Un journal sous influence - Jean-Philippe Moinet - E-Book

Un journal sous influence E-Book

Jean-Philippe Moinet

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Beschreibung

Elle est belle et intelligente, talentueuse et si déterminée. Journaliste, Myriam va très vite réussir. Et déchanter. La vie politique est son terrain de jeu, la séduction sa nature, mais son aventure va s’enrayer à partir d’un épisode inattendu et tragique : un drame lui fait découvrir les dessous de la haute politique où se mêlent affaires financières et ingérences étrangères, cabales sexuelles et actions du renseignement. Avec elle, vous allez plonger dans les passions et tourments qui vont secouer la rédaction d’un influent journal, appartenant à un grand groupe industriel… Et pénétrer les coulisses, ombrageuses et parfois brutales, de la politique et des médias.

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Un journal sous influence

par Jean-Philippe Moinet

Directeur de la Rédaction : Jason R. Forbus

Projet graphique et mise en pages : Sara Calmosi

ISBN 979-12-5540-065-3

Publié par les Editions AliRibelli (Les Ailes Rebelles), Gaeta 2023©

Narratif – Tissages

www.aliribelli.com – [email protected]

Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le

présent ouvrage sans l’autorisation expresse de l’éditeur.

Un journal sous influence

Jean-Philippe Moinet

Roman

AliRibelli

Sommario

Un journal sous influence

A tous les journalistes morts en Ukraine.

A Albert Londres.

« Messieurs, vous apprendrez à vos dépens qu’un reporter ne connaît qu’une seule ligne, celle du chemin de fer ».

Albert Londres (répondant à un dirigeant de journal lui reprochant de ne pas être dans « la ligne »).

Myriam n’est pas du genre à douter mais cette journée-là commence mal. Trop rapide, trop brutale. La journaliste s’est précipitée dans un taxi pour une interview de la plus haute importance Déjà loin de son domicile, elle se rend compte qu’elle n’a pas emporté le bon carnet de notes, celui de tous ses repères. Elle est déstabilisée. C’est rare chez elle, elle croit tellement tout maîtriser. Pas possible de revenir en arrière, trop tard. La plus haute personnalité française ne peut attendre.

Myriam est pourtant une grande professionnelle. Elle n’a jamais aimé improviser, elle déteste laisser le hasard prendre le pouvoir. Assise à l’arrière du taxi parisien, elle se sent fragilisée, exposée au tir incertain de la destinée. Instinctivement, elle lutte contre ces moments où le trouble sort du bois. Son bras de fer est engagé contre cette menace qui surgit en ce moment clé : l’imprévu.

Cela peut paraître un détail mais son carnet de notes est sa boussole. Comme un fétiche. Depuis des années, la journaliste aime consigner ses informations, les confidences des gens de pouvoir, ainsi que ses propres commentaires. Un amas de micro-événements se retrouvent dans des carnets à petits carreaux – toujours les mêmes - qui s’empilent avec le temps sur son bureau dans un désordre apparent.

Ces cahiers la rassurent. Elle croit peut-être pouvoir tout fixer, tout arrêter, même le temps qui passe. Le confidentiel y côtoie l’ordinaire, et l’essentiel l’accessoire. L’histoire fera le tri. C’est ce qu’elle s’est toujours dit.

Chaque couverture de carnet est marquée d’une date, celle où ses mots ont commencé à noircir les pages. Elle est méthodique, Myriam. Ses écrits tracent des années de rencontres où se mêlent grands et petits secrets. Elle n’est pas de ces journalistes qui aiment butiner. Syndrome de l’ardoise magique ? « L’actu, on la prend et on la jette », lui avait dit un jour son rédacteur en chef. Myriam, elle, garde tout. Une manie qui tourne parfois à l’obsession. Une déviance apparente quand la durée de vie d’une information excède rarement un ou deux jours.

