Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Tome III, Un FUTUR qui nous va bien ! Le roman paysan continue, un pied en Occitanie et l'autre en Lettonie. Cette saga nous promet la Postmodernité avec le Grand Retour des Petits Paysans au chevet de notre peuple. Comme toute nouvelle civilisation, elle débutera par la Petite Paysannerie nourricière recréant l'Harmonie entre les réels besoins des Hommes et les exigences de la Nature. Suite à l'évasion de notre industrie, des jeunes ruraux et citadins Occitans s'unissent dans une Grande Aventure pour inverser les vases communicants des Trente Glorieuses. Ils s'évertuent par l'exemple à faire revivre l'identité de nos terroirs avec leurs impératifs sociaux, culturel, écologique et par déduction, économiques. Ils souhaitent favoriser notre réintégration dans la Nature avec des notions de partage du bien vivre. Dans leurs projets collectifs, ils respectent les attentes de ceux qui n'ont pas la chance de produire eux-mêmes leur nourriture. Faisons-leur confiance, ils préparent pour nos enfants un avenir inespéré ! Et Liva "la revenante" réussira au niveau planétaire à nous faire part de son expérience de la Vie après la Vie. Par la même occasion, ceux qui se pensent mortels pourraient bien remettre en cause leurs certitudes, y compris celle du Big Bang. Poursuivons avec optimisme ce sentier qui nous amènera au Tome IV !
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 271
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Couverture : Le Cap du Bosc à Sabaillan Gers Aquarelle de Serge DOMMAIN Au Printemps de l’an de grâce 2000
A Anaïs, Lise, Louis, Gabin, Camille… L’Avenir vous appartient !
Les insouciants croient saisir des trésors En arrachant les racines des fleurs du chemin, Mais les sages font refleurir à chacun de leurs pas, Les semences des futurs Paradis.
(Gueshé Lobsang Tengyé) Le daim à la grande sagesse
J’arrête ou je continue ? se demande le Paysan
1 A la Une du journal régional
2 Un philosophe à Sabaillan ?
3 Priorité à Agnese-Imants
4 Mercredi Maïa est revenue
5 Le cancer d’oncle Joseph
6 La jeunesse en pension de pépé Giovanni
7 L’annonciation faite à Līva
8 Le Canadair, l’ours et le loup
9 Coup de fil du Ministère de l’Intérieur
10 Vous ne posséderez plus rien
11 Week-end mystique à Vilnius en Lituanie
12 Comme chaque mercredi Maïa revint
13 Le Musée Paysan d’Emile à Simorre
14 Līva est enceinte
15 A la grotte de Lourdes
16 On fête le Bac de Paul, fils de Louis
17 Maïa est prête à publier
18 Nous étions, nous sommes et nous serons
19 Bébé Français ou Letton ?
20 Occitanie, Gascogne, Gers ?
21 Obsèques de Renars à Liepa
22 Les bonnes nouvelles se suivent
23 L’hiver approche
24 Coucou Maïa
25 Le plan de la maison Zēmites
26 Retour en Terres Occitanes
27 Le gril attendait les magrets
28 Minuit chrétien à Boulaur
29 Līva à la Communauté de Boulaur
30 Nostradamus en rêvait, Sabaillan l’a entrepris !
31 Semaine des fêtes chargée
32 Réveillon au village de Sabaillan
33 Retour en Lettonie
34 Agnese, Imants, le retour
35 Février, rencontre avec le Pape François
36 Avec ARPEGES l’harmonie renaît à Sabaillan
37 Ils sont nés les divins enfants !
38 Finalement, dis-moi Līva, qu’est-ce que la Vie ?
— Līva, Félicitations !!! Tu es une vraie Lettone des forêts ! Ce que tu prépares au niveau planétaire est inimaginable ! En Occitanie, depuis l’article de Maïa, on ne parle plus que de vous deux ! Nous, les Petits Paysans, sommes fiers de vous compter parmi les nôtres ! Mais là, nous arrivons bientôt au terme, déjà le troisième tome est en route… Que dois-je faire ? On m’avait conseillé : "Personne ne te connait dans le monde de la littérature, alors commence par un petit bouquin de 250 pages pour tester". Pour moi, 250 pages, c’est tout juste un avant propos ! Au stade du troisième tome, il me semble ne pas avoir encore commencé. J’arrête ou je continue ? Je ne sais pas…
Et Līva répondit du tac au tac :
— AU SECOURS ! NON, JEAN, NON ! Tu ne vas pas nous abandonner au moment le plus beau de notre existence ! S’il te plait, attend au moins le résultat de la fougère en fleur. Il y a aussi la reconnaissance de la réincarnation, Rozkalnis et Sabaillan, et surtout l’immense projet du "Grand Retour des Petits Paysans" que nous lançons en Occitanie. Tu dois continuer à nous aider. Nous devons initier la prophétie auscitaine de Nostradamus ! C’est une question de vie ou de mort de la Paysannerie et de la Nature !
