Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Un soir, en franchissant le seuil de sa maison, Yon Raudal est stupéfait de découvrir un homme, qui lui ressemble en tous points, assis dans son salon. Cet homme est son parfait sosie, et une sensation étrange les lie, une énergie commune les traverse. L'homme lui révèle alors qu'il vient d'un univers parallèle. Une histoire folle, n'est-ce pas ? Pourtant, la réalité se révèle bien plus surprenante. Cette étrange rencontre marque le début d'une traque haletante à la poursuite d'un psychopathe qui a franchi les frontières de l'autre dimension.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Philippe Donato a un penchant pour l'évasion vers d'autres réalités, d'autres univers. Avec son tout premier roman, il nous plonge dans une intrigue où la science-fiction fusionne avec la vie de tous les jours.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 580
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jean Philippe Donato
Transfuge
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean Philippe Donato
ISBN :979-10-422-1390-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mon épouse Catherine,
soutien indéfectible…
J’étais confortablement assise sur la terrasse du Victoria, restaurant du Pau Golf Club 1856, connu pour être le plus ancien golf du continent, ce qui signifie : hors îles britanniques. Le PGC 1856 est un très beau parcours et devant moi, je pouvais voir, sur ma droite, les joueurs en train de prendre le départ du trou numéro 1, et en face de moi, le green du 18, où à cet instant, un joueur n’en finissait pas d’essayer de lire les lignes des pentes, l’enjeu devait être de taille, au moins une tournée au bar.
Le lieu étant fort agréable et ayant encore un moment devant moi avant le cours suivant, je profitais des rayons du soleil. J’enseigne ici depuis quelques mois. Un retour aux sources, le Pau Golf Club est le club où j’ai pu découvrir l’activité, je m’y suis entraînée jusqu’à l’obtention de mon droit de jeu sur le circuit européen féminin. J’y connais beaucoup de monde.
C’est là que j’ai aperçu Jean-Philippe, membre du club que j’ai croisé plusieurs fois, sur le parcours et aussi dans mes cours. Il était venu pour discuter avec moi et notre échange s’est porté, entre autres, sur mon parcours professionnel. Nous avons bien sûr parlé de mes victoires sur le circuit européen féminin, dont l’Open de France, de la suite, de mes choix personnels, des écoles de golf, etc. Et Jean-Philippe en est venu à la motivation principale de cette rencontre non fortuite. Il m’a dit avoir écrit un roman et en regardant la couverture, il ne fallait pas être devin pour imaginer que quelque part à un moment donné, il allait parler de golf. Il m’a résumé l’histoire et donné la raison pour laquelle il s’adressait à moi. Il m’a proposé de lire ce livre et m’a demandé, si j’étais d’accord, pour préfacer son roman. J’ai trouvé l’idée très sympathique. J’ai déjà eu l’occasion de préfacer un ouvrage, mais c’était un livre traitant de techniques spécifiques au swing de golf. Là, on en était bien loin puisque ce roman est avant tout une enquête et traque d’un individu sur fond de science-fiction, rien à voir avec la prise du grip ou encore du back swing. Cela m’a plu et je me suis prise au jeu. Le livre est très bien mené avec des personnages bien décrits et plutôt sympas. On voyage et il y a effectivement du golf, mais pas tout de suite dans l’histoire.
Je ne peux rien vous révéler de plus sans lâcher trop d’informations sur la résolution de l’intrigue. C’est toujours un exercice difficile que de parler d’un livre en ne parlant pas trop de l’histoire, de ce point de vue, une préface pour un livre technique est plus simple. Je peux juste ajouter que chaque joueuse ou joueur a ses qualités propres et bien sûr ses défauts et que tout cela fait pour chacun de nous comme une signature, il suffit de regarder quelques joueurs célèbres…
Pour en savoir plus, je vous laisse lire le livre et j’espère que vous aurez autant de plaisir à le lire que moi.
Stéphanie Arricau
Gi décrocha le collier de la patère de la porte d’entrée. À côté de lui, Maya, sa chienne labrador, faisait des bonds.
Il passa le collier, saisit la longe et vissa sa casquette sur la tête.
La balade matinale faisait partie d’un rituel instauré au fil des années. Cela donnait à Gi une motivation de se bouger les fesses aux premières heures du jour au lieu de tourner en rond dans la maison. Il s’agissait, aussi, d’un plaisir évident pour Maya qui avait toujours envie de se dépenser sur les chemins, et ça, malgré le grand jardin clos de Gi, où elle pouvait courir à souhait après les merles et les papillons.
