Une femme : un récit regorgeant de faits actuels - Alain Astouric - E-Book

Une femme : un récit regorgeant de faits actuels E-Book

Alain Astouric

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Beschreibung

"Une femme : un récit regorgeant de faits actuels" abonde en informations récentes concernant la parité entre hommes et femmes en termes de droits. Lionel n’a pas su accorder à Ophélie toute l’importance qu’elle méritait ni préserver le trésor qu’elle représentait aux yeux des autres hommes. À mi-chemin entre une biographie et un essai, offrant une lecture aussi captivante qu’un roman, cet ouvrage donne l’opportunité au lecteur d’évaluer les progrès accomplis jusqu’à présent et ceux qu’il reste à faire pour combattre les inégalités entre les sexes.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alain Astouric, expert en communication et relations interpersonnelles, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la pédagogie, le marketing et le management d’une équipe au travail. Il présente une nouvelle édition, revue et augmentée, de son roman-essai "Une femme : un récit regorgeant de faits actuels". Dans cet ouvrage, il allie le dynamisme d’un roman à la profondeur d’un essai et donne des informations récentes sur la parité homme-femme. À travers l’histoire captivante de Lionel et Ophélie, le lecteur est invité à réfléchir aux progrès réalisés et aux défis restants pour réduire les inégalités entre les sexes.

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Seitenzahl: 253

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Alain Astouric

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une femme :

un récit regorgeant de faits actuels

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Alain Astouric

ISBN : 979-10-422-6201-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nouvelle édition revue et augmentée

 

 

 

 

 

Préambule

 

 

 

Une femme :

Un récit regorgeant de faits actuels

 

Ce livre marie habilement la vivacité d’un roman captivant avec la profondeur d’un essai informatif. À travers l’histoire de Lionel, journaliste, et d’Ophélie, une femme pleine de vie qui travaille dans un ministère, l’ouvrage explore les défis et les triomphes de la quête pour l’égalité des sexes.

 

Ce roman-essai s’adresse principalement aux femmes, les encourageant à reconnaître leur force et leur potentiel. En mettant en lumière les luttes et les victoires des femmes, il offre une perspective riche et nuancée sur le féminisme contemporain. Chaque page est une invitation à découvrir, comprendre et célébrer les avancées des femmes dans notre société.

 

Que vous soyez lectrice ou lecteur, ce roman-essai vous captivera par son mélange unique de narrations dynamiques et de réflexions.

Plongez dans cette lecture motivante et optimiste.

 

 

 

 

 

1

Les réseaux féminins

 

 

 

Ce n’est point aux femmes de se couvrir, mais aux hommes de se tenir.

 

Szczepan Yamenski1

 

Mon rôle de second n’est-il pas de vous aider à envisager toutes les options possibles, afin que vous décidiez au mieux, dans l’intérêt de notre mission ?

 

Lionel finissait d’écrire cette réplique pour le nouveau feuilleton télévisé dont il avait accepté de traduire les dialogues, lorsque le téléphone sonna. Bonne nouvelle, c’était Gérald, le rédacteur en chef adjoint d’un quotidien pour lequel il travaillait régulièrement. Au fil de leurs échanges, une certaine complicité intellectuelle s’était établie entre les deux hommes, qui savaient s’écouter et se comprendre.

 

— Salut Lionel. Comment ç’va ? J’ai un nouveau boulot pour toi. Tu as une minute ? Je t’explique.

— Oui Gérald, je t’écoute.

— Le journal se porte bien. Pour nos lecteurs de presse écrite, la qualité des contenus prime sur tout le reste. On en parlait encore hier en conférence de rédaction. On va donc conserver ce bon niveau de qualité et notre ligne éditoriale qui réussit, tout en répondant à la nouvelle demande de loisirs.

— Demande de loisirs ?

— Oui Lionel. Les gens ne veulent plus seulement lire leur journal, ils ont besoin d’occuper leur temps libre. On va ajouter une grille de mots croisés et, en juillet et août, ce que j’appelle des historiettes. C’est un début, qu’en dis-tu ?

