Un jour à la fois - Camille Georges - E-Book

Un jour à la fois E-Book

Camille Georges

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Beschreibung

C'est l'histoire d'Anne, mère de famille sans histoire, qui se retrouve un jour bloquée sous le poids d'un homme mort avec qui elle vient d'avoir une relation. C'est l'histoire de Paul, quadra paumé, qui laisse la vie le guider et qui se demande où est passée sa femme. C'est l'histoire de Sophie, amour de jeunesse de Paul qui réapparaît malade et porteuse d'un lourd secret. C'est aussi l'histoire de Daniel, de Madeleine et de Louise. Mais c'est surtout l'histoire de Charlotte et Sylvain, lycéens qui projetés dans des considérations d'adulte qui les dépassent, vont vivre l'aventure de leurs vies.

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Sommaire

Chapitre

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Chapitre

1.

Il fait déjà chaud en ces premiers jours de printemps à Paris. L’agitation des premières heures de la journée a laissé la place à un calme relatif. Les camionnettes blanches de livraison continuent leur manège. Les livreurs font la course pour tenir les délais imposés par les consommateurs. Ils profitent d’une circulation fluide en cette fin de matinée. Comme la majorité des rues parisiennes, le boulevard Magenta ne fait pas exception et respecte le rituel de début de semaine.

Le sans abri installé devant la vitrine de la boutique de prêt à porter a ainsi pu observer le balai des hommes de la propreté de Paris, camions poubelles et balayeurs, puis sont apparus les camions réfrigérés qui livrent les brasseries du coin. Les hommes d’affaires, pressés, sont alors sortis des immeubles, déjà concentrés, l’oeil sur leur téléphone portable. Les mères de familles ont suivi avec les enfants les plus jeunes, pressées aussi, elles tenaient les enfants d’une main et contrôlaient leurs emails de l’autre. Les adolescents ferment enfin la marche de la famille. Ils apparaissent un peu plus tard, beaucoup moins pressés. Ils semblent négligés, mais le sans abri averti, fin observateur, sait qu’il ne s’agit que d’une farce. L’essentiel étant dans l’apparence, il ne faut rien négliger. Ils s’interpellent, se saluent d’une manière incompréhensible et, pour la plupart, ont aussi un oeil sur leur téléphone portable. Viennent enfin les camionnettes blanches qui livrent les achats effectués la veille sur internet.

Le sans abri avait tout vu, lui que personne ne voyait, lui que tout le monde semblait ignorer. Il n’y avait plus que les enfants pour s’étonner de voir un homme dormir sur le trottoir, sur des cartons empilés en guise de matelas isolant. Chassé par l’ouverture de la boutique devant laquelle il avait trouvé un abri, il s’était replié sur le banc en bas de la rue. Il avala une gorgée d’alcool et s’installa du mieux possible et s’endormi.

Lui qui avait tout vu depuis les premières heures de la matinée, avait raté Paul. Il aurait pourtant été étonné de voir cet homme revenir dans son quartier à peine une heure après l’avoir quitté pour s’installer à la brasserie en face de chez lui, les yeux rivés sur l’entrée de son immeuble. Comme tous les habitants de son quartier, Paul n’était pas très attentif à l’agitation, il se satisfaisait de la routine, il semblait se rassurer dans la normalité, se fondre dans le décor était pour lui le gage d’une vie réussie.

Pourtant, ce lundi matin, alors qu’il était installé dans la brasserie en face de chez lui, la vie semblait prendre une tournure différente. Paul, expert modérateur, avait néanmoins décidé de contourner l’obstacle qui se présentait et avait opté pour une posture attentiste, posture qu’il affectionnait particulièrement.

Le garçon de café venait de lui signifier qu’il devait libérer la table, celle ci était réservée pour les personnes qui déjeunaient. Paul en était à son quatrième café. Il avait tout d’abord opté pour une consommation rapide, ne sachant pas exactement combien de temps il avait devant lui. Mais cela faisait maintenant deux heures qu’il était assis là, stratégiquement installé à proximité de la sortie avec une vue imprenable sur la porte de son immeuble, à une dizaine de mètres de l’autre côté de la rue. Cela ne faisait pas du tout partie de ses plans, mais comme d’habitude il s’était adapté. Maintenant davantage curieux, il ne quitterait son poste d’observation que lorsque la voie serait libre.

