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Jeanne écrit pour tendre vers l’infini. Dès qu’elle pose la plume, son esprit rêve du paradis. Elle plane alors au-dessus d’une page, au bout d’un passage, d’un chapitre, pour finalement tomber amoureuse du personnage qui l’habite. Sur les traces d’un bonheur solitaire, téméraire, étonnant, à contre-courant, découvrez son histoire et ses multiples tournants.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Benoit Asselin écrit pour améliorer le paysage de l’esprit et disposer des éléments indésirables qui bousculent l’humanité. Par ailleurs, il est auteur de plusieurs livres dont
La dérive des anges et
La turbulence des anges.
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Seitenzahl: 109
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Benoit Asselin
Tout sur Marcel
Roman
© Lys Bleu Éditions – Benoit Asselin
ISBN : 979-10-377-6175-0
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Du même auteur
La colombe de sang,
Le Lys bleu éditions, 2019 ;
Le vertige de l’oiseau,
Le Lys bleu éditions, 2019 ;
Les versants d’épilobes
, Le Lys bleu éditions, 2019 ;
La mue des anges
, Le Lys bleu éditions, 2019 ;
La dérive des anges,
Le Lys bleu éditions, 2019 ;
La turbulence des anges
, Le Lys bleu éditions, 2020 ;
Les chemins de l’imaginaire
, b.a. ba édition, 2019 ;
Un nu main de nature
, b.a. ba édition, 2021.
Le scribe est un guide, le livre, une zone libre.
L’intégration sociale, culturelle et civique commence par un quelconque parcours scolaire, par un chemin pédagogique qui permet d’aiguiser son jugement face à l’arbitraire. Il faut donc fournir des ailes aux enfants s’ils veulent voler en toute sécurité. C’est ce qu’on a offert à Jeanne et, aux dires de ses parents, l’école est un moyen conséquent pour faire carrière.
Pendant des années, Jeanne a fréquenté les meilleures écoles de la ville pour affronter, de manière positive, un monde aux multiples facettes. Malgré cela, honoré par l’offrande d’une fenêtre grande ouverte, l’alizé l’a emportée. Jeanne n’a pas terminé son droit. L’ancre s’est décrochée. Jeanne a quitté les bancs de l’université bien avant le parfum des lilas. Elle a tout balancé pour se consacrer à redéfinir les règles, les conventions et les lois. Elle a tout remis en question pour finalement quitter la faculté, sur le vent.
Aujourd’hui, Jeanne est une artiste accomplie. Elle peint. Elle dessine. Elle griffonne. Elle écrit de la poésie. Mais elle est surtout connue pour les mers qu’elle interprète, des mers qu’elle fait naître sur papier, des mers peu connues qu’elle agite dans un amalgame de bleus.
Jeanne possède un atelier amarré au centième étage d’un édifice prestigieux. Une tour de bureaux qui lui sert de quai pour observer les nuances du ciel. Un gratte-ciel qui plonge dans une mer infinie, dans un ciel tout bleu qui sert, à lui seul, de mer à ses yeux. Bien évidemment, c’est une vue de l’esprit, car Jeanne s’en prend surtout à ses mots qui tempête sur l’écran. L’écriture est un monde libre. Un monde bien vivant. Un monde que l’on invente et que l’on réinvente. Un monde où l’on revoit la direction du vent, où l’on interrompt subitement une averse, où l’on stoppe une nuée pour profiter plus longuement d’une éclaircie manifeste.
L’écriture est un monde imparfait. Un monde où l’on apprend. Un monde incertain cousu de fil blanc. Un monde où l’on passe le fil de l’imaginaire par le chas d’une folie passagère. L’écriture est une émotion. Une pulsion contrôlée que l’on transcrit du bout des doigts. Pour la cerner. Pour l’examiner. Pour ensuite la réfléchir avant de la greffer solidement à l’esprit d’un récit.
Écrire, c’est faire vibrer une suite de lettres que l’on jumelle sur une ligne, une ligne sympathique. Une corde de sécurité qui relie l’imaginaire à la réalité. Écrire c’est nouer un ordre alphabétique à un quelconque mousqueton et sur cette ascension phonétique, à terme, l’autrice sifflote. Elle sifflote un instant. Elle sourit à la seule idée d’avoir pu tisser un vers ingénieux sur une ligne poétique.
***
Jour de spleen et manque d’inspiration. Le regard de Jeanne flâne en silence sur la ligne d’horizon. C’est un silence qui lui convient. C’est le complice du moment qui révèle ses secrets dans un film muet. C’est un silence éloquent qui donne envie au funambule d’accepter une vie sans filet. Ça donne envie de partir, de partir en vacances, d’accepter les délices d’une parfaite indolence, de se planter devant l’écran et de broder les contours de l’itinérance autour d’un couple attachant.
