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Charlotte, jeune fleuriste, rêvait d’une existence paisible et harmonieuse. Mais son amour pour Julien, d’abord teinté de promesses, s’est peu à peu transformé en un piège insidieux, l’enfermant dans une spirale de contrôle et de manipulation. Dans ce récit bouleversant, elle dévoile avec une sincérité poignante l’isolement, les doutes et la douleur qui ont marqué son quotidien. Pourtant, c’est l’amour inébranlable pour son enfant qui lui a donné la force de rompre ses chaînes, de se reconstruire et de redonner un sens à sa vie. Plus qu’un simple témoignage, ce texte est un appel à briser le silence, un phare d’espoir pour celles et ceux qui cherchent à se libérer des griffes de l’emprise.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Femme déterminée et mère dévouée,
Bénédicte Le Corre puise sa force dans les épreuves de la vie. À travers ce roman, elle explore avec sensibilité la survie face à la violence domestique et aux abus, tout en célébrant le courage de se reconstruire et de bâtir un avenir meilleur pour son enfant.
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Seitenzahl: 268
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Bénédicte Le Corre
Tu mérites un amour,
qui éloigne tous ces démons
qui t’empêchent de dormir
© Lys Bleu Éditions – Bénédicte Le Corre
ISBN : 979-10-422-6065-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mon fils,
Je t’aime.
Définition secrète de l’expression « Réussir sa vie » :
Rester authentique,
Aimer sans compter,
Offrir des sourires,
Dire bonjour au ciel
Et bonne nuit aux étoiles
Été 2007
Il y a 10 jours, le 24 juillet 2007, mon fils de 6 mois m’a été enlevé. C’était un mardi soir, j’attendais depuis plusieurs heures dans la rue en face de l’appartement que j’habite désormais. J’ai cru reconnaître son visage, c’était absurde, bien entendu : il avait un autre visage, et une autre démarche. Je me rattachais à cette silhouette par dépit mais surtout par incompréhension de ce qui se passait là, maintenant. J’avais besoin de vérifier.
D’en avoir le cœur net.
Fidèle à mes habitudes, j’étais de repos le matin, et je travaillais l’après-midi jusqu’à la fermeture du magasin où j’étais fleuriste.
C’était mon univers, ce métier qui m’a permis de m’épanouir et assouvir à mon excès de créativité. J’avais fait mon apprentissage à 15 ans. J’aimais les techniques, les évolutions artistiques, rien que le fait de voir ces beautés avec leurs multitudes de pétales, odeur…
Je me trouvais chanceuse de les mettre encore plus en valeur dans mes créations.
La vérité, si vous voulez que je vous dise, c’est que je ne suis jamais parvenue à me débarrasser de cette histoire, elle ne m’a jamais quittée, elle est là, quelque part, coincée dans les recoins de ma mémoire et resurgit de temps à autre. D’ailleurs, ce n’était pas la première fois que je me réveillais en sursaut la nuit, je me retrouve souvent aimantée par cette peur, cet étouffement qui m’empêche de crier.
De la culpabilité ? Celle de n’avoir rien vu venir.
Le lundi 16 juillet, Charlotte est allée au travail. Julien, son concubin, la harcelait de SMS.
Il était 10 h 03 : « Sil te plai mon cœur. Réponds-moi. Chui pas bien. Dis-moi carrément si tu veux ke Louis voit plus son papa et je te promets ke je me fout au talut. Comme ça vous serez trankil. C ça ke tu veux ? »
Puis à 11 h 04 : « Je t’aime, je t’aime. Tu me manke. Je ferai tout pour kon recommence. Dis-le-moi et je le ferai. Sil te plait mon cœur. T tout pour moi. »
C’était une jeune femme de 24 ans, qui aimait l’extravagance, qui assumait sa féminité, mais depuis lui elle était devenue triste. Ce midi-là, elle avait fini sa journée de travail. Elle avait décidé de mettre un terme à cette mascarade malsaine, qui la détruisait depuis plus d’un an, en prévenant leur propriétaire de leur future séparation.
Tout était plus clair pour elle, malgré la peur, mais une force la poussa à aller de l’avant, pour vivre.
Sur la route, Julien l’appela, elle évita de répondre, il était 12 h 09. Sur le message vocal, il pleurait, il voulait savoir ce qu’il avait fait pour qu’elle le quitte, selon ses dires il en avait marre, il voulait qu’elle lui réponde.
