Acide & Solitude - Clara Diane - E-Book

Acide & Solitude E-Book

Clara Diane

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Beschreibung

"Sao retint un râle de mécontentement. 'Ce marché, quelle idée à la con. Si je n'avais pas autant besoin de lui... Allez, un mois et il fout le camp.' - Très bien, répondit-il d'un ton acerbe. Tu sais te battre à mains nues ? Le regard paniqué que lui adressa Allen lui suffit." Des pouvoirs difficiles à contrôler, une organisation qui les traque : deux raisons pour lesquelles Allen et Sao ont perdu leur famille, leur liberté, leur place dans le monde. Décidés à se venger, ils vont devoir s'allier. Mais pour ça, la première étape va être de se supporter...

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Ähnliche


Pour Olivia et Mathieu, sinon ils auraient fait la tête.

Sommaire

Chapitre 1 – Allen

Chapitre 2 – Allen

Chapitre 3 – Allen

Chapitre 4 – Allen

Chapitre 5 – Allen

Chapitre 6 – Allen

Chapitre 7 – Sao

Chapitre 8 – Allen

Chapitre 9 – Sao

Chapitre 10 – Allen

Chapitre 11 – Sao

Chapitre 12 – Allen

Chapitre 13 – Sao

Chapitre 14 – Allen

Chapitre 15 – Sao

Chapitre 16 – Allen

Chapitre 17 – Allen

Chapitre 18 – Sao

Chapitre 19 – Sao

Chapitre 20 – Sao

Chapitre 21 – Allen

Chapitre 22 – Sao

Chapitre 23 – Allen & Sao

Chapitre 24 – Allen & Sao

Chapitre 25 – Allen & Sao

Chapitre 26 – Allen & Sao

Chapitre 27 – Kassidy & Sao

Chapitre 28 – Allen & Sao

Chapitre 29 – Allen & Sao

Chapitre 30 – Allen & Sao

Épilogue

Chapitre 1 – Allen

Le rire de Stan illumina la pièce étriquée comme un rayon de soleil. Allen ne put s’empêcher de sourire en retour. Elle était bien la seule à pouvoir le mettre de bonne humeur dans ce trou à rat. Il connaissait son prénom – Raphaëlle – même s’il s’abstenait de l’utiliser : se montrer trop familière avec le prisonnier lui avait déjà été reproché.

La mercenaire ramassa les cartes sur la table, toujours amusée par le bluff – loupé – d’Allen, et les ajouta à sa pile. Encore un peu et elle lui donnerait un nouveau gage ! Elle ne manquait jamais d’imagination. Heureusement pour lui, faire des signes obscènes aux caméras n’était plus une option : la semaine qui avait suivi ce gage s’était soldée par des plateaux-repas plus fades que d’habitude.

Ils piochèrent chacun à nouveau et Allen surprit le regard anxieux que Stan porta à sa montre. Il rongea l’ongle de son pouce et sentit le goût du sang.

— Tu ne devrais pas tarder, elle va bientôt débarquer.

— Tu veux juste pas risquer de perdre ! se moqua-t-elle.

Mais son sourire s’était terni. Oui, il valait mieux que sa supérieure ne la trouve pas ici à son arrivée, même si l’idée de se retrouver seul tordait l’estomac d’Allen.

À un son dans le couloir, Stan bondit de sa chaise :

— On finira la prochaine fois, d’accord ?

Allen acquiesça. Il ne voulait pas lui causer d’ennuis. Gênée, elle quitta la pièce dans les secondes suivantes, emportant avec elle le jeu de cartes.

Allen soupira pour meubler le silence soudain et laissa son regard dériver sur son environnement. Sa prison.

Dans cette pièce, sa préférée, il oubliait brièvement la porte blindée ou les caméras au plafond que personne n’avait cherché à cacher. Un tapis pourpre recouvrait une partie du sol, des étagères en bois contenaient une quantité impressionnante de CD, DVD, mais surtout de livres. Des loisirs durement acquis en échange de sa docilité. Deux chaises, en bois elles aussi, entouraient la table métallique clouée au sol de béton. Dans un coin se trouvaient un fauteuil mœlleux, du papier de pliage coloré et même un tableau au mur.