— Jānis en rajouta : NON, JEAN, NON ! N’arrête surtout pas, on a besoin de toi pour avancer ! Tu as le temps, tu es à la retraite, tu as trouvé une façon originale de transmettre tes idées et celles de ton entourage. Ton seul souci c’est l’orthographe, la conjugaison, la ponctuation et la syntaxe, mais qu’importe, "tu dois rester toi-même", c’est ta façon de t’exprimer. Continue de nous faire vivre dans cette ambiance !
— Ok, merci pour vos encouragements. Je vais y réfléchir. Effectivement j’ai du temps mais cela va-t-il intéresser ? dans notre société occidentale tout est catalogué : Les jeunes avec les jeunes, les vieux avec les vieux, les riches avec les riches, les Paysans avec les Paysans, les décideurs avec les décideurs, les écrivains avec les écrivains… etc. Jamais dans cette organisation sociale je n’ai trouvé ma case. Lorsque je travaillais sur ma ferme et essayais déjà de faire partager des idées qui me trottaient dans la tête, un ingénieur de la chambre d’agriculture m’avait répondu : "Ton rôle est de produire, pas de penser !"
"Je suis ainsi" parce que je n’ai subi aucune influence des courants de pensées qui se réfèrent à tel ou tel philosophe grec ou chinois, comme les politiciens de tous bords se réfèrent à De Gaulle… Je n’ai jamais beaucoup lu ni trouvé ma place dans une des castes. J’aime tout simplement écrire depuis que je suis enfant parce que j’ai toujours eu du mal à m’exprimer oralement.
— Les castes ou les cases sont des pièges, des baillons ! Ne rentre pas dans ce jeu-là, reste toi-même, reste libre de tes pensées ! dit Līva.
— J’observe simplement la société du haut de mes coteaux et j’aime faire de la prospective. Les larges horizons que m’offrent les Pyrénées comme ceux des immenses forêts de Lettonie, loin du tumulte de la société virtualisée, m’inspirent à plus d’Harmonie entre nous les Humains et notre Espace Vital. Je me dois de faire partager ce que je ressens.
— Bravo ! s’écria le jeune couple.
— Vous me donnez une mission à remplir. Alors, Līva, Jānis, soyez rassurés ! Je continuerai à vous faire vivre sans trop savoir où vous m’entraînez…
Le dimanche il n’y a pas de tournée du facteur. Pour lire le journal tôt, il faut aller jusqu’à la papeterie de Lombez, avenue des Pyrénées. Pépé savait mais il avait gardé le secret transmis hier soir par Maïa la correspondante locale : Līva et Jānis feront la Une de la Dépêche ; pas seulement du Gers, mais de la Région Occitanie entière ! C’est un événement rare pour les correspondants locaux. Son papier était tellement dans l’air du temps qu’il fut privilégié !
Pépé Giovanni le premier levé revint de Lombez juste au moment où la famille prenait le petit déjeuner. Il avait pris soin d’acheter cinq exemplaires du journal : un pour les jeunes mariés, un pour oncle Joseph, un pour oncle Imants, un pour Nicole et Guntars. Le dernier sera pour Louisette et lui. Les voisins et amis commencèrent très vite à appeler pour féliciter Līva et Jānis par l’intermédiaire de pépé. Il faut dire que Maïa s’était éclatée en mettant bien en valeur les idées du jeune couple. Même la photo couleur qui prenait presque la moitié de la Une était évocatrice : Līva, robe paysanne fleurie et grand chapeau de paille, était assise dans la prairie verdoyante et Jānis lui tendait la main comme le prince charmant. Ils étaient entourés, non pas de sept nains mais de sept cochons noirs gascons souriants ! Et en fond de décor, la chaîne des Pyrénées toute belle.
