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2018. Un virus créé par l’homme se propage à travers la planète et en décime la population. Les sujets infectés meurent dans d’atroces souffrances, puis se transforment en créatures humanoïdes cannibales. Des groupes de survivants se forment alors pour essayer d’endiguer la pandémie à leur manière. Toutefois, dans un monde presque déchu où règnent chaos et danger, leur lutte sera très âpre. Entre frissons et trahisons, Hugo, Louise, Claire, Matt et Liana vous entraînent dans leur combat. Échapperez-vous à une telle fatalité ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Gaëtan Signole libère son esprit en écrivant. Sa passion et son obstination à donner vie à son imagination ont impulsé l’écriture de ce thriller.
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Seitenzahl: 392
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Gaëtan Signole
Zerg
L’effondrement
Roman
© Lys Bleu Éditions – Gaëtan Signole
ISBN : 979-10-377-7664-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes grands-parents, à qui je dois beaucoup.
À Chloé, qui découvrira cet univers dans quelques années.
Prologue
Journal de bord de Clark Bent
Janvier 2018, forêt amazonienne
1er jour
Bonjour, je m’appelle Clark Bent et j’ai trente-deux ans. Je suis médecin et je travaille pour l’OMS depuis plusieurs années. Je suis marié avec une femme que je qualifierai d’exceptionnelle, Laura Bent. Hélas, nous n’avons pas d’enfant à cause de sa tétraplégie. Pour combler ce vide, nous avons adopté un adorable labrador. Nous habitons une très jolie maison au calme, en périphérie de Paris. Mon nom et mon prénom vous semblent étrangement américanisés ? C’est normal. Mon grand-père était un soldat américain qui a été blessé lors de la Seconde Guerre mondiale. Ne pouvant pas être rapatrié, il décida de rester en France et y fonda une famille. Il ne reste plus personne qui porte ce nom, hormis ma nièce Claire, ma femme et moi. Ils ont tous disparu et bientôt ce nom avec.
Je suis arrivé ce matin en Amazonie dans un avion affrété par une compagnie low cost douteuse. Le voyage fut éprouvant, l’appareil n’étant pas celui prévu à l’origine. Une panne de je ne sais plus quoi. L’OMS m’a envoyé ici, ainsi qu’une trentaine d’autres membres. Un semblant d’armée nous escorte pour que nous puissions naviguer en toute sécurité. Il paraît que la zone n’est plus sûre, surtout depuis qu’une épidémie s’y est développée. D’après nos premières informations, il s’agirait d’un nouveau cas de rage, rien à voir avec celle que nous connaissons. J’ignore si le vaccin que nous détenons sera efficace, et au cas où, nous devrons trouver un plan B. Mais nous serons vite fixés, car demain c’est le terrain qui nous attend.
Sur ces dernières paroles, je vais aller dormir un peu, la journée de demain risque d’être longue et tumultueuse. J’essayerai de tenir ce journal régulièrement. Ils nous y obligent pour conserver une trace de nos découvertes et… pour que nos familles gardent une trace de nous si jamais on ne rentrait pas…
2e jour
Comme je le disais hier, la journée fut éprouvante. Nous avons dû parcourir pas moins de cinquante kilomètres à pied à travers la forêt et mes jambes sont en ébullition. Il faudrait peut-être que je me remette au sport une fois rentré chez moi.
Pour en revenir au sujet principal, le cas de rage s’est développé un peu partout à travers cette titanesque forêt. J’ignore combien de tribus nous aurons à vacciner, mais je crains que cela ne soit plus long que prévu. D’après ma première expertise, je vous fais part de la fiche médicale du premier patient que j’ai vacciné :
Patient du docteur Bent
Fiche médicale numéro une
Sujet : Homme d’environ dix-huit ans, un mètre soixante-dix, soixante kilos. Trace de morsure au niveau du poignet droit.
Cause : Le sujet s’est fait mordre par une chauve-souris, il y a de cela 18 jours.
Symptômes : Pas de symptôme apparent. La phase d’incubation ne sera atteinte que dans deux jours.
Observation : Le sujet est pour le moment en bonne santé. Une dose de vaccin lui a été administrée à 15 h 12 ce jour. Par mesure de précaution, il est resté à l’infirmerie.
D’après les premières informations que j’ai pu récolter auprès des indigènes, les chauves-souris auraient un comportement étrange depuis plusieurs mois. Elles s’attaqueraient à tout le monde sans raison et en pleine journée. Il nous faudrait capturer un spécimen vivant pour que nos chercheurs puissent l’étudier, mais pour le moment, je n’en ai pas aperçu une seule dans les parages. L’armée nous a distribué des tasers électriques pour que nous puissions nous défendre si jamais une attaque survenait.
3e jour
Une catastrophe ! C’est un véritable cauchemar que nous venons de vivre au petit matin. Alors que le campement s’éveillait paisiblement et que nous étions en train de prendre notre petit-déjeuner, une nuée de chauves-souris s’est abattue sur le camp pour nous prendre d’assaut. La panique fut totale, tout le monde courait en hurlant, essayant de se défendre tant bien que mal contre cet ennemi rapide. Plus de la moitié de notre effectif a été mordue ou griffée par ces vampires de poches. On se serait vraiment cru dans le film « Dracula » !
J’ai eu la chance de n’avoir rien eu, l’infirmerie a elle aussi été épargnée. Mais nous avons dû l’agrandir avec d’autres tentes pour accueillir toutes les nouvelles victimes. Nous sommes en sous-effectifs pour nous occuper de tout ce monde. L’armée brésilienne, avec le soutien de la pression internationale, va nous envoyer des renforts mais nous en ignorons encore la date.
Nous avons vacciné les blessés pour assurer leur sécurité et la nôtre. Malheureusement, nos assaillants se sont attaqués aussi bien aux êtres vivants qu’à notre stock de vaccins et à nos vivres. Une cargaison devrait arriver par le ciel dans les jours à venir. En attendant, nous sommes livrés à nous-mêmes. Nous avons cependant pu capturer l’un de ces animaux pour nous assurer qu’ils sont bel et bien à l’origine du virus.
L’état de mon premier patient n’a pas évolué, ni dans un sens ni dans l’autre. Il reste asymptomatique, ce qui est plutôt encourageant. S’il reste ainsi demain, c’est que le vaccin fonctionne et qu’il lui faudra une autre injection pour l’immuniser totalement.