En revanche, impossible d’ignorer l’absence de fenêtres et le poids des étages au-dessus de lui. Il savait en permanence qu’il se trouvait sous terre, dans un minuscule appartement sous surveillance constante, au milieu d’un bâtiment conçu pour enfermer les gens comme lui.

Soudain désœuvré, le jeune homme fixa le vide pendant une bonne minute. Puis, il se décida à bouger : il devait rester actif.

Il entra dans la cuisine et se servit un verre d’eau. Ici, ni tapis ni décoration. Des murs gris, nus, des meubles impersonnels, des couverts en plastique. Il n’y passait chaque fois que le temps nécessaire, de même que dans la salle de bain, où il évitait ses cernes dans le miroir ; dans la chambre, où il prétendait ignorer l’œil rouge de la caméra. Ça faisait environ deux ans qu’il n’avait pas vu la lumière du soleil. Sa peau était d’une pâleur qui l’effrayait, ses yeux noisette avaient perdu de leur éclat, ses cheveux châtains pendaient en mèches informes devant son visage. Il tournait en rond comme un lion en cage, voûté comme si le poids de la porte blindée reposait sur ses épaules ; chaque jour était plus difficile, plus ennuyeux, plus vide.

Si sa captivité se prolongeait aussi longtemps qu’elle était censée le faire…

Non, il préférait ne pas y penser.

Il ignorait où il se trouvait : lorsqu’on l’avait traîné dans le bâtiment, il était inconscient. Il ignorait même le temps qui passait : ses rares indices concernant la date étaient les menus de ses repas et ce que voulaient bien lui dire les rares gardes à lui adresser la parole. Ses uniques visiteurs étaient Stan, qui lui apportait sa nourriture, ses livres et venait lui raser la barbe ; de temps en temps, le médecin… Et cette teigne de Smith, qui avait d’ailleurs pris un grand plaisir à lui annoncer que sa famille le croyait mort.

Il retourna dans le salon où, au moins, il y avait un peu de lui : les initiales de sa fratrie gravées dans le pied d’une chaise, un origami entre deux DVD ou la couverture d’un livre qui lui faisait penser à sa mère. C’était d’ailleurs la seule pièce où il allumait toujours ! Il avait petit à petit arraché à l’organisation chaque objet non indispensable, chaque morceau de confort contre la promesse de ne pas chercher à s’évader.

Deux ans… Est-ce que ça valait encore la peine ? Être à nouveau sous sédatifs n’était-il pas préférable ? Une mort silencieuse et cotonneuse. Enfin quitter sa prison… Peut-être devrait-il laisser faire la prochaine fois qu’on tenterait de le supprimer. Quelques jours plus tôt, du poison avait été ajouté à son plat. Son organisme n’avait pas été capable de s’en débarrasser lui-même et il avait été pris de violentes crampes et de vomissements ; il était brûlant de fièvre quand le médecin était arrivé. Les caméras, cette fois-ci, lui avaient sauvé la vie.

Avant d’entamer malgré tout sa routine quotidienne, Allen jeta un œil distrait au dernier livre qu’on lui avait apporté : une adaptation de Raiponce. Très drôle, Smitty.

Il le mit de côté et se prépara pour sa séance de sport. Peut-être que cette fois-ci, sa geôlière arriverait alors qu’il puerait encore la transpiration ! C’était bien la seule vengeance qu’il pouvait se permettre en prétendant ne pas avoir fait exprès.

Mais même cette idée, même le sport, même la méditation ne l’aiderait pas à s’endormir. Bon sang, il aurait donné son bras pour un animal de compagnie ou un piano électronique ! Il se coucherait après cette journée semblable aux centaines d’autres avant elle et le cauchemar serait, lui aussi, identique.

Chapitre 2 – Allen

L’animosité alourdissait l’air déjà vicié de la cellule.

Les doigts d’Allen pianotaient sur la table à un rythme irrégulier tandis que Smith s’asseyait, croisait les bras et les jambes et le regardait comme on regarde un cafard. Les autres agents, restés à côté de la porte, affichaient une expression neutre. Smith, elle, n’avait jamais pu cacher son hostilité. Et c’était elle qu’on envoyait lui faire des remontrances…

— Cesse donc, siffla-t-elle, agacée par le son des ongles sur le métal.