Voici l’article :
" Le Grand Retour des Petits Paysans est annoncé !"
La Dépêche du Dimanche ira de temps en temps à la découverte de pionniers occitans ! Aujourd’hui nous commençons notre série de reportages par une rencontre pour le moins originale. Līva et Jānis, jeunes mariés trentenaires, sont Occitano-Lettons. Ils nous ont reçus sur la petite ferme familiale "Le Cap du Bosc" à Sabaillan dans les coteaux du canton de Lombez dans le Gers.
En 1545, une des prophéties de Nostradamus de passage à Auch aurait prédit ainsi notre siècle : "Lorsque le feu céleste aura annihilé la vie des mers et l’Antéchrist poisons et malfaisances répandu, alors nombreux Petits Paysans saine vie et saine nourriture au peuple offrira".
— Līva et Jānis, avant de vous présenter, si vous aviez eu le choix, quel titre auriez-vous donné à cette Une ?
— Jānis proposa : 80% de la population Occitane sera Paysanne d’ici la fin du XXIème siècle.
En clair, "une nouvelle civilisation postmoderniste" est annoncée après le chaos en cours. Et comme toute nouvelle civilisation, elle commencera par le dynamisme de la Petite Paysannerie nourricière et autosuffisante dont dépendra le peuple urbain.
— Līva et Jānis, décrivez-nous votre passé et ce qui vous a poussé à reprendre "le Cap" si je puis m’exprimer ainsi ?
— Effectivement nous venons d’hériter de la petite propriété familiale "Le Cap du Bosc" (Le bout du bois en gascon) dans les coteaux du Gers entre Save et Gimone. Nous avons des origines Paysannes ici mais aussi en Lettonie. Étant seuls de notre génération, les deux petites fermes familiales nous ont été léguées. Au total nous avons 34 ha répartis d’un bout à l’autre de l’Europe : 22 ha en Occitanie et 12 en Lettonie. Mais ce n’est pas forcément ce qui a orienté notre projet de revenir à la terre. Tous les deux nous avions depuis très longtemps ce même désir qui nous a rapprochés jusqu’à nous marier.
— Līva, pouvez-vous nous raconter votre histoire de vie ?
Je suis née en Lettonie, à la campagne, dans un univers assez protégé. Mon papa était maître valet et ma maman cuisinière pour une famille aisée qui vivait dans un manoir. Mes études terminées, j’ai été responsable des parcs et jardins, notamment des potagers et des vergers. Je cultivais en permaculture comme tous les habitants de mon pays. Je connais tous les secrets de la terre et des plantes. Je bichonnais ma terre en la nourrissant de bon compost que je préparais moi-même. Les légumes et les fruits s’y épanouissaient, c’était une belle récompense. Chez nous on dit : "L’Homme nourrit la terre qui nourrit la plante qui nourrit l’Homme". C’est notre cycle de la vie terrestre.
Puis le manoir ayant été repris dans un contexte complètement différent, je suis partie à la recherche d’un autre monde. Et c’est durant ce long parcours que j’ai heureusement retrouvé Jānis que j’avais connu durant ma jeunesse. Nous avions depuis toujours les mêmes rêves Paysans, les mêmes désirs d’une vie commune la plus en harmonie possible avec la nature. Ces désirs sont devenus projets qui sont entrain de prendre le chemin de la réalité.
— Jānis à votre tour.
En Lettonie, par protectionnisme bien compréhensible pour ce minuscule pays entouré de mastodontes, la double nationalité n’existe pas, sinon je serais officiellement Franco-Letton. Je le suis de cœur et de fait. Maman est française née à la maternité de Lombez, 1 chemin des Religieuses. Elle a grandi en famille à Sabaillan. Elle rêvait de voyage. Elle passa son CAPES à Toulouse puis une spécialisation FLE (Français langue étrangère) à Bordeaux. A la fac de langues de Toulouse, elle fit la connaissance de papa, jeune étudiant letton venu faire les mêmes études qu’elle. Un amour Occitano-Letton est né et ils se marièrent ici à Sabaillan. Ensuite ils passèrent leur vie professionnelle professeurs au lycée français de Rīga, capitale de la Lettonie. Ils sont depuis peu, jeunes retraités.
