Ad Vitam Æternam Tome I - Jean Amblard paysan du Gers en Lettonie - E-Book

Ad Vitam Æternam Tome I E-Book

Jean Amblard paysan du Gers en Lettonie

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Beschreibung

Voici un roman Paysan Occitano-Letton qui débute dans le contexte d'un sovkhoze et nous transporte par enchantement en 2023 dans le milieu des Petits Paysans, un pied à Sabaillan dans le Gers et l'autre à la découverte de la vraie Lettonie Païenne. L'auteur nous entraîne d'un pays à l'autre, hors des sentiers battus dont lui seul connaît la carte. Après deux siècles d'errance, l'âme de Liva va retrouver son amour de jeunesse réincarné en directeur de l'Institut Français de Lettonie et petit-fils de Petits Paysans du Gers. Après maintes péripéties, elle réussira à le rejoindre. Leur projet occitan d'initier le Grand Retour des Petits Paysans face aux villes bientôt moribondes, ne présagerait-il pas l'accomplissement de la Prophétie Auscitaine de Nostradamus en 1545 ? N'incarneraient-ils pas les Elus revenant au chevet de notre civilisation pour préparer la Postmodernité ? Le bonheur recherché depuis la Nuit des Temps ne serait-il pas simplement dans le pré ? Dans le partage d'une sobriété heureuse? Mis à part les lieux et de nombreux faits réels connus de l'auteur en Occitanie, en Lettonie ou ailleurs, chaque biographie pourrait en cacher une autre. Pour qui se pense simple mortel, ce méli-mélo pourrait bien remettre en cause ses certitudes...

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Seitenzahl: 275

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Toute ma vie j’ai cru en la force du souhait.

Ce que l’on écrit finit par devenir vrai !

(Colette 1873-1954)

Photo de couverture par J. Amblard

La Vie est une ronde sans fin imagée par le groupe folklorique de Cēsvaine en Lettonie.

En fond, la ruine de la maison natale de Līva.

À Anaïs, Lise, Louis, Gabin, Camille…

L’Avenir vous appartient !

Plaidoyer pour la Réintroduction de l’Homme dans la Nature.

Avant Propos

L’auteur est un petit PDG (Paysan du Gers) boomeur qui a passé toute sa jeunesse dans l’internat des Pères. Dans ce milieu sans concession, rêver était sa seule chance d’évasion. Il en a forgé et gardé les clés. Du coup sa vision de la vie formatée par notre Civilisation aurait-t-elle été quelque peu bousculée ?

Sur sa petite ferme du Gers avec les Pyrénées pour larges horizons, dès les années 80, il avait la plume facile pour "conter" la féodalité renaissante en proposant une alternative paysanne idéalisée…

A 50 ans, il est parti vagabonder dans les Pays de l’Est. Il voulait découvrir ces terres autrefois interdites qui le fascinaient sans les connaître. Et cela depuis le CM2 où son institutrice retraça le voyage d’une de ses amies qui avait eu "la chance" de découvrir l’URSS en 1961. Tant de détails de la vie de ces pauvres gens aux regards vides, semblant errer le long des pistes boueuses, privés de liberté au nom d’une impossible égalité, l’avaient complètement subjugué.

Devenu plus tard formateur en agriculture biologique et animateur de projets de développement rural, en Pologne du Sud où la moyenne des fermes est de 7 ha, il réussit avec ses étudiants français et polonais à réaliser son diagnostic-prospective de territoire partagé : "Inutile d’idéaliser l’Occident, l’avenir dont je rêve est probablement ici ?" Ce fut un franc succès. Il prit alors son bâton de pèlerin et proposa son concept dans plusieurs Pays de l’Est et c’est en Lettonie qu’il posa ses valises.

"Tu n’es pas venu ici par hasard, tu as été envoyé !" lui avait confié le directeur de l’orphelinat le plus souriant du monde. Pour aider à la création d’une ferme pédagogique, notre Occitan va s’installer quelques années en ermite dans un soviet-appartement où la cage d’escalier puait le pipi de chat. Il était seul immigré à cent lieues à la ronde. Sa soif d’immersion dans le milieu Paysan de la Lettonie païenne le stimula à étudier la langue du pays.