Le jeune homme s’immobilisa, les lèvres pincées. Tout pour qu’elle parte le plus vite possible. Quant à elle, elle sourit sournoisement, satisfaite de son autorité sur lui.

— Stan est restée plus longtemps que prévu, tout à l’heure.

Elle n’en dit pas plus, espérant une réaction de sa part. Il résista à l’envie de la provoquer : chaque semaine, il avait droit au même cinéma et elle n’attendait qu’une excuse pour le violenter.

— Mes mains étaient bien en vue des caméras tout du long, finit-il par dire. Je ne vois pas ce qu’il vous faut de plus.

— Tu connais les règles, répondit-elle d’une voix chargée de menace.

— Peut-être que vous devriez les rappeler à vos hommes !

Smith se crispa aussitôt et porta la main droite au pistolet électrique à sa ceinture. Les deux soldats derrière elle également. Allen ferma les yeux et poussa un soupir mi-exaspéré, mi-résigné.

— Tenez vos chiens en laisse, je ne vais rien vous faire et vous le savez très bien.

Smith se contenta de plisser les yeux. Ses deux gardes du corps ne bougèrent pas d’un pouce. Allen ne se souvenait que trop bien de la douleur de l’électrification ou des coups de matraque.

— Mais je pourrais essayer, reprit Allen en croisant les bras, la prochaine fois que l’un d’eux s’amuse à mettre du poison dans mon assiette.

— Tu serais mort avant d’avoir pu nous toucher, promit-elle alors que ses doigts serraient la crosse de son pistolet.

— Et vous vous retrouveriez peut-être avec un cratère à la place de ce bâtiment.

— Pas si nous t’endormons.

Les yeux d’Allen étincelèrent de colère. Il se concentra pour ne surtout pas trop s’énerver alors qu’il aurait tant voulu hurler sur quelqu’un.

— Si vous n’avez rien d’autre à dire, fichez-moi la paix, dit-il en se levant, les mains précautionneusement plaquées sur ses cuisses.

— Ne joue plus aux cartes avec mes hommes et je garderai mes somnifères en lieu sûr.

Smith se remit debout à son tour et se dirigea vers la porte, ses gorilles derrière elle. Juste avant de la franchir, elle se retourna et lança d’un ton doucereux :

— Au fait, bon anniversaire ! Je sais que personne d’autre ne te le souhaitera…

Elle offrit à Allen un sourire torve avant de sortir, se délectant de sa surprise et de la peine qui suivit.

L’huis claqua et tout le monde entendit distinctement le verrou s’enclencher.

Il la haïssait. Oh, il la haïssait ! Elle et sa prison, ses coups, son arrogance, son mépris… Mais une des pensées qui lui permettaient de tenir, c’était de savoir qu’elle l’exécrait parce qu’elle en avait peur.

Chapitre 3 – Allen

Une alarme hurla soudain dans sa prison, le réveillant en sursaut. Il ne reconnaissait pas le code. Impossible de savoir ce qu’il se passait.

Allen ne bougea pas, mais tendit l’oreille, le cœur battant. Hors de question de donner à Smith une raison de lui mettre l’incident sur le dos… Mais, lorsqu’il entendit quelqu’un essayer de forcer la porte blindée, il se redressa d’un bond.

Qui avait le pouvoir de s’introduire ici en pleine nuit ? Hautement improbable que ce soit quelqu’un du bâtiment qui aurait oublié ses clés. On ne laissait pas n’importe qui s’approcher de lui. C’était sans doute quelqu’un de l’extérieur… Et cette option était bien plus inquiétante ! Il se mordit l’intérieur de la lèvre. On ne lui avait rien ordonné quant à ce genre d’éventualité.

Bon, rester là à prétendre dormir ne servirait à rien. Il se dirigea vers le salon d’un pas anxieux. Il ne s’était presque jamais senti autant mal à l’aise dans le pyjama gris informe de S-Ray : le logo cousu sur sa poitrine, spécialement barré de rouge pour lui, le démangeait plus que d’habitude. Il esquissa un mouvement pour se cacher avant de réaliser la futilité de son geste. Il n’y a pas de cachette, dans une prison. Une minute plus tard, la porte s’ouvrit.