Je suis né à Rīga dans ce contexte. Par chance, j’ai passé tous mes étés ici chez mes grands-parents à Sabaillan. J’ai ainsi grandi dans cet univers de Petits Paysans du Gers que j’adore. Après avoir suivi le cursus de mes parents en fac de Langues à Toulouse jusqu’au Master, je rêvais de ne plus repartir en Lettonie. Mais mon CV intéressa l’Ambassade de France. Il était difficile de recruter, la langue française était et demeure rare en Lettonie. J’ai commencé interprète-traducteur de l’Ambassadeur grâce à mon Master de français et ma Licence de russe. J’ai participé à la création de l’Institut Français. J’en suis maintenant le directeur.
— Mais Jānis, cela est bien loin de l’ambiance Paysanne dont vous rêviez ?
— Je n’ai jamais cessé de rêver et aussi d’apprendre. Je ne connais pas les étés lettons. Tous mes congés d’été je les vis à Sabaillan depuis toujours. Je participe aux travaux de la ferme avec mon oncle Joseph. Tous mes congés d’hiver en Lettonie, j’aide mon oncle Imants, frère de papa, sur la petite ferme familiale "Rozkalnis" (la colline des roses). Je connais la vie et les techniques des Petits Paysans Occitans autant que des lettons. Ici au Cap du Bosc, nous élevons des brebis tarasconnaises et des poulets du Gers en plein air. Vous savez, ceux qui sont labellisés "Avigers", le top de la qualité ! A Rozkalnis ce sont les chèvres et leur fromage, les abeilles et leur miel. Tous les produits sont vendus en circuit court.
— Līva je vois que vous, vous avez envie d’intervenir ?
Oui, Jānis a omis de citer les poules noires et les porcs noirs gascons qui sont aussi élevés ici en plein air. L’identité territoriale est importante et pas seulement pour le marketing ! Durant des centaines d’années ces animaux se sont adaptés au climat local et aux traditions paysannes. Ils ont gardé leurs puissants anticorps originels, une résistance exceptionnelle aux maladies et au climat local. Les antibiotiques n’existaient pas. Alors que ce soient les animaux domestiques ou les végétaux, pour développer une agriculture naturelle identifiée à son terroir, c’est l’idéal ! Et en Lettonie notre oncle cultive ses terres avec un cheval de race lettone. Il n’a pas de tracteur et n’en veut pas. Ses chèvres et ses abeilles sont aussi de races locales.
— Parlez-moi maintenant de vos projets, c’est ce qui intéresse nos lecteurs. Qui commence ? Vous Jānis ?
Comme vous l’avez compris, notre projet de Petits Paysans est d’être très proche des consommateurs. Cela ne veut pas dire que nous pensons "individualistes", bien au contraire. Localement nous devons ensemble redévelopper ces contacts humains et professionnels entre producteurs, artisans, petits commerçants et consommateurs. Le système actuel isole volontairement chacun d’entre-nous dans une spécialisation dangereuse. Les uns cherchant à dominer les autres au lieu de s’organiser ensemble.
Pour imager nos projets, je pourrais citer un bel exemple sur le Plateau du Larzac. Allez-y et vous comprendrez cette notion de territorialité par la complicité qu’il y a entre les habitants producteurs, artisans, commerçants locaux, les consommateurs régionaux et le tourisme vert pour la promotion.
Si nous ne changeons pas de ligne de conduite, alors viendra le chaos annoncé par Nostradamus à Auch en 1545. "Il faut tout repenser ensemble !" Pour cela, sur chaque territoire, nous devons recommencer à communiquer entre-nous, chacun dans le rôle qui lui convient, mais avec un objectif commun.
— Mais Jānis, est-ce bien réaliste ? Il y a des milliards de gens à nourrir et ce ne sont pas quelques Petits Paysans dans un contexte local qui y parviendront !
— Cet argument ne tient pas. Il est souvent utilisé par le lobbying du productivisme polluant, ces pilleurs de la planète, spéculateurs et exportateurs avec leurs pesticides et leurs porte-containers insensés.