— Historiettes ? Je ne vois pas bien où tu veux en venir.

— Je pense à de petits récits plaisants, des anecdotes qui peuvent être historiques ou pas, amusantes, insolites… D’autres journaux le font depuis quelque temps, surtout pour leurs éditions du week-end. Tu trouveras facilement. J’ai pensé à toi pour écrire ces petites histoires. Ça te dit ?

— Euh… oui. Vu comme ça… je… Gérald, je vais d’abord voir ce qui se fait, puisque d’autres le font. Il faut que je sache.

— Je suis à peu près sûr que d’ici quelque temps, les journaux et hebdomadaires comporteront des pages entières de mots croisés, d’histoires et de jeux de toutes sortes. La demande existe.

— Euh, oui, je… Je vais voir ça.

— On voit apparaître des jeux avec des chiffres, d’autres avec des mots entremêlés. Bref, ça bouge dans tous les sens. Nous aussi, nous devons innover.

— Oui, oui, Gérald.

— Pourquoi pas des récits comiques, taquins, drôles, étonnants… Pas de vulgaires blagues de comptoir. Là aussi, nous devons faire la différence.

— Ce serait pour quand ?

— L’été prochain. Une histoire par jour en juillet et août.

 

Déjà précaire dans les années 1980, le métier de pigiste reste de nos jours modeste et fragile, surtout pour les femmes journalistes dont 55 % exercent sous ce statut. À l’époque, seuls quelques rédacteurs indépendants aguerris et ayant su se créer un solide réseau de connaissances tiraient leur épingle du jeu en tant que journalistes rémunérés à la tâche. Lionel était de ceux-là. Il appréciait ce travail relativement autonome, pour le compte de journaux et d’un magazine. Titulaire d’une carte de presse et soumis aux règles déontologiques de la profession, il avait gagné son autonomie après une série d’expériences professionnelles pas toutes heureuses. En particulier, les années passées dans cette entreprise internationale où sa place sur l’organigramme, comme rédacteur du journal du groupe, le conduisait trop souvent à devoir mettre en avant des idées auxquelles il n’adhérait que peu. Lionel, se sachant incapable de tenir longtemps une ligne éditoriale strictement imposée, sans pouvoir un seul instant en prendre le contre-pied, ne serait-ce que pour commencer à équilibrer l’information du lecteur, avait de lui-même quitté cet emploi. La situation était trop désagréable à vivre pour quelqu’un d’une sensibilité aussi généreuse que la sienne. C’est donc par honnêteté intellectuelle qu’il avait choisi cette forme de fuite. Plus précisément, cette forme d’intelligence d’évitement, comme il aimait le dire, voulant par-là inciter son interlocuteur du moment à réfléchir sur le périmètre de l’obligation de loyauté qu’un collaborateur doit à l’entreprise, l’institution ou l’organisme pour lequel il travaille.

 

Lionel, qui se sentait suffisamment décidé, motivé et énergique pour tenter le travail en libéral, opta pour ce changement radical. Il savait qu’en quittant son emploi salarié pour devenir indépendant, il aurait nécessairement à s’adapter aux demandes des commanditaires et autres clients, mais il comptait ne pas avoir à se soumettre totalement. Malgré sa tendance naturelle à la modestie, il restait convaincu que sa plume, qu’il maniait déjà avec talent, une fois mise au service du réseau de connaissances qu’il se constituait depuis quelques années, lui permettrait de ne pas trop avoir à déguiser ses idées. Peut-être même qu’en free-lance, Lionel pourrait s’autoriser quelques écrits authentiques. Du moins l’espérait-il, attachant grand prix à l’authenticité et à la sincérité, ces deux qualités complémentaires appréciées des lecteurs dès lors qu’elles sont intelligemment mises en œuvre.