Elle était arrivée chez leur propriétaire, qui avait été averti par des habitants du bourg qu’il y avait des cris dans la nuit.
Charlotte lui expliqua que sa décision était rapide, mais que c’était avant tout pour le bien de son fils, afin qu’il vive à présent en sécurité, dans un milieu sain, sans crainte…
Cet homme fut compréhensif et bienveillant, et se permit de lui dire que Julien ne la méritait pas.
Il savait ce qu’elle endurait, puis par geste de sympathie et humain il passa sa main sur le visage humide de la jeune femme pour essuyer ses larmes.
Ce samedi 14 juillet, Charlotte s’est levée à 6 h pour préparer les affaires de Louis et remplir sa voiture de choses nécessaires. Cette mère était pétrifiée de fuir, mais elle n’avait pas le choix.
Un nœud dans l’estomac, elle n’avait pas dormi de la nuit, mais cela ne l’empêcha pas de se booster pour préparer son bébé. Malgré le stress qu’il ressentait, ce poupon était toujours réactif à ses chatouilles, sa petite bouille lui confirmait qu’ils avaient le droit au meilleur, et donc de quitter cet enfer.
Elle prit le volant, avec son nouveau-né attaché à l’arrière, pour fuir, et rejoindre ses parents. Ils s’étaient donné rendez-vous sur le parking de son travail. À leur arrivée, sa mère arriva vers eux en pleurs, tout comme Charlotte.
Elle était tellement triste de voir ses parents s’inquiéter pour elle.
Elle aurait tellement voulu être comme tous les autres couples, que l’on croise, qui paraissent heureux.
Pourquoi elle ?
Son père et sa mère avaient fait le déplacement pour garder Louis, leur petit-fils, le temps que leur fille puisse faire sa matinée de travail au magasin.
12 h 30, ils déjeunèrent ensemble.
Tout allait s’accélérer dans l’improvisation. Charlotte devait partir de chez elle, mais ils n’avaient pas de moyen pour tout transporter, et ils n’étaient pas nombreux. Alors ils décidèrent de solliciter un couple d’amis, qui accepta de les aider par solidarité et amitié, d’autant plus qu’ils possédaient un camion.
En attendant leur arrivée, sur leur conseil, Charlotte déclara à la gendarmerie qu’elle quittait ce jour le foyer conjugal, pour ne pas être en faute à l’égard du droit civil.
Tout semblait nécessaire, et cette démarche allait être une première étape primordiale pour sa reconstruction vers sa liberté.
Arrivée dans cette maison ancienne, tout était ouvert, retourné, piétiné, comme un cambriolage.
Julien était là, le rire narquois, grimaçant, toute la puissance de l’attentat sexuel. Il est parti rapidement, et pour cause, il s’était déjà servi dans les meubles, les jouets de son fils, et plus étrange que ce soit mais aussi en accaparant les sous-vêtements de Charlotte. Elle n’était pas surprise de cette attitude, et pourtant le matin, pour aller travailler, elle se souvenait d’avoir fermé toutes les portes et récupéré les clés. Mais il avait un coup d’avance sur elle, il avait forcé la porte du garage pour rentrer.
Son pouls s’accélérait, ses jambes tremblaient, elle était comme paralysée devant cet homme qui aimait avoir le dessus sur elle.
« Je me suis servi, je vais te dire un truc, tu ne trouveras pas mieux que moi. Pour info, je pars vivre chez Cyril mon collègue de boulot. »
Puis avec sa remorque chargée, il démarra en trombe.
Charlotte chargea avec ses amis le reste de ses affaires dans le camion. Une vie réduite dans des sacs poubelle, qui s’entassaient dans son nouvel appartement.
Il aimait avoir de l’emprise sur elle.
Puis dans la soirée, Julien lui envoya un message pour lui dire qu’il avait laissé ses affaires dans une remorque, chez son copain Cyril. Qu’il ne pouvait pas les lui ramener, car il était parti voir un feu d’artifice non loin.
Charlotte sonna à la porte et il n’y avait personne, ni de remorque. Il l’avait piégée, ridiculisée comme à son habitude.
Elle rentra chez elle retrouver Louis qui était gardé, elle se sentit enfin soulagée.
Elle avait eu le courage de le quitter.
Tout s’était passé si rapidement, elle avait encore un peu de mal à réaliser.
Était-elle enfin libre ?
