à plusieurs reprises et sentis au fur et à mesure mes mains lâcher prise sur les draps humides. Le courant d’air provenant du ventilateur acheva de me réveiller, pendant que les rideaux des fenêtres anti-calorifiques continuaient leur ballet.
Il était temps de se lever. Il faisait encore nuit dehors mais je ne voulais pas passer une journée de plus à me morfondre sur mon sort en restant allongé ici. Je me dirigeai vers la salle de bain, effleurai l’interrupteur tactile et, après avoir pris le temps d’éponger mon front humide, observai mon visage quelques secondes dans le miroir. J’avais déjà vu ce visage si fatigué au cours de ma vie, ce que je considérai comme une bonne nouvelle étant donné que je m’en souvenais.
Encore à moitié endormi, j’effleurai à nouveau l’interrupteur et quittai la pièce.
En traversant de nouveau ma chambre, je sentis que l’air était devenu subitement plus lourd. Blasé, je levai la tête juste à temps pour voir les pales du ventilateur cesser leur course effrénée.
Une coupure de courant… encore.
Depuis des années, la presque totalité des ressources énergétiques était destinée aux hypercentres médicaux des différentes agglopoles, aux institutions éducatives et aux systèmes de transport gérés par la Société Européenne de Transport. La S.E.T. était née en 2027 de la fusion de l’ensemble des sociétés de transport des 34 pays de l’Union, suite à l’entrée en vigueur de l’interdiction de la fabrication, la commercialisation et l’utilisation des véhicules personnels motorisés. Leur premier succès fut la mise en service de l’ULTram en 2029, un tramway urbain et en grande partie aérien dont la structure se composait de cellules photovoltaïques alimentant les rames.
Certaines infrastructures restaient malgré tout très gourmandes en énergie. Et le revers de la médaille était qu’en cas de surplus de consommation, les quartiers des agglopoles devaient sacrifier alternativement des minutes voire des heures d’énergie.
Plongé dans l’obscurité, j’ouvris le tiroir de la table de nuit pour saisir ma lampe et me dirigeai vers la cuisine. Malgré l’heure très matinale, je commençais à avoir faim. Pas la peine d’ouvrir le réfrigérateur, je ne l’utilisais plus depuis des années. Avec la fréquence des coupures de courant dans le quartier, difficile de conserver des aliments au frais. Je sortis donc un bol, le paquet de céréales entamé la veille ainsi qu’un sachet de lait en poudre et de l’eau filtrée.
Une fois mon petit-déjeuner préparé, je rejoignis le salon et me posai sur le sofa.
Mon salon était minuscule, mais l’absence de mobilier le rendait presque spacieux. Hormis le sofa, une petite table et une plante desséchée près de la fenêtre, il n’y avait rien. La plupart des éléments qui constituaient mon ancien logement étaient entreposés dans ce qui, à l’origine, devait me servir de bureau. Mais lors de mon emménagement, je n’avais pas eu le courage de déballer et de ranger la totalité de mes affaires. Depuis, la pièce la plus vaste de l’appartement faisait office de débarras. En cinq ans, j’avais dû y pénétrer moins d’une dizaine de fois, explorant le contenu des cartons à la recherche d’objets la plupart du temps introuvables. A chaque fois, ces petites missions m’avaient rappelé de nombreux souvenirs, semblables à ceux qui s’échappaient de ma mémoire en ce moment même.
Perdu dans mes pensées, la cuillère figée devant la bouche, je clignai des yeux et repris conscience. Sur le sol, quelques pétales de céréales ramollies émergeaient d’une petite mare de lait.
L’horloge de la cuisine indiquait 06 :34. Alors que quelques secondes semblaient s’être écoulées, le jour avait eu le temps de se lever, tout comme la ville. Pendant ce temps, tous les muscles de mon corps s’étaient crispés.
Après avoir pris le temps de m’étirer quelques secondes, j’abandonnai mon bol à moitié vide sur la table et décidai d’utiliser dès maintenant vingt de mes cinquante litres d’eau quotidienne pour prendre une douche. En traversant la pièce, je remarquai que tous les ventilateurs de l’appartement fonctionnaient de nouveau, indiquant le retour du courant.
Arrivé dans la salle de bain, j’ôtai mon caleçon imprégné de sueur, enjambai le rebord de la baignoire et m’assis sur le tapis antidérapant qui en recouvrait le fond. Je programmai le boîtier sur vingt litres, ouvris le robinet et entendis l’eau parcourir les vieilles conduites de l’immeuble. Pendant quelques secondes, mis à part des claquements métalliques sourds, il ne se passa rien d’autre. A l’arrivée de la première goutte d’eau, j’en récupérai un peu au creux de ma main et me mouillai légèrement la nuque. Quelques gouttes glissèrent le long de mon cou, zigzagant entre le léger relief de mes marques de naissance.
