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Chaque été, une jeune fille revient à Maléon. C’est un rituel immuable, un refuge au creux des jours ensoleillés, sous le regard bienveillant de ses grands-parents. Cette année pourtant, quelque chose est différent. Son regard s’affûte, sa perception s’aiguise. Tout lui semble plus intense : l’éclat du ciel, le frémissement des feuillages, les effluves de résine et de sel. Elle s’imprègne de chaque instant, comme si le monde lui livrait enfin ses secrets. Mais l’été, aussi lumineux soit-il, ne protège pas de l’ombre. Derrière la douceur des après-midis languides et l’insouciance feinte des vacances, des drames se tissent en silence. Une femme au regard fuyant, un cri étouffé par la nuit, un corps que l’on retrouve sans vie… Rien n’est aussi paisible qu’il n’y paraît. Alors elle cherche, elle questionne, elle refuse de détourner les yeux. Ce qui n’était qu’un pressentiment devient une obsession. À mesure qu’elle s’approche de la vérité, la lumière de Maléon vacille. Et bientôt, elle le comprend : certaines découvertes ne se font pas impunément. Mais peut-on revenir en arrière quand on a entrevu ce que l’on n’aurait jamais dû savoir ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Tour à tour sapeur-pompier et agent de police depuis plusieurs années,
Audy Plume se consacre aux enfants de manière générale et travaille sur l’amélioration du climat scolaire. Se servant de son moyen d’évasion, l’écriture, elle propose "Un été à Maléon", son premier ouvrage publié.
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Seitenzahl: 140
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Audy Plume
Un été à Maléon
Roman
© Le Lys Bleu Éditions – Audy Plume
ISBN : 979-10-422-6111-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
1992, le printemps laisse place à la période estivale. J’ai quatorze ans et voici ma quatorzième saison à Maléon, base de loisirs où les familles populaires viennent passer des journées paisibles au bord de l’eau, où je passe mes deux mois de vacances avec mes grands-parents chaque année.
C’est avec les jambes engourdies et le cœur palpitant que nous arrivons dans le chemin chaotique qui nous conduit directement au portail de mes vacances.
Arrivés devant la grande grille verte, nous pouvons apercevoir la voiture de Michel garée derrière le bâtiment bardé de bois où se trouve le bar de la base de loisirs.
Je m’empresse de sortir, pour ouvrir le portail à mon grand-père, en émettant des petits cris de joie. Il a horreur de ça, évidemment. Cependant, le voir bougonner dans ses moustaches me fait encore plus rire. Rien ne pourrait entamer ma joie d’être enfin dans ce lieu magique.
Immédiatement, les odeurs m’arrivent aux nez et mes sens s’envolent. Je ferme les yeux et prends une grande inspiration comme pour mémoriser à jamais ce parfum si délicat. Le vent balaie mes cheveux indisciplinés et me caresse le visage avec une telle douceur qu’il semble me souhaiter la bienvenue.
J’ouvre à nouveau mes yeux pour ne rien rater de ce paysage dont je ne me lasserai jamais. Les fleurs sont colorées et abondantes dans les bacs disposés par Jacqueline, l’épouse de Michel. Une femme élégante qui paraît très sévère au premier abord, mais il n’en est rien. J’aperçois sa fine silhouette et sa chevelure noir corbeau arriver vers nous. Elle nous accueille les bras grands ouverts, le sourire jusqu’aux oreilles :
« Vous avez fait bonne route ? » demande-t-elle à ma grand-mère.
« Audrey a dû se glisser dans un trou de souris, au milieu de toutes nos affaires, et a fait le trajet plié en quatre, juste pour être certaine de ne pas rater les préparatifs de la saison », lui répond ma grand-mère.
Elles se mettent toutes les deux à rire aux éclats et se dirigent vers le bar, tandis que mon grand-père manœuvre avec la caravane.
Je profite de ce moment où ma grand-mère a un tas de choses à raconter à Jacqueline, et mon grand-père cherche le meilleur emplacement pour sa caravane, pour me précipiter au bord de l’eau. Je prends une nouvelle grande inspiration et je glisse mes doigts sous l’eau afin de mesurer la température encore un peu fraîche à cette époque. Ceci ne m’empêchera pas d’y plonger dans quelques heures. Ensuite, je me rends aux balançoires et saute sur l’une d’elles pour prendre de la hauteur. De cet endroit, je peux apercevoir mon grand-père se débattre dans ses manœuvres de camionneur et je n’ose pas imaginer le nombre de grossièretés qu’il peut vociférer à chaque manœuvre ratée. Je me sens bien, rien ne pourrait gâcher ce moment de bonheur.