Il envoya un SMS à deux collègues pour leur dire qu’il ne serait pas de retour au bureau avant le début d’après midi. Il se doutait bien que cela ne dérangerait personne. Le nombre d’individus avec lesquels il avait des interactions professionnelles était en baisse régulière depuis plusieurs mois. Une demi journée d’absence non prévue pour bien commencer la semaine serait indolore pour la bonne marche du service. C’était l’avantage de ne servir à rien : on n’était redevable pour personne, l’absence de pression ultime en quelque sorte. Paul sourit et commanda un plat du jour avec un demi. La dose de cafés ingurgitée depuis ce matin commençait à avoir un effet sur son système digestif. Avaler un plat chaud lui ferait certainement du bien. Et, puisque sa femme avait décidé de prendre son temps, il n’allait pas se priver pour prendre le sien.

Le plat du jour, « nouilles sautées au boeuf, coriandre et petits légumes », était excellent. Paul raffolait de la cuisine asiatique, elle représentait pour lui l’excellence de l’alimentation saine, équilibrée, irréprochable. Il était surpris de constater que la brasserie en face de chez lui pouvait servir ce genre de plats. Il passait tout les jours devant celle ci, sans même s’arrêter. Il habitait depuis dix ans en face et il n’avait pas souvenir d’avoir déjà consommé quoique ce soit à l’intérieur. Il avait suffit d’une coïncidence incroyable pour qu’il soit assis là à savourer son plat de nouilles. Paul se voulait un homme simple et il décida que sa semaine ne pouvait finalement pas mieux commencer.

Pourtant la journée avait plutôt mal débuté, il avait pénétré dans les locaux de l’entreprise avec l’envie furieuse de faire demi tour, de partir simplement en courant. Il connaissait ce sentiment et avait appris à vivre avec. Il l’avait apprivoisé, il était capable de jouer une comédie et de se transformer en salarié modèle. Celui qui faisait semblant de s’intéresser aux réunions interminables, de parcourir les comptes rendus, d’animer des sessions de formation dans lesquelles il présentait pourtant les mêmes slides depuis cinq ans. Ce matin, les choses avaient été un peu différentes. Un email l’attendait dans sa boite professionnelle. Il venait de la direction des ressources humaines, on lui demandait expressément de transmettre avant la fin de la semaine une présentation sur les nouvelles règles communautaires en matière d’investissement sur les marchés émergents. Paul connaissait ce type d’email, il savait qu’il avait fait l’objet de lectures et de validations successives. Il s’agissait tout simplement d’un ultimatum qu’il convenait de prendre au sérieux. Paul marmonna quelque chose, il lui manquait des documents qu’il devait aller chercher chez lui, il profita de l’occasion pour filer.

Il s’apprêtait à traverser la rue pour rentrer chez lui lorsqu’il aperçu Anne devant la porte de leur immeuble. Elle n’était pas seule, un homme était en discussion avec elle. A côté de son petit gabarit, l’homme paraissait immense. Paul ne s’attendait pas à trouver sa femme devant leur immeuble. Elle était partie travailler bien avant lui ce matin, il fut troublé par la coïncidence de ce double retour à domicile. Il n’eut pas besoin de patienter longtemps avant de constater leurs premiers baisers. Etait ce vraiment les premiers ? Rien n’était moins sûr. Ils semblaient avoir l’habitude, leurs lèvres se sont trouvées naturellement. L’homme, du fait de sa haute taille, du se pencher en avant, et Anne du haut de son mètre cinquante, avait passé ses bras autour de son cou et semblait suspendu à l’homme, ses pointes effleurant à peine le sol. Ils pénétrèrent dans l’immeuble aussitôt après.

Paul était soucieux, ce n’était pas dans les habitudes d’Anne. Elle s’était toujours arrangé pour tromper son mari de manière plus ou moins discrète. Mais il en était certain, c’était la première fois qu’elle ramenait un amant chez eux. Décidé à la laisser une nouvelle fois tranquille, Paul s’était installé à une table de la brasserie en face de l’immeuble, ravi d’avoir un peu de temps à tuer. Ne rien faire était pour lui une activité en soi.