Et voilà qu’il se mit à délirer chaque soir au clavier de son petit ordinateur pour traduire tout ce que ses neurones brodaient en découvrant son nouvel univers. Il en profitait pour refaire le point sur son parcours, sur sa vision prospective de la Vie et, sans concession, sur l’état de notre Civilisation… Revenu au bercail, il continue inlassablement d’argumenter son "Plaidoyer pour la Réintroduction de l’Homme dans la Nature!"

SOMMAIRE

1. Tout commence comme un conte !

2. Et alors ? Et alors ?

3. L’exemplarité des païennes des forêts

4. Mon ami Jānis

5. La famille lettone de Jānis

6 Vacances d’été en Occitanie

7 La fée se dévoile peu à peu

8. Prince Jānis sur www.draugiem.lv

9. Week-end chez oncle Imants à Straupe

10. Généalogie de la famille Ozolu

11. Rendez-vous à Grašupils dans 2 mois

12. Mais au fait Jean ?

13. Après Līgo, les vacances dans le Gers !

14. Oncle Joseph Paysan précurseur

15. Comment as-tu connu grand-mère

16. Le foin de l’oncle Imants

17. Līva réponds-moi

18. Pour qui sonne le glas ?

19. Et la famille de la Drôme ?

20. L’arrivée des Drômois dans le Gers

21. E.M.I. et autres paradis

22. 14 août, les valises

23. Lettonie, le retour

24. J-12 à J-7 avant le 28 août

25. J-6 à J-2 avant le 28 août

26. Vendredi 27 août

27. Grašupils, on y est

28. 28 août. Le jour de gloire est-il arrivé ?

29. Aleksejs, l’historien de Graši

30. Et Līva apparut enfin !

31. Il faut accomplir ce qui ne l’a pas été

32. Tout est question d’organisation

33. Derniers préparatifs

34. Nous étions, nous sommes et nous serons !

35. Noce J-2

36. Noce J-1

37. Samedi 8 novembre, la noce !

38. La réintégration après deux siècles d’absence

1. Tout commença comme un conte

C’était un dimanche de l’été 2005, il y avait juste quelques mois que je vivais en Lettonie. Comme je me retrouvais en ermite lors des temps libres, je venais souvent au hameau de Graši pour rechercher un peu de compagnie, je n’étais pas encore habitué à la solitude. J’aimais bien l’ambiance des maisonnées du Village d’Enfants, c’était "comme à la maison". Je rêvais de communiquer avec les ruraux autochtones mais je ne maîtrisais pas du tout leur langue, ni le russe. Heureusement, à Graši, plusieurs personnes étaient francophones, je me sentais moins paumé…

Je ne sais pas comment, ce dimanche là, je me suis retrouvé seul dans le parc du manoir à faire des mots fléchés, assis sur le banc de rondins à l’ombre du grand chêne. Une voiture se gara sur le parking et plusieurs personnes en descendirent et, m’apercevant, se rapprochèrent timidement comme le font les Lettons.

Une grand-mère très âgée était accompagnée de trois jeunes filles. Elle s’adressa à moi dans sa langue… Je lui fis signe que je ne comprenais pas. Alors elle tenta avec le russe… rien non plus. Je m’excusais en anglais et là ce fut une des jeunes filles qui me répondit. Ça y est, nous avions trouvé un moyen de communiquer !

— Êtes- vous le directeur ?

— Je suis désolé, le directeur est absent. Je vis ici, je suis Français. Que puis-je pour vous ?

— Nous sommes venus de Rīga un peu à l’improviste car ma grand-mère se sentant vieillir, insistait pour revoir les lieux où elle vécut avec grand-père Hans durant la dure soviet-période. Elle voudrait aussi vous faire part d’un message important dont elle se sent l’unique porteuse.

— Veuillez vous asseoir, je vous en prie.

Seules, grand-mère Mara et sa petite-fille nommée Ina s’installèrent. Les deux autres partirent se balader. Et voilà que mémé Mara se mit à parler, à parler… Ina lui demanda de faire une pause entre chaque phrase, sinon elle n’arriverait jamais à traduire. Apparemment c’était parti pour durer. Puis, c’est moi qui l’interrompis. Sentant que cela semblait effectivement important, je montais vite dans mon bureau chercher de quoi noter.