Ça donne envie de raconter une histoire. Une histoire en trois volumes. Ça donne envie de raconter l’histoire d’une plume, d’une main magique, du magicien des mots qui tire un lapin de son chapeau. Ça donne envie de raconter l’histoire d’un grand bonheur, d’un bonheur étonnant, d’un bonheur à contre-courant, d’un bonheur infini inspiré par un tour de magie et l’histoire qu’elle choisit est celle de deux amoureux et d’un amour improbable. L’histoire d’un homme en cavale qui traîne sa passion sur une trame musicale.
Ce serait une montée progressive. Une montée verticale. L’histoire d’un amant qui préfère les pas de la valse plutôt que pointer ses erreurs dans un ballet intérieur. Et l’aventure, dans un style convenu, se terminerait sur un long baiser, un baiser amoureux. Un baiser brûlant. À l’évidence, un déjà-vu. Mais, oh, combien payant !
***
Jeanne ne dort plus. En fait, Jeanne n’arrive plus à dormir normalement. Le jour, elle s’écrase. Elle s’effondre partout où elle passe. Parce que la nuit, elle veille. Elle tourne dans son lit. Elle tourne, puis elle se retourne à l’infini. Elle est continuellement en train de méditer. À méditer sous l’eau, plongée dans ses pensées, à savoir quand jeter l’ancre sur le bon mot à utiliser.
Pris d’un tournis continuel, Jeanne se retrouve sur le dos. Bien réveillé. Consciente. Sur les rails. L’esprit allumé. En état d’avancer. Les yeux grands ouverts. Elle est assez éveillée pour feindre la nuit et aller voler ses étoiles. Néanmoins, dans une ultime tentative, elle ferme les yeux. Elle ferme les yeux pour calmer le jeu. Pour ressentir la montée progressive de la fatigue et retrouver son sommeil.
Elle s’est convaincue qu’elle finira par s’endormir, qu’elle trouvera son repos à l’aide d’un simple passage arithmétique. Et, c’est lorsqu’elle complète l’addition des moutons qu’elle commence à douter de cette ambition. Tout au bout de la lignée, elle se lève, fatiguée de jongler avec l’animal domestique.
Elle se lève la nuit. Sans bruit. Elle ouvre son portable afin de libérer les mots séquestrés par l’esprit. Elle n’arrive plus à dormir, sauf le jour, quand les phrases triturées sur l’écran se sont démembrées à force de tenter d’en faire un roman.
***
Dès l’équinoxe de septembre, les ombres sont là. Affamés. Prêts à dévorer sa journée. Prêt à bouffer les traits de lumière qui subsistent de l’été. Bref, Jeanne appréhende constamment l’invasion brutale des jours courts, l’assaut annuel qui domine, peu à peu, le rival lumineux du mois d’août.
Dès qu’ils se présentent, même si le jour ne veille plus que par un pauvre lumignon, elle cherche un second souffle, le souffle qui lui permettra d’oxygéner ce qu’il reste de braise pour illuminer sa folie. Dès qu’il se lève, même si le jour n’est plus qu’une légère éclaircie, elle profite de ses reflets pour s’éclairer l’esprit, pour dénouer, tant bien que mal, le nœud hivernal qui s’oppose à ses activités.
Sans régie efficace, Jeanne se soigne à l’idée de pouvoir oblitérer la nuit avec une averse d’étoiles. Une pluie suspendue qui veille son terreau. Un terreau d’où germe un semis d’artifices. Un feu de Bengale. Un feu jouissif. Une flamme vivante. Une étoile filante. Un feu qui brille suffisamment longtemps pour remplacer la grisaille et le froid par une abondance de fleurs de forsythia. L’hiver, elle passe ses journées bien enfoncée dans une chaise capitonnée. L’hiver, elle cultive des fleurs de givres sur une fenêtre gelée. L’hiver l’ennuie, à l’exception de cette longue période d’écriture qui éclaire ses nuits et qui illumine son esprit.
Autrement, Jeanne lit. Jeanne a un faible pour les auteurs contemporains, pour les contestataires de tout poil, pour les rebelles agréables qui donnent surtout dans la marge. Elle aime particulièrement les subversifs, les fugitifs, les spécialistes de l’évasion qui définissent l’escapade comme une sortie qui permet d’échapper à ses obligations. Jeanne aime les anarchistes. Les auteurs libres. Les furtifs. Les lettrés un tantinet obsédés par la perfection et qui cherchent, à tout prix, à s’éloigner de toute catégorisation.
Jeanne aime les romanciers qui participent à la littérature pour protester, pour qu’ils dévoilent leurs champs d’intérêt, pour s’en nourrir et utiliser leurs mots pour s’en servir comme levier. Jeanne aime les livres cadencés, rythmés, animés, servis par une écriture directe et mature, pour la clé qui s’y trouve, pour lever les verrous, pour les portes qui s’entrouvrent et qui mènent à la désinvolture.
Sa liberté, Jeanne l’a gagnée bien autrement que par ses mains. C’est son esprit qui fait d’elle une affranchie, une souveraine, une femme libre, libérée du Malin.
