Accords perdus - Gil Gajean - E-Book

Accords perdus E-Book

Gil Gajean

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Beschreibung

En devenant membre de « First Lady », la plus secrète, la plus sélecte et la plus chère des agences de rencontres libertines dont seules les femmes détiennent le pouvoir, Gabriel, séduisant entrepreneur parisien, va voir son quotidien basculer dans la tornade infernale d’une enquête criminelle. Traqué par un tueur, il réalise que sa vie ne correspond pas tout à fait à ce qu’il imaginait. Dans un rythme effréné, entre Paris et les falaises d’Irlande, il va côtoyer l’amour, la sérénité, la vérité, mais également la mort.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Gil Gajean entretient un intérêt prononcé pour les romans policiers. Après de longues années de réflexions, il décide enfin de coucher ses pensées sur du papier. "Accords perdus – À corps perdu" marque ainsi ses débuts en tant qu’écrivain. Gil puise son inspiration dans les évènements, les rencontres et les lieux qui ont jalonné sa vie professionnelle à Paris.

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Gil Gajean

Accords perdus

À corps perdu

Roman

© Lys Bleu Éditions – Gil Gajean

ISBN : 979-10-422-1978-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

Êtes-vous capable d’accepter tout ce que la vie vous réserve ?

Êtes-vous capable d’accepter la vérité ?

Êtes-vous réellement et tout simplement capable de voir la vérité ?

Êtes-vous prêt à changer de vie ?

La vie nous révèle toujours une face cachée de notre personnalité, de notre vérité, de notre réalité, de nos proches, de nos parents, et pourtant, sans le savoir, nous sommes capables d’appréhender un avenir bouleversé par des évènements incontrôlés.

Quand un être humain détient votre vie entre ses mains, seule votre âme reste intouchable et incontrôlable, votre réflexion vous empêche d’y croire. Pourtant, c’est la seule branche à laquelle vous pourrez vous accrocher ! Juste un conseil, ne la perdez jamais de vue !

1

First Lady

Gabriel Declerc sourit quand il s’engage dans l’avenue de Suffren. Il ouvre légèrement la fenêtre de sa portière afin d’entendre le ronronnement de sa Gran Turismo S. Il adore le bruit sourd du V8 de sa belle voiture italienne au trident dont le moteur résonne contre les parois des immeubles haussmanniens de ce quartier bourgeois. Il observe avec ravissement le haut de la tour Eiffel de couleur or qui apparaît entre chaque contre-allée de cette magnifique avenue. Paris n’a plus aucun secret pour lui, il en est imprégné, il aime cette ville aux mille couleurs, et à l’ambiance si particulière, identifiable parmi tant d’autres. Gaby aime Paris, il respire Paris, il bouge Paris, il goûte Paris, tous ses sens sont alimentés par les vibrations de cette ville. Il aime se déplacer le soir à la tombée du jour, quand l’éclairage public s’allume et transforme la capitale en ville lumière. Il adore le calme des rues des arrondissements huppés, la lumière chaude des lampadaires. L’éclairage des Bateaux-Mouches qui font découvrir à des millions de touristes la beauté de la Seine et ses monuments le long des quais, remplissant ainsi les cœurs des amoureux en quête du bonheur éternel.

Gaby sourit, Gaby jubile, il est encore très étonné d’avoir reçu la semaine dernière cette invitation du membre F624 de First Lady.

First Lady est une agence de rencontres libertines ultra-sélecte pour les personnes aisées de la capitale et autres villes du monde. Une agence où la discrétion est le maître mot, une sorte de secte de la fornication, au sein de laquelle les femmes sont les seules à avoir la main sur les prises de rendez-vous et à pouvoir accéder aux profils des membres. Le droit d’adhésion dépasse les quinze mille euros, auxquels s’ajoutent des cotisations mensuelles de mille euros, vous êtes acceptés sur dossier, ce qui constitue automatiquement une sélection dans la catégorie sociale des adhérents. Les clauses de confidentialités sont rédigées par une agence juridique très intransigeante qui établit et fait signer les contrats. Les adhérents s’engagent à ne rien divulguer de cette organisation, de ne jamais citer les noms des membres qu’ils rencontrent, seuls les numéros des membres sont nommés. La plupart des membres sont des personnes mariées, des célébrités politiques, médiatiques ou industrielles. Les prises de rendez-vous pour des rencontres sont exclusivement réservées aux femmes, elles envoient une invitation aux hommes qu’elles désirent rencontrer. L’homme qui reçoit l’invitation accède alors au profil de son hôtesse. Sans nom ni photos, juste une description physique, une tranche d’âge, mais surtout, il accède aux avis et aux notes attribuées par les autres membres qui l’ont déjà rencontrée. Aucune vulgarité ni indication sur la personne ne sont tolérées, seules des couleurs sont attribuées aux critères de beauté, convivialité, intellect, sensualité et bien sûr, sexualité. Les couleurs proposées varient de rouge, orange, bleu, vert, rose, et le top de la couleur est l’or. Le service informatique de First Lady filtre systématiquement tous les commentaires déposés par le membre afin d’en contrôler le contenu.

Quand Gaby a reçu l’invitation de F624, le profil afficha : « La quarantaine, intelligente, sportive, fine et très belle, mais surtout, la couleur représentant F624 était l’OR. »

Gaby a déjà été convié par un profil « rose » ce qui est bien, mais or, c’est exceptionnel et il n’avait encore jamais reçu une telle invitation.