 

Le réseau de connaissances dont dispose une personne a toujours été un important facteur de sa réussite. De nos jours, les moyens modernes disponibles sur Internet offrent de belles possibilités. En outre, il n’est pas rare que l’adhésion à un club, une association, un syndicat, ou une amicale améliore encore l’envergure et donc l’efficacité d’un réseau personnel. De plus, bien qu’il ne faille pas en faire une règle absolue, des critères comme le genre, les études suivies ou la strate sociétale d’origine prévalent souvent dans la constitution de notre réseau personnel. Toujours sur Internet, des réseaux professionnels féminins ont émergé dans les années 2000 avec une particularité significative : nombreuses sont les femmes qui considèrent leur appartenance à l’un de ces réseaux comme un investissement précieux de leur temps et en attendent un retour rapide. Ce calcul est probablement dû au fait que le temps des femmes est souvent plus compté que celui des hommes. Dans ces conditions, les réseaux féminins ne se concentrent pas uniquement sur le business, mais deviennent souvent des regroupements dans lesquels les femmes s’entraident, s’encouragent et partagent leurs expériences, y compris celles personnelles. À travers ces réseaux, elles peuvent travailler leur image de marque en s’adonnant à une sorte de marketing personnel, ou « personal branding ». Ce dernier incite les personnes à mettre en avant leur propre valeur ajoutée et à souligner leurs caractéristiques les plus valorisantes. Les réseaux féminins deviennent alors des points de rencontre qui aident à acquérir suffisamment de confiance en soi pour envisager de briser le plafond de verre qui bloque une évolution de carrière, et qui agace quand on est une femme cadre. Cependant, malgré quelques belles avancées du même ordre, les femmes ont longtemps dû faire face à de nombreux obstacles.

 

Après une éternité d’immobilisme, durant laquelle les femmes ont subi d’innombrables agressions de toutes sortes, la publication en France, au début des années 2000, de l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes (Enveff) a eu un impact considérable. Cette étude révélait qu’une femme sur dix était victime de violences conjugales. L’État a soudainement pris conscience de l’ampleur du phénomène. Les violences faites aux femmes sont sorties de la sphère privée pour devenir un problème public, puis politique. Mais c’est surtout le mouvement #MeToo qui a permis un changement radical de regard sur les violences faites aux femmes. En octobre 2017, à la suite d’un scandale sexuel dans le milieu du cinéma américain, le mouvement #MeToo a provoqué une révolution sociale et politique internationale. La parole des femmes victimes de violences sexuelles s’est soudainement libérée et diffusée dans près de 100 pays, relançant la lutte pour l’égalité des sexes. Rapidement, des femmes ont raconté leurs agressions et dénoncé les harcèlements dont elles avaient été victimes au travail ou dans le cadre familial. En France, le mot-clé #BalanceTonPorc a alors incité les victimes à dévoiler les noms de leurs agresseurs. Arrivé à ce niveau d’activisme, le mouvement n’a pas toujours été accueilli à bras ouverts. La haine pour les hommes, exprimée par une minorité de féministes radicales, a fait scandale à son tour. Mais il est important de souligner fortement que la misandrie reste un phénomène tout à fait minoritaire, et que les mouvements féministes ne visent que l’égalité et la justice entre les sexes.

 

La confiance en soi, dont nous venons de dire toute l’importance a fréquemment été mise en avant comme un pilier fondamental du développement personnel et de la réussite, dans tous les aspects de la vie. Il s’agit de croire en ses capacités et ses propres jugements, ce qui permet de se sentir plus libre, plus épanoui et au total plus heureux. La confiance en soi peut aider à briser le plafond de verre, qui limite les opportunités des femmes dans la société. Elle aide aussi les femmes à lutter contre les stéréotypes, qui pourraient les enfermer dans des rôles prédéfinis. La confiance en soi s’améliore grâce à des actions comme se fixer des objectifs réalistes, se valoriser, se former, demander du feed-back. Cependant, elle n’est pas une qualité absolue. Elle varie selon les situations, les contextes, les personnes. Elle connaît aussi des limites et présente des inconvénients, comme l’éventuelle apparition de l’arrogance, la surévaluation de soi et le déni de ses faiblesses. Des comportements qui peuvent nuire au développement personnel et à la réussite. Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre la confiance en soi, l’humilité, la remise en question de soi-même et le respect des autres. Cela dit, la confiance en soi n’est pas le seul pilier du développement personnel puisqu’il existe d’autres compétences tout aussi importantes, comme la connaissance de soi, l’intelligence émotionnelle, la créativité ou la résilience. Il est donc nécessaire de développer une vision globale de soi-même, qui tienne compte de ses forces et de ses faiblesses, de ses envies et de ses besoins, de ses valeurs et de ses objectifs.