Je finis par me rendre au bar où se trouve une partie de la famille de Michel et sa femme, il y a leur fille Katia, leur fils Stéphane et Minot, son frère. Minot est très gentil, mais il ne parle jamais. Ma grand-mère m’a expliqué, il y a deux ans, qu’il ne parlait pas parce qu’il bégaie et il n’ose pas parler en public. C’est ce qu’on appelle un « complexe », m’avait-elle dit.
Mon grand-père nous rejoint enfin et Michel annonce, en trinquant au champagne :
« À l’ouverture de cette nouvelle saison ! »
Tout le monde lève son verre de champagne et moi mon verre de tropico. Ah oui ! le tropico, boisson emblématique de ces vacances. La boisson de mes vacances.
La soirée s’éternise au fur et à mesure que les bouteilles vides s’empilent sur le bar. Tout le monde est festif, mais Michel ne manque pas de rappeler qu’ils sont là pour travailler et espère que la météo sera clémente. Moi, je ne vais pas travailler et j’ai bien l’intention d’en profiter avec mes amis qui devraient arriver dès le lendemain, sauf Chris, ma meilleure amie qui sait que nous sommes déjà arrivés et ne devrait pas tarder à nous rejoindre.
Je vois la petite Renault SUPER 5 rouge qui fait de la poussière dans le chemin qui rejoint le village où vit Chris. Une petite bourgade de Champagne.
Je suis surexcitée de ces retrouvailles et impatiente de raconter toute une année scolaire passée loin de ma copine. Dès qu’elle sort de la voiture, on saute dans les bras l’une de l’autre. Comme à son habitude, Chris pleure de joie et me fait comprendre qu’elle aussi a beaucoup de choses à me dire. Même si toute l’année nous nous envoyons des lettres pour communiquer, le débrief de cette longue année est inévitable.
J’attrape un paquet de chips et nous filons vers les balançoires pour être sûre de ne pas être espionnées, d’ici nous avons une vue à 360 degrés. Impossible qu’on nous entende sans se faire voir.
Ce soir, je n’arrive pas à dormir, j’ai hâte d’être le lendemain pour profiter au maximum de la journée.
Le matin, j’entends mon grand-père faire couler son café. L’odeur m’arrive aux narines.
« Hum, ça y est, nous y sommes, c’est le début des véritables vacances », dis-je dans un long bâillement.
J’entends la cafetière tousser les dernières gouttes, je me lève et retrouve mon grand-père assit à table, en train de lire son journal, son breuvage fumant dans la tasse devant lui.
Je m’installe face à lui et me régale avec mon bol de céréales, des CHOCOPOPS, je pourrais en manger une boîte entière !
« Qu’envisages-tu de faire ce matin ? » lui demandai-je tout en déjeunant.
« Je vais commencer par ramasser toutes les branches mortes qui jonchent la plage, il y a eu beaucoup de vent cet hiver », m’explique-t-il.
« Est-ce que je pourrais t’aider ? » lui proposais-je avec enthousiasme.
« Comme tu veux, mais ce n’est pas un travail de tout repos », me répond-il.
Évidemment, je passe de la plage aux balançoires sous le regard désespéré de mon grand-père. Pour l’après-midi, il a prévu de réparer les pédalos, c’est le moment où il m’apprend le nom de chaque outil que je dois lui apporter. Michel arrive en début d’après-midi.
« Le livreur de boissons et de glaces arrive à quatorze heures, il va falloir des bras pour tout ranger rapidement dans la chambre froide », annonce-t-il.
De nouveau, je me propose pour aider à ranger les caisses et les cartons de glaces pour démarrer la saison. Heureusement, durant toute la livraison, la porte de la chambre froide reste ouverte et je m’arrange pour ne jamais y rester seule.
Quelques arbres ont été vaincus par des vents violents et mon grand-père s’affaire ensuite à les couper à la tronçonneuse afin de dégager l’espace et le sécuriser par la même occasion. Durant tout l’été, des centaines de personnes vont venir se détendre au bord de l’eau. Le site doit donc être impeccable avant leur arrivée. Mon grand-père est le meilleur dans ce domaine. Il travaille dur et bien, je le regarde toujours faire avec une certaine admiration.