La balade habituelle traversait la campagne environnante. Au coin de sa propriété, Gi emprunta un petit chemin le long d’une haie qui bordait un champ de maïs, et menait à un muret dégagé des ronces et des hautes herbes. À cet endroit, les pierres avaient roulé au sol, laissant suffisamment de place pour traverser le muret sans encombre et rejoindre le champ voisin. Une petite barrière en bois, juste posée contre les pierres, bloquait symboliquement l’accès à la propriété. Maya s’impatientait, ils continuèrent leur promenade. Un peu plus loin le chemin devenait suffisamment large pour permettre le passage de véhicules agricoles et au bout, se trouvait la route départementale avec son flux continu de voitures.
Le ciel restait gris, dessinant une ambiance plutôt morose. La bruine succédait maintenant à la pluie et Gi se dit qu’avec un peu de chance cela allait bientôt se calmer. Après tout, la météo du journal, distribué de bon matin, annonçait une belle journée. Gi regarda le ciel. Vers l’Ouest la prévision semblait vouloir se réaliser, les nuages filaient à bonne allure. À l’Est, le soleil encore voilé trouvait de plus en plus de place pour laisser passer ses rayons.
Encore heureux, les chemins, même détrempés, étaient étonnamment peu boueux.
Maya faisait ses allées et venues, les oreilles dégoulinantes et la langue pendante sur le côté. Arrivée auprès de Gi, elle tournait le pas pour un nouveau galop sur le chemin.
Gi sortit sa pipe de la poche. Il préparait toujours une pipe qu’il bourrait avant la promenade, pour n’avoir qu’à l’allumer le moment venu. Il s’autorisait deux pipes par jour, celle-ci et une au moment du thé, en milieu d’après-midi.
Un peu plus loin, une grande haie de rhododendrons commençait à fleurir. Instant magique où le rose fuchsia s’installait un peu plus tous les jours, participant au plaisir de Gi de choisir cet itinéraire.
Maya aboya puis marqua le pas… Elle vint vers lui puis repartit au même endroit, se recula puis aboya à nouveau.
Au mot « chat », Maya le regarda en dressant les oreilles, elle aboya à nouveau,piaffant après sa découverte.
Gi s’approcha.
Il s’approcha, la pipe à la main, sa chienne resta en retrait. Giécarta une branche fleurie de rhododendron, il apercevait bien un truc dans les hautes herbes…
Il s’approcha un peu plus, se pencha pour mieux voir. Il resta figé.
Il attrapa une branche, la cassa et s’en servit comme bâton pour dégager autour de l’objet.
Pas de doute, ce n’était pas une blague.
Il regarda sa chienne couchée de l’autre côté du chemin et sortit son téléphone portable.
Au bout de quelques secondes.
Comme tous les jours de l’année, l’aéroport de Mérignac semblait bondé. Yon se faufilait entre les passagers qui gagnaient, comme lui, à pas rapides, le terminal principal. Il venait de débarquer de son vol arrivant de Charles de Gaulle.
« Enfin ! Bientôt à la maison » était la seule idée capable d’occuper son esprit. Paris avait été juste une escale de plus ; il venait de Tokyo après un magnifique séjour d’une douzaine de jours et des moments inoubliables avec sa fille Jenny.
Un peu plus de quinze heures dans l’avion avec une escale à Amsterdam commençaient à fissurer sa patience. Même si la classe Business, particulièrement confortable, permettait de dormir un peu.
Il imaginait maintenant une bonne douche et pensait au moelleux de son oreiller. Image qui le fit sourire.
Suivant le flot des voyageurs, il se dirigea vers la salle de livraison des bagages et comme les autres passagers, il marqua le pas devant l’écran où devait s’afficher, d’un moment à l’autre, le numéro du vol et du tapis. Cette attente supplémentaire commençait à l’agacer. Puis le tapis 7 fut annoncé. Cohue !
Estelle s’était positionnée à un endroit stratégique. De là, elle guettait toutes les personnes prenant l’escalator ou les escaliers. Elle aperçut Yon et alla à sa rencontre.
Pendant leurs échanges, la valise pointa son nez sur le tapis et commença à tourner. Yon l’attrapa, et avec Estelle se dirigea vers la sortie.
Yon recula le siège passager et se mit à l’aise, Estelle déboîta, pour s’insérer dans le flot des véhicules et rejoindre le circulaire. L’horloge de bord pointait presque dix-sept heures, l’heure de sortie des bureaux avec une circulation très dense, comme si tous les Bordelais s’étaient donné le mot pour se rejoindre et passer un moment ensemble sur le périphérique.