Ils étaient quatre. Allen n’en reconnaissait aucun, mais ça ne voulait pas dire grand-chose ; il ignorait combien l’organisation comptait de soldats. En revanche, leurs tenues étaient plus parlantes, entièrement noires, de leurs rangers à leurs cagoules. Derrière eux, Allen aperçut le corps d’un garde affaissé dans une immense flaque de sang.

Le jeune homme pâlit. Ces types-là n’avaient rien à faire ici.

Leur regard se promena dans la pièce et détailla Allen avant de revenir sur les étagères. L’un d’eux s’approcha du prisonnier, un pistolet – un vrai, pas les électriques de S-Ray ! – braqué sur lui.

— T’es qui, toi ?

— Je vis ici, répliqua Allen en masquant son anxiété sous un air bravache. Et vous ?

L’homme, un grand baraqué dont il n’apercevait que les yeux très clairs, ne prit pas la peine de répondre. Il avança encore d’un pas vers lui. Allen se força à rester immobile malgré le vertige qui le saisit à voir l’arme à feu si proche.

Deux des trois autres, un homme et une femme, entrèrent à leur tour dans la pièce tandis que le dernier resta devant la porte, sans doute pour faire le guet. Allen remarqua qu’aucun d’eux ne faisait la même taille et qu’ils étaient tous habillés de la même manière, comme un mauvais casting des Dalton.

— Vous cherchez l’arme, déclara Allen sur le ton de l’évidence.

Pour quoi d’autre pouvaient-ils être là ? C’était le seul objet ici qui pouvait exciter la convoitise de voleurs. Après tout, n’était-elle pas à l’origine d’un accident dramatique deux ans plus tôt dans la ville de New York ?

Le plus grand des hommes, qu’Allen surnomma « Averell », pointa son pistolet en direction de sa tête. Allen leva les mains, bien en évidence, sans brusquerie. Smith l’avait habitué à pire.

— Je doute que vous soyez là par hasard, se justifia-t-il avec un petit sourire.

— T’es censé être son gardien ? demanda l’homme.

— En quelque sorte.

— Ils sont tombés bien bas, à S-Ray, à ce que je vois, ricana Averell, en avisant la carrure frêle du prisonnier. Dis-moi où elle est.

— Je ne peux pas. Mais cherchez-la, je ne bougerai pas.

Cette arme avait fait beaucoup trop de dégâts. Elle ne pouvait pas sortir d’ici.

Le grand tas de muscles se tourna vers sa coéquipière qui venait juste après lui en taille. « Jack », donc.

— Garde un œil sur lui. Toi, ordonna-t-il en direction du troisième membre de leur équipe, va chercher dans les autres pièces.

Et lui-même se mit à arracher le tableau collé au mur pendant que Jack ordonnait à Allen de s’asseoir sur une chaise. Le plus petit, « Jœ », surveillait toujours le couloir.

— Vous voulez faire quoi, avec l’arme ? demanda-t-il à Jack en face de lui.

Silence. La femme détourna la tête.

— Je ne fais pas partie de S-Ray, vous savez, précisa-t-il en désignant le logo barré de son t-shirt. Ça ne changera rien si vous me le dites.

Allen ignorait quoi faire, ni même s’il lui restait différentes options. Il ne pouvait qu’attendre et imaginer le pire. Si les membres de S-Ray arrivaient rapidement, les intrus seraient arrêtés ou éliminés, et sa parodie de vie reprendrait. Si ce n’était pas le cas, ces derniers pouvaient interrompre leurs recherches – peu probable – ou le torturer pour obtenir des informations. Voire le tuer.

Alors que cette possibilité prenait corps, qu’il s’imaginait gisant sur le tapis avec une balle entre les deux yeux, le mensonge de Smith devenu irrémédiablement réalité, il se rendit compte qu’il n’avait pas envie de mourir. Ni empoisonné, ni fusillé… et l’agonie promise par cette prison le faisait soudain frissonner d’effroi. Il voulait sortir. Il ne supportait plus d’être ici. Au diable les risques, il n’en pouvait plus ! Voir la porte ouverte vers la liberté à deux mètres de lui le mettait au supplice et ses mains devinrent moites.