Les jours suivants, par sécurité pour Louis, sa mamie le garda, pour que Charlotte puisse retourner au travail, et trouver une autre nounou.
La vie pouvait donner certaines révélations, peut-être pour accélérer la reconstruction, ou pour ne pas avoir de regrets.
Un soir en rentrant du travail, une venue inattendue arrivait pour Charlotte, son ex-beau-frère avec sa femme. Ils l’estimaient et souhaitaient lui avouer certaines choses.
Ils sont rentrés dans son nouvel appartement, où tout était en cours de rangement. Les secrets n’avaient plus lieu d’être, ils avouèrent à Charlotte que Julien la trompait avec son ex-compagne, mère de ses deux précédents enfants, depuis la naissance de Louis.
Cela faisait un moment, et pourtant elle n’avait rien vu.
Lui qui disait avoir toujours de la rancune envers cette femme, c’était faux.
La jeune femme était sous le choc, comment avait-elle été aussi naïve ? Encore une fois c’était un excellent manipulateur, et comédien, puisque devant Charlotte il l’insultait.
La nausée lui monta, comment pouvait-elle prétendre connaître cet homme, alors que finalement celui-ci vivait une double vie ?
Son comportement de pervers narcissique et son besoin de contrôle le poussaient même à envoyer des messages jusqu’à 00 h 57 à Charlotte :
« Tu me manke mon cœur. Je m’excuse de t’avoir fait du mal. Je veux kon recommence. S’il te plait. G pu aucune raison de vivre sans toi. Les sourires à Louis me manke énormément. Je suis nul. Je t’aime, je t’aime. Réponds-moi, je t’en prie. »
Tout commença le lundi 9 janvier 2006, Charlotte avait rendez-vous à 21 h, dans un bar à Lorient avec un homme avec qui elle avait sympathisé sur un réseau de tchat en ligne. Leurs conversations n’étaient jusqu’à présent que virtuelles. Elle ne savait pas grand-chose sur lui, mais un bon feeling s’était installé durant ces deux derniers mois.
Charlotte n’attendait rien de cette soirée, juste de continuer à sympathiser avec cet homme pour s’ouvrir au monde de Lorient. Parce que cela faisait deux ans qu’elle travaillait la semaine dans cette ville près de la mer, son cercle d’amis était néant, puisqu’elle retournait dans sa famille le week-end pour sortir avec ses amis.
Elle envisageait de s’intégrer un peu plus, de sortir, de rencontrer du monde, autre que des soirées restaurants ou bar avec ses collègues.
Comment je m’habille ? Bien sûr, cette question se repose invariablement, avec une anxiété mêlée d’impatience, d’attente et de joie.
Elle opta finalement pour une jupe mi-longue d’un ton caramel avec un pull cache-cœur rose pastel, et d’une paire de bottes vernis. Elle aimait être féminine, et ce rose allait parfaitement avec le rose poudré de son fard à paupières.
L’heure arriva, le stress monta comme pour un entretien d’embauche, et pourtant elle s’était déjà dit que si la soirée tournait mal elle partirait en inventant un motif quelconque.
Elle arriva en même temps que lui, le hasard les mettra côte à côte sur le parking, face au bar où ils s’étaient donné rendez-vous.
Charlotte l’accompagna sur la banquette en cuir, dans ce bar à l’esprit écossais, aux lumières tamisées, qui diffusait un match de foot.
La serveuse arriva dans la foulée prendre la commande, c’est alors que Charlotte en profita pour le regarder de plus près s’exprimer.
Il avait 27 ans, mesurait 1m70, les cheveux rasés de la même façon qu’un militaire. Il était vêtu d’un jeans assez moulant du style slim, un vieux pull en laine et d’une veste en cuir qui était bien plus grande que sa carrure.
Les premiers mots étaient difficiles à sortir, un peu intimidée ; que dire à une personne que l’on ne connaît pas ? Et il faut dire que c’est toujours plus facile de parler librement par message, que face à la personne…
Puis la confiance arriva assez rapidement entre les deux jeunes adultes. Charlotte savait qu’il s’était récemment séparé de sa copine, donc tout était clair et paraissait limpide.
Le questionnaire basique de rencontre pouvait commencer. Il était électricien dans une entreprise, près de Lorient, et parmi sa fratrie il était l’aîné de deux frères et deux sœurs.