Avec Hans son feu mari, Mara avait été témoin d’une étrange apparition le soir du 8 novembre 1958, en rentrant de traire les vaches du sovkhoze. Tous les loups et les chiens hurlaient, les cloches des chapelles pourtant désaffectées, sonnaient le tocsin. C’était, comment dire ? Un fantôme féminin vêtu de blanc entouré d’un halo lumineux. Elle apparut sous le grand chêne de la colline de l’ours et se présenta comme étant Līva. Elle recherchait son amour Hans fils du baron et sa voix puissante et douce à la fois, raisonnait dans la forêt et le hameau…Une histoire très étrange et inquiétante du fait qu’Hans, fils du baron balte Ludwig Von Kahlen, avait effectivement vécut ici à Grašupils (château de Graši), mais c’était fin du XVIIIème siècle !!!

Mémé Mara me relata les faits dans les moindres détails, ce qui au premier abord sembla impudique à écouter. En effet, le mari de Mara se prénommait également Hans et il y eut confusion pour elle en entendant cette voix qui appelait Hans. Cela engendra naturellement des scènes de jalousie. Plus tard, Mara comprit que son mari n’avait rien à voir avec cette femme. Elle regrettait amèrement d’avoir douté de lui. Ce fantôme ou comment dire…, cette fée était bien la fiancée de Hans Von kahlen mais, il était né en 1778 et disparut le 8 novembre 1808 !

Mara m’annonça avant de repartir, que cette fée Līva avait promis de revenir tant qu’elle n’aurait pas retrouvé son Hans. Le message dont Mara était porteuse était bien celui-ci ! La fée risquait de revenir !

Voici juste le résumé de cette anecdote pour mieux comprendre la suite d’Ad Vitam Æternam. Si vous souhaitez connaître plus en détail ce que raconta Mara Ulmana, je vous invite à lire "La Dame Blanche de Lettonie". Cette histoire fantastique est proposée en quatre langues sur le même ouvrage : Français, Letton, Anglais et Russe.

2. Et alors ? Et alors ?

Lorsque la famille Ulmana reprit la route pour Rīga, je regardais longuement mes notes en me demandant qu’en penser ? Ce n’est pas un secret, cette histoire est difficile à croire, c’est son seul défaut me semble-t-il. Mais si j’avais choisi de ne pas en parler, je serais resté des années avec un malaise en moi. Alors j’ai pris la décision de la faire partager, de la faire revivre telle que Mémé Mara l’avait racontée.

Il fallut plus d’une semaine pour me remettre de mes émotions suite à cette visite pour le moins inattendue. J’avais matière à reconstituer le récit de Mémé Mara. Les week-ends suivants, je me mis à l’ouvrage pour remettre au propre tout ce qu’elle m’avait raconté. Plus j’écrivais, plus je pénétrais dans cette histoire rocambolesque, plus je me motivais à en savoir plus. J’avais la chance de vivre dans l’univers paysan où se déroulèrent ces événements. Il fallait que j’en profite durant les prochaines années avant que la retraite me renvoie en Occitanie dans mes pénates. Et je me mis en quête d’informations, recherchant l’aide de quelques personnes de mon entourage à qui j’avais osé faire part de cette rencontre. Mais localement, qui pourrait vraiment me renseigner ? A part Sigita qui n’en dormait plus la nuit de peur d’une apparition, personne ne croyait à mes écrits que l’on catalogua "conte". Je devais seul entreprendre des recherches avec la barrière de la langue qui s’amenuisa progressivement suite à cet événement. Ma motivation fut décuplée pour prendre plus sérieusement des cours de letton que me proposait Zane depuis longtemps.

Dès mon arrivée en Lettonie, je voulais apprendre cette langue si étrange et si archaïque qui ne ressemble à aucune autre sinon quelque peu au lituanien. Mais, je ne comprenais rien aux règles de grammaire jonchées d’exceptions et surtout aux déclinaisons qui sont essentielles… Grâce à mon obsession d’intégration dans ce milieu rural, je restais quand même assidu et finalement je suis arrivé à me débrouiller sur le tas, comme on dit ! La langue est un passeport indispensable pour s’intégrer.

La Lettonie est un tout petit pays de moins de deux millions d’âmes. Malgré les dominations successives qu’elle eut à endurer, elle a conservé avec fierté son identité, sa culture plutôt païenne, ses traditions et sa langue.