***
Jeanne déteste faire du surplace. Elle déteste faire du surplace parce qu’à force d’espérer, son corps s’enlise. Elle disparaît. Elle s’efface. Elle s’obscurcit. En conséquence, les mots tant chéris restent muets. Sans sens. Sans direction. En silence. Jusqu’à ses lettres qui s’inversent dans l’alphabet. Jeanne est fatiguée de corriger et de surligner ses déficiences. Jeanne est une autrice, certes, mais, par instants, dans cette aventure, elle joue les naufragés. Elle joue les noyés abandonnés au milieu d’une page blanche.
Jeanne est épuisée. Jeanne n’a pas de sujets. Jeanne n’a plus de sujets. Ce n’est pas par manque d’inspiration, c’est plutôt lié au fil de l’inventivité qui ne supporte plus le poids de l’imagination. Quoique cette nuit, elle dispose de trois mots. Trois mots libres. Trois mots détachés. Trois mots de trop. Trois mots bien légers pour scénariser le fil de ses pensées.
De ces trois mots, elle tire nerveusement sur le début d’un propos. Au bout d’une phrase, elle s’impatiente. Elle risque gros. À l’évidence, elle tente sa chance. Elle noircit l’écran de points et de majuscules pour cerner une idée. Une idée, de prime abord, minuscule. Une idée retenue bien qu’elle évolue. Mais, à terme, elle efface tout. C’est mauvais. Totalement farfelu. Car le génie qui sommeille reste menotté au fond de sa bouteille.
Il fait toujours nuit. Jeanne reprend une gorgée de café. Un café noir pour s’éclaircir l’esprit. Puis, elle pianote à nouveau sur les touches du clavier. De nouveaux mots surgissent. Des mots pressés, des mots de passage, des mots qui étonnent. Des mots qui ne mènent à rien et, pourtant, à la fin, le résultat la déboulonne.
Sur l’écran, elle se réinvente. Elle renoue avec la folie. Une folie singulière, du plus sombre au plus clair, de l’amour à la guerre. Tout au bout de sa nuit, elle découvre son récit. Un récit singulier. Un récit d’abord fondé sur trois mots. Trois jolis mots qui ont bien voulu s’endimancher, car lorsque l’ancre s’est levée, le style a largué ses cordages. Les moteurs ont grondé et la bête a surfé sur le mouvement de la vague. Alors, la Capitaine a passé en seconde. Son imagination a fendu la mer et, finalement, la romancière est sortie de l’ombre.
Ceci dit, par l’écrit, Jeanne amplifie le refrain des sirènes. Elle retient les élans de la mer et les récentes victoires du Malin. Elle allume les feux de la Lune et remet l’amour à la Une. À l’aide du clavier, Jeanne divague sur les mots. Elle divague pour garder la tête hors de l’eau.
***
Jeanne a un rêve récurrent qui meuble toutes ses nuits. Pour attirer les lecteurs, elle pêche aux vers pour capter l’attention des rêveurs. Elle voudrait avoir plus de facilité à l’écrit. Jeanne est une autrice, certes, mais elle pêche, un à un, les mots à la ligne pour qu’ils colorent ses récits. Et lorsque ça mord, lorsqu’on l’aime ou qu’on l’adore, elle joue les héros. Cependant, dès l’aube, dès l’aube suivant, lorsqu’elle se relit, elle reste muette. Muette comme une carpe. Le sujet est mauvais. Alors, fière comme un paon, sans hésiter, avant que le navire ne s’échoue, Jeanne efface tout. C’est ainsi qu’elle retourne au clavier. Elle s’y reprend cent fois avant de publier quoi que ce soit.
Jeanne apparaît de nouveau dès que ses doigts retrouvent le clavier. Jeanne est un oiseau. Elle naît d’une plume et d’une encre éclatante, d’une encre truffée d’expressions, d’humours, d’images et d’imagination. Elle écrit pour tendre vers l’infini et dès que sa prose s’affirme, son esprit prend aussitôt son envol pour le paradis. Elle plane alors au-dessus des nuages. Elle plane au bout d’un passage, d’un chapitre, pour finalement tomber amoureuse du personnage qui l’habite.
C’est ainsi qu’elle tente de travestir la réalité au prix de quelques supercheries. Elle écrit pour tenter d’accéder au sommet de la gloire, de la gloire passagère, de la gloire éphémère, celle de l’écrivaine qui découvre, au bout du tunnel, un jet de lumière.
Jeanne écrit aussi sur le sable. Elle écrit sur la plage pour laisser une trace. C’est la démarche singulière du libre hère pour que son art subsiste au-delà de sa vie. À l’évidence, c’est une empreinte momentanée, une empreinte éphémère parce qu’une vague littéraire viendra certainement noyer sa dernière nouveauté dans le remous singulier d’un auteur plus largement encensé.