Elle ne se fait pourtant pas d’illusion, ses petites notes peuvent être essentielles au bon moment, pour devenir insignifiantes le lendemain. En bonne exploratrice du temps présent, elle veut néanmoins y croire. Qui sait ? Peut-être anodines un jour, des notes peuvent se révéler historiques. Qui peut prédire le relief que peut soudain prendre une personnalité rencontrée et une confidence ? Elle veut croire aux mots d’une mémoire qui ne s’effacera jamais. Une obstination qui sera sa force. Malgré un univers menacé d’amnésie collective.

Le tri sélectif de l’actualité fait naturellement son grand ménage. A grands coups de balais tous les jours. Le journalisme, Myriam le sait, peut devenir cela : un moment de grâce, enrobé de magie, de lumière et parfois d’illusion, où l’essentiel et l’éphémère font ensemble leur spectacle, brillent sur le devant de la scène avant de s’éclipser en coulisses et disparaître dans l’ombre. Souvent de manière définitive. Le coup de balai dans l’amas des événements, elle connaît. C’est devenu son métier.

En quelques années, Myriam a compris le jeu et s’y est parfaitement adaptée au point de s’imposer rapidement dans le Tout-Paris des médias et de la politique. Une force de caractère, une capacité de travail, une ténacité rare quand elle tient son objectif, un charme fou aussi. Une affolante audace et une touche de cynisme qui vont vite faire la différence.

Jeune diplômée de Sciences Po, arrivée en stage comme une météorite dans un grand quotidien (de droite devenue très conservatrice) qu’elle ne lisait pas, elle a vite été repérée. Conquérante, charmeuse, sa détermination et son style l’ont propulsée dans ce quotidien en vue. Jolis coups de plumes, de coudes et d’éclats. La promesse s’est réalisée : Myriam est devenue une signature.

A 32 ans, la voilà bien décidée à aller droit au but, au cœur du pouvoir, tout sourire. Bonne photographe de l’instant, elle sait jouer à la fois du spectacle de l’éphémère et de la profondeur de champ pour, en coulisses, s’arranger de tout. Y compris des petits services après-vente, auprès des politiques ou des confrères, une fois les événements rapportés. Essentiel pour réussir dans le métier. Dans un jeu naturel chez elle, le charme peut aussi favoriser quelques opérations. Sous une longue mèche brune qui tombe souvent sur le front, ses yeux vert émeraude et une fine cicatrice sur la joue lui donnent un air mutin qui peut faire chavirer. Hommes et femmes. Elle le sait.

Myriam a su ainsi tracer son sillon dans un mélange de séduction, d’audace et d’intelligence des situations. Avec un sens supérieur de l’information, de l’ego et de la mise en scène. Sa démarche peut être à la fois douce et déterminée, mielleuse ou acide. Son regard comme ses écrits peuvent piquer au vif. Ses mots, en tout cas, laissent une trace. Celle du talent. Réussite garantie, si elle ne se fait pas happer par les tourbillons qu’elle provoque. A voir. La haute idée qu’elle a d’elle-même est le revers d’une ambition outrecuidante que se plaisent à colporter, dans un halo de rumeurs déformantes, tous les rivaux qui croisent son chemin.

Ce matin-là, la Myriam est donc ombrageuse dans le taxi qui l’emporte loin de chez elle et du carnet oublié. La veille au soir, en préparant chez elle pendant des heures le grand rendez-vous, elle avait étudié toutes les hypothèses de questions envisageables, les rebondissements possibles, les développements potentiels et avait méticuleusement consigné par écrit son scénario de sujets à aborder.

Le matin de la grande rencontre, elle avait pris le temps de s’apprêter, soignant chaque détail. Maquillage légèrement orangé, coiffure faussement désordonnée, jean serré, bottines italiennes cirées, chemisier en soie blanche bien ouvert au bas du cou, l’échancrure découvrant un collier en argent, sobre et éclatant sur sa peau mate. « Simple mais efficace » s’était-elle dit, sûre d’elle, en se mettant une touche de brillant à lèvres. Elle avait le temps et voulait lire les quotidiens du matin. Ses lectures l’ont transportée. Un peu trop. Départ précipité et erreur sur le carnet à prendre.