Bien entendu, les questions se réitéraient pour la jeune femme. Charlotte avait 23 ans, elle était fleuriste depuis 8 années. Elle n’était pas seulement une commerçante qui aimait les fleurs, mais elle était aussi à sa manière une artiste. En effet, outre son sens commercial et sa technique, elle avait un véritable sens de l’esthétisme.
Son savoir-faire s’exerçait en toute saison et pour toutes les circonstances de la vie : baptême, mariage, décès.
Ses atouts étaient le mélange des essences, l’harmonie des formes et les mariages des couleurs.
Cependant, elle savait faire valoir sa créativité en matière de composition florale et de production personnalisée pour satisfaire les demandes de ses clients. Cela pouvait aller du bouquet offert lors d’un rendez-vous galant à la composition prestigieuse d’un dessus de cercueil ou d’un décor de table. Elle savait conseiller ses clients, tout paraissait essentiel et évident pour elle, même pour le choix d’une plante à racines ou une composition florale, par exemple. Charlotte était également l’aînée d’une sœur de 19 ans et de jumeaux, un garçon et une fille de 8 ans.
La bière et le coca arrivèrent. C’était un bar très fréquenté dans la région, dont la décoration reflétait le côté scottish et l’opulence. Un immense dôme en verre laissait pénétrer une lumière particulière sur les boiseries et les mosaïques qui décoraient la salle.
La pression commençait tout doucement à descendre, c’est alors avec un élan qu’elle lui demanda depuis combien de temps il s’était séparé de son ex-copine, et combien de temps leur relation avait-elle duré. Il se livra et lui raconta qu’ils s’étaient tous les deux rencontrés au lycée, elle avait 17 ans et lui 19 ans. Leurs parents sont devenus amis, leur relation dura six ans. Au bout de quelques années, ils ont habité ensemble en location. Et par la suite ils ont acheté une maison des années 40, qu’ils avaient pour objectif de rénover.
Charlotte lui parla de sa famille qui avait beaucoup d’importance pour elle. C’était une jeune femme qui avait un côté fleur bleue, qui recherchait le grand amour, le coup de foudre. Elle avait seulement vécu deux flirts, parce que tout simplement elle était effrayée de perdre son indépendance avec eux. Elle se plaisait dans sa routine, elle était autonome et mature, d’autant que ses anciennes relations n’avaient duré que très peu de temps.
L’ambiance était détendue entre ces jeunes adultes, le temps passa rapidement, une alchimie, avec une touche d’humour, réunit ce duo. La serveuse qui faisait le ménage les dérangea dans leur fou rire pour les prévenir que le bar fermait. Ce qui ne les empêcha pas de continuer à parler dehors, jusqu’à 5 h du matin.
Charlotte mit un terme à leur rendez-vous prolongé, car elle travaillait dans quatre heures. Elle le quitta avec une bise sur la joue. Au fond, elle espérait un message de sa part, pour lui dire ce qu’il avait pensé de la soirée en sa compagnie.
Et à ce moment précis la jeune femme reçut son retour qui lui disait qu’il souhaitait continuer à faire connaissance avec elle, et pour ce faire il l’attendrait le soir même dans un restaurant, en ajoutant qu’il avait hésité à l’embrasser. Il n’avait pas osé, parce qu’elle l’intimidait. Visiblement, le fait qu’elle soit sûre d’elle suscitait en lui de l’intérêt, l’affirmation de ses opinions éveillait en lui un bon nombre d’autres qualités.
Le lendemain, le mardi 10 janvier, le réveil fut compliqué. Elle avait dormi trois heures, la journée paraissait longue pour arriver au soir, au second rendez-vous.
Cette fois, elle opta pour une tenue noire, avec une jupe et un pull col roulé, sobre mais élégant.
Il l’attendait devant le restaurant, l’ambiance était de style montagnard, tout en bois, esprit chalet avec un feu de cheminée dont l’odeur des châtaignes dépaysa totalement le quotidien des clients.
Chacun dégusta son plat, puis soudainement Julien s’énerva parce que la serveuse l’avait surpris, ouvrant son paquet de cigarettes, elle voulait juste lui signaler que c’était non fumeur, mais il s’emporta, embarrassant son invitée.
Les regards se tournaient vers eux, ce qui la mettait mal à l’aise, mais le fait qu’ils n’aient pas beaucoup dormi tous les deux l’excusa.