4e jour
Pas grand-chose à signaler. Nous sommes restés dans le campement toute la journée pour nous occuper des victimes. Mills, l’un des soldats, est mort de ses blessures dans la nuit. Nous avons dû l’enterrer immédiatement pour que l’odeur de la mort n’attire pas des prédateurs. Il paraît que la zone regorge de jaguars, je n’ai pas envie de me retrouver nez à nez avec eux. Bizarrement, son corps ne présentait aucun signe de la rage, il a dû simplement succomber à ses blessures.
Les chauves-souris ne sont pas revenues, une aubaine pour nous. Celle que nous avons capturée est bien porteuse du virus, à un stade très avancé. Cela explique pourquoi cette espèce nocturne est devenue diurne. Je n’avais jamais vu un animal dans cet état, la mort se lit dans ses yeux. Si jamais elle s’échappait…
Pas de nouvelles des renforts ni de la livraison de vaccin. L’état de mon patient est stable, en espérant que cela continue ainsi.
6e jour
Hier je n’ai pas pu tenir mon journal à jour car ma journée a été riche en émotions. Je me suis levé de bonne heure hier matin à cause d’une envie pressante et je me suis aventuré dans le bosquet le plus proche. J’ai entendu du bruit sur ma gauche et, instinctivement, j’ai tourné la tête dans cette direction. Je croyais qu’un membre du groupe avait eu la même idée que moi, mais non. Quand j’ai aperçu le jaguar qui me regardait avec des yeux assassins, je me suis mis à courir en hurlant de toutes mes forces. Un seul détail concernant ses yeux, et qui je pense sera bénéfique pour nos futures recherches : ils étaient rouges comme le sang. Je pense qu’il avait lui aussi contracté la rage.
Pour être tout à fait franc, je croyais ne pas m’en sortir. Il est difficile, voire impossible, pour un humain de distancer un félin de cette envergure. J’ai couru comme un forcené sans jamais regarder derrière moi. C’est fou ce que le corps humain est capable de faire quand il est en danger de mort. De toute manière, je n’avais pas besoin de me retourner pour sentir le souffle brûlant de mon prédateur derrière moi. Ma course effrénée s’arrêta net devant un précipice, haut d’une trentaine de mètres. Si je sautais, je mourais, et idem si je ne sautais pas. La peur du vide me paralysa, alors je fis face au jaguar et au funeste destin qui m’attendait. Un coup de feu. Un simple coup de feu terrassa mon adversaire qui termina dans le précipice à ma place. L’armée brésilienne, du moins les renforts qu’elle nous envoyait, venait tout juste d’arriver de l’autre côté. Sérieusement, j’ai eu une chance phénoménale de m’en sortir indemne. La première chose que je ferai en rentrant sera de jouer à la loterie.
Je dois ma vie au lieutenant Pedro Silva qui n’a pas hésité une seule seconde à vanter le courage dont j’avais fait preuve. Pour moi ce n’était vraiment pas du courage, mais plutôt de la folie. L’escouade m’a finalement escorté jusqu’au campement que nous avions établi. Là-bas, tout le monde s’était inquiété de ma soudaine disparition. Les visages furent rassurés quand je revins avec les soldats et on m’accorda le droit de prendre mon après-midi pour me reposer.
La livraison de vaccins a eu lieu aujourd’hui en fin de matinée, mais pas par largage aérien comme on nous l’avait annoncé. Un 4x4 ainsi qu’un camion de transport de troupes, portant tous deux un logo méconnu, ont effectué la livraison.
Un dénommé Khün, habillé tel un cow-boy, se présenta à nous en affirmant que lui et ses hommes avaient reçu l’ordre de prendre le relais pour la campagne de vaccination. Le lieutenant qui m’avait sauvé la veille vint lui donner une accolade amicale en lui offrant ses services. Comme je l’appris par la suite, les deux hommes se connaissaient depuis la guerre en Irak. Les nouveaux venus travaillent pour Parkz, un centre de recherche en génétique et en micro-organismes. J’ai déjà entendu parler d’eux et du PDG actuel, Patrice Réan, un homme peu scrupuleux, à la fortune plus que douteuse. Immédiatement après leur arrivée, le groupe de médecin de chez Parkz s’est occupé de nos patients à notre place, nous laissant le soi-disant privilège d’accueillir les infectés dans notre camp. Ils ont inoculé aux malades les premières et deuxièmes injections de vaccin. Ça me rend fou de n’être plus qu’un simple spectateur.
7e jour
Pas grand-chose à signaler. J’ai accueilli des dizaines de personnes, de diverses tribus, qui elles aussi s’étaient fait mordre par des chauves-souris. Cela fait trois jours que je n’ai pas vu mon premier patient, les soldats nous tiennent à l’écart de l’infirmerie. Pourquoi ? Qu’essaient-ils de nous cacher ? J’ai tenté de questionner le lieutenant Silva, mais il m’a répondu de me consacrer à la tâche que Khün m’avait confiée.
Ma femme me manque, j’ai hâte de rentrer et de la serrer fort contre moi.
8e jour
Ouais… Eh bien, on dirait que je ne suis pas vraiment prêt à rentrer chez moi. Le caporal-chef Khün est venu me trouver ce matin alors que j’étais en train de prendre mon petit-déjeuner. Il s’est assis en face de moi avec un cigare à la bouche. J’ai horreur de cette odeur, surtout de bon matin. Il m’a demandé si je souhaitais épauler son équipe de médecins à évaluer l’évolution de l’état des patients. En contrepartie je devrais travailler pour eux une fois la campagne terminée. Et vous savez très bien que bon et bête commencent par la même lettre… Donc j’ai accepté sans réfléchir aux conséquences que cela allait impliquer. Khün m’a fait remplir un formulaire sur une tablette ainsi qu’un contrat à durée indéterminée rempli de clauses ultra-confidentielles qu’il s’est empressé d’envoyer à son patron par mail.
À mon avis, j’ai pactisé avec le diable ! Pardonne-moi chérie…
9e jour
Il y a eu une sorte de fête hier soir pour célébrer mon arrivée chez Parkz. Les soldats avaient réussi, par je ne sais quel miracle, à se procurer des bouteilles d’alcool. Ils avaient même allumé un feu de camp alors qu’il est formellement interdit de le faire. On dirait que les consignes de sécurité ne s’appliquent pas pour Parkz et ses mercenaires. Bref, nous avons mangé du poisson que certains avaient pêché dans l’Amazone. Je ne sais pas si l’espèce que j’ai consommée était comestible, mais en tout cas j’ai eu mal au ventre toute la nuit. À moins que ce ne soit à cause de l’alcool ?