Le trajet jusqu’à l’appartement de Yon prendrait un bon moment. Estelle savait dans quel quartier il habitait, sans pour autant connaître l’adresse, Yon la guiderait.
Estelle eut un petit sourire.
Estelle se concentra sur la route et se tut, elle avait du mal à dire le nom. Yon n’était pas dupe, que l’on vienne directement le chercher à l’aéroport l’impliquait d’une manière ou d’une autre.
Estelle le regarda dans les yeux…
Yon restait sans voix. Pierre Nizo est, où peut-être était son meilleur ami, et ce, depuis leur adolescence. Tous les deux avaient fait carrière dans les forces de l’ordre. Yon dans la Gendarmerie, et Pierre dans la Police. Ils gardaient toujours le contact même si les affectations les séparaient, Yon, maintenant à Bordeaux et Pierre, momentanément détaché à Lyon.
Yon resta un moment silencieux, assaillit par des images du passé. Pierre était effectivement un grand gaillard qui taquinait les deux mètres, baraqué, belle gueule et surtout, très sympa, son pote quoi. Yon n’en revenait pas.
Yon, lui, prit le poignet.
Un silence s’installa dans la voiture. Yon regardait par la vitre de la portière, mais son regard portait dans le vide. Le conducteur de la voiture d’à côté, qui avançait au même pas, fut très gêné lorsqu’il vit Yon tourné vers lui alors qu’il se curait allègrement le nez. Yon ne le voyait même pas, tout à ses pensées.
Estelle ne renchérit pas, laissant Yon digérer la chose. Elle put finalement prendre l’accès menant au centre-ville. Yon habitait un appartement donnant sur la Garonne, en plein centre de Bordeaux. Il leur fallut encore un bon quart d’heure pour arriver à l’adresse qu’il lui avait donnée.
Arrivés à deux cents mètres de la place des Quinconces, quai Louis XVIII.
Hésitante, elle ne répondit pas tout de suite.
Ils empruntèrent une porte qui menait au grand hall d’entrée, grimpèrent deux étages à pied en prenant un escalier monumental, oubliant l’ascenseur trônant au milieu.
Chaque palier desservait deux appartements, Yon ouvrit la porte de droite, une magnifique grande porte en bois travaillée, l’arbre qui cache la forêt.
Estelle s’avança.
Il s’éclipsa dans sa chambre, jeta toutes ses vêtements dans une corbeille et se réfugia sous la douche. D’abord, de l’eau chaude pour dénouer les tensions musculaires accumulées, et il passa à l’eau moins chaude, puis plus fraîche pour se redonner un peu de vigueur… Une dernière rasade d’eau froide lui remit les idées en place.
Il passa un jean et un polo et regagna le salon pieds nus. Estelle avait, elle aussi, tombé les baskets. Lovée sur un des canapés, elle tenait une canette de bière sud-américaine et contemplait la pièce ;posant çà et là son regard sur des statues grandeur nature, divers objets ou tableaux.
L’air songeur, Yon se servit un grand whisky. Contrairement à d’habitude, il laissa tomber trois glaçons au fond du verre en cristal, un délit de lèse-majesté pour un Glenfarclas 15 ans d’âge, son préféré. Il rejoignit Estelle sur le canapé.
Ils restèrent un bon moment à ne rien dire… Se regardèrent et levèrent leurs verres…
L’appel bascula directement sur la boîte vocale. Il écouta le message.
« Bonjour ! C’est Elina, je ne suis pas là pour le moment, laissez-moi un message et je vous rappellerai… ou pas… Ciao ! »
Yon resta songeur, posa son mobile sur la table du salon.
La regardant droit dans les yeux.
Un silence s’installa, Estelle se pelotonna sur le canapé, tandis que Yon se leva pour faire les cent pas dans le salon, les mains dans les poches arrière de son jean.
Yon s’étira et but une nouvelle gorgée, il regarda Estelle.
Ils discutèrent encore un bon moment et Estelle prit congé, avec la promesse d’être là le lendemain matin, entre 8 h et 9 h.
Yon prit, au congélateur, la barquette d’un plat cuisiné, qu’il passa au micro-ondes. À son tour, il ouvrit une canette de bière. La faim n’était pas au rendez-vous et il ne termina pas son plat, pourtant délicieux, cuisiné maison.
Dix minutes plus tard, ayant éteint les lumières, il se glissa sous la couette et s’endormit immédiatement.