La soirée se prolongea dans le bar d’à côté, et pour se dire au revoir après cette deuxième soirée découverte, ils s’embrassèrent spontanément. Elle avait la sensation de flotter, peut-être les symptômes d’un coup de cœur…
Une chose était sûre, elle se sentait bien dans son regard.
Mercredi 11, une fois de plus, elle n’a pas cessé de penser à lui, même au travail. Comme pour toutes nouvelles relations qui débutent, ils se sont envoyé des messages toute la journée. Elle le rejoignait dans la soirée afin de boire un café, même si elle n’avait pas mangé, tellement son estomac était noué, cette relation chamboulait ses habitudes, son état était tout à fait cohérent.
Toute la soirée, ce jeune couple qui était en train de naître se dévora des yeux, avec la fâcheuse habitude de rester jusqu’à la fermeture.
Jeudi 12, Charlotte partait le soir, après sa journée de travail, rejoindre sa famille pour le week-end comme elle le faisait habituellement. Après ses 72 heures explosives, c’était une sage décision d’avoir maintenu son départ, cela lui permettait de prendre un peu de recul, pour ne pas trop s’attacher, et éviter d’aller trop vite.
À sa sortie du magasin, il était là à l’attendre pour lui faire une surprise, et lui souhaiter un bon week-end.
Il y avait une attirance entre eux, il savait en jouer pour la déstabiliser. Tout se jouait avec son regard, ses gestes, ses petites attentions, elle se laissa aller en s’attachant déjà à lui, alors qu’elle ne le connaissait que depuis quelques heures. Elle était sensible à sa démarche, et les larmes coulèrent sur son visage.
Pourquoi ? Elle n’en savait rien. Peut-être la peur de ces nouveaux sentiments, mais aussi parce que c’était la première fois qu’un garçon lui faisait autant d’effet, et pourtant… Pour lui, cela flattait son ego, de la voir ainsi. Mais ça ne le laissait pas non plus insensible ; alors, tout simplement, il la serra dans ses bras, pour la réconforter, avant de lui dire au revoir.
Très tard dans la nuit, alors qu’elle était sortie avec sa bande d’amis, il continua à lui envoyer des messages. C’étaient des mots doux, mais très vite Charlotte allait être surprise, et redescendre sur terre.
Dans un de ses SMS, il lui disait qu’il avait quelque chose d’important à lui avouer, et qu’il craignait que cette nouvelle la fasse fuir, et lui porte par ailleurs préjudice. À la lecture du message, il était évident que cela allait l’interroger. En une fraction de seconde, elle pensa au pire, comme : la maladie ? La prison ? Ou alors qu’il était marié ?
Il voulait lui avouer un secret, donc elle en déduisait qu’il lui avait menti, et le mensonge c’était exactement ce qu’elle détestait le plus.
Au bout de dix minutes, il se lança avec un second message, qui lui expliquait qu’il avait déjà deux enfants, et qu’ils étaient en bas âge.
Ce fut de suite une incompréhension, et en même temps le sentiment d’avoir été piégée, parce qu’il se doutait qu’un feeling s’était installé entre eux.
Elle ne lui répondit pas de suite, pas par lâcheté, mais parce qu’elle n’avait jamais rencontré ce genre de situation auparavant. Mais en étant honnête avec elle-même, elle savait au fond que si elle l’avait su avant, elle n’aurait pas poursuivi leurs échanges. Tout ce qu’elle voulait c’était, comme toutes les jeunes filles de son âge, être épanouie avec son petit copain.
Elle passa la nuit à réfléchir, à peser le pour et le contre, puisqu’inévitablement sa vie serait chamboulée. Mais avec sa sensibilité, elle sut faire son choix, parce qu’évidemment tout le monde avait le droit à une seconde chance pour être heureux. Peut-être qu’il avait souffert ?
Charlotte était perdue dans sa réflexion, et pourtant elle connaissait beaucoup de familles recomposées. Sa décision était prise, elle allait continuer sa relation avec cet homme, et apprendre à connaître ses enfants.
Vendredi 13, après une nuit faite de rumination, Charlotte éprouva le besoin d’en parler à sa sœur, qui lui donna son opinion. Elle savait que le fait de sortir avec un homme avec des enfants en bas âge pouvait être une situation délicate mais aussi une grande responsabilité.
En même temps, cela pouvait être une expérience enrichissante. Un homme occupé avec des enfants serait différent de son expérience relationnelle typique à bien des égards. Elle devait définir ses attentes de manière réaliste et savoir exactement à quoi s’attendre pour construire une relation épanouissante.