 

Les femmes, longtemps soumises à une culture patriarcale les empêchant de s’exprimer et de décider, doivent maintenant cultiver et renforcer leur confiance en elles-mêmes pour se donner les moyens de saisir intelligemment les opportunités. Ce livre met en lumière les luttes et les victoires des femmes, tout en offrant des réflexions sur les dynamiques de pouvoir et les structures sociales. Il s’adresse principalement aux femmes, les encourageant à reconnaître leur force et leur potentiel. Pour autant, messieurs ne vous sentez pas exclus : après tout, qui n’aime pas une bonne histoire pleine de rebondissements et de personnages captivants ? Et puis, entre nous, comprendre les femmes, c’est un peu comme découvrir le secret de l’univers, non ? Alors, vous aussi plongez dans ce récit, vous pourriez bien y trouver des réponses à des questions que vous n’avez jamais osé poser.

 

Bonne lecture à tous.

 

 

 

 

 

2

D’un ton étrangement détaché

 

 

 

De la femme vient la lumière, et le soir comme le matin autour d’elle tout s’organise.

 

Louis Aragon

 

Disparitions

Douze ouvrières, qui comme chaque matin se rendaient à leur travail par une route fréquentée, ont soudainement disparu. Comment est-ce possible ? Il y avait bien eu ce bruit sourd, lointain. Une sorte de bourdonnement d’une dizaine de minutes vers le moment présumé de la disparition. Mais comme dans le secteur les bruits et mouvements ne manquent pas, au contraire, ça bouge, ça claque, ça parle, ça chantonne ou ça rouspète, ça souffle ou ça baille surtout le matin et le soir, alors, un bruit de plus ou de moins ce n’était pas bien significatif, avaient d’abord pensé les enquêteurs. Après huit jours à chercher à en savoir un peu plus, ils en arrivaient au même constat, celui d’un bruit sourd, inexpliqué. Seul un ancien avait évoqué une vieille histoire qui se serait produite il y a longtemps. À l’époque déjà, une demi-douzaine de jeunes ouvrières avait disparu un jour de bruit et personne n’avait jamais réussi à élucider quoi que ce soit.

Les jours passaient, l’enquête piétinait, le climat s’alourdissait. C’est alors que la nouvelle tomba : cinq nouvelles disparitions aussi soudaines qu’inexpliquées ! Des disparitions intervenues sur la même route, avec le même bruit de fond, à peu près à la même heure que la fois précédente. Exactement sept jours plus tard.

Piqués au vif par ce nouveau défi, les enquêteurs redoublèrent d’activité. La cellule d’enquête fut renforcée et la communication améliorée. À ceci près que l’on n’avait pas grand-chose à communiquer. Alors comme souvent dans un tel cas, les médias se mirent à répéter le peu qu’ils savaient. Du coup, les disparues des jours de bruit étaient véritablement sur toutes les lèvres et dans toutes les oreilles. C’est d’ailleurs en les nommant de la sorte que l’ancien demanda à parler à l’enquêteur en chef.

— Voilà. C’est à propos des disparues des jours de bruit. Je me suis souvenu que la propreté offusquait les enquêteurs de l’époque.

— La propreté ?

— Oui, la propreté des lieux. Ils disaient qu’à l’endroit présumé de la disparition tout était parfaitement propre ; qu’il ne restait plus une seule brindille et qu’un tel niveau de propreté était inhabituel.

— Oui. Je vais voir ça. Vous avez bien fait de m’en parler. Merci.

Si l’enquêteur en chef avait aussi vite mis fin à l’entretien, c’est parce qu’il s’en voulait déjà de ne pas y avoir pensé plus tôt. C’est pourtant évident, se dit-il. Les ouvrières disparues sont des fourmis et le bruit est celui d’un aspirateur.