Huit heures pétantes, le portable de Yon vibra alors qu’il était en train de mettre son sac de voyage dans l’entrée. Estelle venait d’arriver devant l’immeuble dans sa mini.
Yon ouvrit la porte du garage pour qu’elle y laisse sa voiture.
Estelle monta les escaliers et trouva la porte entrouverte, pénétra dans l’appartement.
Yon, dans la cuisine, venait de préparer du café, Estelle y déposa un sachet de viennoiseries.
Ils prirent leur temps pour ce petit-déjeuner et vers neuf heures, décidèrent qu’il fallait y aller. Ils descendirent dans le garage et Yon ouvrit sa voiture à distance.
Trente-cinq minutes plus tard, la Porsche dépassait le pont qui enjambe la Garonne avec une circulation plutôt fluide malgré de nombreux poids lourds, ça roulait bien. Le GPS donnait un peu moins de six cents kilomètres pour un peu plus de cinq heures.
Elle sortit son mobile et commença à tapoter.
Estelle acquiesça, espérant seulement que cela puisse rentrer dans son budget. Visiblement Yon et elle, ne jouaient pas dans la même catégorie financière. Yon ajouta :
Estelle éclata de rire. C’était bien joué cette diversion.
Ensemble, ils rirent, cela leur fit du bien, de s’échapper des tensions.
Estelle baissa légèrement le dossier.
Elle le trouva, le mit et se laissa aller, bercée par le ronronnement puissant du bolide.
Yon se concentra sur la route, il laissa néanmoins quelques regards s’échapper sur les jambes d’Estelle. Elle avait enfilé une robe d’été… Il la trouvait vraiment ravissante.
Estelle refit son apparition, une heure plus tard, le paysage n’avait guère changé, elle bailla, tenta de s’étirer dans l’habitacle.
Yon choisit une aire de service, un grand nombre de conducteurs avaient opté pour une pause, mais Yon trouva où se garer. Il réfléchit un instant, se demandant si la période ne comptait pas des vacances scolaires, ce qui expliquerait tous ces véhicules sur la route et sur cette aire. A priori, il n’y avait pas d’embouteillage à l’horizon, route sèche, même si le temps semblait virer, les nuages jouant à cache-cache avec le soleil.
Yon avait l’habitude de couper par le marais poitevin, évitant ainsi Niort. Une route zigzaguant entre les canaux, bien plus agréable que l’autoroute.
Ils s’arrêtèrent à la Repentie où ils prirent un café en terrasse. À une table voisine, une famille d’Allemands scrutait la carte du restaurant avec grande attention. La mère jouait l’interprète et traduisait pour tout le monde.
Yon les avait vus arriver du débarcadère d’où partent les barques pour les excursions au milieu des marais.
Ils reprirent la route, pour rattraper plus loin le tronçon d’autoroute menant à Nantes. Après un peu plus d’une heure, ils firent de nouveau une halte, cette fois pour déjeuner. Ils parlèrent de Pierre, et évoquèrent à nouveau leurs souvenirs respectifs.
Nous étions une bande de copains. L’un d’eux, Hanley, était le fils d’un riche industriel. Un jour, il nous a tous invités aux Keys où son père possédait une magnifique propriété donnant sur la mer, quand je te dis magnifique… Au pied de la demeure, il y avait un grand ponton privé avec d’un côté le yacht à papa, dans les 20 mètres environ, un joli bateau quoi ! et de l’autre côté du quai, le bateau de Hanley, un voilier de neuf mètres. On est resté à peu près une semaine et on a passé notre temps à faire les andouilles en mer sur son bateau. On partait au large, on plongeait depuis le bateau.
Un après-midi, alors qu’on se baignait, on a aperçu des ailerons de requins qui fonçaient sur nous. On est tous remonté à bord, sauf Hanley qui s’est mis à paniquer, il était en train de se noyer, il criait, battait la flotte autour de lui, alors j’ai plongé pour le ramener.
Plus tard, Hanley a fini par entrer dans l’entreprise de papa. Il a fait toutes les conneries que l’argent facile pouvait lui permettre. La vie à fond la caisse. On se voyait à l’occasion de ses passages en France. Il faisait toujours un détour pour passer me voir. Il y a cinq ans, à pousser tout ce qu’il faisait à la limite du possible, il a eu un grave accident de moto, il s’est littéralement encastré dans un talus, et depuis, il est dans un fauteuil roulant. Lorsqu’il a su que j’étais muté à Bordeaux, il m’a prêté cet appartement, disant qu’il n’y viendrait probablement plus, que je pouvais l’utiliser comme je le voulais, pour le temps que je voulais. Une manière de régler ce qu’il estimait être une dette envers moi ; ce qui est stupide, mais c’est sympa de sa part et ça lui faisait vraiment plaisir.