Les hôtesses ont parfaitement le choix de continuer ou pas le rendez-vous. Les invités doivent demander l’autorisation de rester quand ils sont reçus. Les règles sont très strictes sur la politesse et la convivialité, si un membre ne les respecte pas, il est exclu immédiatement du système, le contrat est rompu et le membre est supprimé des bases de données. Personne n’accepterait d’être radié et de se voir bannir l’accès à cette société secrète. First Lady est une organisation bien rodée dont le siège social se trouve dans un paradis fiscal à l’abri des obligations administratives françaises, ce qui garantit ainsi le secret sur l’identité de ses membres.

Gaby sourit en passant devant l’hôtel Pullman de l’avenue de Suffren, il aperçoit des touristes qui attendent leur taxi avec des valises, l’air triste de quitter la capitale française.

Gaby est un très bel homme de trente-trois ans, séduisant, du haut de son mètre quatre-vingt, il arbore une gueule d’ange avec un regard vert et une toison ondulée brune, il plaît beaucoup aux femmes. Il n’a pas vraiment besoin de l’agence pour séduire et coucher avec des personnes du sexe féminin. Mais cette formule, même si elle est onéreuse, lui permet des rencontres éphémères sans obligations ni devoirs dans un milieu social inaccessible pour un homme lambda. Son profil est, selon des sources, bien noté par les adhérentes ayant déjà passé la soirée ou la nuit avec lui. Mieux vous êtes noté, et plus vous recevez des invitations de rendez-vous haut de gamme.

Gaby se gare à proximité de l’hôtel Pullman, persuadé que sa rencontre avec F624 aura lieu dans l’une des chambres de cet hôtel. Ce n’est pas la première fois qu’il vient pour une rencontre ici, car First Lady possède des chambres à l’année dans de nombreux hôtels et les met à disposition pour ses plus fidèles membres. Il observe sa montre et constate qu’il est un peu en avance, il en profite pour regarder ses mails ainsi que son agenda et jette un œil sur ses rendez-vous de demain.

Rendez-vous comptable 9 h

Déjeuner Sofiane 12 h 30

15 h 30 M. Ramsès vente SHELBY.

Gaby déjeune une fois par mois avec Sofiane, c’est toujours un bon moment, Sofiane a été son premier client quand il a racheté la concession, et au fil du temps, c’est devenu un ami. Gaby est assez solitaire et a très peu de proches, juste des relations, qu’il ne considère pas comme des amis.

21 h précise, Gaby envoie un message à F624 via l’application First Lady.

H1166 : Bonsoir, je suis au point de rendez-vous.

Au bout de quelques instants :

F624 : Bonsoir, très bien, veuillez vous présenter au 32 ter de l’avenue de Suffren, il y a une porte cochère verte, vous tapez le code A18B, troisième maison sur la droite, je vous attends.

Gaby est très surpris de la réponse, ce n’est pas à l’hôtel, et il ne comprend pas cette histoire de maison, qui y a-t-il donc derrière cette porte cochère ? Il coupe le contact de sa voiture, se regarde dans la glace de courtoisie afin de s’assurer qu’il soit présentable, pas de nourriture entre les dents. Il prend sa bouteille de parfum, Arsène Lupin de Guerlain, et s’en vaporise légèrement dans son cou. Il sort de son coupé sport et se dirige vers l’adresse indiquée dans le message.

Il tape le code A18B et entend le grésillement de la gâche libérant le portillon, une fois passé la porte cochère, Gaby n’en croit pas ses yeux. Ce n’est pas l’entrée d’un immeuble, mais une petite rue composée de maisons mitoyennes de style anglais et de vieux ateliers d’artisans avec des façades en verrière de l’époque Eiffel. Il imagine le maréchal-ferrant, le menuisier ou l’ébéniste qui opérait ici il y a un siècle et tout cela à deux pas de la tour Eiffel. Bien sûr, des locaux aujourd’hui transformés en loft à plus de quinze mille euros le mètre carré.

Gaby s’engage dans cette ruelle, émerveillé par le calme et la sérénité de cet endroit magique qui le transporte dans le Paris des années 1920. Il se présente à la porte de la troisième maison, il passe un petit portillon sur un carré de jardin avec une table et une chaise de jardin et sonne à la porte.

Quand la porte s’ouvre, Gabriel reconnaît immédiatement la femme qui l’accueille, elle se présente dans un legging noir et un crop top rose, en sueur.

— Excusez-moi, je suis désolée, mais je n’ai pas vu l’heure, j’étais en train de courir sur mon tapis de course quand j’ai reçu votre message, je vous en prie, entrez.

Effectivement, elle est vraiment très belle, et déjà très sexy dans sa tenue de sport. F624 est un ancien top model des années 2000, elle était l’égérie de nombreux grands couturiers et a quitté les défilés de mode pour se marier avec un riche homme d’affaires américain. Elle a commencé une carrière à la télévision en animant une émission sur la mode aux États-Unis. Elle est de temps en temps l’invitée sur des talk-shows de la télévision française, ce qui expliquerait sûrement sa présence aujourd’hui à Paris.

— Ne vous excusez pas, je suis vraiment ravi de vous rencontrer.