Mais comment ? Il s’était souvent imaginé à l’extérieur, mais sans jamais réfléchir à la manière dont il s’y prendrait pour s’évader. S’il coopérait, avouait tout aux voleurs et les suivait dehors, Smith ne manquerait pas l’occasion de l’enfermer comme aux premières semaines de sa capture dans une pièce unique, une planche en bois pour tout mobilier, assommé en permanence de tranquillisants. Il devait pouvoir faire croire à un enlèvement si S-Ray les arrêtait. Son front se couvrit de sueur quand il comprit qu’il allait devoir tenter le tout pour le tout.

— Au fait, faites attention aux livres, j’y tiens beaucoup, dit Allen.

— On t’a dit de la fermer !

— Du calme, intervint Averell. On ne tire plus si ce n’est pas nécessaire.

Allen vit le regard de Jack fixer les caméras dans son dos avant de redescendre sur lui. Les avaient-ils trafiquées ?

— Je veux juste discuter un peu, je ne vois presque personne depuis deux ans. Depuis New York, en fait. C’est quoi la version des médias pour l’accident ? Je ne suis même pas au courant.

— Je vais te défoncer si tu fermes pas ta gueule, prévint Jack.

Averell grogna et elle se tut. Allen frissonna. Il devait faire quelque chose, n’importe quoi. Pourquoi pas courir vers la sortie ? Non, ils l’arrêteraient tout de suite… Et –

— Boss, c’est trop long, lança Jœ depuis le couloir.

Averell bougea si vite qu’Allen n’eut pas le temps de réagir. D’un coup, il sentit la brute lui tirer les cheveux avec violence pour relever sa tête. Il poussa un cri qui s’interrompit dans un gargouillis quand le canon du pistolet s’enfonça dans sa carotide. Sa bouche s’assécha et il résista au besoin d’essuyer ses mains sur son pantalon.

— Ok, gamin, tu vois le garde dans le couloir ? Son cerveau est étalé sur le mur. Si tu veux pas qu’il t’arrive la même chose, dis-moi où elle est !

Allen ne put répondre, tant sa gorge était nouée par la terreur. Averell n’était pas Smith. Il n’avait pas ses connaissances. Rien ne l’empêcherait de le tuer. Énervé par son silence, le voleur lui lâcha les cheveux et voulut le saisir au col mais Allen, guidé par son instinct de survie, sauta sur ses pieds et courut vers la porte. Il n’avait pas fait deux pas qu’Averell lui tira dessus.

Allen hurla. La balle l’avait éraflé et brûlé au niveau du bras gauche et il pouvait sentir la souffrance vriller jusqu’à son omoplate. Haletant, il se laissa tomber dos au mur, le regard posé sur sa blessure sans oser la toucher.

— La prochaine fois, je t’explose le crâne, promit Averell. Maintenant, réponds-moi.

Allen l’ignora. Il pouvait presque voir la panique qui enflait, sourdait de sa plaie sous forme de vagues brûlantes. Il tenta de se calmer, de maîtriser sa respiration saccadée. Plus de catastrophe. Plus de morts. Il ne voulait pas reproduire ce qu’il s’était passé à New York ! Quand le papier peint derrière lui se mit à fumer puis à cloquer, il comprit qu’il avait perdu le contrôle : ses émotions s’échappaient de son corps, prenaient forme dans la réalité. Il se pencha en avant pour s’éloigner du mur et ferma les yeux, mais l’odeur de brûlé le prit à la gorge. Des visions de cratères noircis et de cadavres calcinés s’imposèrent à lui. Sortir était-il une si bonne idée ?

— Boss ? dit Jack avec un mélange de surprise et de peur dans la voix.

— J’ai vu.

Allen entendit Averell s’approcher et s’accroupir devant lui. Il ouvrit craintivement les yeux, mais le pistolet était pointé vers le sol, oublié. L’homme avait enlevé son gant et tendait les doigts vers Allen. Il les retira aussitôt en sentant la chaleur.

Allen n’avait blessé personne. Son souffle s’apaisa. L’atmosphère se rafraichit et il soupira, moins tendu. Il reprenait les rênes. Pas d’explosion. Pas d’odeur de chair brûlée.