 

 

Voilà tout ce que Lionel avait réussi à écrire alors que finissait cette belle journée d’avril 1986. Une seule et unique historiette intitulée, Disparitions. À ce rythme, il ne remplirait jamais le contrat. En s’engageant à alimenter la nouvelle rubrique, Divertissements, du quotidien régional qui venait de lui passer commande, Lionel avait accepté de fournir une histoire par jour durant les deux mois d’été, soit une soixantaine de récits. Même pour des histoires courtes, c’était un défi de taille. D’où l’idée de prendre de l’avance en s’isolant dans sa maison de campagne. Mais manifestement, cela ne suffisait pas. Malgré toutes les conditions réunies pour réussir, il n’y arrivait pas. De surcroît, depuis le premier jour, une question ajoutait de l’inquiétude à ses difficultés : les histoires un brin fantaisistes, voire carrément loufoques, qu’il s’apprêtait à écrire, conviendraient-elles ? Son style de divertissement littéraire plairait-il ? Gérald, le rédacteur en chef, lui avait laissé toute latitude. Peut-être un peu trop. Se divertir en lisant, cela signifie quoi exactement ? N’était-ce pas une explication à la fois suffisante et insuffisante sur la nature des textes attendus ? Lionel ne savait plus que penser. Il ne savait plus très bien comment poursuivre. Confronté à la réalité du problème, il regrettait de ne pas avoir discuté davantage avec Gérald sur ce qu’il attendait exactement. À l’époque, l’usage du téléphone étant beaucoup moins répandu, il n’était pas question de déranger Gérald en l’appelant pour un choix, certes délicat, mais qui relevait de son domaine de rédacteur. Et puis, qui voudrait passer pour « incapable de décider » dès le premier coup de fil ? En conséquence, Lionel se retrouvait dans la situation de l’âne de Buridan. Cette pauvre bête, dont la fable nous dit qu’elle est paradoxalement morte de faim et de soif devant son picotin d’avoine et son seau d’eau, faute d’avoir su choisir par quoi commencer. Comme dans la parabole, Lionel était face au dilemme de l’embarras du choix. Cette légende nous enseigne que décider, trancher, opter, prendre position, c’est ne retenir qu’une seule solution et donc repousser les autres. En d’autres termes, l’allégorie de l’âne de Buridan nous dit que choisir, c’est renoncer. D’ailleurs, ne retrouve-t-on pas l’idée de renoncement dans l’expression bien connue d’embarras du choix.

 