— Faites comme chez vous, il y a du champagne dans le frigo, les coupes sont prêtes sur la table, je vais prendre une douche et je vous rejoins très rapidement.

Gaby s’exécute, il se dirige vers le frigidaire et en sort une bouteille de champagne bien fraîche. La maison est de petite taille, mais très bien agencée. Les meubles sont de bonne qualité avec un design épuré sans fautes de goût.

Il se dirige vers le coin salon, pose la bouteille sur la table basse et jette un œil sur la bibliothèque. Généralement, le contenu des bibliothèques vous donne beaucoup d’informations sur la personnalité des occupants du lieu. Gaby adore observer, il y découvre des livres sur la mode, « normal », mais également sur l’art et les peintres d’impressionnistes. Mais surtout, il remarque que l’intégralité des romans de Jean-Christophe Grangé est présente sur une des étagères. Il est lui-même adepte de cet écrivain, il attend toujours avec impatience la sortie de son nouveau roman, déjà un point commun avec son hôtesse. Il sourit en pensant que si l’affinité ne se crée pas, ils auront au moins un sujet de conversation. Il aperçoit également au mur une petite toile de Philippe Pasqua, un portrait d’enfant plus exactement, sûrement le sien. Pasqua est un peintre sculpteur que Gaby admire beaucoup. Il a découvert ses œuvres un jour à Monaco quand l’artiste avait fait une exposition à l’aquarium pour dénoncer la pollution des océans. Il est immédiatement tombé amoureux de son art, et il adore observer quelques instants lors de ses promenades les quais, le squelette de dinosaure sculpté par Pasqua exposé à proximité des Bateaux-Mouches du pont de l’Alma.

Gaby espère avoir un jour la chance de s’offrir une de ses œuvres, en particulier une vanité aux papillons, une sculpture représentant une tête de mort avec des papillons posés sur le crâne.

Il remarque un ouvrage plus gros et plus usé que les autres, il s’en empare, c’est une encyclopédie sur le transfert de l’âme humaine et animale, les walk-ins, Gaby ignorait que ça portait un nom.

— Désolée de vous avoir fait attendre.

Gaby, surpris dans ses pensées, se retourne, et découvre F624 debout à deux mètres de lui, elle est habillée uniquement d’une légère robe courte, laissant apparaître des jambes interminables et un décolleté à en perdre l’équilibre. Sa longue chevelure noire encore humide frôle légèrement son visage et fait ressortir ses grands yeux bleus en forme d’amande se finissant par de légères ridules en pattes d’oie, ce qui signe le charme d’une femme approchant la quarantaine.

— Je vois que nous avons les mêmes goûts littéraires et artistiques. Mais je découvre cette théorie du transfert de l’âme, j’ignorais qu’elle existait ! dit-il tout penaud en lui montrant le livre qu’il tient dans la main.

— Je m’y intéresse, j’ai fait la thèse de mon doctorat sur ce sujet, c’est très intéressant. Il faut juste avoir un esprit libre et ouvert, mais vous n’avez toujours pas servi le champagne et je commence à avoir soif.

Gaby saisit la bouteille, l’ouvre délicatement et remplit les deux coupes posées sur la table.

— J’adore votre déco, bredouille Gaby. C’est votre fille sur le portrait de Pasqua ?

— Connaisseur à ce que je vois !

— J’adore cet artiste.

— Effectivement, il est très sympa, précise F624.

— Vous le connaissez personnellement ?

— C’est un ami, je le connais depuis plus de vingt ans, j’ai pu assister à son ascension dans le monde de l’art.

— J’adore également votre maison, elle est surprenante.

— Merci, j’ai acquis ce bien il y a une quinzaine d’années, je suis tombée amoureuse de l’endroit à la seconde où j’ai passé le portail. Quand j’ai quitté la France, je n’ai pas pu le vendre, et je ne regrette pas. C’est devenu un lieu de ressourcement pour moi, comme un sanctuaire, c’est toujours un plaisir de le retrouver à chacune de mes visites en France.

— Et vous revenez régulièrement ?

— Environ tous les deux mois.

— Merci pour votre invitation, je suis réellement flatté.

— Ne le soyez pas, votre profil et votre notation sont très vendeurs, dit-elle en clignant de l’œil.

— Vous savez très bien que je n’ai pas accès à ma notation !

— C’est vrai, mais j’avoue avoir été influencée par une amie qui vous a rencontré à plusieurs reprises, elle m’a fortement conseillé de vous contacter.

Gaby respecte les règles de cette organisation, et ne demande pas de quelle amie il s’agit.

— N’oubliez pas de la remercier de ma part !

— Depuis combien de temps êtes-vous membre ? demande F624.

— Depuis un peu plus d’un an, c’est un ami qui m’a parlé de cette organisation. J’ai trouvé le concept intéressant, et mis à part le côté « sexe », chaque rencontre est différente. Il y a cette poussée d’adrénaline quand on reçoit l’invitation, la découverte de l’autre personne, que ça matche ou pas, c’est à chaque fois une expérience unique. Et vous, comment êtes-vous devenue membre ?

— Cela va vous étonner, mais c’est mon mari qui m’a inscrite à First Lady. Je pense que vous m’avez reconnue ?

— Oui !