Chaque nouvelle civilisation a recommencé sur les mêmes bases de la Paysannerie nourricière. Au stade où en est la nôtre et pour reconstruire la nouvelle, il s’agira de procéder dans le sens inverse de ce que nous avons vécu ce dernier siècle. Il y avait eu vase communicant entre la campagne et la ville. Ce procédé vidait les campagnes et empilait la population dans les villes autour des industries en plein essor. A part la nature, tout le monde semblait y trouver son compte mais ce n’était qu’illusion. Car, malheureusement, depuis quelques décennies, les politiques successives incompétentes ont laissé les capitaines d’industries quitter le bateau, emportant avec eux notre ingénierie, nos marques identifiant nos savoir-faire et nos outils de travail en Chine, en Inde ou d’autres contrées esclavagistes. Depuis, chez nous, les villes désœuvrées deviennent progressivement des ghettos. Le concept des villes est récent, juste quelques milliers d’années. Souvent développées dans les enceintes d’un château, elles ont eu pour vocation de protéger les populations des dangers extérieurs. Mais maintenant, les dangers ne se trouvent-t-il pas à l’intérieur ?
Nous devons donc recréer la vie rurale, la Petite Paysannerie et ses services publics, recréer l’instruction nationale et la santé pour tous. Ce sont les bases incontournables d’une société harmonieuse.
D’ici moins d’un siècle, 80% de la population sera redevenue Paysanne et réorganisée en petits territoires presque autosuffisants. Il n’y aura vraiment pas de souci pour nourrir les 20% d’urbains restants !
J’aime bien les collapsologues qui pensent que le chaos provenant du système politico-financier actuel est inévitable. Alors partant de cette logique, ils vont réfléchir et tout mettre en place pour l’éviter à leur niveau en testant de nouvelles logiques autosuffisantes équilibrées entre l’Homme et la Nature. Ce que j’imagine correspond un peu à ce mouvement. Il est pour l’instant individualisé, insignifiant, ce sont des pionniers. Comme tous les pionniers, ils essuient bien souvent les plâtres et les railleries mais ils indiquent quand même la voie à suivre. Ainsi il y aura moins de ruptures durant la transition. Si l’on pense juste que rien ne peut changer de cette fuite en avant organisée au détriment du peuple, alors le château de carte s’écroulera… Pourtant il est possible de se préparer à cette transition en douceur. Il n’en tient qu’à nous. Pour de tels projets, nous n’avons rien à attendre de l’oligarchie qui tente de nous gouverner en ponctionnant sur le fonctionnement de notre organisation sociale qui de ce fait, bat de l’aile.
— Votre vision est très engagée et quelque part naïve. Elle semblerait logique mais comment pensez-vous provoquer ce débat qui semble impossible ?
Pour se projeter dans notre avenir et celui de nos enfants, il faut l’imaginer territorialement en fonction du potentiel local. Cela n’empêchera pas les échanges régionaux, nationaux, européens s’il y a besoin. Ensuite à chacun de trouver sa place dans ce schéma. Pour cela, il faut un phénomène déclencheur.
Durant mes études, j’ai vécu des expériences enrichissantes, en Pologne par exemple. C’était quelques années après la chute massive de l’URSS en 1991. Les premières années postsoviétiques ce fut le chaos. Il n’y avait plus de salaires, plus de revenu, plus de productions, plus rien dans les magasins, plus de chauffage. Des personnes sont mortes de faim et de froid ! C’était il y a seulement trente ou quarante ans !!! Puis, peu à peu, les gens se sont réveillés et ont compris que la liberté avait un prix et que seuls nous n’étions rien. Il fallait repenser l’avenir ensemble. Mais comment faire sa place dans ce monde caricatural fait d’individualismes, qui leur était proposé ?
Au début des années 2000, grâce à quelques mécènes et au concours du Conseil Régional Midi-Pyrénées, un formateur français entraîna ses étudiants gersois jusqu’au lycée rural de Sichów en Pologne. Il proposa au groupe d’étudiants polonais et français son concept de diagnostic-prospective de territoire partagé qui porte désormais le nom de "Drabina". En polonais, cela signifie "échelle", l’échelle qui permet d’atteindre les plus beaux fruits qui se trouvent au sommet de l’arbre. Les étudiants dont je faisais partie dans un autre cadre, celui du programme Erasmus, préparèrent des questionnaires pour interviewer la population du Powiat (district) de Staszów. Les questions demandaient des réponses positives sur la vision de leur avenir et celui de la région en analysant son potentiel. Il faut dire que tout le monde a joué le jeu, du plus humble citoyen jusqu’aux grosses entreprises, aux universitaires, aux politiques locaux et nationaux. Et une restitution publique fut préparée. Elle était basée sur les réponses aux interviews. Dans une ambiance détendue, il y eut une grande journée de restitution. Nous présentions théâtralement au public sa région telle qu’il l’imaginait positivement dans vingt ans. Chacun se reconnut et ce fut un franc succès ! Dans cette région, la moyenne des exploitations agricoles est de sept hectares ! Des formations adaptées aux projets ressortis se mirent rapidement en place avec un objectif pensé ensemble.