Estelle lui toucha le bras, sans rien dire. Alors que le serveur s’avançait vers leur table.
Après ce déjeuner léger et sans alcool, ils rejoignirent la Porsche de Yon. Ils reprirent la route jusqu’à leur destination sans nouvel arrêt.
Le ciel s’était éclairci, plus aucun nuage à l’horizon. Et vers seize heures.
Yon gara son cabriolet sur le petit parking sous les arbres à côté du bâtiment. Ils ne s’étaient pas embarrassés de bagages, chacun portant un sac de sport et un petit sac à dos. Yon, en parfait gentleman, se chargea des sacs, ce qui fit sourire Estelle. Ensemble ils se dirigèrent vers l’accueil.
Une ravissante hôtesse les accueillit.
Elle saisit le léger mouvement de sourcil de Yon et avant qu’il n’ait eu le temps de parler
Après avoir pris les coordonnées bancaires, elle donna à chacun d’eux, une clé munie d’un lourd porte-clés en forme d’éléphant stylisé.
Elle les précéda et les guida jusqu’à leurs chambres. Estelle juste au niveau du hall, Yon à l’étage.
Yon laissa tomber son sac sur le petit canapé dans le coin de la chambre, en fit le tour et alla dans la salle de douche et ressortit sur la coursive pour rejoindre la suite d’Estelle et taper à sa porte.
Elle lui ouvrit avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Yon regagna sa chambre, la suite Bangalore, magnifiquement décorée avec un grand lit orné d’une structure en bois travaillé dans l’esprit baldaquin.
Il se débarrassa de ses chaussures et s’allongea sur le lit, les bras derrière la tête. Le lit était grand et confortable. Il resta un moment à contempler le plafond et se dit qu’il valait mieux qu’il bouge, sinon il serait tenté de fermer les yeux et ne tarderait pas à s’endormir. Il passa dans la salle de douche, il y avait bien une baignoire, mais celle-ci trônait comme élément décoratif dans un coin de la chambre. Il s’aspergea le visage avec de l’eau bien fraîche.
Son regard croisa son reflet dans la glace, il se dévisagea un instant. « Ben mon gars ! T’as une sale gueule ! On ne dirait pas que tu rentres de vacances ! »
Il passa dans la chambre, posa son sac sur le bout du lit recouvert par un lai de tissu prévu à cet effet. Il n’arrivait pas à comprendre les personnes qui posent leurs sacs directement sur le lit ou même les draps, alors que le sac en question a été posé un peu partout et parfois même dans des endroits pas très propres.
Il passa un maillot de bain, prit dans son sac une paire de tongs, il enfila un peignoir de bain trouvé dans l’armoire de la salle de douche et sortit sur la coursive pour descendre à la piscine.
Estelle s’installa sur son lit et passa un petit coup de fil à son amoureux, Louis.
Elle l’aimait beaucoup son Louis, avec son prénom d’un autre âge. Il était toujours aux petits soins, il s’inquiétait pour elle et son enquête qui la menait en Bretagne. Elle évita de parler de Yon. Inutile de susciter une jalousie injustifiée. Elle aimait bien Yon, mais il était juste un collègue. Avec lui, elle partageait un ami cher, et comme lui, elle désirait avoir le fin mot de cette sordide histoire, point barre ! Après des bisous virtuels par télécom, ils raccrochèrent en même temps.
Elle fit de même que Yon, et passa un maillot de bain. Toujours avoir un maillot lors d’un déplacement. Elle prit les pantoufles trop grandes, en éponge, proposées par l’hôtel, et s’emmitoufla dans un peignoir, lui aussi, trop grand pour elle, avant de descendre à la piscine.
Yon jouait au dauphin, nageant sous l’eau pour ne prendre qu’une respiration de part et d’autre du bassin.
C’était la première fois qu’elle le voyait autrement qu’habillé. Bien bronzé, assez costaud avec de beaux abdominaux et de légères poignées d’amour. Pas trop poilu, mais pas imberbe non plus. Quand il sortit de l’eau, il souriait, elle put le mater en douce. Yon avait de belles jambes musclées, elle n’aimait pas les hommes avec des cannes de serins, poilus de partout ou encore avec un gros bide. Yon de ce côté-là était vraiment plutôt pas mal comme mec.