Plusieurs fois, mes efforts d’apprentissage furent récompensés par des remerciements inattendus et quelquefois émouvants ! Je me souviens notamment d’Isladiums, cette fête de fin d’année scolaire grandiose au Gimnazija (lycée) de Madona. J’y allais bénévolement de temps en temps remplacer la professeure de français… J’étais avec toutes les professeures, seul homme sur la grande estrade place du Dome (mairie et conseil régional). Devant nous, une foule de parents d’élèves était rassemblée lorsque la directrice me passa le micro sans y avoir été préparé. Surpris et intimidé, je réussis à dire une phrase banale en letton alors qu’elle aurait été fière que je parle français. Je fus applaudi. Quelques minutes plus tard, un grand-père, lunettes embuées, ayant des difficultés à marcher avec son bâton en guise de canne et ses savates volontairement découpées pour laisser place à ses pieds gonflés, s’approcha en me disant :

— Parce que nous sommes un petit pays, tous les étrangers qui viennent chez nous nous imposent leur langue, utilisant le russe ou l’anglais et vous qui venez d’un grand pays vous essayez de parler letton… Merci !

Du coup, je fus moi-aussi très ému parce que je respecte profondément "les gens qui ne sont rien" dont je fais partie.

Cet apprentissage fut récompensé puisqu’il me permit de m’intégrer rapidement dans le pays pour entreprendre, entre-autre, mes recherches. Mais où trouver des informations ? J’ai tout d’abord pensé enquêter auprès de ceux qui avaient travaillé au sovkhoze de Graši au temps de l’URSS. Mais il ne restait localement plus personne de la génération de Mémé Mara. Seul mon collègue Genadjis se livra quelques temps plus tard lorsqu’il put me parler seul à seul. Très jeune à l’époque, il avait entendu une vague histoire semblable racontée par ses parents maintenant disparus, mais pas plus. Aucune information à attendre du hameau de Graši ou de la commune de Cēsvaine… Il fallait que j’élargisse mes recherches un peu solitairement, ne trouvant pas de coopération locale, seulement des gens amusés par cette histoire.

Quelques mois plus tard, je fus invité par Madara la maman de la prof de français Zane (Zané) à rencontrer Gundega (Goundéga) l’herboriste-astrologue. Cette grand-mère alerte habitait la campagne sur la piste entre Kārzdaba et Liēzere à quelques kilomètres du hameau de Graši. Elle se souvenait d’une histoire racontée de génération en génération par sa famille. Une nuit étrange sans lune, la cloche de la petite chapelle désaffectée de Kārzdaba sonna à toute volée. On disait aussi que les loups et tous les chiens du quartier hurlaient. C’était déjà une information importante qui me rassura sur la véracité des dires de Mémé Mara. Mais où trouver plus d’informations ? Jusque-là c’était un peu léger. Cela ne m’empêcha pas de dormir et mon intégration dans ce pays à la nature paradisiaque continua…

Pourquoi la Lettonie ? Pourquoi pas me suis-je dit en la découvrant quelques années auparavant ? J’étais tombé sous le charme. Difficile d’expliquer, parce que je connaissais professionnellement pas mal de pays de l’ex-URSS comme la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la République Tchèque, la Moldavie... Dès mon entrée dans ce pays fantastique, j’ai ressenti un appel enchanteur. La nature redevenue pratiquement vierge m’avait conquis. J’y suis revenu plusieurs années de suite en me disant qu’un jour il se passerait bien quelque chose. Plus tard je découvris le Village d’Enfants de Graši ! Et là, ce fut la grande décision. J’y suis entré comme on entre dans les ordres, avec l’intime conviction que j’avais enfin trouvé ma place sur terre, que ma place était là.

J’étais fasciné par ce lieu magique et surtout par ce qu’il s’y passait. Comme si un puzzle s’assemblait tout à coup dans mes neurones inféodés par le matérialisme mais quand même à l’écoute de toutes richesses intérieures. Il fallait que je pose mes valises ici, dans cette clairière, à l’orée de l’immense forêt nordique où la nature est restée paradisiaque. En tant que Petit Paysan, j’avais le sentiment qu’il était primordial pour notre civilisation et pour ceux qui en ont conscience, de sauver quelques savoir-vivre vitaux. Les Lettones des forêts sont toujours porteuses de ces savoirs. Il me semble aussi essentiel de leur faire prendre conscience de ne pas sombrer comme nous, corps et âmes, dans "le rêve américain". Les solutions, ce sont elles qui en détiennent les bases grâce à leur culture païenne et matriarcale qu’elles ont portée à bout de bras des siècles durant. Elles doivent à tout prix la préserver pour nous la faire partager, c’est notre bouée de sauvetage.