Des amants d’Anne il en avait connu une petite dizaine. Il se doutait que sa liste n’était pas exhaustive, certains avaient dû passer entre les mailles du filet. ll n’avait jamais abordé la question avec sa femme, préférant jouer le rôle du simplificateur, celui qui fait comme s’il ne savait pas. Il imaginait que sa femme avait besoin de prendre des amants. Il avait élaboré des théories sur le sujet : pour se sentir plus femme, pour avoir davantage confiance en elle, pour exprimer la colère, pour profiter de la vie … Il ignorait la raison véritable, mais toutes ces hypothèses étaient valables à ses yeux. Elles justifiaient l’adultère, ou en tous cas, il ne voyait pas au nom de quoi, il pourrait interdire à sa femme de voir d’autres hommes. Qui était il pour cela ? Paul aimait sa femme et le plus important pour lui était qu’elle soit encore présente à ses côtés après toutes ces années.

Il était maintenant quatorze heures passées, et Paul estima qu’il était temps pour lui de retourner au travail. Anne et son amant n’étaient toujours pas sortis de l’immeuble. Il ne se voyait pas revenir à son poste sans la documentation qu’il était parti chercher. Il se résout donc à envoyer un message à sa femme pour l’avertir qu’il allait passer chez eux et lui laisser le temps de quitter l’appartement avec son amant. « Je suis dans le quartier, je passe d’ici 10 min à la maison prendre des docs. Tu es ou ? ». Son SMS lui sembla ridicule, il était presque gêné de la forcer à mentir. Il laissa passer quinze minutes sans recevoir de réponse. Il tenta de l’appeler, le téléphone sonna avant de basculer sur la messagerie. Paul décida, à regret, de rentrer chez lui. Il le fit prudemment, s’assurant que la voie était libre, du porche à la porte de l’escalier qu’il retint pour ne pas qu’elle claque, de l’escalier à la porte de l’appartement du deuxième étage, qu’il ouvrit le plus discrètement possible. Il s’était presque résolu à les laisser tranquilles dans la chambre, à se saisir de ses documents de travail et à quitter l’appartement sans être vu ou entendu. Il n’en eut pas besoin. Personne n’avait pénétré dans l’appartement depuis qu’il l’avait quitté ce matin.

———

Isabelle avait terminé sa journée de travail depuis deux heures maintenant. Elle parlait volontiers de ses journées de travail même si celles ci débutaient à 21h et se terminait à 6h le matin. Personne ne l’attendait à l’extérieur et elle appréciait ces moments entre collègues, lorsque l’équipe de nuit se retire et laisse la place à l’équipe de jour. Comme d’autres boivent un verre à la sortie du bureau, elle se détendait autour d’un café à écouter les derniers potins de l’hôpital. Ce matin là l’ambiance était détendue, on fêtait l’anniversaire d’une nouvelle interne, et on avait remplacé le café par une bouteille de champagne. Celle ci n’était pas spécialement autorisée dans le service, si bien que la dose se limitait souvent à un demi gobelet que tout le monde buvait rapidement. Le professeur Dumont, médecin chef du service, fit son apparition dans la salle de pause, il fit semblant d’ignorer la bouteille visible au centre de la table et s’adressa directement à Isabelle.

- Isabelle, vous avez un instant pour une dernière visite, pour la 112 ?

- Bien sûr, professeur.

Isabelle se leva et suivi le professeur dans le couloir. Le professeur faisait souvent appel à elle pour les visites délicates. Isabelle appréciait la marque de confiance et, même si elle avait du mal à se l’avouer, elle appréciait de se voir confier la gestion des cas difficiles. Elle se sentait en progression et cela la valorisait. Dumont évoluait dans les couloirs de l’hôpital d’un pas calme, régulier et d’une extrême lenteur. Un malade en béquille pourrait facilement le doubler. Il avait expliqué un jour que c’était sa manière à lui de casser le rythme effréné de ses journées, et que cela ne l’avait jamais empêché de finir ses journées de travail dans les temps. La proximité entre le professeur et l’infirmière avait souvent fait jaser dans les couloirs du service, Isabelle s’en moquait, elle savait que Dumont cachait d’autres secrets sur ses relations sentimentales.