De la même manière, mais dans un registre plus intime, Lionel regrettait de ne pas avoir insisté auprès d’Ophélie, il y a trois jours, alors qu’il s’apprêtait à quitter Paris. Parce qu’il pensait bien connaître sa compagne, il était sûr qu’il lui aurait suffi d’insister un peu pour qu’elle lui dévoile ce « truc » qu’elle avait évoqué au moment où ils se disaient au revoir : « Je viendrai comme prévu te rejoindre mercredi en fin d’après-midi. Je te parlerai d’un truc qui m’est arrivé au boulot », avait-elle dit d’un ton étrangement détaché qu’il ne lui connaissait pas. Lionel regrettait d’autant plus son manque d’à-propos que d’ordinaire, Ophélie parlait peu de ses activités professionnelles. Dès lors, cette annonce anticipée, cette précaution inhabituelle prise du bout des lèvres lui laissait au minimum de quoi s’interroger. Heureusement, il n’en avait plus pour longtemps à s’impatienter puisque la semaine raccourcie, pour cause de jeudi férié, prenait fin demain. Deux fois par mois, Ophélie, employée dans un ministère, terminait sa semaine de travail quelques heures plus tôt. Ainsi, demain, mercredi veille du premier mai, elle pourrait prendre le train de 16 h 22 pour Cherbourg et rejoindre Lionel en début de soirée. Autant dire que d’ici là, il n’aurait pas grand-chose de plus à lui faire lire. Ophélie serait forcément déçue, elle qui était toujours aussi gourmande de découvrir en avant-première les créations de son compagnon. À ce propos, Lionel, fier de leur complicité littéraire, aimait dire à qui voulait l’entendre : « Les femmes ont toujours été pour de nombreux auteurs, créateurs ou artistes une source d’inspiration. Elles se sont nourries de leur art, bien avant de s’émanciper elles-mêmes. ». Ajoutant parfois, au grand plaisir d’Ophélie : « Moi, ma muse c’est Ophélie. ». Une réflexion sur le rôle des femmes dans la création artistique qui amena Lionel à se questionner sur leur place dans la société. Il faut dire que dans les années quatre-vingt, peu de femmes étaient aux commandes. L’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale n’était pas un sujet d’actualité, et le peu de femmes occupant des postes à haute responsabilité assumaient leur double vie en silence. Quand quelqu’un s’étonnait de l’absence de femmes au Comité de Direction ou en tant que Directeur régional, la réponse était toujours la même : « Ce n’est pas un métier pour les femmes. ». Pour chaque poste, à chaque promotion, il fallait – et il faut encore parfois de nos jours – aller chercher des candidates en acceptant de s’entendre répondre : « C’est un poste à risque ». Comme si accéder à des responsabilités accrues n’était pas aussi un défi pour les hommes. Mais les faits sont là, un défi auquel femmes et hommes ne font toujours pas face de manière égale. Les femmes doivent en effet non seulement gagner le respect de leurs pairs sans paraître trop directives, mais tout en évitant d’envoyer des signaux ambigus. Souvent, un pur jeu d’équilibriste. Au début, les collaborateurs masculins, habitués à un management hiérarchique strict, sont déstabilisés d’entendre une femme leur dire ce que seule une femme est capable d’avouer, transformant de facto la contrainte en un atout : « J’ai beau être votre supérieur, c’est vous qui savez mieux que moi ». Mais passé l’étonnement, cette approche est tellement plus efficace pour tous. Aussi, il est temps de franchir le pas, d’oser. Le changement de mentalité est à l’œuvre, porté par les nouvelles générations pour lesquelles l’égalité femme-homme n’est plus un objectif, mais une conviction. Une conviction amenée à devenir une réalité quand ce n’est pas déjà le cas. Il est temps que notre monde accorde aux femmes la place qu’elles méritent, celle d’être aussi des leaders. Et si elles sont décrites comme des manageuses plus chaleureuses, tant mieux ! C’est la preuve que l’on peut à la fois être responsable, efficace et chaleureux. On voit bien ici que l’idée n’est pas nouvelle. Pourtant, dans la France du milieu des années 2020, la classe politique laisse encore trop de place à la misogynie. Certes, la loi a évolué et favorise maintenant l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. De sorte que les femmes sont effectivement de plus en plus nombreuses sur la scène politique, accédant même jusqu’au perchoir de l’Assemblée nationale pour la première fois en juin 2022. Mais les stéréotypes autour du genre perdurent et une bonne partie des personnels politiques estime encore les hommes moins émotifs et plus enclins à suivre une logique raisonnable pour décider, alors que les femmes seraient bien plus sensibles et souvent un peu trop attentionnées. C’est ainsi que plus de trois décennies après que la France avait connu sa première Première ministre (Édith Cresson en 1991), il reste encore des personnages politiques qui préfèrent payer des pénalités plutôt que laisser une femme prendre la place d’un député sortant. Toujours en ce milieu des années 2020, mais à l’échelle mondiale cette fois, un siège sur quatre seulement est occupé par une femme dans les parlements nationaux. Dans ce même temps, sur 197 États reconnus dans le monde par l’Organisation des Nations Unies, à peine quatorze nations comptent 50 % de femmes ou plus au sein de leurs gouvernements. La France en fait partie depuis un peu plus d’une dizaine d’années, même s’il est souvent vrai que l’avantage reste aux hommes sur les gros portefeuilles ministériels. Si, comme nous venons de le dire, la loi a évolué en faveur des femmes politiques, il est important de noter qu’à l’inverse, celles-ci sont depuis longtemps victimes de violences. Cette violence envers les femmes politiques n’est pas un phénomène récent. Par exemple, en novembre 1974, lorsque Madame Simone Veil monte à la tribune pour défendre l’IVG, l’Assemblée nationale de l’époque, qui ne compte alors que neuf femmes, devient pour elle une arène. De même, en 1979, alors qu’elle se rendait à une réunion politique, Yvette Roudy, députée européenne soutenant la cause féministe d’alors, était agresséepar un groupe d’hommes. Les femmes engagées en politique sont trop souvent, et depuis trop longtemps, confrontées à de multiples agressions physiques, verbales, psychologiques ou sexuelles. Aussi, dans son rapport de 2022, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, relève des accords empêchant l’accès effectif des femmes à certains postes de pouvoir et propose d’y remédier en s’inspirant des bonnes pratiques européennes, susceptibles d’inspirer les collectivités françaises.