Juste avant d’aller me coucher, j’ai été le seul à apercevoir une ombre et des yeux dans les fourrés. J’ai voulu le signaler sur-le-champ, mais les seules personnes qui ne dormaient pas étaient bien imbibées de whisky. Je crois que nous sommes surveillés, mais par qui ou par quoi ?
Cet après-midi, je me suis occupé de mon patient numéro un. Voici sa nouvelle fiche médicale :
Patient du docteur Bent
Fiche médicale numéro une
Sujet : homme d’environ dix-huit ans, un mètre soixante-dix, soixante kilos. Trace de morsure au niveau du poignet droit.
Cause : le sujet s’est fait mordre par une chauve-souris, il y a de cela 25 jours. La phase d’incubation du virus est dépassée depuis 5 jours. La première injection lui a été administrée il y a 8 jours, la seconde il y a 4 jours.
Symptômes : fièvre apparente (38,2) avec maux de tête persistants. Il est pris de frissons régulièrement.
Observation : le patient présente plusieurs symptômes liés à la rage. Une prise de sang a été effectuée pour déterminer si c’est le cas.
C’est tout de même bizarre quand j’y repense. Mon patient était encore en parfaite santé il y a quatre jours, mais depuis la deuxième injection, il ne reste plus asymptomatique. Ma première hypothèse, qui est la seule pour le moment, reste que la première injection de vaccin est arrivée trop tardivement. Je vais le surveiller de très près.
Ce soir, j’ai encore aperçu une ombre dans les fourrés. Personne ne l’a remarquée, mais je ne pense pas que ce soit une bête sauvage. Demain il faudra que j’en parle à Khün ou au lieutenant Silva.
10e jour
Quand je me suis réveillé ce matin, j’ai rapidement avalé un café avant de me rendre dans la tente des officiers. Mais le garde en faction devant l’entrée n’a pas voulu me laisser entrer. A priori, Khün était en réunion. Tant pis, je lui en parlerai dans la journée. L’état de mon patient est le même qu’hier, ni plus ni moins. Je n’ai pas encore les résultats de sa prise de sang, les biologistes sont débordés, paraît-il.
Ce soir, j’ai enfin pu croiser Khün et Silva alors que je m’apprêtais à aller me coucher. Derechef, je leur ai fait part de la mystérieuse vision que j’ai eue les deux jours précédents. Khün a ri en se moquant de moi. Silva, quant à lui, m’a affirmé que c’était probablement un fauve ou quelque chose du genre et qu’il ne fallait pas que je m’en préoccupe. Tu parles…
11e jour
Patient du docteur Bent
Fiche médicale numéro une
Sujet : homme d’environ dix-huit ans, un mètre soixante-dix, soixante kilos. Trace de morsure au niveau du poignet droit.
Cause : le sujet s’est fait mordre par une chauve-souris, il y a de cela 27 jours. La phase d’incubation du virus est dépassée depuis 7 jours. La première injection lui a été administrée il y a 11 jours, la seconde il y a 6 jours.
Symptômes : forte fièvre (39,3) avec maux de tête constants. Forts frissons. Perte d’appétit et insomnie reconnues. Le patient est irritable dès que je l’approche.
Observation : prise de sang favorable au virus. Le patient présente pratiquement tous les symptômes liés à la rage. En attente de voir si les symptômes neurologiques arrivent dans les prochains jours. Patient à surveiller étroitement et précautionneusement.
19e jour
Je n’ai pas vraiment eu le temps de tenir ce journal ces derniers jours. Il y a eu beaucoup d’événements. J’ai aujourd’hui un court répit pour pouvoir vous raconter mes huit derniers jours, alors je vais le faire. Cela risque d’être la partie la plus longue de ce journal.
Parlons tout d’abord de mon patient. Normalement, dès qu’une personne contracte la rage, les premiers symptômes sont la fièvre, les frissons, la fatigue, l’insomnie, la perte d’appétit, les maux de tête, l’anxiété et l’irritabilité. Ils apparaissent une fois la durée d’incubation terminée. Pour ce patient, tout a été respecté.
Parlons maintenant des symptômes neurologiques qui surviennent dix jours après les premiers autres symptômes. Ils sont référencés ainsi : douleur, engourdissement ou démangeaisons à l’endroit ou près de la morsure ou griffure. Faiblesse et tremblement dans la partie du corps contaminée. Spasmes musculaires. Difficultés respiratoires et pour avaler. Confusion, hallucination, agitation, agressivité. Paralysie, coma et trouble de la parole. Mon patient répond à certains de ces critères, mais trop tôt : les symptômes neurologiques sont apparus avec cinq jours d’avance !
Il a mordu au bras un homme qui lui apportait un verre d’eau, avec une férocité hors du commun, en lui arrachant même un bon bout de chair. Nous avons dû le maîtriser en essayant de ne pas nous faire mordre ou griffer également. La tâche fut rude, mais au final nous avons réussi à le conditionner dans une camisole, puis à le placer dans une tente isolée. L’homme qui a été mordu a immédiatement été pris en charge puis vacciné. Il s’appelle Charlie Pinet. Je le cite, au cas où il ne s’en sortirait pas.
Puis en quelques jours, il y eut d’autres cas comme le patient zéro (j’ai nommé mon premier patient ainsi). Nous les avons isolés eux aussi avec lui. Dans quelques jours, ils seront morts. Je n’ai pratiquement rien dormi ces derniers jours, je cherche à comprendre pourquoi ils réagissent tous anormalement au vaccin de chez Parkz. Tout allait bien pour eux avant la deuxième injection. Pour le moment, je n’ai pas d’autres hypothèses, mais je suis certain que je vais bientôt trouver.
Charlie a rejoint les sujets isolés avant-hier matin. Je n’avais jamais vu un cas de rage se développer en seulement quelques jours. Il a tué l’un des médecins en lui arrachant la carotide avec les dents. Khün a insisté pour que l’on entrepose son cadavre dans un camion container alors que Silva souhaitait l’enterrer. J’ai senti une légère tension entre les deux hommes, mais j’en ignore encore la raison. Depuis lors, le camion est sans cesse surveillé par deux gardes pour veiller sur le tas de cadavres qui commencent à s’amonceler.