— Quand j’étais sur les podiums, je recevais en permanence des invitations à des soirées dans les milieux huppés, avec des stars du cinéma, des politiciens et des hommes d’affaires. Des soirées qui souvent, la cocaïne aidant, se terminaient en assemblées libertines. C’est lors d’une de ces soirées que j’ai rencontré mon mari, un jour, l’un des participants a fait discrètement des photos et l’a menacé de les publier. Il était déjà un industriel reconnu, il a dû payer une grosse somme pour récupérer les clichés, avec toujours la crainte de copies qui refassent surface. Depuis ce jour, nous ne sommes jamais retournés dans des soirées libertines. Alors pour pouvoir assouvir nos désirs sexuels, nous sommes devenus adhérents de First Lady qui garantit discrétion et sérieux, sans risques de photos ou de fuites publiques.

F624 pose son verre sur la table basse et s’avance doucement vers Gabriel, elle pose délicatement sa main sur son visage et c’est avec une précision chirurgicale qu’elle vient lui effleurer les lèvres avec les siennes.

— On peut peut-être se tutoyer, comment je peux t’appeler ?

— Gabriel, mais tout le monde m’appelle Gaby ! Et toi ?

— Eva, comme le mannequin ! dit-elle en souriant.

Son visage n’est qu’à quelques centimètres du sien. Il peut sentir l’odeur de sa peau et le souffle de sa respiration lui caresser les joues. Elle lui ouvre doucement les boutons de sa chemise et passe sa main contre ses pectoraux, elle fait glisser sa main vers le bas de son ventre et vient effleurer du pouce son sexe. Gabriel enlace Eva avec douceur et l’embrasse longuement, leur salive se mélange, le désir se matérialise physiquement pour Gabriel, ce qui fait sourire Eva.

— Curieuse ta façon d’embrasser, mais j’aime bien et je constate que je ne te laisse pas indifférent, dit-elle en caressant son pénis dur. Viens, montons dans la chambre, dit Eva en le tirant par le bras.

— J’en conclus que je peux rester, souffle Gabriel dans l’oreille d’Eva.

À aucun moment du reste de la soirée, ils n’ont parlé de littérature !

2

Commandant Rudy Servat

La vibration du téléphone fait sursauter Rudy et le sort de son sommeil avec brutalité.

Putain fait chier, il est deux heures du mat !

— Allo !

— Boss ? C’est moi.

— Ouais, qu’est-ce que tu veux ?

— Faut que tu viennes rapidement.

— Pourquoi ?

— Homicide !

— L’adresse ?

— 17 avenue de Saxe, dans le 7e. Surtout, prends ton inhalateur et évite les mocassins !

— C’est à ce point ?

— Ouais, on patauge dans l’hémoglobine.

— Qui est déjà là ?

— La scientifique.

— OK, laisse-moi trente minutes.

Rudy est un flic à l’ancienne, un vrai grincheux aigri, toujours en costume sombre, cravate et mocassins, ce qui fait immanquablement sourire Laura, son équipière depuis trois ans. Rudy ne supporte pas l’odeur métallique du sang, la vue ne le dérange pas, mais l’odeur oui. Le sang est constitué en grande partie de globules rouges qui contiennent de l’hémoglobine, la protéine dans laquelle se trouvent des ions de fer, ce qui donne cette odeur si particulière de fer non peint. Cette odeur lui rappelle ces heures passées dans la cage d’escalier de l’immeuble des années soixante où il a grandi. Ces heures accroché à la rambarde métallique les soirs où son père rentrait ivre et le foutait dehors. Sa mère préférait le savoir dehors plutôt que d’assister aux agissements malsains d’un père alcoolisé et violent. Depuis cette période de sa vie, Rudy ne supporte plus cette odeur que vous laisse sur vos mains tout contact avec du fer, et donc, l’odeur du sang.

C’est pour ça qu’il utilise un inhalateur de poche Vicks, ça lui anesthésie le nez.

Rudy habite à Issy-les-Moulineaux, au sud de Paris. Il vit dans un appartement de trois pièces qu’il a acheté il y a huit ans, après son divorce, il apprécie la proximité de cette ville avec Paris, juste le périphérique à traverser pour entrer dans la capitale.

2 h 30, Rudy s’engage boulevard de Grenelle, un bruit strident retient son attention. Une Maserati circule dans l’autre sens, dont le bruit d’échappement est amplifié par la résonance créée par les arches du métro aérien, Rudy soupire, lui, qui vient de passer à l’électrique.

Rue de Saxe, Rudy aperçoit Laura dans les lueurs bleues des gyrophares, elle est assise sur un banc en train de fumer une cigarette, jeans, baskets, blouson cuir, look grunge comme d’habitude. Laura est une jeune femme hyperactive, du haut de son mètre soixante, elle est une inspectrice très efficace, l’esprit est vif, elle possède une faculté d’analyses très avancée. Elle est sortie première de sa promo et a pu intégrer très rapidement la Crim’. Laura est une très bonne équipière, Rudy apprécie fortement de travailler avec cette jeune femme à la frimousse pleine de taches de rousseur qui lui rappelle Marlène Jobert, une actrice française des années soixante-dix.

— Salut, alors, qu’est-ce qu’on a ?

— Natalia Ivanenko, 30 ans, russe, secrétaire dans une étude notariale.

— Cause de la mort ?

Laura le regarde dans les yeux et s’exclame :

— Décapitation !

Rudy recule d’un pas, étonné par la façon dont la victime a été tuée.

— Putain de merde !