Averell lui saisit le menton pour le regarder bien en face, les yeux plissés :

— Nous ne trouverons pas l’arme, même en cherchant dans toutes les pièces, pas vrai ?

Allen secoua la tête.

— Tu l’as cachée sur toi !

— Pas vraiment.

L’homme gronda derechef, mais Allen savait qu’il avait compris.

— C’est toi qu’on nous a envoyés voler.

Chapitre 4 – Allen

Jack haussa un sourcil.

— Attends, quoi ?

— Il n’y a pas d’arme, révéla Averell. C’est lui qui a fait exploser les bâtiments à New York il y a deux ans.

— Quoi ? Non mais tu délires !

— Fouille-le.

La femme s’approcha d’Allen et vérifia consciencieusement qu’il ne cachait rien sur lui. Elle se releva, perplexe :

— Les gars, vous avez déjà vu ça ?

— On a dû louper quelque chose ! intervint Jœ.

— Au pire, on règlera ça plus tard, trancha Averell. Que ce soit lui ou qu’elle soit planquée sous sa peau ou je sais pas quoi, on s’en fout. Notre commanditaire s’en occupera.

L’émission de chaleur avait disparu, mais il hésitait à lui pointer à nouveau le canon sur le front. Il renfila son gant et fonça dans la chambre. Les autres l’avaient remis en joue. Le chef revint avec la taie d’oreiller grise arrachée au lit et, aussitôt, ses acolytes s’activèrent. L’un ceintura Allen, un deuxième sortit de leur sac du ruban adhésif et des liens en plastique. Allen rua, mais ils le maîtrisèrent et le bâillonnèrent en quelques gestes avant de lui enfoncer la taie sur la tête. Du calme, c’est ce que tu voulais, se répéta-t-il, c’est ça ou rester à l’intérieur. La voix étouffée du chef lui parvint :

— Contrôle-toi, sinon tu es mort. On y va.

— De toute façon, c’était pas précisé qu’il devait être vivant, ricana Jack.

Encadré par ses nouveaux geôliers, les ralentissant sans le vouloir, il fut guidé à travers le bâtiment et vers la surface. Il devina un escalier de béton au bruit de leurs pas, une succession de néons au plafond d’après l’alternance entre lumière et obscurité à travers le tissu, puis la porte. Il se redressa quand il le sentit sur sa peau. Le vent, frais et sec. Il était dehors. Il était sorti ! Sa nausée se calma.

Il n’en profita pas. Il entendit une portière de camionnette s’ouvrir, se cogna le tibia contre le plancher du véhicule, beaucoup plus haut que celui d’une voiture, et on le fit asseoir sur un support froid et dur. Le conducteur démarra sans qu’un mot ne soit prononcé.

Quelqu’un tripota son bras gauche et il sentit une odeur d’alcool. Il tressauta et gémit de douleur – qu’ils lui fichent la paix ! – mais on lui répondit :

— Oh arrête de geindre, c’est même pas profond.

On banda rapidement sa blessure et le silence retomba.

Allen supporta le noir et la sensation de la taie d’oreiller contre son visage pendant quelques minutes avant de n’en plus pouvoir. Après tout ce temps à se maîtriser pour ne pas finir enseveli sous le bâtiment effondré, il tremblait de libérer ses pouvoirs tout en redoutant de le faire. La panique d’être enfermé alors qu’il était si proche de la liberté revint et, avec elle, son cœur qui se débattait dans sa cage thoracique. Il voulait lutter contre ses liens au point qu’il commença à transpirer et à haleter.

Il secoua la tête pour dissiper son malaise et reçut une tape sèche sur le crâne. Il perdit alors le contrôle et la taie d’oreiller se mit à fumer. Tout tournait autour de lui. Son estomac se souleva.

Le tissu qui lui couvrait le visage disparut. Il était à l’arrière d’un fourgon aux parois métalliques, aveugles. Il était installé en face de Jack et Jœ sur une banquette clouée à même le mur du véhicule ; une grille le séparait de la cabine du conducteur. Il trouva la scène tordue avant de comprendre qu’il était tombé sur le côté. Il inspira à plusieurs reprises par le nez en fixant la porte des yeux. C’était déjà mieux.