De plus en plus de tribus viennent se faire vacciner chaque jour et nous serons bientôt à court de vaccins. Khün laisse repartir ceux qui viennent de recevoir leur injection, en décrétant que nous ne pouvons pas garder tout le monde en observation. Que va-t-il advenir de ces hommes, de ces femmes, et de ces enfants si nous les laissons rentrer chez eux et qu’ils deviennent comme le patient zéro ? J’ai un très mauvais pressentiment sur le sujet…
Une autre chose me préoccupe : plusieurs personnes du groupe ont disparu du jour au lendemain, dont la moitié est des chercheurs ou des médecins. Je commence à m’inquiéter pour ma propre vie. Où sont-ils passés ? Pour le moment, les gradés n’ont pas vraiment l’air de se préoccuper de ces disparitions. Seraient-ils au courant de quelque chose ? La tension entre Khün et Silva viendrait-elle de là ? C’est pour cette raison que je n’ose plus fermer l’œil et que je fais profil bas. Je n’ai pas envie d’être enlevé ni tué.
Je pense à ma femme, avec qui je n’ai pas le droit de communiquer. J’espère de tout cœur qu’elle va bien et que son aide-soignante s’occupe bien d’elle. Khün m’a promis que Parkz ferait quelque chose pour elle dans les prochains jours. Il paraît que leur laboratoire aurait mis au point une sorte d’opération miracle pour la remettre sur pied, sans mauvais jeu de mots. J’espère qu’elle guérira…
Quant à l’ombre mystérieuse que j’avais aperçue, pas de nouvelles visions. Mon esprit a dû me jouer des tours. Il est vrai que, parfois, je peux faire preuve d’une imagination débordante.
25e jour
Vous connaissez l’expression il faut le voir pour le croire ? Eh bien croyez-le ou non, mais j’ai vu ici des choses que la plupart des mortels n’ont jamais vues et ne verront jamais. Dans ma vie, j’ai entendu beaucoup de personnes défendre leurs convictions d’une vie après la mort, je les crois désormais. Le Paradis ? Oubliez ça. L’enfer vient de débarquer sur Terre et il se trouve ici !
Les sujets isolés, dont le patient zéro, sont décédés avant-hier matin. Deux soldats en combinaison de protection sont entrés dans la tente pour enlever leurs cadavres. Ils n’en sont jamais ressortis. Je crois que le camp entier a assisté à la scène d’horreur. Les deux soldats portaient l’un des corps quand tous les autres se sont relevés pour se jeter sur les deux hommes qui moururent déchiquetés.
Je compris que Parkz n’était pas ici pour sauver des populations au moment où je vis que Khün n’ordonna pas d’ouvrir le feu sur la tente scellée. A contrario, il intima l’ordre aux soldats restants de capturer les sujets pour les enfermer dans le camion avec les cadavres, qui eux aussi avaient miraculeusement repris vie.
Le soir même, une fois que le camp s’était endormi et que la tente de commandement n’était pas gardée, j’ai pu y pénétrer. Khün et les autres étaient je ne sais plus où, alors j’ai saisi ma chance pour mener ma petite enquête sur Parkz. L’ordinateur de Khün n’était pas verrouillé, ce qui me facilita l’accès aux dossiers sensibles. Je n’ai eu besoin d’en voir qu’un seul pour vomir toutes mes tripes dans la poubelle de bureau. Ce dossier contenait le projet « ZERG » créé par une personne que je connaissais très bien. Nous avions fait nos études ensemble. Enfoiré va !
J’ai parcouru rapidement le document et découvert un nombre d’informations surprenantes. D’abord que le projet Zerg, commencé il y a deux ans, avait déjà fait ses preuves (en voyant les photos datant de 2016 montrant des visages de personnes complètement transformées en morts-vivants). Les premiers tests avaient été effectués sur des prisonniers américains condamnés à mort. Parkz avait donc un lien avec le gouvernement américain. Les sujets transformés en zerg (comme ils les appelaient) avaient été enfermés dans un de leurs laboratoires, en France, pour y être étudiés. Vous auriez vu leur visage… On aurait dit un film d’horreur. Les dents noirâtres, la peau terne et sans vie, les pupilles rouges et dilatées, les joues émaciées. Leurs ongles étaient jaunis mais assez longs pour qu’ils ressemblent à de courtes griffes. D’après le rapport, ces monstres-là se nourrissent de tout ce qu’ils peuvent, mais leur aliment de prédilection reste la chair humaine ! Nous ! Pour la première fois depuis que nous nous étions hissés au sommet de la chaîne alimentaire nous avions maintenant un prédateur. Le dossier mentionnait aussi que les zergs sont immortels à moins de viser la tête. Ils ne ressentent pas la douleur physique et n’ont pas besoin de boire ni même de manger pour survivre. Étant donné que leur fonction cérébrale fonctionne encore, ils arrivent à les contrôler à l’aide de puces électroniques implantées dans le lobe temporal gauche. Ils veulent en faire une armée de soldats redoutables pour pouvoir remporter toutes les guerres dans le monde !
Ils sont fous ! Je comprends désormais pourquoi Khün entasse les corps dans un container plutôt que de les enterrer. Cela prouve que le lieutenant Silva n’est pas dans la totale confidence. Le vaccin qu’ils ont inoculé aux patients est élaboré à partir de cloud nine, autrement appelée la drogue zombie, et de plusieurs virus : le Zika, l’Ebola, la Rage et la Grippe espagnole, d’où le virus tire son nom : Z.E.R.G. Mais ce n’est en aucun cas un vaccin.
Albert Einstein a inventé l’arme nucléaire, mais je crois que Parkz a inventé bien pire que ça…
26e jour
Nous ne sommes plus que cinq…
Le campement a été pris d’assaut par les zergs que Khün avait laissé repartir. Ils étaient bien une cinquantaine, il y avait même des enfants… Je suis resté là, sans rien faire, sans rien dire, alors que les soldats se faisaient massacrer et massacraient en retour ce qui fût des êtres humains. Silva est tombé lui aussi, paix à son âme. Nous voyant submergés, Khün a ordonné le repli et nous sommes repartis avec les véhicules, dont le camion container. La campagne de vaccination ou devrais-je dire de contamination, est terminée ici. Mais comme je l’ai vu hier dans l’ordinateur, d’autres sont en cours sur le continent africain. J’ai peur que cela ne se termine comme ici en Amazonie. Là-bas, personne ne pourra se douter de ce que Parkz leur réserve, et moi, je ne peux absolument rien faire pour les en empêcher.