— Le tueur a déposé la tête dans un saladier, sur la table.

— Qui a trouvé le corps ?

— Le voisin du dessus, un retraité, la porte était entrouverte, il a appelé, frappé à la porte, n’ayant pas de réponse il est entré, c’est là qu’il a trouvé le corps.

— Comment va-t-il ?

— Bof, il a été pris en charge.

— Et toi, comment vas-tu ?

— Idem, c’est dégueulasse à voir, si tu n’y vois pas d’objection, je t’attends là !

— OK, qui est là, de la scientifique ?

— Lopez, il est arrivé il y a trente minutes.

Rudy prend un air rassuré, Manuel Lopez est un ancien collègue, ils ont partagé le même service pendant plus de dix ans.

— Quel étage ?

— Troisième étage.

— Merci, attends-moi là.

Rudy se dirige vers l’entrée de l’immeuble et monte au troisième étage. Une fois devant la porte, il respire deux fois dans son inhalateur, il s’équipe de surchaussures, une charlotte sur la tête et une blouse en papier bleu mis à disposition par la scientifique et, entre dans l’appartement.

La décoration de l’appartement est agréable, avec une forte empreinte féminine, mais de bon goût. Quand il arrive dans le salon, il aperçoit immédiatement la tête de la jeune femme dans le saladier, le corps est attaché sur une chaise à deux mètres de là. Rudy est surpris par l’expression du visage et le regard de la victime, on peut lire la terreur dans ses yeux, qui sont restés ouverts.

Manuel apparaît en se relevant de derrière le canapé et sourit à Rudy.

— Bonjour commandant Servat, comment vas-tu ?

Rudy, lui rend l’expression timidement, la situation est peu propice aux courtoisies.

— Salut Manu, alors, tes premières conclusions ?

— J’estime l’heure de la mort à 22 heures, la victime a été attachée sur la chaise, un bâillon dans la bouche. D’après l’angle de découpe et la forme des traces de sang sur le mur et le plafond, l’assassin est droitier. La tête a été tranchée par une arme de type sabre, je dirais un katana1 ou un cimeterre. Selon l’expression de la tête, elle a eu conscience de sa décapitation. Le meurtrier a dû se positionner devant elle, à bonne distance et, a fait un geste d’ajustement, juste assez pour créer une légère coupure. Après, il lui a tranché la tête d’un coup franc, schlague.

Manu mime le geste, ce qui glace Rudy.

— Un vrai pro, ce tueur. On pourra en dire plus sur l’arme quand j’aurais fait transférer le corps à l’IML2.

— Merci Manu, mais la tête dans le saladier, c’est plutôt des méthodes de la mafia russe, pas arabe ou japonaise, or tu me parles d’un cimeterre ou d’un katana !

— Oui effectivement, mais, je suis quasiment sûr de moi, nous avons affaire à un sabre, pas un couteau de combat.

— OK, merci, tiens-moi au jus de ce que tu vas trouver.

— Oui commandant, répond Manu avec ironie.

Rudy décide de monter d’un étage pour interroger le témoin.

Il le trouve entouré de deux fliquettes, toujours plus rassurant pour les personnes qui ont subi un choc émotionnel.

— Bonjour Monsieur, je suis le commandant Servat, je peux vous poser quelques questions ?

— Oui je vous en prie, répond l’homme.

— Connaissiez-vous la victime ? Si oui, comment ?

— Juste une relation de voisinage, elle était très discrète et très polie. Je la croisais de temps en temps, assez rarement, car elle devait travailler la nuit, elle partait tous les soirs vers 22 heures, 22 h 30.

Drôles d’horaires pour une secrétaire d’une étude notariale, pense Rudy.

— Elle avait un compagnon ou petit ami ?

— Pas à ma connaissance, mais elle recevait dernièrement une amie, une brune, pas française, je dirais anglaise ou américaine, car elles ne parlaient pas notre langue quand elles étaient ensemble.

— Vous connaissez son nom ?

— Son nom ? Non, mais une fois en les croisant dans l’escalier, il me semble que Natalia l’a appelée Victoria.

— Merci de rester disponible, nous allons vous convoquer pour prendre votre déposition, essayez de vous reposer.

Rudy quitte l’appartement et rejoint Laura qui attend encore dehors. En passant devant l’appartement de Natalia, il aperçoit le service de la morgue en train d’emballer le corps. L’image de cette jeune femme au regard effrayé revient et lui provoque un haut-le-cœur.

Arrivé en bas de l’immeuble, il rejoint Laura, toujours assise sur le banc pour un debrief.

— Putain, quelle horreur, dit Rudy.

Laura acquiesce en grimaçant et recrachant la fumée de sa clope.

— On a quelque chose ? demande Laura.

— Pas grand-chose, le voisin m’a confié qu’elle sortait tous les soirs à la même heure, sûrement pour travailler, étonnant pour une secrétaire de notaire. Le prix d’une location d’un trois-pièces avenue de Saxe ne colle pas avec les revenus d’une secrétaire, il faudra vérifier tout ça, as-tu récupéré son ordi ou son téléphone portable ?

— Non, tout a disparu, ni ordinateur ni téléphone portable, l’assassin a dû tout embarquer.