Jack tenait la taie d’un air dégoûté – et effrayé ? – et la balança dans le coin opposé.

— Fais pas l’imbécile, il va bien alors remets-lui ça ! ordonna Jœ.

Sa coéquipière se pencha et Allen secoua la tête avec violence en protestant sous son bâillon. Il avait beau savoir qu’il était à leur merci, qu’il était enfermé dans le véhicule, il voulait au moins avoir le visage libre !

— Regarde-le, dit Jack, si on le lui remet, il va nous faire une crise de panique. Je tiens pas trop à voir une explosion d’aussi près !

Jœ considéra la situation une seconde. Il le saisit au col pour le relever sur le banc et lui cracha :

— Ok mais au moindre signe que tu essaies de t’échapper, au moindre geste qui ne me plaît pas, je t’assomme. Et quand on arrivera, on te bandera à nouveau les yeux et c’est non négociable. Compris ?

Allen acquiesça. Il devait penser à n’importe quoi, à tout sauf aux murs de métal. Prendre son mal en patience pour éviter un accident mortel.

Quand il eut récupéré le contrôle de ses nerfs, le jeune homme réfléchit. Pouvait-il s’enfuir ? Oui. Il sentait « l’électricité », le courant d’énergie qu’il n’avait pas le droit d’utiliser et qui s’était accumulé ces deux dernières années, pousser contre le barrage qu’il avait érigé en lui.

Ce serait dangereux, il était incertain de sa maîtrise et pourrait blesser les autres. Mais c’était possible.

Le devait-il ?

S-Ray était à ses trousses ou le serait très bientôt. Se libérer attirerait l’attention de ses anciens bourreaux. De plus, il devrait échapper à ses kidnappeurs… qui l’aidaient à s’enfuir ! Sauf qu’il ne savait pas du tout pour qui ils travaillaient… ni pourquoi ils l’avaient enlevé. Serait-il en sécurité là où ils l’emmenaient ? Serait-ce plus facile de se cacher de cet inconnu ou de l’organisation qui l’avait enfermé dans une prison secrète de haute sécurité ?

Dit comme ça, la solution paraissait évidente. Il valait mieux qu’il attende, qu’il en sache plus. Il pourrait toujours s’évader plus tard si cela s’avérait trop dangereux.

Son choix fait, il s’apaisa en avivant le souvenir du vent sur ses bras nus. Une délicieuse sensation qu’il avait fini par oublier. Il en avait si souvent rêvé.

Il finit par perdre la notion du temps. Ses ravisseurs changèrent plusieurs fois de véhicule, de perruques, de lentille de contact, toujours le dos tourné pour ne pas montrer leur visage à leur prisonnier. On le détachait quelques minutes pour qu’il se change, lui aussi, et mange un morceau. Puis on lui ligotait à nouveau les poignets pour le garder sous contrôle. Il somnola à plusieurs reprises mais, malgré la fatigue, ne put s’endormir.

Enfin, au bout d’une trentaine d’heures, estima-t-il, la voiture ralentit une dernière fois.

Ils lui remirent la tête sous la taie d’oreiller et deux d’entre eux sortirent et il entendit une nouvelle voix – celle de leur commanditaire ? Allen écouta avec attention, impatient et inquiet à la fois : pas de bruit de route ou de ville, ils avaient l’air de marcher sur de la terre meuble ou dans l’herbe. Aucune lumière n’avait traversé le tissu quand ils avaient ouvert la porte et il ne comprenait pas les mots prononcés. Bref, il n’était pas beaucoup plus avancé…

En désespoir de cause, il essaya au moins de détendre ses jambes ankylosées par le voyage sans se lever de la banquette.

Au bout de quelques secondes, il entendit une exclamation de surprise et des pas se rapprocher avec précipitation. On lui enleva la taie.

La femme devant lui arborait une stupéfaction qui faisait s’ouvrir grand ses yeux verts. Ses courts cheveux noirs encadraient un visage à la peau mate et à l’expression suspicieuse.

— C’est vrai ? demanda-t-elle en arrachant son bâillon.

Elle avait une belle voix, assez grave.

Il l’interrogea du regard ; elle fronça les sourcils et répéta :

— Est-ce que c’est toi, l’arme ?