3. L’exemplarité des païennes des forêts

J’ai cité en premier lieu les Chevaliers Teutoniques dont l’ordre monastique fut fondé en 1226. Ils excellèrent quelques siècles dans la terreur pour convertir, entre-autres, les païens de Livonie, l’actuelle Lettonie. Et heureusement pour nous, ils n’ont pas réussi à les exterminer tous. Il en reste suffisamment pour nous faire partager leurs savoirs très riches et ainsi nous rééduquer ! Ce sera plus agréable et plus constructif que les pubs de la télé et autres téléréalités manipulatrices qui avilissent nos enfants !

Ce qui me passionne le plus dans cette culture que j’ai côtoyée durant plus de 20 ans, dans un premier temps découverte et ensuite enviée, ce sont ses savoir-vivre en harmonie avec la nature. Ces savoirs existaient chez nous depuis des millénaires. En quelques générations on nous les a fait renier puis ils sombrèrent dans l’oubli pour idolâtrer certains scientifiques accoquinés à la finance qui nous embarquèrent dans "le modernisme" quelquefois autodestructeur au détriment de la Sagesse Paysanne. On voit où tout cela nous entraîne… Le Paganisme c’est la Sagesse, du moins ce que j’en ai compris et retenu.

Ne nous y trompons pas, le paganisme letton est l’équivalent d’une religion très pacifique mais avec des représentations différentes. Ainsi Saule (La soleil au féminin) est l’équivalent du Dieu nommé différemment selon les religions. Les saints et les anges sont représentés par tout ce qui nous entoure : les planètes, les arbres, les fleurs, les plantes, l’eau, les pierres… En fait toute la nature, toute la Vie est respectée. La plus grande fête nationale est Līgo (Liigoa) le solstice d’été, la nuit du 23 juin, la nuit où il ne fait pas nuit, où le lendemain les énergies du vivant sont au zénith.

Et le romancier Maurice BEDEL (1883-1954) renforce ce constat lorsqu’il écrit : "S’il est un pays où les nuages, les fleurs, l’eau des rivières et mêmes les cailloux ont une âme, c’est bien la Lettonie !"

Nos sociétés occidentales encore machistes devraient aussi s’inspirer de la place des femmes dans l’organisation sociale. Dans cette culture ancestrale, elles ont la place où devraient être toutes les femmes, au moins l’égale des hommes : "Les hommes s’imposent avec leurs muscles, les femmes avec leur intelligence" ai-je entendu là-bas.

Durant mon séjour letton, j’ai assisté à une dizaine de funérailles mais seulement deux d’entre-elles étaient de nos religions. Les autres rites étaient de leur culture ancestrale qui rend le corps de l'Homme à "Mamma Daba", Mère Nature. Une version plus poétique de : "Tu es poussière et tu redeviendras poussière".

Tous les Français que j’ai accompagnés à la découverte de la Lettonie ont retenu en premier lieu, non pas les bas résilles de Rīga, mais… les cimetières. Ils sont vraiment le reflet de leur culture : Pas de murs, pas de caveaux, dans la forêt c’est la nature verdoyante qui prédomine dans toute sa simplicité ! Chaque famille riche ou pauvre possède son petit lopin de quelques m2 toujours bien ratissé, décoré de végétaux, de petites haies, de fleurs plantées à même le sol et aussi un banc : "Nous venons souvent rendre visite à nos morts pour leur raconter ce que nous vivons, leur demander conseil. Ils restent très présents dans la vie de tous les jours."

Plus j’avançais à la découverte de ce pays fantastique, plus je repensais à cette rencontre avec mémé Mara…

Ma retraite s’approchait à grand pas et je m’inquiétais de devoir quitter la Lettonie sans avoir résolu cette énigme. Depuis l’Occitanie, ce serait sans doute impossible…

4. Mon ami Jānis (Yaanis).

Les années passèrent jusqu’au printemps 2023 où ma persévérance allait être récompensée !