Mais Myriam va se ressaisir. Pendant quelques minutes, elle cherche à retourner la situation. Elle serre les dents, veut maîtriser ce moment d’instabilité intérieure. L’orgueil, toujours l’orgueil. Elle le veut : finalement, l’absence de carnet va l’aider, la rendre plus forte ! De mémoire, elle recompose le fil conducteur des trois volets de l’interview qu’elle avait si minutieusement préparée. Elle ne faiblira pas pour si peu ! Sa détermination d’athlète de haut niveau va au contraire se muscler et l’acrobatie mentale la motiver.

Impeccable dans ses vêtements légèrement parfumés, la voilà libérée. Elle ouvre un bouton de plus à son décolleté. Elle caresse son cou, joue avec sa chaîne, au quadruple pendentif argenté : étoile de David, main de Fatima, croix de Jésus et triangle franc-maçon. Elle sourit. Elle aime brouiller les pistes. Et se concentre sur le grand moment qui approche : un tête-à-tête avec l’homme qui peut faire basculer le destin d’un peuple et, accessoirement, les « Unes » des journaux.

Elle le sait et c’est peut-être ce qu’elle savoure secrètement, elle a une belle longueur d’avance sur toute la concurrence médiatique. Elle seule a obtenu, dans la plus grande discrétion, ce grand entretien exclusif, l’instant tant convoité qui s’annonce à très fort impact public : l’interview avec « le PR », le Président de la République. Elle est au sommet. Mais elle contient sa fierté. Rester concentrée et professionnelle, avant tout.

Ce moment unique au palais de l’Elysée, elle le doit à son talent, à son endurance, à son journal mais aussi, elle ne l’exclut pas, à sa féminité qui, comme l’observent finement les mâles dominants qui régentent les allées du pouvoir, « ne gâche rien ». Ce Président est l’élu d’une droite très assumée, « sans complexe » martèlent ses partisans, et il aime jouer à « l’hyper-Président ». Et c’est un Ministre de son premier cercle, ayant précédé la prometteuse journaliste à Sciences Po, qui a favorisé l’entretien.

Ce Ministre est lui-même tombé sous le charme de cette jeune femme au sourire renversant. C’est vrai qu’il ne lui en faut pas beaucoup, à celui-là, pour s’emballer : un joli minois, un décolleté plongeant et une once de pouvoir médiatique. L’entourage de ce Ministre très particulier l’avait pourtant prévenu : se méfier de cette journaliste à la cicatrice charmeuse, ne pas trop se livrer, surtout en ce qui concerne l’Elysée. Mais avec ce Ministre complexé, lourd blond dégarni un peu rougeaud, Myriam s’est vite sentie en terrain favorable et a su allumer les feux de sa séduction. A l’occasion de quelques cocktails, d’abord. D’échanges plus personnels, ensuite. De dîners privés, enfin. Au nombre de plus en plus restreint de convives. Ce Ministre n’en pouvait plus de tourner autour de la belle.

Myriam n’a aucune sympathie pour ce personnage bombardé à la tête du ministère de l’Intérieur. Elle n’est pas du genre à cautionner bavures policières, grossièretés de langage ou blagues douteuses dont ce proche du Président s’est fait une spécialité. Mais rien ne transparaît chez elle, au contraire. Sous le charme, ce Ministre va se montrer de plus en plus ouvert à la confidence.

Un soir, il pousse ce qu’il croit être son avantage dans une familiarité plus que cavalière. Le dîner s’attarde. D’un mot, il remercie son attachée de presse d’être restée jusqu’au dessert. Myriam se retrouve seule avec lui à table. Elle s’en désole mais son sourire persiste. Grande professionnelle.