— Demain nous irons voir son employeur, nous trouverons peut-être quelque chose sur le PC de son poste de travail. Nous ferons également visionner les caméras du quartier, il y a beaucoup d’ambassades et de ministères dans le coin, on ne sait jamais, une trace d’un suspect serait la bienvenue.

— Maintenant qu’ils ont enlevé le corps, je vais remonter dans l’appartement et essayer de trouver un document avec son adresse mail. Je demanderai à Djibril sur service info de la craquer, il est super fort pour ce genre de chose, dit Laura.

— Super idée, et après, va te reposer un peu, on se retrouve à 9 heures rue du Bastion.

Rudy monte dans sa Renault Mégane dernier cri cent pour cent électrique et reprend la direction d’Issy-les-Moulineaux.

Son esprit est troublé, il pense à sa fille Léna, qui a le même âge que la victime. Elle est partie vivre avec son copain aux États-Unis, à Chicago, elle lui manque beaucoup, la distance et le décalage horaire ne permettent pas et ne facilitent pas les liens entre un père et sa fille.

Si tout va bien, il lui rendra visite cet été.

3

Leïla et Sofiane

7 heures, Gaby ouvre les yeux, il s’étire tel un chat qui se réveille, il ne manque plus que le ronronnement. Il sort du lit et se dirige vers les toilettes, il soulage sa vessie et va se faire un café. Une fois la tasse préparée, il repense à sa soirée avec Eva, effectivement, elle mérite bien la couleur or, sûrement une de ses plus belles rencontres via First Lady.

Il regarde dehors et apprécie la vue. Gaby possède un appartement à Puteaux, au quatorzième étage d’une résidence située en bord des quais de Seine, la vue est tout simplement incroyable. On peut voir la plupart des monuments parisiens, la tour Eiffel légèrement sur la droite, l’arc de triomphe de l’Étoile en face, sur la gauche, la splendeur du Sacré-Cœur, surplombant tout Paris depuis le haut de sa colline de Montmartre. Seule tache dans le décor est cet immeuble de la nouvelle préfecture de police construit pour remplacer le Quai des Orfèvres et qui dans une forme dégradée, voire dégradante, est visible depuis tout Paris.

Gaby est né le 25 juin 1988 à Boulogne-Billancourt et a grandi à Bezons, une commune de la banlieue du sud-ouest de Paris. Fils unique, ses parents, Victor et Nadine formaient un couple charmant. Tous les deux issus de la DDASS, ils se sont rencontrés à l’âge de 15 ans dans une famille d’accueil et ne se sont plus jamais quittés, même pour leurs études. Tous les deux comptables de métier, ils ont créé à l’âge de 25 ans un petit cabinet de comptabilité à Suresnes. Gaby n’a jamais manqué de rien pendant son enfance, la seule famille qu’il avait, c’était ses parents et son oncle William, le frère de sa mère. Un militaire de carrière qui était la plupart du temps en opération extérieure et rentrait en France avec des histoires d’aventures rocambolesques que Gaby adorait écouter. Plutôt bon élève, il obtient le bac à 17 ans. Passionné par la vente, sûrement due au métier de ses parents, il intègre une école de commerce international, Paris Dauphine-PSL. Là, il devient très vite membre du BDE (bureau des étudiants) et se constitue un cercle d’amis important.

Sa vie bascule le 1er juin 2009, ses parents s’étaient offert un voyage au Brésil pour leurs trente ans de mariage, ils étaient dans le vol AF 447 appelé plus communément « le crash du Rio-Paris ».

À tout juste vingt ans, Gaby s’est retrouvé orphelin, le seul clan subsistant étant son oncle Will. Celui-ci décide de quitter les forces spéciales et de rester en France pour s’occuper de lui en attendant qu’il finisse ses études et trouve une stabilité après ce drame.

À 25 ans, son master de commerce en poche, Gaby se cherche quelque temps avant de vendre la maison familiale, et l’entreprise de ses parents au gérant en poste depuis leur mort. Avec l’argent, il investit dans cet appartement de Puteaux et s’interroge sur son avenir professionnel. C’est par hasard, en se promenant dans le 16e arrondissement à deux pas de la place Victor-Hugo qu’il repère cette concession de voitures un peu vieillotte. Il entre et rencontre Guy, le propriétaire, un vieux monsieur au grand sourire qui n’attend qu’une chose, partir à la retraite, Gaby tombe immédiatement amoureux de cet endroit et particulièrement des bolides qui y sont vendus. La concession vivote et manque de chiffre d’affaires et surtout de résultats, Gaby avec son œil neuf et un master tout frais, voit tout de suite les possibilités de développement : un emplacement de rêve et une clientèle huppée. Il décide de faire une proposition de rachat à Guy, qui accepte sans hésiter. Une fois propriétaire, il devient agent Maserati, mais surtout, il met en place un service de voitures d’occasion. Étant dans l’un des quartiers les plus chics de Paris, c’est sans difficulté qu’il se crée une clientèle et un parc de véhicules haut de gamme en portefeuille. Sa clientèle est en majorité originaire des Émirats. Ces personnes extrêmement riches acquièrent des véhicules de standing pour la durée de leurs séjours à Paris et ensuite les laissent au parking Foch prendre la poussière. Gaby s’occupe de les revendre dès leur départ, et bien sûr, leur en fournit une autre à chacun de leur retour en France. La concession est devenue aujourd’hui une adresse incontournable pour acheter ou écouler une voiture de luxe, qu’elle soit sportive, berline, limousine, SUV.