Estelle laissa tomber son peignoir sur le transat libre à côté de celui choisi par Yon et se dirigea vers le bassin. Estelle était vraiment très belle. Elle ramena ses longs cheveux noirs en chignons avant de se baigner. Yon la regarda appréciant ses formes. Estelle savait qu’il la détaillait à son tour, cela faisait partie du jeu, elle fit comme si de rien n’était. Elle prit les marches pour descendre et apprécia la douce température de l’eau.
Il remit son peignoir et s’éclipsa, pour revenir quelques minutes plus tard avec un plateau qu’il déposa sur une petite table entre les transats.
Cela les fit rire. Ils avaient l’air d’un parfait couple d’amoureux. Chacun étant attentif à l’autre.
Yon rejoignit Estelle dans le bain et ils y restèrent un bon moment, à faire trempette comme disait Yon. Ils avaient déniché deux frites de piscine et se prélassaient, se laissant aller au gré des mouvements de l’eau.
Vers dix-huit heures trente, ils quittèrent l’hôtel. Yon avait décapoté la Porsche. Ils mirent moins de vingt minutes pour rejoindre le centre de Quimper et Yon eut la chance de trouver tout de suite une place libre sur le quai de l’Odet, juste au pied de la cathédrale Saint Corentin.
Ils déambulèrent dans les rues, encore animées à cette heure de la journée. Des touristes partout faisant le tour des magasins encore ouverts. Ils allèrent jusqu’aux halles, prirent la rue Kéréon, poussèrent jusqu’à la rue du Chapeau rouge pour bifurquer au hasard dans la rue du Paradis… Ils marquèrent le pas et se regardèrent à la vue du nom de la rue.
Il regarda autour de lui.
Tranquillement ils reprirent le chemin pour rejoindre les quais.
Elle le regarda, lui sourit. N’était-il pas en train de lui faire du rentre-dedans ?
Ils reprirent la voiture. Cette fois Yon ne décapota pas, il faisait légèrement plus frais. Il prit la Direction de Kervilien, suivit la route en passant par Le Pen Merz et bifurqua quelques kilomètres plus loin sur la gauche pour passer le portail du Golf de Kerbernez.
Le Golf de Kerbernez avait longtemps été la propriété d’une association jusqu’à il y a quatre ans où un jeune passionné millionnaire avait proposé de le racheter et d’en faire un des hôtels-restaurants les plus recherchés de la Région. Le Golf de neuf trous allait devenir sous peu, un dix-huit trous. Les différentes bâtisses avaient été restaurées, le manoir central, mais aussi l’ensemble des bâtiments, de manière à proposer des chambres spacieuses et luxueuses pour clients exigeants. Le restaurant n’était pas en reste, un Chef y proposait des mets régionaux mêlés avec des pointes d’exotisme à coup d’épices relevant les fruits de mers, ce qui faisait le bonheur des clients.
Le parking bordé d’une allée de lumière offrait une belle perspective sur le bâtiment central, qui faisait aussi office de club house du Golf. L’ensemble avait été magnifiquement restauré. Deux suites encadraientl’ancienne serre couvrant une fontaine où coulait langoureusement de l’eau au milieu de mousse et de fleurs.
Ils prirent sur la droite et entrèrent dans un jardin couvert par une immense verrière, la salle de restaurant. C’était à couper le souffle. Il y avait déjà pas mal de clients, mais dans ce jardin, tout paraissait intime, magnifique, végétal.
Ils furent accueillis par un maître d’hôtel qui les accompagna à une table dans la partie centrale, entourée de plantes et de fleurs.
Ce dernier se retourna…
Erwan était un séducteur né. Beau gosse aux yeux verts, il faisait toujours beaucoup d’effet à la gent féminine, il avait la voix grave, sensuelle et savait en jouer.
Ils n’eurent pas le temps d’en dire plus qu’une bouteille de champagne fit son apparition sur le coin de la table avec deux flûtes.
Le serveur emplit les flûtes alors qu’une autre personne déposait quelques amuse-gueules dont il expliqua la conception avant de s’éclipser à son tour.
Le dîner fut excellent « imagination autour du homard », la bouteille de champagne ne suffisant pas, Yon en commanda une nouvelle.
Ils n’étaient pas très frais au sortir de la table.
Yon hésita un instant entre appeler un taxi et se risquer à prendre le volant. Il opta pour reprendre sa voiture. Il savait que ce n’était pas bien, que c’était un brin dangereux, et comme bien des hommes, il pensait que ça irait. Il se promit de rouler doucement et de faire attention.
Il était presque minuit lorsqu’ils arrivèrent à l’hôtel, sans encombre et sans souci, mais il suffit d’une fois.