Nous sommes actuellement en train de rejoindre la ville portuaire de Belém, sur la côte est du Brésil. Un cargo nous y attend pour nous rapatrier jusqu’à Marseille. À l’instant où j’écris ces mots, je me trouve à l’arrière du camion de transport de troupes, seul avec les remords d’avoir participé sans le savoir à ce massacre. Je vais devoir vivre avec ça jusqu’à la fin de mes jours. Peut-être l’ai-je mérité ? Qu’en sais-je… Ceci est la fin de mon journal. Je me nomme Clark Bent et je suis un meurtrier.
Fin du journal de Clark Bent. Dossier confidentiel.
***
Le soleil était encore là, éclairant de ses rayons chauds la ville portuaire de Belém. Il était presque vingt heures quand le convoi de chez Parkz traversa la ville bondée de population. Ils reçurent quelques projectiles quand ils pénétrèrent dans l’un des bidonvilles. Alors, ils accélérèrent le mouvement.
À l’arrière d’un véhicule de transport était assis un homme d’une trentaine d’années qui regardait le paysage défiler sous ses yeux. Sa barbe de trois jours, poivre et sel, était en parfaite équation avec sa chevelure en bataille. Clark Bent possédait autrefois une corpulence assez athlétique, mais les dernières années laissaient entrevoir un ventre rond naissant. Sa femme lui avait souvent dit d’arrêter la bière car sa bedaine venait du gaz. Il y croyait peu.
Le convoi s’arrêta sur les quais, l’océan Atlantique s’offrait désormais à eux. Une odeur infecte parvint au nez de Clark. Du poisson, maugréa-t-il. Il détestait le poisson et encore plus son fumet. Il tourna la tête de droite à gauche pour trouver l’origine de la rémanence à l’aide de ses yeux bleus. Un chalutier revenait à peine de sa pêche de l’après-midi et les hommes à son bord déversaient leur prise du jour dans des caisses en bois. Une fillette, d’environ huit ans, se tenait juste à côté, ne cessant d’épier les moindres faits et gestes des pêcheurs. Elle cherchait de quoi manger. Cela ne fit ni chaud ni froid à Clark. Son esprit n’était occupé que par les zergs de la forêt amazonienne et par ceux qu’ils transportaient.
Le cargo qui devait les ramener à la maison se trouvait juste devant eux. L’Alpagos était son nom et, d’après l’état de sa coque, il n’était pas de la dernière génération. Sa couleur, autrefois rouge et brillante, était maintenant devenue terne, voire rouillée et s’était écaillée à plusieurs endroits. Le monstre d’acier donnait une véritable sensation d’insécurité, la moindre vague pouvant le disloquer tel un château de sable en bord de mer.
Une grue à aimant s’empara du container à zergs et le chargea dans la cale. Le capitaine du navire brailla une phrase en portugais dont Clark ne comprit pas le sens. Mais Khün, si.
— Allez, Bent, on descend, dit Khün d’une voix rauque. Le capitaine veut que l’on embarque au plus vite.
Clark acquiesça d’un signe de tête puis mit pied à terre. Cela leur prendrait vingt jours pour arriver jusqu’au Vieux-Port de Marseille, les conditions météo prévoyant des eaux agitées pour les prochains jours. Vingt longs jours en compagnie d’une trentaine de zergs simplement retenus dans une grosse boîte métallique. Le cargo leva l’ancre une trentaine de minutes plus tard, laissant derrière lui une ville qui serait bientôt atteinte par le virus zerg.
Durant deux jours entiers, le voyage fut tumultueux. Les déferlantes s’abattaient contre les carlingues latérales du navire dans un bruit assourdissant. Clark fut malade durant les premières vingt-quatre heures du trajet, vomissant tripes et boyaux à ne plus en pouvoir. Au petit matin du troisième jour, le calme était revenu, le cargo put ainsi reprendre une vitesse convenable.
Ils atteignirent le détroit de Gibraltar seulement au bout du vingt et unième jour, accusant ainsi plusieurs jours de retard. Clark se tenait sur le pont à ce moment-là et put admirer cette étendue d’eau de quatorze kilomètres de long reliant l’Espagne au Maroc. Jamais il ne l’avait traversée. De nombreux bateaux de pêche s’y trouvaient, ayant lâché au fond de l’eau quelques dizaines de filets. Plusieurs frégates de la police maritime sillonnaient les eaux, mais aucune d’elles ne vint à la rencontre de l’Alpagos. Toutefois, le cargo dut se justifier à distance.
— Cargo, identifiez-vous, résonna une voix d’homme avec un accent espagnol prononcé à travers le poste de radio de la cabine du capitaine.
— Bonjour, nous sommes le cargo Alpagos, répondit le second du capitaine à travers l’émetteur. Matricule 475214500, en provenance de Belém au Brésil. Nous rentrons d’une mission humanitaire et sanitaire sous la direction de l’OMS et rejoignons la ville de Marseille en France. Notre mission étant terminée, nous demandons un droit de passage pour regagner nos foyers.
L’interlocuteur mit un moment avant de répondre, vérifiant sans doute sur son ordinateur les informations que l’Alpagos venait de fournir.
— Cargo Alpagos, droit de passage accordé. Bonne fin de navigation.
Clark rejoignit la cale, désireux d’aller se reposer un peu dans sa cabine. À peine fut-il dans sa couchette que quelqu’un frappa à la porte.
— Entrez, fit Clark en se relevant à demi.
Khün pénétra dans la pièce avec un dossier sous le bras et verrouilla la porte. Il se retourna ensuite vers Clark. L’homme de main de Réan avait une quarantaine d’années. Sous son allure de cow-boy se cachait une chevelure mi-longue et blonde. Tout comme Clark, il avait lui aussi une barbe de quelques jours qui lui donnait un air sévère, tout comme son regard austère dissimulé derrière des iris bleus.
— Bonjour Bent, dit Khün en s’asseyant sur la seule et unique chaise de la pièce.
— Je peux vous renseigner ? demanda Clark qui ne comprenait pas la raison de sa venue.
Khün lui tendit le dossier.