 

Arrivé tout juste à l’heure, comme le train, Lionel, qui n’aimait ni attendre ni être en retard, se félicitait d’être parti en avance pour parcourir la vingtaine de kilomètres séparant sa maison de la gare. Posté sur le quai, il accueillit Ophélie d’un large sourire. Entre eux, ce n’était plus l’amour fou des débuts, mais un amour plus profond, moins ravageur. Certainement bien plus solide. Un constat qu’il aimait faire et refaire. Un constat qui lui plaisait, parce qu’il le rassurait.

 

 

 

 

 

3

La peur de trop en apprendre

 

 

 

Si les femmes n’existaient pas, tout l’argent du monde ne servirait à rien.

 

Aristote Onassis

 

Lionel et Ophélie se sont connus voilà bientôt sept ans, lors d’un long week-end de 14 juillet. Cette année-là, chacun avait rejoint ses proches en vacances au soleil de la Côte d’Azur, pressé par l’impérieux besoin de ne rien faire et surtout celui de se changer les idées. Ophélie sortait d’une liaison devenue difficile avec un garçon colérique et jaloux qu’elle ne supportait plus. Elle avait d’ailleurs eu du mal à lui faire entendre que le moment de la séparation était venu. Lionel, quant à lui, venait tout juste de se désengager d’une aventure chaotique qu’il savait sans avenir, avec une collègue plus âgée, que l’on qualifierait de nos jours de « cougar ». À l’époque l’appellation cougar n’existait pas, mais l’attrait que peuvent éprouver certaines femmes d’âge mûr pour de jeunes hommes a toujours existé. L’inverse aussi. Cet anglicisme, popularisé en France à partir de 2009, désigne une femme de 35 ans ou plus qui sort avec un homme d’au moins dix ans son cadet. Dérivé du nom d’un site de rencontres nord-américain, le mot cougar a été surutilisé quelque temps dans les séries télévisées, la publicité et les films. Il est maintenant moins usité. Pour Lionel, avec Ophélie, tout était différent de ce qu’il avait connu avec d’autres femmes et l’avenir s’annonçait des plus souriant. Chacun avait immédiatement trouvé l’autre séduisant, découvrant en lui des choses qui d’ordinaire ne se voient pas au premier coup d’œil. Il était pour Ophélie, sans qu’elle puisse vraiment l’expliquer, tout ce qu’un homme a d’attirant. Elle était pour Lionel, sans qu’il sache vraiment pourquoi, rien de moins que la féminité personnifiée. À croire qu’à certains moments de la vie amoureuse, la disposition d’esprit dans laquelle on regarde l’autre peut nous le faire voir très exactement comme nous le souhaitons, comme nous l’espérons, comme nous le voulons et pas un seul instant autrement.