C’était mi-avril, les journées commençaient enfin à se rallonger. Vers six heures du soir, la nuit tombante, je décidais de revenir à la lisière de la forêt pour récupérer mon prélèvement de sève de bouleau dans mon petit tonneau de bois. Quelques sangliers pourraient passer avant moi si je laissais là mon installation durant la nuit. Le soleil, rouge au couchant annonçant le beau temps pour demain, était filtré par les branchages des bouleaux encore nus puis, disparaissait peu à peu à hauteur des sapins qui forment le cœur de la forêt immense. "Fla, fla, fla…", un oiseau au vol lourd que je n’ai pas eu le temps d’identifier pénétra l’obscure forêt. Quelques secondes plus tard, "Flttt" fit le renard argenté surpris par mon arrivée discrète sur son territoire. "Apprenons à partager" lui susurrai-je. Mon tonneau commençait à déborder, il était temps ! Avec mon inséparable canif Laguiole, je préparais une tige prélevée sur une branche vivante de l’arbre donateur. Elle faisait la longueur et le diamètre du trou percé ce matin dans le tronc. Elle servira de bouchon et favorisera la cicatrisation rapide de la petite plaie que j’ai infligée à mon ami bērzs, le bouleau. Je retirai le tube de sureau et refermai soigneusement. Deux petits coups pour coincer la tige et voilà ! "Terminé pour cette année, mon vieux ! Et merci pour ta coopération !" annonçais-je à bērzs que j’enlaçais quelques secondes avant de le quitter.

La nuit tombait rapidement et je m’apprêtais à lancer mon baricaut sur mon épaule pour rentrer chez moi. A ce moment, j’eus l’impression que quelqu’un passait furtivement dans mon dos, en direction de la forêt. J’en ressentis presque le déplacement d’air. Je me retournai... Rien ? "Probablement une bécasse rejoignant son nid a été surprise et en déviant sa trajectoire a donné quelques coups d’ailes un peu plus vifs… ?" pensais-je. Tous les migrateurs arrivent à cette période et se mettent immédiatement en quête d’un lieu pour construire leur nid. Pour eux aussi c’est le Paradis terrestre. Un petit frisson traversait quand même mon corps… Et hop ! Les vingt kilos sur mon épaule et je me dirigeais vers ma masure si confortable. C’est une petite maison en rondins de bois (ģulbuve) à l’orée de l’immense forêt où seuls les loups, les ours, les élans, les milliers de migrateurs et les ondes positives retrouvent leur chemin sans se perdre. J’apercevais au loin la cheminée encore fumante, c’est rassurant. Les soirées en ce début de printemps sont encore frisquettes. Je traversai les tourbières et les petites prairies de clairières encore grisonnantes des brûlures de la neige. Il nous faut attendre près de trois semaines entre la fonte des neiges et le début du printemps. Il fera éclore toute la vie en quelques jours. C’est vraiment étonnant de voir la nature si pressée par la photosynthèse. Nous y sommes presque…

Près de la cheminée où pétillent les flammes ravivées, je m’installe devant mon bureau face à la petite fenêtre donnant sur le potager. Il est encore en hibernation et attend les premiers coups de pioche. J’allume en même temps mon petit ordinateur portable, fidèle compagnon de mes longues soirées, à qui je peux en toute liberté confier mes rêves les plus fous.

Quand, tout à coup, quelqu’un frappa à ma porte. Tiens ? Étonnant à cette heure tardive ! Et qui vois-je débarquer tout affolé, ébouriffé, une grosse cape sur le dos ? Mon ami Jānis ! (prononcer Yaanis)

— Que t’arrive-t-il Jānis ? Es-tu venu à pied ? Entre et réchauffe-toi !

— Jean, je dois te raconter ce qui m’arrive. Il y a plusieurs mois que cela dure et jamais je n’ai osé en parler de peur de paraître ridicule. Mais je n’en peux plus. Alors, j’avais besoin de me libérer de ce fardeau et j’ai pensé que tu étais le seul à qui je pourrais me confier librement sans être moqué.

— Entre, assied-toi près de la cheminée, calme-toi, prend ce bol de tēja (tisane) au miel tout chaud et raconte. Il est tard, je t’invite à mon repas du soir et, si tu veux, tu pourras rester dormir chez moi !

Jānis Ozols, la trentaine, est Letton. Il est encore célibataire et vit à Rīga la capitale. Toujours bien mis, svelte, presque maigre, grand, châtain-clair, je l’ai pratiquement toujours vu en complet bleu marine. Lorsque j’ai fait sa connaissance, il était chargé de mission à l’Institut Français, Elizabetes iela (rue Elisabeth), à Rīga la capitale. Un poste qu’il briguait bien avant sa création. En effet, il participa au projet et à sa mise en place alors qu’il était interprète-traducteur à l’Ambassade de France de Lettonie.