Il va sans dire qu’il y avait forcément une mère sur la photo. La dynamique précaire de sortir avec un homme avec des enfants et une ex devait être gérée avec délicatesse. Elle avait conscience qu’elle serait amenée à traiter ses émotions de la bonne manière pour ne pas les laisser entraver sa relation ou faire des ravages sur sa santé mentale.
Étant donné leur jeune âge, Charlotte craignait de passer pour la méchante qui leur prenait leur papa.
Elle essayait de se mettre à leur place, ils avaient déjà vécu quelque chose de très dur, la séparation de leurs parents, ce n’était pas rien.
Samedi 14, Charlotte était sortie faire du shopping, c’était une passion pour elle, une forme de loisir, une source de plaisir, et parfois, une manière d’expression personnelle.
Aller faire les magasins avec les membres de sa famille était une occasion de passer du temps ensemble, de discuter, de partager des opinions et de créer des souvenirs. C’était pour elle un moment de vie où le plaisir était partagé.
Puis entre deux magasins, elle prit son courage pour appeler Julien tout d’abord pour le rassurer, mais aussi pour lui dire qu’elle comprenait sa situation, et qu’elle souhaitait qu’ils en parlent ensemble physiquement ultérieurement.
Avec toute sa sensibilité, elle tenait à lui avouer que son passé n’influencerait pas sa décision, mais que dans l’avenir, si leur relation devait durer, elle souhaiterait qu’il lui promette de toujours lui dire la vérité.
Elle sentit à sa voix qu’il était beaucoup plus serein, même si cet appel fut bref.
Lundi 16, de retour à Lorient, ils étaient très impatients de se revoir, lors d’un dîner dans un restaurant.
Charlotte était à la fois heureuse et nerveuse à l’idée de le revoir. Est-ce que ses sentiments étaient aussi forts que les siens ?
Le soir venu, en tête à tête dans ce restaurant, tous deux étaient intimidés.
Julien savait que cette soirée était l’occasion de se dire les choses, même si ça pouvait blesser, et s’arrêter.
Après ces longues minutes de silence, soudain il se leva de table, il s’approcha de la jeune femme et l’embrassa. Était-ce pour détendre l’atmosphère ou l’apaiser ?
Il eut gain de cause, puisque le fait d’être imprévisible, et spontané, plaisait à Charlotte.
Le temps du repas, elle trouva le moment opportun pour lui poser ses questions.
Elle voulait qu’il lui parle de ses enfants.
L’aînée était une fille qui avait deux ans et demi et qui s’appelait Julie, et le second était un garçon qui avait un an et qui s’appelait Matthieu.
Julien commença à se dévoiler, cela faisait cinq mois qu’il était célibataire. Son ex-concubine était partie du jour au lendemain de leur maison dont ils étaient propriétaires depuis un an. Elle se serait servie, avant qu’il ne rentre de sa journée de travail, de lits, de la gazinière, de la table, du frigo, des armoires…
D’après ses dires, il ne se doutait de rien, elle avait fait ses valises, ainsi que celles des enfants, pendant son absence, avec juste un mot laissé à la porte d’entrée, en marquant qu’elle le quittait en emmenant les enfants avec elle.
Elle sentait qu’il avait besoin de se confier, mais ce passage allait la mettre plutôt mal à l’aise. Il se mit à décrire la femme qui avait partagé sa vie comme une personne hystérique, nerveuse. Il semblait à cran des réflexions quotidiennes, qu’elle lui faisait sans cesse.
Finalement chacun faisait sa vie et ses passions de son côté. Lui partait toujours seul faire de la moto avec ses copains. Ça n’allait plus entre eux avant la naissance du petit dernier, malheureusement après son arrivée, tout bascula. D’après lui, Matthieu avait été conçu après un retour de couche, sans protection. La deuxième naissance était une façon pour elle de sauver son couple.
Charlotte sentait la colère de cet homme et aussi sa peine d’avoir eu cet échec, mais il était confiant pour l’avenir. Il termina sa confidence sur le fait qu’il se retrouvait seul à rembourser le crédit de sa maison, car elle s’était enlevée du compte joint, pour échapper aux factures qu’ils avaient en commun.