Au nombre de cinq et de la taille d’une petite pièce de monnaie, elles étaient disposées de façon régulière, à la manière de pétales formant le dessin d’une fleur. Je répétai mon geste et constatai l’étrange couleur de l’eau. Il me semblait l’avoir déjà remarqué il y a quelques temps et avoir pris la décision de changer le filtre. Visiblement, j’avais oublié…
Les gouttes qui s’écoulaient le long de mon corps avaient à peine le temps de me rafraîchir qu’elles avaient déjà presque disparues. Heureusement, la majeure partie était recyclée, filtrée et stockée à nouveau dans la réserve. Je fermai alors les yeux quelques instants, profitant de cet agréable moment à durée déterminée.
Lorsque j’ouvris les yeux, l’eau ne coulait déjà plus. Je me relevai lentement, afin d’éviter d’avoir des vertiges, et ressortis de la baignoire, le corps de nouveau moite à cause de la chaleur. J’enfilai un caleçon propre et me dirigeai vers la cuisine. Malgré l’heure très matinale, je commençais à avoir faim. Pas la peine d’ouvrir le réfrigérateur, je ne l’utilisais plus depuis des années. Avec la fréquence des coupures de courant dans le quartier, difficile de conserver des aliments au frais. Je sortis donc un bol, le paquet de céréales entamé la veille ainsi qu’un sachet de lait en poudre et de l’eau filtrée.
Une fois mon petit-déjeuner préparé, je rejoignis le salon et me posai sur le sofa.
Devant moi, sur la table basse, un autre bol à moitié vide. Je m’en souvenais maintenant, j’avais déjà pris mon petit-déjeuner ce matin…
Cette situation me troublait énormément et j’y pensais sans arrêt depuis deux semaines. Tous ces souvenirs accumulés, tous ces voyages à travers le monde, toutes ces découvertes, bref toute ma vie, …tout allait disparaître. Pour le moment, une grande partie était encore stockée dans ma mémoire. Mais bientôt, tout ne serait que chaos. Les seules traces cohérentes qui subsisteraient se trouvaient à l’intérieur des cartons entassés dans mon débarras. En effet, dans ces cartons, toute ma vie d’explorateur était soigneusement rangée sous forme de carnet, chaque carnet contenant tous les détails de chacune de mes expéditions.
D’un pas décidé, je me levai du sofa, déposai sur la table le second bol près du premier, et me dirigeai vers la porte close. J’en saisis la poignée et l’entrouvris, redécouvrant les montagnes de cartons empilés dans la pièce. Scrutant les boîtes pleines à craquer, le souvenir de m’être déjà retrouvé en état d’amnésie durant l’une de mes expéditions me revint aussitôt à l’esprit. Paradoxalement, cette expédition avait tant marqué ma vie qu’elle demeurait celle que je n’avais jamais pu oublier.
Une vague de chaleur jaillissant de la pièce me submergea alors, me heurtant de plein fouet malgré la température élevée régnant déjà dans l’appartement. La pièce, fermée depuis plus d’un an, était devenue un véritable sauna. Les yeux desséchés, je fermai les paupières le temps de les réhydrater.
La chaleur étouffante rendait ma respiration de plus en plus difficile. D’intenses picotements fouettaient mon visage tandis que j’ouvrais mes paupières avec difficulté. A travers les verres poussiéreux de mes lunettes, je peinais à distinguer quoique ce soit tant il faisait sombre. A chaque tentative, le plissement de mes yeux renforçait la douleur. J’avais l’impression que mon crâne allait exploser d’un moment à l’autre. Mon corps, quelque peu engourdi et presque écrasé sous le poids de mon sac, commençait à reprendre vie, laissant mes sensations revenir progressivement. Il me fallut plusieurs dizaines de secondes avant de me rendre compte que les doigts de ma main droite serraient quelque chose.
Allongé dans le sable, je relevai la tête avec précaution, profitant d’une accalmie pour chercher du regard un point de repère. Au loin, je finis par apercevoir les formes indistinctes d’un véhicule subissant stoïquement la tempête de sable qui s’était emparée du désert. Je ramenai mon bras vers moi et entraperçus l’objet en bois prisonnier de ma main.
Mes souvenirs étaient vagues et je ne savais pas comment j’avais atterri hors de ma Jeep. Malgré les lunettes et le bandana qui recouvraient mon visage, le sable fin dispersé par les rafales semblait s’insérer de toutes parts. J’avais les lèvres très sèches, et la soif semblait vouloir concurrencer le concert de percussions qui se jouait dans ma tête. Si je ne voulais pas mourir de déshydratation ou d’asphyxie, il fallait que je retourne vite me mettre à l’abri.
Je m’encourageai mentalement à me relever et ne réussis qu’après plusieurs essais, tant le mal de crâne se renforçait. Une fois debout, je luttai pour parcourir la distance qui me séparait de la Jeep, essayant en vain de me protéger des vents violents qui me malmenaient et transformaient chaque centimètre en mètre.