— Ça dépend. Est-ce que vous la connaissez ?
Clark ouvrit le dossier cartonné et vit une photo visiblement prise par un satellite qui zoomait sur le visage angélique d’une jeune femme blonde. Clark déglutit, il connaissait ce visage.
— Oui, c’est ma nièce, Claire. Pourquoi avez-vous une photo d’elle ? s’inquiéta Clark.
— C’est la mystérieuse ombre que vous avez aperçue dans le campement.
— Quoi ? Mais c’est impossible ! s’exclama Clark en écarquillant les yeux. Claire ne pouvait pas être là-bas !
— Et comment pouvez-vous en être sûr ? dit Khün d’un ton grave.
Ce dernier s’alluma un cigare cubain et emplit immédiatement la cabine de six mètres carrés de cette odeur de tabac grillé que Clark détestait tant. Ses yeux se mirent à lui piquer et il dut refouler deux ou trois larmes.
— Je… je… elle ne pouvait y être, c’est tout. Elle a horreur de voyager. Elle a le mal des transports, mentit Clark.
— Parlez-moi d’elle, lui ordonna Khün en relâchant un nouveau nuage de fumée.
— Mais pourquoi ? Pourquoi voulez-vous des informations sur ma nièce ?
— Parce que je veux comprendre pour quelles raisons son cul traînait près de notre campement ! fulmina Khün.
Clark se raidit. Le ton de Khün était si glacial que les poils de son corps se hérissèrent. Jamais il ne l’avait entendu parler ainsi, même lorsqu’il s’était disputé avec le lieutenant Silva. Khün était dangereux, Clark le sentait. Mais il était loin de s’imaginer jusqu’où l’homme de main de chez Parkz était capable d’aller pour arriver à ses fins. Ne voulant pas en avoir un aperçu, Clark préféra coopérer.
— Claire a vingt-cinq ans et elle habite Paris. Elle travaille comme secrétaire dans un cabinet de vétérinaire. Je ne vois pas ce qu’elle aurait pu faire en Amazonie.
Clark venait de mentir à nouveau. En réalité, il n’avait pas eu de nouvelle de sa nièce depuis presque deux ans. Certes, à l’époque elle travaillait bien pour des vétérinaires renommés de la capitale, mais il avait entendu dire qu’elle avait changé de travail pour découvrir de nouveaux horizons. Il ignorait cependant quel poste elle exerçait actuellement. Clark ne croyait pas une seule seconde qu’elle puisse se trouver avec eux en pleine jungle tropicale. Il inventa une histoire selon laquelle sa nièce serait atteinte de cinétose et qu’elle ne supportait aucun moyen de locomotion. Il précisa que, depuis son adolescence, elle prenait un traitement à base de scopolamine pour essayer d’apaiser ce trouble. Et que, grâce à cela, elle tolérait certains déplacements rapides mais certainement pas une distance aussi longue qu’un voyage pour l’Amérique du Sud.
— Bien. C’est tout ce que vous avez à me dire Bent ? demanda Khün.
— Heu… oui, répondit Clark en haussant les épaules. Que voulez-vous que je vous raconte d’autre ?
— Je ne sais pas, peut-être la méthode avec laquelle vous avez accédé à des dossiers ultra-confidentiels de l’entreprise.
— Quoi ? Mais que voulez-vous dire ? paniqua Clark.
— Ne jouez pas à faire l’innocent, je sais que vous êtes venu dans ma tente pour fouiller dans mon ordinateur, dit Khün sur un ton peu amène.
L’alarme générale du cargo se déclencha en se faisant entendre dans tout le bâtiment. Le téléphone de Khün sonna, il décrocha :
— Mais qu’est-ce qu’il se passe putain ? rugit-il à travers le combiné à l’attention de l’un de ses hommes.
Son expression se décomposa au fur et à mesure que les secondes s’écoulaient. Dans un excès de rage, il lança le téléphone contre le mur.
— Venez avec moi Bent, on a un problème dans la cale, ordonna-t-il en dégainant son colt python.
— Quel genre de problème ? s’enquit Clark.
— Du genre merdique, grommela Khün.
Ils quittèrent la cabine avec précaution, Khün devant et Clark le suivant de très près. Ils s’arrêtèrent brusquement à l’angle d’un couloir et Clark heurta de plein fouet le dos de Khün.
— Vous ne devriez pas vous approcher si près, lui conseilla vivement ce dernier.
— Oui et bien j’ai les foies, se plaignit Clark en ressentant un gros nœud au creux des intestins.
Ils tournèrent à droite pour s’engager dans un étroit couloir où plusieurs bouées de sauvetage étaient accrochées au mur. Une hache d’incendie était entreposée dans un boîtier en métal recouvert d’une fine vitre. L’alarme s’arrêta au moment où les disjoncteurs sautèrent, plongeant l’intérieur du cargo dans la pénombre. Seuls les blocs d’issues de secours éclairaient faiblement le couloir dans lequel Khün et Clark s’étaient engagés.
— Alors ça, c’est la merde, marmonna Khün.
— Comment ça ?
— Vous n’avez pas lu le dossier jusqu’au bout, constata Khün. Les zergs sont nyctalopes, l’obscurité n’est pas un problème pour eux. Mais cette force est aussi leur faiblesse. Dans le noir, leurs pupilles deviennent vert fluorescent et ils sont donc plus facilement détectables.
Clark se souvint alors avoir lu ça quelque part dans les dossiers de chez Parkz, mais sur le coup il n’y avait pas fait plus attention que cela.
Khün fit sauter le cran de sécurité de son colt avant de faire signe à Clark de le suivre dans les escaliers qui menaient dans la cale. Une simple porte de bois les séparait du container à zerg. Deux hommes la gardaient, arme au poing et lampes de poche allumées. L’expression de leur visage laissait entrevoir l’horreur qui se trouvait derrière eux. Du sang était incrusté dans leurs vêtements et plusieurs éclaboussures coloraient leur tête.
— Soldats ! Au rapport ! tonna Khün.
— Caporal-chef, commença l’un des soldats. Il y a eu un problème, les sujets se sont échappés du container. Hernandez a voulu faire un pari stupide qui a mal tourné. Quand il a ouvert la porte, les zergs ont envahi la cale entièrement. Personne n’a survécu derrière nous. Nous avons essayé de les abattre mais nos balles ne leur font rien.