Que dire de plus, un silence…
Puis il reconnut qu’il s’était mal conduit avec celle qui l’écoutait depuis un moment sans poser de questions. Il s’excusa du fait de ne pas avoir dit qu’il avait des enfants par crainte de la perdre.
À cet instant, elle perçut de la sincérité, et comme un homme qui n’avait jamais eu de chance. Ce n’était en aucun cas de la pitié, mais il la toucha dans son histoire et elle pouvait lui donner une seconde chance, le secourir dans ce mélodrame.
Cela pouvait paraître dingue d’avoir des sentiments pour quelqu’un et de vouloir son bonheur en lui proposant son amour. Mais les sentiments de Charlotte étaient bien présents.
Elle était contente de cette discussion, elle avait osé crever l’abcès, elle le voyait à ce moment-là comme un homme sincère, et malheureux qu’on le prive de ses enfants.
Après le restaurant, la passion les envahit, il y avait de l’emprise avec un mélange de passion, l’amour et leur carence affective les réunirent dans ce même lit.
Plus tard, elle se remémora ce moment, et se demanda ce qui l’avait attirée chez lui. C’était sûrement son humour, et sa façon de relativiser les choses, alors qu’elle au contraire prenait sans cesse tout au sérieux. À cet instant, dans ce lit, elle était bien serrée contre lui.
Les jours suivants, Julien ne pouvait s’empêcher d’envoyer une multitude de messages à sa dulcinée, il voulait lui montrer ses sentiments jusqu’à lui affirmer qu’elle était la femme de sa vie, qu’il l’attendait depuis longtemps.
Il était heureux, selon ses mots, d’avoir rencontré une fille comme elle, d’autant plus qu’elle lui faisait beaucoup d’effet. Bien entendu, elle le croyait, elle était sensible, comme toutes les jeunes femmes, a autant de compliments et de démonstrations.
Par la suite, ils décidèrent de ne plus se séparer. Julien apporta quelques affaires dans son nouveau lieu de résidence, l’appartement neuf de Charlotte dont elle était locataire.
C’était mieux ainsi, puisqu’il y avait encore énormément de travaux à faire dans sa maison qui la rendait inconfortable, avec des peintures inachevées, des fils électriques en suspens sur les murs…
Et trop de souvenirs qui leur appartenaient.
Tous les soirs, il l’attendait à la sortie de son travail dans sa voiture, où il restait au moins un quart d’heure, le temps qu’elle finisse ses tâches, la caisse. Il sortait l’embrasser, dès qu’elle rentrait elle aussi de son côté dans sa voiture. Ils se rejoignaient chez elle pour dîner et sortaient un peu dans Lorient, dans un bar.
Il y avait ses copains qui avaient tous très bien sympathisé avec Charlotte. Tout s’est enchaîné rapidement puisque milieu de la semaine, Julien présenta son amoureuse à son frère, le second de la fratrie, et à sa future femme, qui attendaient un heureux évènement, leur premier enfant, pour mars.
Elle était un peu intimidée, et pas trop à l’aise, puisque c’était la première fois qu’elle adhérait à une belle-famille. Tout cela lui semblait prématuré, et rapide, comme présentations.
Mais ça avait l’air de lui faire tellement plaisir qu’elle accepta. Elle se rendit compte que tout ceci avait de l’importance à ses yeux. La sensation qu’il était fier de la présenter en tant que nouvelle copine, et nouveau futur.
Ils lui ont paru très sympathiques. Ils avaient été surpris de voir quelqu’un de coquette, en l’inondant d’une pluie de compliments. Et bien sûr la comparaison qu’elle redoutait le plus, avec son ex.
Peu importe, elle était elle…
Elle avait fait bonne impression, en restant elle-même. Elle donnait l’image d’une jeune femme posée, avec beaucoup d’ambitions.
Puis au milieu d’une conversation, le téléphone sonna. C’était la mère de Julien, qui voulait savoir si elle pouvait passer pour voir sa future belle-fille, avec une excuse.
Dix minutes plus tard, la porte sonna ; c’était elle, entourée de ses deux filles. Elle avait une cinquantaine d’années, de taille moyenne, des formes généreuses, une intonation très forte, et une sacrée personnalité. Berthe, sa future belle-mère, la questionna, l’interrogatoire dura 5 minutes.
Cette attitude mettait la jeune femme mal à l’aise, peut-être avait-elle peur pour son fils, qu’il se trompe une deuxième fois ?