Gaby se sent bien ce matin, le soleil est au rendez-vous, comme presque tous les jours, il va courir sur l’île de Puteaux, commencer sa journée par un jogging lui fait du bien. Il se fait un jus d’orange pressée, mange une barre de céréales et prend une douche froide. Comme d’habitude, il met un short, son vieux sweat à capuche, chausse sa paire de Brooks et quitte l’appartement. Il profite de la descente en ascenseur pour mettre ses écouteurs et sélectionner sur son téléphone sa playlist, des titres pop rock des années 1990, Oasis, Blur, U2, Muse, etc.

Une fois au rez-de-chaussée, Gaby traverse le petit parc qui sépare sa résidence de la passerelle François-Coty, au design effilé et plutôt réussi. Elle a été inaugurée il y a quelques années et permet aux piétons de traverser la voie express ainsi que la Seine et atteindre directement l’île de Puteaux.

Gaby contrôle sa montre et commence son parcours habituel autour des complexes sportifs, stades de foot, terrains de tennis, piscine. Un parcours total de 7 kilomètres qui, selon les jours, il fait au rythme de 6,30, voire 6,10 (6,30 minutes au kilomètre).

Son attention est attirée par cet homme qui pratique également le footing, il est de grande taille, mais surtout, ses jambes sont trop grandes par rapport au buste, ce qui lui donne une allure de girafe. Mais ce qui l’interpelle, c’est qu’il est persuadé d’avoir déjà croisé ou aperçu cet homme à la drôle d’allure ailleurs que sur l’île. Il doit travailler dans le même quartier que lui, bref, il contrôle son temps et accélère histoire de maintenir ses performances.

De retour chez lui, Gaby prend une douche, choisi des fringues selon ses rendez-vous du jour et se fait couler un café.

Il rejoint sa voiture dans le garage souterrain de la résidence, il met le contact et savoure encore une fois le bruit du V8 qui résonne dans le parking. Tel un gamin, il met un coup de pédale d’accélérateur pour créer une résonance dans la structure toute en béton, il actionne le sélecteur de vitesses et se dirige vers la sortie. La sortie du garage donne dans une contre-allée des quais que les camions de livraison, ordures et bus empruntent en permanence, ce qui rend la sortie du sous-sol très délicate. Il faut faire attention pour ne pas être percuté par un livreur étourdi. C’est pour cette raison que la copropriété a décidé de mettre un miroir bombé au-dessus de la grande porte basculante.

Une fois sorti, il se dirige vers le pont de Puteaux, traverse la scène et emprunte l’avenue Wallace à Neuilly en direction de la porte Maillot, puis l’avenue Mahatma-Gandhi. En passant devant la fondation Vuitton – Gabriel adore cette construction en forme bateau, qui lui rappelle La Pinta, la caravelle de Christophe Colomb – il se dit que ce serait cool d’avoir son showroom automobile dans un tel bâtiment, mais bon…

En arrivant porte Dauphine, Gaby se rappelle ses années à l’école de commerce, il contourne la place en travaux à cause de la construction du tramway encerclant Paris sur les boulevards des maréchaux, ensuite il remonte vers l’Étoile par l’avenue Foch et tourne à droite sur l’avenue Raymond-Poincaré. Arrivé place Victor-Hugo, il emprunte la rue Mesnil et arrive face à la concession rue de Saint-Didier qui se trouve au 45. Une surface de 300 mètres carrés au rez-de-chaussée, aménagée en showroom et un atelier de réparation au sous-sol, l’accès se fait par le parking du supermarché mitoyen.

Les locaux sont trop petits pour lui, mais tellement bien situés, Gaby se gare au sous-sol et rejoint son bureau par l’escalier de service des mécaniciens.

À peine arrivé au rez-de-chaussée, son portable sonne pour indiquer la réception d’un SMS :

« Salut ma couille, pas de pouffe chez toi ce soir, grosse réunion, journée de merde, je dors chez toi. Leï »

Gaby sourit, Leïla est la sœur de Sofiane. Il y a de ça un peu plus de deux ans, Sofiane avait appelé Gaby pour le prévenir qu’il avait donné ses coordonnées à sa sœur qui cherchait une voiture (« Je te préviens, ce n’est pas un cadeau que je te fais, mais je ne veux pas qu’elle achète une merguez ». Une merguez est une voiture d’occasion au compteur trafiqué. « Donc si tu peux t’en occuper, je serais rassuré. »)

Gaby se souvient du jour de leur rencontre, il était dans son bureau quand il l’a vue arriver. Elle s’est présentée à Stéphanie, son assistante et hôtesse d’accueil, il a tout de suite remarqué l’air de famille avec Sofiane, mais surtout la beauté de Leïla. Une classe naturelle renversante, le teint doré, presque caramel, les yeux noirs, la bouche pulpeuse avec des pommettes hautes, habillée avec une grande élégance, imperméable Burberry, robe fleurie, escarpin Louboutin et cheveux noirs coiffés « effet décoiffé ». Il est immédiatement tombé sous le charme de Leïla.

Il se dirige vers l’espace d’accueil pour aller à la rencontre des deux femmes.

— Bonjour, je suis Gabriel, enchanté de vous rencontrer, vous êtes Leïla ?

— Bonjour, oui, effectivement c’est moi.