A cette heure tardive, seul un garde du corps reste dans le couloir à attendre patiemment un ordre. Le Ministre, aussi léger en drague qu’en politique, converse avec Myriam, de plus en plus suave, avant de lui prendre la main en prétextant un jeu. La scène se déroule quelques années avant la grande révolution #MeToo. Les politiques se croyaient tout permis. Surtout ceux qui n’avaient pas de séduction naturelle.

La main de pianiste de Myriam se trouve piégée dans une paluche adipeuse. Elle s’esclaffe mais ne se cabre pas. Elle se sent plus forte que ce gros blond sans attrait. En une demi-seconde, elle joue le trouble du partenaire plutôt que la rupture sèche. Agile, elle se lève et d’une joute d’escrimeuse esquisse, avec une incroyable audace, une bise dégoûtée sur le front de l’indélicat, qui vire au rouge écarlate sans trop savoir à quoi s’en tenir. « Il faut que je rentre, vous le savez bien ! Vous aussi d’ailleurs. Je crois savoir que votre journée de demain est très chargée… Mais revoyons-nous la semaine prochaine, même jour, même heure. Si vous êtes d’accord bien sûr ! »

Bien sûr qu’il est d’accord. Le pauvre Ministre balbutie quelques mots, remercie Myriam qui est déjà dans le couloir. Elle tape gaillardement l’épaule du garde du corps à moitié endormi : « je vous rends votre homme ! » Une manière qui ne déplaît pas au Ministre, déçu du départ précipité mais laissé à ses fantasmes. Celui qui faisait déjà bien vieux quand il était étudiant à Sciences Po se satisfait de pouvoir revoir la séduisante journaliste dès la semaine suivante. Ne s’en est-elle pas elle-même réjouie dans un sourire à désarmer une caserne de CRS ?

Décidément, ce Ministre ne lui inspire aucune estime. Elle fulmine, et retient la répulsion que suscitent ses allusions xénophobes. Mais elle se veut la plus forte et ne vise qu’un seul objectif, l’accès au chef de l’Etat. Elle joue aux échecs et ne réprouve pas des coups en diagonale. Des coups de Reine. Car ce qu’elle veut, c’est bien sûr le Roi. Il lui faut pour cela faire courir le Cavalier.

Quelques semaines plus tard, hyper-concentrée dans le taxi sur son objectif présidentiel, elle frissonne de plaisir à l’idée d’entrer dans le Palais de l’Elysée, sommet du pouvoir qui lui est, oui à elle, grand ouvert. Elle y croit à peine. D’avance, elle fait défiler mentalement les visages de ceux qui vont l’accueillir. L’impeccable gendarme de faction, installé à la loge d’accueil, prendra avec application son passeport et lui tendra le badge tricolore « V » de visiteur.

Derrière l’affable officier qui viendra ensuite la chercher pour la guider, elle fera crisser les graviers blancs, propres comme des bijoux, de la grande cour de l’Elysée. Ses talons sonneront ensuite leur petite charge sur les marches du perron avant de résonner sur le marbre lustré du célèbre grand hall. Un huissier en tenue la fera ensuite monter à l’étage.

Averti, le conseiller en communication du Président, viendra alors la rejoindre dans un salon capitonné, au canapé moelleux vert et or, là où un autre huissier redoublera de courtoisie. Un verre d’eau lui sera proposé sur un plateau d’argent lustré. Le Secrétaire général ne manquera pas de faire sa révérence, mi-obséquieuse, mi-inquiète, dans un sourire chinois qui lui est coutumier.

A chacun, elle réservera un mot, une attitude. Ne rien laisser au hasard, juste un petit espace à l’improvisation, c’est sa règle à elle, fille de militaire. Son père lui a appris dès son plus jeune âge à jouer de force mais aussi d’aisance, surtout dans les situations les plus compliquées.