Après son départ, Julien et son frère rigolaient, ils n’étaient pas surpris par l’attitude de leur mère.
Le vendredi suivant, il avait la garde de ses enfants du vendredi 18 h, jusqu’au dimanche 18 h. Il avait un droit de visite et d’hébergement, le 1er, 3e et 5e week-end de chaque mois, et la moitié des vacances scolaires.
Il proposa à Charlotte de venir lui rendre visite pour rencontrer les jeunes enfants. Dans un premier temps, elle pensait que c’était judicieux qu’il reste avec eux. Et en même temps, elle craignait que sa présence puisse les perturber. Une nouvelle femme dans la vie de leur papa ne devait pas être évident pour ces bouts de choux.
Il la supplia de venir après sa fin de journée, elle appréhendait… Quelle attitude allaient-ils avoir envers elle ? Elle ne voulait pas qu’ils la méprisent, mais qu’ils l’acceptent.
Finalement elle accepta, pour lui faire plaisir.
Elle arriva dans sa maison, ces bouts de choux étaient en train de jouer dans le salon.
Elle s’approcha d’eux, avec un paquet de bonbons, et se présenta comme étant une amie de leur papa.
La petite fille jouait avec une ardoise magique, et instinctivement, Charlotte l’aida à faire un beau dessin, tout en rigolant avec elle. Elle était toute mignonne comment ne pas craquer pour cette frimousse.
Le garçon, lui, était par terre. Plus petit, il ne savait pas encore marcher, il faisait du quatre pattes. Elle le prit dans ses bras, pour faire connaissance, tout en le taquinant avec des chatouilles.
Au bout d’une demi-heure de connaissance, Julien lui proposa d’aller manger chez ses parents, pour montrer ses enfants aux grands-parents. Charlotte refusa sans prendre le temps de réfléchir, en prétextant qu’elle n’était pas prête. Selon sa logique, c’était plus judicieux, qu’ils se retrouvent en famille.
Alors elle rentra chez elle.
Seule, elle constata qu’elle n’avait pas encore parlé de sa relation, à ses parents, ils n’étaient au courant de rien. Et lui était déjà en train de lui proposer de manger chez les siens. Il arriva chez elle pas très tard, ses enfants n’étaient pas avec lui, ils étaient restés dormir chez leurs grands-parents.
Le lendemain, Julien ne récupérait ses enfants que dans l’après-midi, et réitérait ce qu’il avait fait la veille à savoir laisser ses enfants dormir chez ses parents.
Il prenait son fils et sa fille, puis s’en déchargeait rapidement, en les laissant à ses parents.
Quelle attitude avait-il avec eux ?
Ces faits et gestes auraient dû mettre la puce à l’oreille de Charlotte, mais elle le laissa faire, c’était lui le père et elle ne se voyait pas le juger ou lui prodiguer des conseils.
Ce qu’elle ne savait pas encore, c’est qu’il faisait ce même scénario depuis sa séparation, donc depuis 5 mois !
Il déposait ses enfants chez ses parents, le vendredi soir pour manger, et dormir. Puis il venait s’occuper d’eux le samedi après-midi. Pour refaire la même chose le soir et reprendre ses enfants que le dimanche après-midi, pour les rendre à leur mère.
Il avait, en plus, la mauvaise habitude de se lever tard, c’est-à-dire en milieu d’après-midi. Donc au bout du compte, il ne profitait pas du tout de ses enfants, juste 3 à 4 heures par jour.
Pour quelqu’un qui ne les voyait qu’un week-end sur deux, c’était inadmissible, sachant qu’ils étaient petits. C’étaient des instants à ne pas manquer, selon Charlotte, parce qu’ils allaient changer vite, sans qu’il ne s’en rende compte, et qu’il le regretterait plus tard. Mais ce n’était pas à elle de le dire, mais à ses parents, qui s’occupaient plus d’eux.
Lui ne le voyait pas comme ça, il voulait profiter encore de sa jeunesse, et donc ses enfants étaient un obstacle, à ses sorties.
Il préférait sortir faire la fête que de changer les couches de son fils, il se déchargeait sur ses parents. C’était un irresponsable.
Charlotte allait découvrir au fur et à mesure de leur relation que cet homme n’était en fait qu’un enfant. Il n’avait aucune autorité sur eux. Ils avaient tendance à aller prioritairement vers ce qui leur était interdit, ils testaient la réaction de leur père et cherchaient à la comprendre.