J’entends ma grand-mère m’appeler pour que je lui apporte de l’eau à notre campement. Je cours jusqu’à la caravane, récupère d’anciens bidons vides et m’empresse d’aller les remplir aux lavabos. Le plus difficile est le retour avec ces bidons qui pèsent une tonne et me semble faire grandir mes bras plus vite que mes jambes. Le plastique mord l’intérieur de mes mains, mais je veux montrer à mes grands-parents que je suis utile et qu’ils ont bien fait de me prendre avec eux pour les préparatifs.
Le soleil commence à se coucher et la fraîcheur du soir tombe lentement sur l’étang. Après une bonne douche dont l’eau a chauffé au soleil, j’apprécie la douceur et la chaleur de mon sweat à capuche et mon pantalon de jogging. Plus que quatre jours avant l’ouverture. Après cette dure journée de travail, tout le monde va vite se coucher après le dîner. Avant cela, mon grand-père insiste bien sur le fait qu’il faut se lever tôt demain matin si nous voulons être prêts pour l’ouverture.
Le lendemain, les missions de mon grand-père n’ont pas changé de la veille. Après l’avoir aidé à ramasser quelques branches, je rejoins ma grand-mère pour l’aider à préparer le repas. Je m’applique à faire vite et bien pour ne pas perdre de temps. Après le déjeuner, je pars explorer les recoins du parc, faire le tour de l’étang en passant par un petit chemin, caché derrière les arbres, que seuls les habitués connaissent, pour accéder à une petite plage de l’autre côté de l’étang. J’aime tellement ce calme et cette tranquillité. Assise sur cette berge, loin de tout et de tout le monde, j’écoute le vent dans les arbres, je regarde les vaguelettes qu’il dessine sur l’eau et je me promets de ne jamais oublier ces instants. J’ai l’intime conviction qu’ils seront les meilleurs de toute ma vie.
En ouvrant les yeux, j’aperçois le camion qui vient déposer les jeux vidéo et le juke-box pour la saison. Je me précipite vers le bar, je sais que pendant cette livraison, j’ai la chance d’avoir des crédits illimités le temps de l’installation. Je cours à en perdre haleine et je manque à plusieurs reprises de trébucher sur des racines d’arbres qui ressortent du sol.
Tout le monde éclate de rire en me voyant arriver dans cet état. Je suis vexée, mais je passe au-dessus de ça et vais découvrir les nouveautés de cette année. Chris arrive avec son père juste à temps. Je ne l’aime pas beaucoup. Chris m’a confié plusieurs fois qu’il buvait plus que soif et pouvait parfois être violent, surtout avec sa mère.
Physiquement, il a la même carrure que mon grand-père, un ouvrier charpenté avec des mains aussi larges qu’une pelle à tarte, comme il lui arrive de dire. Je n’ai jamais compris cette expression jusqu’à ce que Chris me dise qu’il lui arrive de distribuer des tartes au premier qui passe. Bref, ma copine est là, nous allons donc mettre nos musiques préférées dans le juke-box, mais seulement après que Katia a écouté « Hôtel California », c’est son rituel qui annonce une belle saison, alors nous respectons cette tradition. Puis, nous allons en direction du baby-foot. Il faut que l’on s’entraîne avant que les autres arrivent, pour pouvoir gagner à coup sûr.
« Les filles, il va y avoir de la concurrence cette année, plusieurs colonies de vacances ont prévu de venir ! » nous annonce Katia en riant.
Je sens la pression monter. Je vais devoir être à la hauteur, pour leur montrer à qui ils auront à faire.
Ce soir se prépare une grande soirée : la soirée des retrouvailles. Toutes les personnes qui participent au bon fonctionnement de la base de loisirs se réunissent autour d’un repas et terminent la soirée autour d’un grand feu de camp fait par mon grand-père à l’aide des branches mortes qu’il a rassemblées.
Pour ces retrouvailles, Chris et moi sommes très concentrées sur la tenue que nous allons porter. C’est un moment important de la saison.
Vingt heures, les voitures arrivent en file indienne. Tous les amis du petit village d’à côté se suivent pour cette soirée de préouverture. On peut entendre les klaxons annoncer leur arrivée en fanfare. Nous allons enfin être tous réunis, mais j’attends surtout Loïc et les jumelles Delphine et Claire. Tous des enfants de vignerons, bien loin de notre mode de vie au quotidien. Toutefois, une fois tous réunis à Maléon, il n’y a aucun niveau social. Il ne reste qu’une bande d’amis heureux de se retrouver pour l’été. Mes parents et mon frère, Florent, arrivent en dernier.