J’ai eu l’occasion d’y revenir quelques années plus tard. Même à l’œil nu, le renouveau était visible ! Le lycée rural qui avait servi de support avait été redynamisé. J’ai visité des petites coopératives agricoles, des serres modernes de tomates, concombres et fraises, des vergers de pruniers et leur station de séchage des pruneaux, des nouvelles petites industries, beaucoup de petit artisanat, du tourisme vert de qualité, des productions végétales et animales échangeant avec d’autres régions et en grande partie valorisées dans les petits commerces locaux… Beaucoup de maisons et de bâtiments étaient en cours de construction ou en restauration en pleine campagne. Des chantiers partout ! Il n’avait pas fallu vingt ans. Il y avait eu juste besoin d’un déclic pour oser réfléchir et orienter ensemble son développement rural endogène sans rien attendre des eurocrates.
J’imaginerais cette démarche dans chaque petite région d’Europe. Chacune en fonction de son potentiel local et surtout de la volonté unanime de la population qui donne l’énergie pour changer les choses. Cela se développe dans certaines régions, mais très marginalement encore. Trop d’individualisme tue la réflexion pour un développement local partagé…
— Pensez-vous possible de rassembler une région sous un même projet ? N’est-ce pas utopique ?
Il faut créer un terrain neutre, ni politique, ni syndical, pour y réfléchir. Nous constatons que certains grands et petits politiques seraient porteurs de bonnes idées pour se faire élire mais très vite des obstacles volontaires se dressent face à eux. Les opposants s’activent à les chasser, prennent leur place et passent leur temps à démolir ce que les précédents avaient commencé… Et ainsi de suite… Et les décennies passent et les inégalités se creusent… Et l’argent public est dilapidé à des querelles de pouvoirs. Cela crée l’échec. Nous rêvons d’une autre démocratie, une vraie comme son nom grec l’indique : "la participation et la décision du peuple". Si j’étais un élu, je serais heureux d’accompagner les projets de mes concitoyens et de rester à leur écoute. Seul je ne suis rien !
— Comment débuter un tel projet ?
Dans les hautes sphères il doit être difficile d’imaginer ce qui se passe dans la tête des "gens de rien" puisqu’on ne les y invite pas. Peut-être ces gens de terrain sont-ils pourtant les plus lucides car ils vivent chaque jour la réalité difficilement observable depuis un yacht, un jet privé ou une tour de verre bleuté ? La plupart ne sont pas fatalistes, mais leur constat est logique : Seul, c’est impossible.
Ce terrain neutre pour ouvrir le débat pourrait être des conférences de philosophes, de sociologues reconnus sans parti pris. Ils brosseraient avec réalisme l’état de notre société. Pourquoi et où nous entraîne-telle si rien ne change ? Quels sont les points faibles et quelles seraient les solutions pour redresser la barre. Sinon ce seront les querelles stériles d’egos, des "Moi je" qui continueront de nous conduire au chaos.
— Donc, votre solution pour engager le changement serait un débat philosophique mené avec la population et pas seulement dans les salons feutrés des différents pouvoirs financiers ou politiques ?
— On peut le présenter comme cela. Et les nouveaux leaders qui en découleraient s’en inspireraient pour changer de cap tant qu’il est temps.
— Sinon ?
— Il n’y aura pas de "sinon".
— Merci Līva et Jānis, ce fut un débat plus qu’intéressant. A chacun d’en prendre conscience. Bon courage dans vos projets ! Vous pouvez aussi écrire au journal qui transmettra.
Oncle Joseph est heureux de l’énergie passionnelle déployée par ses neveux Līva et Jānis qui sont à Sabaillan pour quelques semaines encore. Avec oncle Imants, lui aussi pour quelques jours en Occitanie, ils ont vite pris le rythme d’oncle Joseph : Lever à 5h, rapide petit déjeuner pour ensuite s’impliquer dans les travaux de la ferme. Il y a le jardin potager, "les poulets du Gers élevés en plein air", les poules noires pondeuses, les porcs noirs gascons et les moutons tarasconnais. Tout ce monde vivant en plein air sur de grandes surfaces enherbées jouit d’une certaine autonomie mais il faut quand même veiller à la nourriture complémentaire et surtout à l’abreuvement pour que tout se passe bien. De temps en temps il y a les bottes de foin ou de paille à rentrer, c’est la saison.