— C’est la tête qu’il faut viser pour les tuer, déclara Khün. Pourquoi le courant s’est-il coupé ?
C’est le deuxième soldat qui répondit à la question :
— Ils ont pris possession de la salle des machines, le disjoncteur principal se trouve là-bas. Quant aux secondaires, ils n’ont pas l’air de fonctionner. Le seul moyen de remettre le courant est de reprendre la salle des machines.
Khün pesta. Clark n’avait pas dit un seul mot. De toute manière, il n’avait rien à dire de constructif. Il réfléchissait seulement à une option pour sauver sa peau. Il n’avait aucunement l’intention de terminer comme le patient zéro et tous les autres.
Un bruit sourd se fit entendre juste derrière la porte. Les quatre hommes reculèrent brusquement en braquant leur arme. De vilaines craquelures apparaissaient dans le bois, fragilisant le cadre de la porte. Elle ne retiendrait plus les zergs captifs bien longtemps. Un autre bruit émergea de la cale, plus légère, mais sans l’être réellement. Un crissement d’ongle contre la paroi. Khün tira une seule fois. La balle traversa le bois comme du papier. Ils entendirent le bruit sourd d’une chute au sol puis plus rien.
Sur l’ordre de Khün, les deux soldats s’avancèrent prudemment vers la porte. L’un d’eux posa la main sur la poignée, prêt à l’ouvrir à la volée pour que son camarade fasse feu. Le premier commença le compte à rebours de sa main droite. Au bout de deux, la porte vola en éclats et une nuée de zergs en sortit. Malgré les efforts qu’ils exerçaient au corps à corps pour les repousser, les soldats furent vite submergés. Clark et Khün détalèrent comme des lapins, leur vie en dépendait. Les zergs les prirent en chasse, avides de sang frais.
— Bordel, ils courent vite ! s’exclama Clark en regardant par-dessus son épaule.
— Vous vous attendiez à quoi ! répondit Khün sans se retourner. Ils sont enragés je vous rappelle !
Ils arrivèrent de nouveau à leur point de départ, dans le couloir où la hache était entreposée. Les zergs se génèrent pour grimper les escaliers, se bousculant et chutant, trop désireux d’être le premier sur leur proie.
— Prenez la hache Clark, ordonna le caporal-chef en tirant une balle dans la tête du premier monstre qui se relevait.
Clark ne se fit pas prier. D’un coup de coude, il fit voler la vitre en éclats. Il grimaça de douleur en s’apercevant que des morceaux de verre s’étaient enfoncés dans sa peau. Quand il saisit la hache, il devina le sang couler le long de son bras. Les zergs le sentirent aussi, se figeant un court instant pour humer l’odeur dans l’air.
— Allez, on continue ! fit Khün.
La course-poursuite continua un moment. Puis les jambes de Clark commencèrent à flancher. Ils arrivaient alors dans les cuisines désertes du cargo et Khün bloqua la porte en renversant une armoire frigorifique. Les zergs s’acharnaient avec hargne contre l’obstacle qui les retenait.
— Soufflons un instant, dit Khün en attrapant une carafe d’eau fraîche qu’il tendit à Clark après s’être désaltéré.
Dans l’obscurité, la pièce était lugubre. Un morceau de gigot traînait sur une planche à découper, sans doute le repas du soir que le cuisinier n’avait pas eu le temps de finir de préparer. Plusieurs mouches virevoltaient autour du morceau de viande laissé à l’abandon. De la vaisselle sale traînait dans l’évier où l’eau s’écoulait encore du robinet. Une batterie de casseroles était accrochée au mur, s’entrechoquant au rythme du courant maritime. Une rangée de couteaux de cuisine, le long du mur, se reflétaient à la lumière de la lampe torche de Khün. Clark en prit un, ni trop grand ni trop petit. Un passage furtif de son index sur la lame l’incita à l’utiliser avec précaution. Puis il le glissa à sa ceinture. Le courant revint subitement, Clark sursauta de nouveau quand l’alarme recommença à sonner.
— Quelqu’un a réactivé le disjoncteur principal, constata Clark.
— Visiblement, reprit Khün suspicieux. Ou alors les disjoncteurs de secours ont enfin pris le relais. Vous devriez essayer de soigner votre blessure, le sang les attire.
Ils trouvèrent de quoi faire des soins de premiers secours, sparadrap, bande et alcool. Clark retira un maximum d’éclats de verre de la plaie avant de la désinfecter et de la bander.
— Je peux vous poser une question ? demanda Clark.
— Vous venez de le faire, mais allez-y, réitérez.
— Vous n’avez pas peur que le projet Zerg vous échappe ? Que va-t-il advenir de ceux qui sont infectés en Amazonie ?
— Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question Clark. Moi, je ne suis qu’un simple exécutant. Le reste ne me regarde pas. Et si vous voulez un conseil, ne vous en mêlez surtout pas si vous tenez à rester en vie.
Khün saisit son talkie-walkie et essaya de contacter le capitaine du cargo. Après plusieurs essais infructueux, une voix paniquée répondit enfin :
— Ici le second du capitaine. Khün c’est vous ? D’horribles monstres ont envahi le bateau. Le capitaine s’est… il est mort. J’ai dû m’enfermer dans la cabine de pilotage, mais je crains que ces choses ne finissent par m’avoir. Le boîtier de commande ne fonctionne plus. J’ai besoin de votre aide au plus vite, dit-il affolé.
Khün grinça des dents, la situation était laborieuse et il ne pouvait pas y faire grand-chose.
— Contactez immédiatement le port de Marseille, ordonna Khün. Et passez-moi la transmission. Nous viendrons vous aider après.
Le second s’exécuta sur-le-champ, désireux de recevoir des renforts au plus vite pour éviter de terminer comme son supérieur.
— Mayday ! Mayday ! Ici le capitaine Forment, mentit Khün une fois en ligne avec le port. Notre cargo, l’Alpagos, rencontre des difficultés majeures. Les panneaux de commande de la salle des machines ne répondent plus. Nous ne contrôlons plus l’Alpagos ! Risque de collision imminente avec le port. Demande de secours sur les quais ainsi qu’un périmètre de sécurité. Transmission terminée.
Un hurlement traversa la porte de la cuisine, puis les coups reprirent. Khün tira à de multiples reprises sans savoir s’il touchait quelque chose ou non. Clark serra fort le manche de la hache dans ses mains devenues moites. Alors c’est comme ça que ça se termine, pensa-t-il. Je suis désolé de ne pas être rentré Laura.