 

Ophélie était une petite femme blonde aux yeux verts avec de magnifiques cheveux mi-longs. Bien proportionnée, souriante et souvent moqueuse, elle respirait la joie de vivre. Fille d’un officier de marine et d’un médecin dermatologue, elle avait une sœur plus jeune de trois ans, Charlotte. Élevées en partie chez Les Sœurs, Charlotte et Ophélie avaient suivi une éducation rigoureuse, soignée. Leur papa, issu d’une famille de catholiques pratiquants, résistant de la première heure, était l’un des premiers officiers français à avoir répondu à l’appel lancé le 18 juin 1940 par le général de Gaulle. Un message diffusé au lendemain de la signature de l’Armistice par le maréchal Pétain, alors chef d’une France déjà vaincue et bientôt occupée. Le père de Charlotte et Ophélie, bien que souvent absent du fait de sa fonction de navigant, leur avait transmis le respect de la parole donnée et un courage à toute épreuve. De son côté, leur maman leur avait enseigné le bon équilibre dont elle faisait elle-même preuve en tant que médecin : stabilité et assurance entre, l’empathie pour mieux comprendre et l’analyse pour décider. Ophélie, après une licence de droit, se trouva admise, avec les honneurs du classement, à un concours national de cadre de la fonction publique. Contre toute attente, eu égard à ses origines et ses études, elle vivait et pensait à gauche, mais avec l’intelligence d’accepter d’autres opinions. D’ailleurs, Ophélie avait bon caractère, même si elle ne manquait surtout pas de caractère.

 

L’empathie : un atout féminin ?

Le terme « empathie », que nous avons utilisé pour décrire la compassion de la maman d’Ophélie, médecin, envers les autres, est emprunté à la psychologie.

Depuis le début du XXe siècle, le mot empathie s’entends comme la faculté à se mettre à la place d’autrui, pour percevoir ce qu’il ressent dans l’intention de mieux le comprendre et mieux se faire comprendre. Il s’agit donc d’une disposition d’esprit aussi bien sympathique que bienveillante et en conséquence, rares sont ceux et celles qui ne se prétendent pas empathiques. Probablement faut-il voir là le succès d’usage de ce nom commun féminin, depuis sa « découverte » relativement récente par le grand public.

Au-delà de ces belles et bonnes intentions, et au risque de relancer une certaine guerre des sexes, il faut dire qu’une étude récente menée par des chercheurs de l’université de Cambridge atteste que les femmes présentent des niveaux d’empathie plus élevés que les hommes.

Oui, désolé messieurs, les faits sont là, les femmes sont plus empathiques que nous !

 

 

De son côté, Lionel, journaliste indépendant, était un intellectuel aux idées de droite et au physique sportif. Fils d’un courtier en assurances et d’une infirmière libérale, il avait un frère plus jeune, Quentin. Lionel était aussi l’heureux et fier papa d’une petite Amandine, maintenant élevée par sa maman, professeur d’italien à Nice. La stature d’athlète de Lionel, ses doux yeux noirs, sa voix calme et assurée avaient plu à Ophélie. Sa conversation avait fini de la séduire. Ce n’est qu’en se retrouvant en septembre à Paris qu’ils explorèrent vraiment à fond les choses de l’amour. Leurs trente-deux ans respectifs et leurs expériences amoureuses précédentes leur conféraient un avantage indéniable pour se compléter parfaitement dans ce domaine aussi. Une complémentarité qu’ils transformèrent vite et bien, en une grande et belle réussite. À chacune de leurs rencontres, Ophélie se retrouvait collée au plafond. À deux reprises au moins, elle avait éclaté en sanglots de plaisir. La première fois, Lionel, qui n’avait jamais eu le bonheur de connaître cela, s’en trouva tout chose. Il n’eut alors qu’un mot : merci mon amour. Après quelques semaines d’un tel régime, aux vertus médicinales depuis longtemps reconnues, c’est Ophélie qui proposa à Lionel de venir s’installer chez lui. Depuis, ils ne se sont presque plus quittés.

 

Pour le repas du soir, Lionel avait préparé autant pour son plaisir que pour celui d’Ophélie, l’une de ses spécialités culinaires : la bourride de lotte à la Sétoise. Un poisson acheté directement chez un marin-pêcheur de la côte qu’il connaissait depuis des années, auprès duquel il s’était rendu la veille. Celui-là même qui se disait fier d’avoir en son temps spontanément milité pour la féminisation du métier, alors qu’à l’époque la question ne se posait même pas : « Les filles n’allaient pas en mer, c’est tout !