Ils ne s’attardèrent pas à palabrer. Une fois le hall passé, Estelle déposa un gros bisou sur la joue de Yon, le remercia pour l’agréable soirée. Ils se souhaitèrent une bonne nuit et chacun regagna sa chambre.
Tous les deux eurent à peu près le même rituel : ils passèrent à la salle de bain pour une douche rapide et se préparer pour la nuit, tous les deux mirent leurs téléphones mobiles en charge après avoir balayé SMS et mails, tous les deux éteignirent rapidement la lumière pour plonger dans les bras de Morphée. Seul Yon ronfla…
Lorsque le mobile d’Estelle bipa, elle tendit le bras pour voir quelle heure il était. Six heures du matin, les mails commençaient à arriver. Elle prit l’oreiller et se le mit sur la tête, se promettant de profiter de cette excellente literie encore au moins une heure.
Yon s’était endormi comme un bébé, mais il avait néanmoins été très agité à beaucoup tourner dans le lit. À quatre heures trente du matin, les yeux grands ouverts, ne pouvant plus trouver le sommeil, il prit la copie du dossier d’enquête qu’Estelle s’était procuré.
Il commença à l’étudier, étala les photos sur le lit et lut le rapport du légiste puis le témoignage de l’italien ayant trouvé le pied de Pierre.
Le pied sectionné post mortem, le reste du corps n’avait pas été retrouvé. On ne savait pas grand-chose du périple de Pierre en Amérique du Sud. L’enquête menée par les collègues lyonnais ne donnait aucune piste évidente en lien avec une affaire.
L’Italien déclarait que son chien avait découvert le pied par hasard. Que ce serait-il passé si cela n’avait pas été le cas ?
Le fait que cette partie du corps ait été retrouvée au Purgatoire au fin fond de la Bretagne ressemblait à un message, mais lequel ? Pourquoi et pour qui ? Que des interrogations et quasiment aucune réponse.
La découverte remontait à quatre jours et l’enquête marquait le pas, sans aucune avancée depuis.
Yon consulta ses SMS et la messagerie vocale de son mobile et interrogea à distance le répondeur de son domicile, rien. Aucune nouvelle pour le moment d’Elina. Il s’inquiétait aussi pour elle.
Vers six heures du matin, Yon descendit à la réception, soudoya le gardien de nuit pour avoir un expresso et se rendit à la salle de gymnastique qui se résumait à peu près à un tapis de course. Ça lui allait bien. Il fit donc un footing de trente minutes à huit kilomètres à l’heure, pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais suffisant pour se faire une belle suée et se vider la tête. Ensuite, il remonta dans sa chambre pour une longue, longue douche.
Vers huit heures il descendit prendre le petit-déjeuner. Estelle était déjà installée à une table, un bol de café fumant, un jus d’orange fraîchement pressé et un bol de fromage blanc avec des céréales.
Elle jeta un regard amusé autour d’elle. Il y avait un couple qui petit-déjeunait, la soixantaine bien sonnée. Intrigués par le regard d’Estelle et de Yon à leur attention, ils cessèrent de parler et de manger.
Pour rompre ce silence de gêne, Yon leur souhaita le bonjour et leur demanda s’ils avaient bien dormi dans ce bel hôtel, question à laquelle ils répondirent par l’affirmative et se remirent à manger.
Il se leva, alla au buffet et se servit une copieuse assiette de saucisses, œufs brouillés, du bacon et du fromage, le tout accompagné de quelques toasts.
Il demanda du café noir à la serveuse arrivant en salle.
Elle tenait sa tasse entre ses deux mains et avec un sourire, elle attendait la suite.
Gabin aurait peut-être pu dire un truc comme ça… prenant le ton, « Môssieur ! Cette demoiselle est carrossée grand luxe ! Elle a tout ce qu’il faut où il faut et des manières… qui font que ces messieurs les Hommes perdent toute contenance… Oui Môssieur ! »
Blier aurait pu dire quelque chose comme « Monsieur Francis ! Si vous voyez cette donzelle, comment elle est roulée Princesse, du monde au balcon, mais pas trop, juste pour vous faire perdre l’esprit et lorsqu’elle marche la courbe de ses reins et son déhanchement, du pur bonheur pour les yeux… Mais attention, on n’est pas dans du vulgaire là… de la grande classe, la compagnie idéale pour aller parader à Vincennes pour le prix de Diane ! Ah Monsieur Francis, si j’avais encore ma jeunesse ! »
Redevenant sérieuse.