— Bon, ben voilà, c’est ici que nos routes se séparent, dit Khün. Enfin, pour très peu de temps, j’imagine que nous nous reverrons en enfer.
La porte céda une dizaine de minutes plus tard. Les zergs contournèrent l’armoire frigorifique pour foncer sur leurs proies. Khün en abattit plusieurs avec son colt, Clark, lui, les attendait au corps à corps. Mais jamais il ne parvint à en atteindre un seul. Il y eut un choc sourd, brutal, comme si le sol se dérobait sous leurs pieds. Clark fut projeté contre le mur opposé, suivi de très près par Khün et les zergs et ils perdirent tous deux connaissance.
Au même instant sur les quais du Vieux-Port de Marseille
Il y avait beaucoup de monde sur les quais en ce jour de marché et le brouhaha était excessif. Le petit Tom et sa mère faisaient leurs emplettes hebdomadaires. Tom n’avait que dix ans. Assez frêle pour son âge, il se faisait souvent embêter par ses camarades de classe qui le traitait de maigrichon. Ce jour-là, Tom avait insisté pour accompagner sa mère, n’ayant pas très envie de rester avec son père à la maison. Il n’aimait pas rester avec lui, son père était violent avec sa mère ; l’alcool jouait un grand rôle là-dedans.
Ils venaient tout juste d’acheter une belle daurade fraîchement pêchée quand ils entendirent des sirènes retentirent.
— Maman c’est les pompiers ? demanda Tom.
— Sans doute oui, mon chéri, se contenta-t-elle de répondre en rangeant le poisson dans son panier en osier.
Effectivement, le petit Tom ne s’était pas trompé. Les premiers camions de pompiers firent irruption sur le port, escortés par plusieurs véhicules de la gendarmerie. Les forces de l’ordre ordonnèrent l’évacuation immédiate des quais. Ce fut la panique générale, la foule croyant à une attaque terroriste ou quelque chose dans le genre. Ils se bousculèrent, fuyant les lieux comme si le diable était à leurs trousses. Avec tout ce tumulte, Tom fut séparé de sa mère. Cette dernière venait d’être emportée par la marée humaine.
— Tooooom ! cria-t-elle alors qu’elle se trouvait déjà à plusieurs mètres de lui.
— Mamaaaan ! hurla-t-il en pleurnichant.
Il avait peur, peur comme jamais il n’avait eu auparavant. C’était la première fois qu’il se retrouvait seul. Il s’assit par terre en gémissant, repliant ses genoux contre sa poitrine. Maman, n’arrêtait-il pas de répéter.
L’alarme de la ville se mit en route, ne rassurant pas mieux Tom. Les gens hurlaient, les autorités aussi. Ces derniers n’avaient pas la situation en main, leur arrivée ne s’était pas faite en douceur et les gens imaginaient le pire. Si seulement ils savaient à quoi ils allaient avoir affaire dans les prochaines minutes, ils réaliseraient que leurs peurs étaient fondées.
Tom vit arriver le cargo lancé à pleine vitesse et se recroquevilla encore plus comme si un bouclier invisible le protégeait. Il n’entendait plus le timbre de voix de sa mère.
— Reculez ! s’époumona un policier.
Un commerçant, soucieux de préserver son établissement, fermait le rideau métallique de sa devanture. Le policier l’attrapa par le bras.
— Vous n’avez pas le temps ! Évacuez sur-le-champ ! continua-t-il de crier en essayant de l’éloigner.
— John ! Il y a encore un gosse sur les quais, gueula un autre policier en désignant Tom du doigt.
Tom était tétanisé, il n’osait plus bouger, ne battait même plus un cil. Sa maman avait disparu et sa douce et harmonieuse voix avec. Tom se souvint tout à coup qu’elle chantait de magnifiques chansons. Jamais il n’avait entendu une voix aussi belle que celle de sa maman. Il se mit à fredonner, se balançant à demi comme pour se donner du courage.
Dans un élan héroïque, le dénommé John, qui avait enfin réussi à éloigner le commerçant, se jeta sur le petit Tom pour l’emmener au loin. C’est à ce moment précis que l’Alpagos percuta les quais du Vieux-Port dans un fracas monstrueux. Le béton vola en éclats, propulsant des débris de toute taille sur une bonne cinquantaine de mètres. La foule ne s’étant pas écartée assez rapidement, certaines personnes furent blessées ou tuées par la chute de débris. Le cargo termina sa course dans la devanture d’un restaurant nommé « La Crevette Frétillante », laissant un immense nuage de poussière se dégager dans les environs. Certains containers stockés sur le pont du cargo furent éjectés de l’habitacle pour terminer leur course un peu de partout aux alentours, arrachant tout sur leur passage.
Tom et John s’étaient mis à l’abri dans une cabine téléphonique, l’une des dernières de la ville. N’étant plus en service, elle servait notamment de refuge aux sans-abris. Par chance, rien n’atteignit la cabine. Le policier en sortit, intimant l’ordre à Tom de n’en partir sous aucun prétexte.
Le nuage de fumée se dissipa peu à peu. Les pompiers s’occupaient des blessés alors que les policiers essayaient de maintenir l’ordre dans le chaos le plus total. Tom les regardait faire, enfermé dans sa cage de verre et de métal. Une équipe de secouristes, spécialisés dans le sauvetage extrême, commençait à lancer des grappins sur le pont du cargo pour y monter. Plusieurs soldats du feu se tenaient un peu en retrait de la carlingue avec des lances à incendie dans les mains au cas où un feu se déclarerait. Des journalistes accompagnés par des cameramen venaient d’arriver, prenant autant de prises que possible, essayant de picorer la moindre information. De vrais vautours. Les premiers secouristes prirent possession du pont en seulement quelques mouvements de bras, Tom lâcha même un petit « waouh » d’émerveillement.
— Faites-moi un rapport dès que vous serez dans la cale, ordonna le commandant des opérations de sauvetage par radio.
Plusieurs minutes s’écoulèrent, mais aucun rapport n’arriva. Le commandant essaya de contacter ses équipes, mais il n’entendit que des grésillements. Il ordonna à une autre équipe, beaucoup plus grande, de pénétrer dans le cargo. C’est à cet instant que le cauchemar commença à ébranler la ville de Marseille.