Mais aujourd’hui après le repas de midi, oncle Joseph s’est fait inviter à prendre le café chez Louis, le maire de Sabaillan. Il a une idée à lui soumettre depuis que la Une de la Dépêche fait réfléchir toute la région...
— Louis tu te rends compte comme moi que personne dans notre environnement ne comprend plus ce qui se passe et encore moins ce qui se décide dans les hautes sphères, sans concertation. "Où a disparu notre démocratie ?" Les élus de proximité que nous sommes comme les grands élus qui jusque-là respectaient les lignes de conduite de leurs différentes tendances politiques, s’inquiètent aussi et c’est légitime. Ils constatent la domination prise par "les marchés" qui, à cause de "la dette", se sont arrogés les grands pouvoirs de décision. Beaucoup de gens du peuple commencent à paniquer de voir s’effondrer à leurs dépends ce que plusieurs générations successives avaient réussi à recréer après guerre. Comme le climat, tout fond comme neige au soleil !
Mais est-ce bien l’économie qui est primordiale ou n’est-elle qu’un des éléments vitaux, qu’une résultante ? N’est-ce pas plutôt la nécessité de réinventer une nouvelle civilisation plus harmonieuse entre les réelles nécessités des Hommes et les exigences de la Nature ? Et les chiffres viendront s’y greffer automatiquement.
Pour traduire cela, il y a heureusement des porteparole de nouveaux courants de pensées. Ils ont probablement plus de facilités que d’autres à s’exprimer librement sur le mal qui ronge le système et le pousse à la fuite en avant. Les plus intéressants sont les penseurs qui posent les problèmes à plat et imaginent des lignes de conduite prospectives acceptables pour tous. Ils imaginent mais aussi médiatisent leurs idées par des écrits, des cours universitaires, des conférences ou sur les ondes mais malheureusement pas dans tous les médias, pas ceux de grande audience. Ils n’y sont pas invités.
Oncle Joseph qui réfléchit beaucoup à tous ces problèmes civilisationnels se sent bien peu de chose pour pouvoir exprimer le fond de sa pensée. Certes il en parlait souvent avec ses voisins et notamment Louis et son ami Aimé qui malheureusement vient de nous quitter… S’il y a quelques années les sujets de conversation entre Paysans étaient les rendements de telle ou telle variété de blé, les nouveaux thèmes sont plus axés sur l’état de notre société "château de carte", disent-ils. On s’inquiète pour son pays, pour l’ambiance planétaire déstabilisée par des nouveaux courants de gouvernances financières liberticides. Et oncle Joseph stimulé par ses neveux voudrait que ces graves problèmes puissent être mis au grand jour pour reconstruire des projets de territoire en connaissance de causes.
Les Paysans comme Joseph ont gardé les pieds sur terre et essaient d’analyser les situations réelles en recherchant la vraie information. Ils veulent préserver sans pression extérieure, leur regard panoramique sur la société. Il n’est pas facile de faire abstraction de ses intérêts personnels pour avoir ce regard objectif comme l’avait Aimé. Oncle Joseph essaie, tout comme son père Giovanni le fait depuis longtemps mais ils n’ont pas le verbe assez haut pour défendre leurs idées, ce sont des humbles, des pacifiques. A la moindre attaque des professionnels du baratin, car il s’agit d’un réel combat d’idées quelquefois virulent, ils sont paralysés. Aimé préférait écrire ses pensées mais qui les a lues ? Alors comment faire avancer le débat ? Comme dit Jānis, il faut trouver des penseurs qui correspondent à nos attentes vers plus de justice et d’équité. Il faut éviter la montée de l’ultra libéralisme pendant que "les gens du peuple" de plus en plus privés de travail, sont distraits par des futilités virtuelles loin des vraies réalités de la Vie.