— Votre frère m’a prévenu de votre passage.

— Sofiane m’a dit que pour acheter une bonne caisse, il n’y a qu’une seule adresse à Paris, la vôtre, alors je suis là.

Gaby est étonné et même surpris par le phrasé de Leïla.

— Tout dépend de ce que vous cherchez, mais je devrais vous trouver ça !

— Une vraie voiture de keum, qui fait du bruit et envoie les chevaux, alors, ne me proposez pas une Fiat 500 Abarth ou une Mini Cooper S. Ce n’est pas une voiture d’escorte que je veux, mais une vraie caisse qu’envoie du lourd !

Gaby sourit face à cette jeune femme si charmante qui n’a aucune limite dans le verbe, et Stéphanie retourne à sa place en retenant son rire.

— Pas de soucis, c’est pour un usage occasionnel ou quotidien ?

— Quotidien, je n’achète pas une voiture pour la laisser au garage et l’utiliser que le week-end, j’habite dans l’Oise et je viens à Paris tous les jours, donc un modèle qui ronronne, mais confortable, j’aime bien celle-là, dit Leïla en montrant une GT blanche dans le hall.

— Si je peux vous conseiller, pour un usage quotidien, évitez ce genre de modèle, beaucoup trop de contraintes, peu maniables, elles sont faites pour de la route ou de la piste, pas de l’urbain. Les boîtes de vitesses sont trop fragiles, ça devient même désagréable à conduire si vous ne l’exploitez pas correctement.

— Finalement, y’a pas grand-chose dans votre boutique, dit Leïla avec humour et un sourire laissant apparaître deux fossettes jusque-là invisibles.

Gaby sourit également.

— Mon stock se trouve au parking Foch, mais je pense avoir un modèle qui vous convienne.

— Mouais, dit Leïla, tant que ce n’est pas une voiture de pouffe.

— Non, ne vous inquiétez pas, répond Gaby avec sourire, je vais vous emmener voir la voiture. C’est une Audi TT RS, noire, 400 chevaux, tout cuir, elle a deux ans et très peu de kilomètres. C’est une voiture qui a toujours été entretenue ici, je connais bien le propriétaire, il est parti aux États-Unis pour un an et a décidé de la vendre. Je pense que ce modèle pourrait vous convenir.

— OK, je vous fais confiance.

Gaby se dirige vers Stéphanie et lui demande de préparer les clés de la voiture de Monsieur Bensimon et l’informe qu’il s’absente pour présenter un modèle à la jeune femme. Stéphanie lui répond par un sourire et un clin d’œil signifiant « bonne chance », vu le comportement de la cliente. Gaby acquiesce en prenant les clés.

Pendant le trajet qui sépare la concession et le parking Foch, Gaby essaye de dompter cette tigresse agressive.

— Sofiane ne m’a pas souvent parlé de vous !

— Oui effectivement, mais je suis pareille, je n’aime pas m’exposer comme ça, mon frère m’a dit de vous faire confiance, alors !

— Il a raison, j’ai beaucoup d’affection pour votre frère, il a été un de mes premiers clients, nous avons lié, je pense, une véritable amitié, vous lui ressemblez beaucoup, en plus élégante.

— Ouais, c’est une pute qui me conseille.

Gaby prend un air surpris et la regarde avec des yeux écarquillés !

— Je suis avocate d’affaires dans une compagnie internationale en équipements pour plateformes pétrolières de forage. Je passe ma vie à rédiger et faire signer des contrats à de gros porcs d’industriels, qui, généralement, adorent se faire offrir une escorte le soir à l’hôtel. Pour des raisons de confidentialité, c’est moi qui m’occupe des prises de rendez-vous avec les filles, elles sont plutôt cool, du coup, elles me filent des fringues et des conseils vestimentaires, pas mal, non ?

— Effectivement, vu comme ça… en tout cas elles ont du goût ! dit Gaby en souriant.

— On vit dans un monde d’enfoirés. Ces gros enculés raquent une fortune pour choper un contrat et s’en foutre plein les fouilles, moi je rédige les contrats et fais tout pour sécuriser les accords. Le pire, c’est que ces connards me payent une fortune pour ce job, il paraît que je suis très bonne dans mon domaine, poursuit Leïla en souriant à son tour, et en faisant un clin d’œil à Gaby.

Malgré sa vulgarité, Gaby tombe sous le charme de la sœur de Sofiane. Arrivés au parking Foch, Gaby présente la voiture à Leïla, qui approuve le modèle sans même l’essayer.

— OK pour moi, je la prends, et le prix ?

Gaby, toujours admiratif de sa cliente, et surtout, sœur de Sofiane, décide de lui vendre la voiture en renonçant à sa commission.

De retour à la concession, Gaby fait signer les papiers de la vente à Leïla.

— Sofiane m’a donné des places pour le match PSG/Rennes de ce soir, si vous aimez le foot, vous pouvez m’accompagner, on irait dîner après, ça vous dit ?

— OK, j’accepte, dit Leïla avec un sourire en coin. J’accepte de venir avec vous, mais ne vous faites pas d’illusions, vous n’êtes pas ma came !

— J’avais bien compris, votre came serait plutôt… Stéphanie !

— Observateur, dit Leïla, elle est super bonne… d’ailleurs, elle est mariée, elle a quelqu’un ?

— Oui, elle est mariée, un enfant et hétéro !