Ils finirent leur petit-déjeuner et décidèrent de se retrouver à neuf heures et demie à la réception.
Yon passa vingt minutes sur sa tablette à lire et répondre à des mails. Il enrichit sa liste de choses à faire une fois de retour à Bordeaux. Et l’heure venue, il descendit à la réception. Estelle était déjà là. On dit que les femmes sont toujours en retard. Depuis deux jours, c’était toujours elle qui attendait.
Il fallut juste huit minutes pour rejoindre le Purgatoire. L’endroit était sympa, un beau coin de campagne. Yon avait entré l’adresse du sieur Buzzetti sur son GPS.
Une belle longère en pierre trônait au milieu d’un beau jardin orné de massifs de fleurs. Devant la maison, il y avait une table de jardin avec les fauteuils penchés pour éviter qu’une éventuelle pluie ne mouille l’assise. Estelle sonna au portail. La porte s’ouvrit et une chienne vint à leur rencontre au galop. On aurait pu croire qu’elle allait aboyer aux inconnus venus déranger la vie de la maisonnée, mais elle sautait en l’air, leur faisait la fête.
Un monsieur la suivait, intrigué par ces visiteurs.
Il appuya sur un bouton hors de portée des visiteurs et déclencha la gâche du portail, les fit entrer dans le jardin et les précéda.
Il les fit entrer dans le salon tout en longueur, et leur proposa de prendre place sur les canapés près de l’immense cheminée en granit. Pendant ce temps-là, le labrador virevoltait autour d’eux en recherche de caresses et de câlins…
Ils déclinèrent l’offre.
Giuseppe leur décrivit ce qui s’était passé avec le maximum de détails dont il pouvait se remémorer.
Allez Maya ! dit-il en prenant la laisse et le collier.
Inutile de faire un dessin à la chienne toujours prête. Il chaussa sa casquette et des lunettes de soleil et ouvrit la porte. C’est, arrivé au portail, qu’il attacha la laisse de la chienne et s’expliqua.
Il ne finit pas sa phrase pleine de tristes sous-entendus.
Il marqua un temps d’arrêt, songeur.
Yon et Estelle encadraient Gi, l’écoutant sans oser l’interrompre. Le vieil homme avait besoin de parler. Ils avaient franchi la petite barrière en bois et se trouvaient sur le chemin un peu plus large qui tournait légèrement à droite au niveau d’un mur de pierre. On distinguait un peu plus loin une belle propriété avec une immense haie de rhododendrons.
Ils continuèrent sur le chemin. La propriété était devant eux, sur leur gauche, Maya courait sur plusieurs dizaines de mètres, s’arrêtait, furetait sur une piste quelconque, jetait un regard en arrière pour voir si son maître était là et revenait en courant, elle tournait autour de lui et repartait de plus belle.
Yon et Estelle s’approchèrent, regardèrent le talus, une tache plus sombre accrocha le regard d’Estelle
Elle le lui tendit. Yon se pencha autant qu’il le put et attrapa le bout de bois, qu’il ramena sur le chemin. Tous les trois le regardèrent en silence. Une planche de bois d’environ quarante centimètres avec une inscription au marqueur noir et de part et d’autre, des croix.
« Il aurait dû crever en enfer ! ».
Ils se regardèrent sans rien dire, réfléchissant aux conséquences de la morbide trouvaille.
Le premier à parler fut Gi.
Estelle restait sans voix. Yon attrapa son Smartphone dans la poche arrière de son jean et appela la gendarmerie.
Il ne fallut pas longtemps pour qu’un véhicule banalisé se pointe au bout du chemin.
Yon pouvait apercevoir deux personnes à bord d’une Peugeot 308. La voiture ralentit et s’arrêta à une vingtaine de mètres de là. Deux personnes en sortirent et vinrent à leur rencontre.
Le plus grand se présenta comme étant le Commandant Le-Guellec de la Gendarmerie de Quimper, le second comme étant le Capitaine Jean Rouvière, des Stups de la brigade lyonnaise.
Un rapide tour de présentations fut fait pour répondre aux interrogations du Commandant Le-Guellec…
Maya était sagement assise à ses pieds et avançait sa truffe, tentée de renifler les mollets des nouveaux arrivants.
Yon lui montra la planchette qu’il avait reposée où il l’avait trouvée.
Le-Guellec sortit une paire de gants, après avoir pris quelques photos du lieu, la saisie, la regarda un moment et la glissa dans un grand sac plastique.
Il partit au bout du chemin, sans doute pour jeter un œil.
Yon s’adressa au collègue lyonnais.