Jānis est Letton et fier de l’être. Fier de sa langue, de son petit pays libéré après mille ans de compromission, de soumission. Mille ans qui n’ont fait que renforcer l’esprit patriotique de ce peuple de moins de deux millions d’âmes. Il est soulagé d’être rapidement devenu Européen en 2004. "C’était presque irréel ! Nous avions si peur du retour d’envahisseurs. Désormais nous nous sentons protégés !" espère-t-il.

Mais Jānis est-il lui même un pur sang letton ? Non. Mais cela ne l’empêche pas de défendre vaillamment son identité. Si cela avait été possible, il aurait demandé la double nationalité franco-lettone. Mais pour le moment la République de Lettonie s’oppose à la double nationalité pour se protéger du risque de nouveaux colons. Si Jānis a été choisi pour travailler à l’Institut Français et, avant cela, à l’Ambassade de France en Lettonie, c’est qu’il avait sur son CV de nombreuses qualités répondant aux postes à pourvoir. Comme la plupart des Lettons, il est polyglotte : russe, anglais, de plus il a une parfaite maîtrise du français. Il a étudié le latin, comprend l’espagnol, l’italien, le roumain, l’ukrainien et le polonais. Le lituanien étant une rare langue cousine du letton, il la perçoit vaguement. Mais ce qui intéressa le Ministère des Affaires Étrangères Français, ce sont le Master de français et la licence de russe.

Les Ambassadeurs français successifs en poste à Rīga et même la Présidente de la République qui connaît bien l’Occitanie pour y avoir fait ses études à Montpellier, se plaisent à dire que Jānis a l’accent de d’Artagnan, du soleil, de la bonne chère et du bon vin ! Lorsqu’il s’exprime en français, il a effectivement un petit accent gascon. Ce n’est pas à l’Université de Toulouse-Mirail où il étudia trois années qu’il acquit ce don, mais bien chez ses grands-parents maternels Louisette et Giovanni Amoretti. Ils sont Paysans à Sabaillan dans le Gers. La petite ferme familiale "Le Cap du Bosc" (lé Cap dou Bosc : le bout du bois en patois local) est juchée à 300 mètres d’altitude sur les coteaux du Gers, la chaîne des Pyrénées lui offrant de larges horizons.

Si je connais si bien Jānis Ozols, c’est parce que nous avons rapidement sympathisé dès que j’ai entendu son accent lors d’une réception à l’Ambassade. Nicole Amoretti-Ozola, sa mère, est Occitane comme moi ! Elle est née Française mais son passeport est letton par son mariage. Fille de cette famille de modestes Paysans Sabaillanais, elle était étudiante à l’Université de Toulouse-Mirail de 1984 à 1988. Son projet d’ado était de voyager. Pour cela, elle avait choisi la fac de langue puis ensuite la formation F.L.E. (Français Langue Étrangère) à Bordeaux. Les voyages forment la jeunesse ! lui répéta son papa Giovanni durant toute son enfance. Lui, avait fait le choix trop hâtif de prendre la succession sur la ferme de sa belle-famille, se privant ainsi de réaliser ses rêves de voyages inscrits dans son ADN. Des rêves qui l’avaient poursuivi toute sa vie sans pouvoir jamais les assouvir. Alors, en bon père de famille, il s’était donné pour mission de les transmettre à ses descendants. Son seul et marquant voyage, en dehors des rares visites à sa fille en Lettonie, il le réalisa avec ses parents, sous contrainte. Il fallait fuir le Frioul devenu invivable sous l’ère Mussolinienne. Âgé de 3 ans, il arriva en Occitanie en train, avec ses parents, un simple baluchon et ses sabots de bois tout neufs.