J’ai mis mon jean extra-large et mon sweat aux couleurs flashies. Comme tous les ans, les premiers échanges sont timides, mais très vite nous nous éloignons des adultes pour nous retrouver au bord de l’eau et les premières conversations sur l’année passée animent la soirée. Nous sommes impatients que le feu s’enflamme pour y plonger nos bâtons ornés de chamalows. Après ça, la nuit se prolongera au bord de l’eau où nous allons nous raconter des histoires de zombies, de fantômes. Nous inventons des pseudos expériences paranormales et la moindre ombre ou le moindre courant d’air me fait sursauter, la chair de poule parcourant tout mon corps. La lumière du ciel est magnifique, un oranger se mêle dans le bleu nuit et une nuée d’étoiles se reflète sur l’eau. Je rêvasse à nouveau en me disant que ces moments-là sont uniques et si je n’en profite pas tout de suite, ils m’échapperont pour toujours. Alors, je regarde Loïc raconter ses histoires à dormir debout, le visage des filles déformé par la peur et mon frère qui nous rejoint éclate de rire devant ce spectacle. Les deux retardataires arrivent enfin, Romain et Olivia, les enfants du Maître-nageur. Romain est le turbulent de la bande. Derrière ce visage d’ange se cache un véritable démon. Il fait toutes les bêtises possibles et imaginables. D’ailleurs, dès qu’il y a un problème, quel qu’il soit, il est immédiatement accusé. Surtout Katia, quand elle le voit arriver au bar, elle le met immédiatement en garde et le prévient qu’elle l’a à l’œil. Ça me fait rire, mais ça me fait également de la peine pour lui parce qu’il n’est pas toujours responsable de tout. Ce n’est pas un mauvais garçon, mais à vouloir toujours faire son intéressant, il agace beaucoup de monde. Sa sœur est plus discrète, tout le monde sait qu’elle est éperdument amoureuse de mon frère, Florent. Lui fait toujours son beau-gosse et ça m’énerve lorsqu’il a son air prétentieux !
En fin de soirée, nous nous retrouvons tous autour du feu pour y brûler les dernières branches en écoutant de la musique. Je récupère deux duvets dans la caravane de mes grands-parents et Chris et moi nous allongeons à même le sol près du feu pour regarder les étoiles.
À ce moment-là, plus personne ne se préoccupe de notre présence. Loïc, Claire, Delphine et Romain sont allés se coucher et comme à leur habitude, Florent et Olivia ont disparu on ne sait où.
Nous nous retrouvons donc Chris et moi, allongées sur l’herbe dans nos sacs de couchage près du feu à regarder les étoiles.
« J’aimerais tant pouvoir apercevoir une étoile filante pour faire un vœu », dis-je à mon amie.
Mon vœu serait qu’enfin un garçon s’intéresse à moi, mais ça je ne lui dis pas, je le garde pour moi.
« Cette année, un garçon a demandé pour sortir avec moi, j’ai accepté, mais ça n’a pas duré longtemps, nous n’avions rien à nous dire et finalement lorsqu’on était ensemble, je m’ennuyais », me confie-t-elle.
« Est-ce que depuis notre dernière lettre tu as eu un petit copain ? » me demande-t-elle d’un air très curieux.
Je soupire longuement et souffle un petit non. Chris bondit sur ses coudes, se tourne vers moi et me dit :
« Je veux que tu me racontes pourquoi tu as soupiré comme ça », exige-t-elle.
« J’ai l’impression que personne ne s’intéressera jamais à moi », dis-je d’un air désemparée.
« Tu plaisantes ! C’est juste que tu ne leur laisses pas vraiment la chance de t’approcher, ton côté sauvage leur fait peut-être un peu peur », m’explique-t-elle.
Cette explication me paraît évidente.
« Tu as certainement raison », dis-je dans un soupir profond.
Elle enchaîne durant des heures sur son histoire ratée avec ce Sébastien.
Alors que nous nous sommes endormies, les flammes ont disparu, laissant un lit de braises se consumer doucement. Lorsque j’ouvre les yeux, il n’y a plus personne autour de nous, et une couverture supplémentaire est sur nous. Sûrement ma grand-mère qui a eu peur que nous attrapions froid.
Soudain, je remarque une silhouette au bord de l’eau. Une silhouette d’un homme habillé en sombre que je n’arrive pas à identifier. Je me lève, sans réveiller Chris, et tente de me rapprocher pour voir qui se trouve là, mais je le perds de vue, il s’est comme volatilisé. Dans le même instant, j’entends une voiture démarrer et s’en aller, sans que j’arrive à la voir.