— Ah, hem, oui.

— Montre-moi, exigea-t-elle avec un mouvement de recul.

Il choisit cette fichue taie d’oreiller et, se concentrant sur sa présence et sa propre volonté, libéra juste assez d’énergie pour y mettre le feu. Une flamme jaillit, longue et claire qui laissa une trace noire sur le plafond de l’habitacle. Par bonheur, l’obscurité empêcha quiconque de voir qu’Allen s’était mordu la lèvre : il n’avait pas eu l’intention de produire une flamme si haute, mais son énergie luttait pour s’échapper après avoir été tant retenue. Il lui faudrait être très vigilant.

— Débarrasse-toi de ça et suis-moi, ordonna-t-elle.

Il obéit et réduisit le ruban adhésif en morceaux inutiles sans effort, ce qui fit grimacer Averell. Ses jambes, faibles, vacillèrent et il mit du temps à faire quelques pas. La femme finit par passer son bras sous ses épaules pour le soutenir.

À moins que ce ne soit pour éviter qu’il parte en courant ?

Elle était plus grande que lui et plus forte, malgré sa silhouette fluette. De toute façon, il n’aurait pas pu courir un mètre sans s’effondrer même s’il l’avait voulu…

— Prenez-en soin, il est pas bien solide, lança Jœ avec un sourire ironique.

Elle l’ignora et adossa Allen contre le véhicule le temps de terminer la transaction. Le jeune homme absorba avidement le paysage plongé dans la nuit. La seule trace de civilisation qu’il voyait était une voiture garée un peu plus loin ; il n’en distinguait pas les détails. Ils étaient sur un chemin de forêt, les arbres bruissaient, le vent soufflait sur sa nuque comme pour l’accueillir après tout ce temps. Il prit une profonde inspiration, apprécia l’odeur d’herbe mouillée qui lui parvenait et leva la tête pour regarder le ciel. Les étoiles lui faisaient des clins d’œil.

Il n’avait jamais rien vu d’aussi beau.

Chapitre 5 – Allen

Une fois payés, les quatre mercenaires plièrent bagage. Allen, les paupières papillonnantes de fatigue, se leva et se dirigea vers la voiture. Il devait dormir et savoir où il était avant de penser à prendre le large. Pour l’instant, il –

La voiture disparut, s’évapora comme si elle n’avait jamais été là.

Il sursauta et se tourna vers la femme, prêt à lui demander s’il n’avait pas rêvé.

— Je ne conduis pas. Et nous n’allons pas loin, se contenta-t-elle de dire.

Il hocha la tête et la suivit sur un sentier sous les arbres. Malgré son épuisement, il était clair qu’il n’avait pu imaginer cette voiture. Comment… ? Il était trop exténué pour trouver la réponse à ce mystère, ses neurones refusaient de se connecter. Tant pis : il y réfléchirait à tête reposée.

La femme avait une lampe de poche, mais le trajet restait pénible et Allen résista à l’envie de jurer en se prenant les pieds dans une racine.

— Où sommes-nous ? demanda-t-il alors.

— Comté d’Okanogan, état de Washington.

— Oh.

Il n’était donc jamais sorti des États-Unis. Devait-il en être soulagé ou affligé ?

Au bout d’une éternité, ils quittèrent la forêt pour rejoindre une route nationale rectiligne puis un chemin moins large qui menait à une grande grille en fer forgé. La femme en franchit le seuil et l’invita à faire de même. Elle referma rapidement, non sans vérifier ses arrières. Toujours sans un mot, elle remonta l’allée vers une… maison ? Un château ? Allen avait du mal à qualifier le bâtiment devant lui. Mais sa fatigue le rendait indifférent. Dormir, il voulait juste dormir.

Sa guide n’utilisa pas la porte principale et lui préféra une petite entrée sur le côté. Peut-être ne désirait-elle pas attirer l’attention de quelqu’un à l’intérieur ?

Une fois le battant refermé, elle se tourna vers lui, passa la main dans ses cheveux et soupira.

— Une personne, hein ? Quel bordel. Je comprends qu’ils n’aient pas voulu révéler la nature de l’arme.

Ne sachant quoi répondre, Allen haussa les épaules. Elle reprit :