Ils parvinrent à la hauteur de la chambre 112 et Isabelle prit une profonde inspiration avant de frapper à la porte et d’entrer dans la foulée, Dumont sur ses talons. La chambre était dans une semi obscurité, les premiers rayons du soleil étaient filtrés par le store devant la fenêtre. La chambre était identique à l’ensemble des chambres du service. Toutes avaient été rénovées l’année précédente, elles étaient propres et très fonctionnelles. Toutes étaient des chambres individuelles, relativement dépouillées, elles offraient néanmoins un véritable confort pour les patients et favorisaient la prise en charge de ceux-ci. On n’était pas admis par hasard dans le service. Il y avait au préalable un parcours de soin, intégrant une batterie de tests, d’examens et d’entretiens. Pourtant, comme toutes médecines, ils avaient leurs limites, et certains cas ne pouvaient être traités ici.

La femme qui occupait la chambre semblait dormir lorsqu’ils pénétrèrent dans la pièce. Elle avait une quarantaine d’années, un simple drap recouvrait son corps. Isabelle avait elle même retiré les perfusions dans la nuit. Dumont toussa suffisamment fort pour réveiller la patiente, qui ouvrit les yeux presque instantanément.

- Bonjour Madame, je suis le professeur Dumont, je dirige le service. Je vous présente Isabelle Lavoie notre infirmière en chef.

- Bonjour.

La voix de la femme était faible, un léger sourire se dégagea au coin de ses lèvres.

- Je vous connais, cela fait dix jours que je suis ici vous

- savez. Bien entendu. Nous sommes ici pour vous parler. Comment vous sentez vous ?

- Je vais aussi bien que possible, enfin je crois. Que se passe-t-il ?

La voix de la patiente montra quelques signes d’inquiétude. Isabelle se rapprocha et se décida à prendre la parole.

- Sophie. Je peux vous appeler Sophie ? Vous pouvez m’appeler Isabelle. Sophie, nous avons reçu vos derniers résultats d’examen. Ils ne sont pas bons. Ils viennent confirmer les dernières observations cliniques de ces derniers jours. Votre état se dégrade rapidement, nous sommes inquiets pour vous.

Isabelle compta mentalement jusqu’à dix avant de reprendre. Ces dix secondes servaient à s’assurer que la patiente avait bien entendu ce qu’on lui racontait et devait lui permettre d’intervenir.

- Nous sommes inquiets pour vous, repris l’infirmière en chef. Nos compétences médicales s’arrêtent ici à notre niveau. Nous vous avions informée, lors de votre admission, que nous ne pourrions pas vous suivre plus longtemps. Nous en sommes désolés mais il est important pour vous que vous soyez prise en charge dans un établissement qui pourra vous accompagner au mieux afin que vous souffriez le moins possible. Nous allons vous indiquer des établissements et nous pouvons nous charger de les appeler ou d’organiser un transfert si vous le souhaitez. Mais c’est une décision qu’il faut prendre

- rapidement. Merci Isabelle pour votre franchise. C’est quoi rapidement ?

- Aujourd’hui ou demain au plus tard mercredi, nous pensons que ce serait mieux pour vous. C’est rapide évidemment mais vous avez besoin de présence à vos côtés.

Une nouvelle fois, compter mentalement, jusqu’à vingt cette fois ci. Laisser un peu plus de temps mais garder la main sur la discussion. Faire comprendre la gravité du message et l’urgence de trouver une solution.

Sophie n’avait quasiment pas bougé de position, elle demeurait impassible, nullement affectée par ce qu’on venait de lui annoncer. Avant qu’Isabelle n’atteigne le quinze, elle reprit la parole.

- Je vous remercie pour ce que vous faites pour moi, je n’ai pas besoin de vos services. J’ai déjà trouvé une solution, vous comprendrez bien que je me suis préparée à cela. Je vais appeler mon fils, il viendra me chercher avant midi, il me conduira là ou je dois être, près des miens.

Dumont n’était pas satisfait par la tournure que prenait la conversation. Sans surprise, la patiente ne prenait pas conscience de sa propre situation. Il reprit la parole, s’efforçant cette fois ci d’employer un ton plus directif.