J’ouvris la lourde portière et me faufilai, le souffle court, dans l’habitacle en partie recouvert d’une fine couche de sable. Après m’être enfermé, j’arrachai mon bandana, libérai de ma main le morceau de bois que je tenais toujours, saisis ma gourde et en vidai près de la moitié en quelques gorgées. J’imbibai ensuite le morceau de tissu et le posai sur mon front pour tenter de me soulager. Je restai ainsi quelques minutes, bercé par le bruit des tourbillons de poussières qui s’abîmaient sur la carrosserie.
Les yeux clos, je repensais déjà à ma destination finale : Kashgar. Cette ville, qui fut le point de jonction des routes de la soie du nord et du sud pendant deux siècles, avait su garder sa vocation première : le commerce. Je m’y rendais dans l’espoir d’obtenir des renseignements de la part des commerçants, en particulier lors du fameux marché dominical. Connu comme étant le plus gros marché d’Asie centrale, il réunissait des marchands venant de tous les pays alentours, véritable mine d’informations.
Alors que je refaisais l’inventaire des questions que j’allais poser sur place, la tempête commença à perdre en intensité.
* * *
Tôt le matin, j’avais quitté la ville-oasis de Koutcha, située au nord du désert du Taklamakan. Sur place, je m’étais rendu dans les grottes de Kizil, faisant partie des plus anciennes grottes bouddhistes connues de Chine, afin d’y étudier quelques fresques. J’espérai y trouver des pistes sur la localisation d’un original des Jātaka datant du deuxième siècle après Jésus Christ.
Selon mes informations, un exemplaire du recueil, rédigé en pâli, aurait été dissimulé dans l’une des villesoasis entourant le Taklamakan au cours de ce même siècle. J’étais arrivé quelques jours plus tôt en Chine et Koutcha était mon point de départ. J’y étais resté quatre jours et les indices trouvés sur place m’avaient conduit à prendre la route pour rejoindre Kashgar.
D’après le GPS, il restait un peu plus de quatre cents kilomètres à parcourir sur les sept cents qui séparaient Koutcha de Kashgar. Le ciel était clair, la température extérieure écrasante et des lignes floues enveloppaient l’horizon. Dans la voiture, la climatisation tournait à bloc. J’avais dépassé la ville d’Aksou depuis une cinquantaine de kilomètres quand la boîte de vitesse, plutôt rigide depuis le départ, craqua une dernière fois et finit par rendre l’âme.
— Génial, vraiment génial, dis-je d’un ton las en me parlant à moi-même.
J’insistai un peu, mais la voiture s’immobilisa dans un hurlement plaintif au milieu de nulle part.
Je regardai ma montre : 11h16.
J’avais roulé presque six heures sans m’arrêter et même si j’aurais préféré choisir le moment, une pause allait me faire du bien.
Je laissai le moteur tourner pour continuer à profiter de la climatisation et commençai à fouiller dans la boîte à gants. La veille, j’y avais rangé les papiers sur lesquels figuraient les coordonnées de la société de location. Une fois le contrat trouvé, je sortis le téléphone satellite de mon sac-à-dos et composai le numéro. Après trois essais infructueux, je tombai enfin sur quelqu’un. Il m’expliqua dans un pseudo-anglais qu’un de ses employés se trouvait à Aksou et pourrait venir me dépanner d’ici une heure.
J’avais donc une heure à tuer et décidai d’attraper mon carnet pour relire une partie de mes notes. Depuis mon départ dix jours plus tôt, la couverture en cuir brun avait plutôt souffert et la moitié du carnet était déjà remplie.
Vingt minutes s’étaient écoulées depuis mon appel et je commençai déjà à m’impatienter, tapotant frénétiquement mes doigts sur le volant. Afin de m’occuper l’esprit, je ressortis le téléphone satellite et parcourus les photos prises la veille à Koutcha. De temps à autre, je balayais du regard les environs avec l’espoir de voir arriver en avance l’employé de la société de location.
Alors que je revenais à mon passe-temps, un violent éclat lumineux provenant du désert traversa le pare-brise et m’aveugla malgré mes lunettes de soleil. Surpris et presque sonné, je protégeai instinctivement mes yeux avec une main puis entrepris de déterminer la source du phénomène. Je me décalai sur le siège passager afin de ne plus être ébloui, ouvris les paupières avec prudence et distinguai au loin, à un peu plus d’une cinquantaine de mètres, une forme sombre et indistincte sur le sable. Intrigué, je sortis les jumelles de mon sac et mis quelques secondes à faire la mise au point.
L’objet, planté dans le sable telle Excalibur dans son rocher, ressemblait à un simple morceau de bois. En l’examinant mieux, je vis qu’il était sculpté et couvert de marques de couleurs vives. Une pierre y était incrustée, sans doute la cause de mon éblouissement. Il n’en fallut pas plus pour attiser ma curiosité. Malgré les taches persistantes qui altéraient encore ma vision j’étais presque content d’avoir trouvé une « « mission » à laquelle me consacrer. J’accrochai mon téléphone à ma ceinture, attrapai mon sac à dos et ouvris la portière de la Jeep. Une vague de chaleur s’immisça dans la voiture et me coupa la respiration. Il valait mieux que je laisse le moteur de la voiture tourner pendant ma petite