Nicole a un frère, Joseph Amoretti qui a repris officiellement l’exploitation agricole de ses parents il y a quelque vingt ans, après plus de dix ans de statut "aide-familial". Il élève quelques moutons de race tarasconnaise, la race ariégeoise. Ils servent à valoriser les 22 hectares de coteaux. Et aussi, et surtout, il poursuit l’activité d’élevage des "Poulets du Gers élevés en plein air" dont sa mère Louisette fut pionnière dans la création de la première coopérative. Des poulets portant le label rouge Avigers. Ce sont ses deux sources de revenu, certes modestes mais bien adaptées aux savoir-faire et savoir-vivre régionaux. La qualité avant tout ! Parallèlement aux principales productions, il a aussi "son coin passion". Comme sa maman le fut pour les poulets du Gers en plein air, il est pionnier dans la sauvegarde et la relance des races animales locales historiques. Elles avaient été dénigrées pendant les trente glorieuses au nom de la productivité mais sont heureusement sauvées : Les Poules noires gasconnes et les porcs noirs gascons.

Joseph s’amuse de temps en temps lorsqu’il entend certaines conversations xénophobes. Il a sa réplique bien rôdée :

— A l’origine les poules gasconnes étaient noires, les porcs gascons étaient noirs et par déduction on pourrait penser que les Gascons auraient pu être noirs ?

5. La famille lettone de Jānis Ozols

Guntars Ozols, le père de Jānis, est Letton d’origine et fier de l’être. Maintenant retraité, il fut fonctionnaire dans l’éducation nationale durant les dures années soviétiques et jusqu’à peu. Son père, ouvrier agricole d’un kolkhoze à Straupe (Straoupé), lui avait suggéré d’étudier les langues étrangères et plus particulièrement le français pour "pouvoir échapper à ce soviet-enfer". Beaucoup de Lettons, comme les Ozoli, ont une image idyllique de la France, de sa culture, de ses grands auteurs, de l’industrie du luxe, de la tour Eiffel, un des rares pays qui ne les ait pas "embêtés" à part peut-être Napoléon Bonaparte qui laissa quelques séquelles lors de ses expéditions sanguinaires.

"Tu iras étudier en France mon fils, c’est le pays de la Liberté !". Donc, Guntars commença par le lycée français de Rīga. Puis, après une année de Fac, il réussit à obtenir par concours une bourse pour poursuivre ses études linguistiques en France. Il entra en Fac de langue à Toulouse en même temps que Nicole la Gersoise. Un amour occitano-letton allait rapidement naître de cette rencontre qui se conclura par un mariage à Sabaillan, en pleine campagne gersoise. Nicole et Guntars enseignèrent pratiquement toute leur carrière au Lycée Français de Rīga et vivent toujours à la capitale. Ils sont depuis peu en retraite.

Élevé dans cette ambiance, Jānis suivit exactement le même parcours que ses parents à part le fait d’être revenu célibataire en Lettonie après son Master de français à Toulouse. Il avait quand même le gros avantage durant cette période française de vivre à une heure de Sabaillan et donc tous ses week-ends, toutes ses périodes de révision ou de vacances, il les passait au Cap du Bosc, chez ses grands-parents maternels Louisette et Giovanni Amoretti.

Bien intégrée en Lettonie, Nicole sa mère, à part le climat hivernal interminable et quelques recettes savoureuses du Gers, n’est pas nostalgique de son pays natal. De temps en temps, tous trois ou quatre ans, elle revient au bercail accompagnée parfois de son mari Guntars. Elle communique souvent avec la famille gersoise par téléphone et maintenant grâce à la Visio.

Jānis est célibataire et, jusqu’à présent, il ne s’était pas vraiment intéressé à la gent féminine. Il ne s’était jamais vraiment préoccupé de son avenir à long terme, à une vie de couple et encore moins à une vie de famille. Il était resté "le petit chéri à sa maman et à sa mémé de Sabaillan". Il continuait de jouer ce jeu confortable mais peu ambitieux. Il était très passionné par son travail et les déplacements qu’il occasionnait dans de nombreux pays, mais son rêve inavoué est de devenir Paysan avec un P majuscule...

Chaque été depuis son enfance, il passe ses vacances dans le Gers sur la ferme familiale. Ses grands-parents l’attendent comme on attend le Père Noël. A Sabaillan, d’une année sur l’autre, la date du retour de Jānis est programmée dès la première semaine de l’année sur le nouveau calendrier des pompiers de Simorre. En général, c’est vers le 26 ou 27 juin, juste après Līgo la plus grande fête lettone, la nuit où il ne fait pas nuit, la fête du solstice d’été. C’est la fête de la nature autour du feu de la Saint Jean comme on le nomme en France.

6. Vacances d’été en Occitanie.