Alors oncle Joseph qui a un peu plus de temps libre depuis que ses neveux sont à Sabaillan, essaie de réfléchir et rechercher des informations vraies. Car si on n’a pas la vraie information de la situation, comment faire des projets ? La terre n’est pas comme la bourse, elle ne se gère pas à la petite semaine. Il faut y voir clair pour plusieurs décennies. Entre voisins ils en parlent assez souvent mais comment provoquer un débat plus large ? Mais ce débat ne pourrait-on pas l’élargir au niveau départemental ou régional par exemple ?
— Louis, qu’en penses-tu ? Ta position de maire te donne une aura. Ne pourrait-on pas trouver un intervenant extérieur et diffuser assez largement des invitations à cette réunion ?
— Mais quel intervenant ? Ne penses-tu pas que tes neveux seraient mieux placés que nous pour ouvrir ce débat ? Il ne faut pas se tromper pour ne pas semer le trouble. Tu sais Joseph, ce que tu me demandes est délicat ! C’est une très bonne idée mais pas au niveau d’un petit village comme Sabaillan. D’abord, notre salle des fêtes est bien petite pour un thème de cette envergure ! Je me doute que tout le monde étant en réflexion, une telle rencontre pourrait canaliser des foules… Ce que je peux faire à mon niveau, c’est en parler à Gabin le maire de Lombez ? Il est aussi conseiller départemental et proche de Maïté la conseillère régionale, ça peut également aider !
— Oui, tu as peut-être raison mais il ne faut pas non plus que ce débat soit porté par un mouvement politique ou syndical. Il le faut totalement neutre sinon, comme d’habitude, il sera discrédité et vidé de son sens par des querelles de chapelles. Il faut un intervenant neutre et une organisation neutre pour que chacun s’y retrouve.
— As-tu une idée de l’intervenant ? dit Louis
— Oui, il faut que ce soit un philosophe ou un sociologue qui ait les pieds sur terre et assez reconnu pour sa neutralité ! Je n’ai pas de nom, je ne connais pas ce milieu. Je ressens juste le profil qui me semblerait intéressant.
— Ecoute, cette semaine nous avons une réunion cantonale, j’en parlerai en aparté à Gabin. Nous ne sommes pas à quelques mois près, mieux vaut éviter les improvisations.
Il vint une idée à Joseph :
— Dans ma famille nous avons Camille, un petit cousin en fac de philo ! Je pourrais lui demander quel philosophe ou sociologue lui semblerait le mieux adapté à notre réflexion ? Les sensibilités des jeunes sont encore pures et vierges. Ils ont leurs idées, mais avec l’avantage de ne pas être encore formatés dans un moule préfabriqué. D’ailleurs nous voyons bien que tous ces moules sont désuets. Ils réfléchissent comme en 1950 ! Leurs cerveaux sont des disques durs performants mais auxquels on a installé des programmes désuets. Il faut les reformater à la réalité actuelle. Et pour cela, il nous faut de la neutralité ! Dommage que Jānis et Līva vivent si loin pour le moment. Ils ont le punch pour ça !
— Oui c’est bien ce que je pense. Mais il faut battre le fer tant qu’il est chaud ! Le journal a donné le déclic, il faut y aller ! Lorsque tu auras des noms, on en reparlera. Nous chercherons des infos complémentaires pour ne pas se tromper d’intervenant. Mais ton idée est déjà une bonne piste. Cette rencontre pourrait se faire en hiver…
Après le repas de midi, à l’heure où la campagne gersoise s’assoupit à l’ombre des treilles, Līva et Jānis démarrent leur ordinateur, ouvrent leurs cahiers de notes et se replongent dans leurs projets. Des projets Paysans mais pas que… Ils ont décidé d’aider en premier lieu oncle Imants de Straupe qui leur a légué la propriété familiale Rozkalnis. Ils essaient prudemment de mettre en place une stratégie encore secrète pour que tante Agnese revienne avec son mari Imants. Il y a une quinzaine d’années, découragée d’élever seule leurs deux enfants, elle lui posa un ultimatum : "Maintenant tu dois choisir : c’est moi ou la vodka ?" Il opta bien entendu pour la première option mais dans les faits, c’est la bouteille qui gagna. Les enfants sont maintenant autonomes en Irlande et Agnese la Paysanne de cœur se retrouve seule à 56 ans, au chômage, au 8ème étage d’une cage à lapin de Dublin. Elle serait heureuse de revenir en Lettonie si Imants s’engageait vers plus de sobriété.
Līva et Jānis depuis quelques mois servent d’intermédiaire et l’affaire semble évoluer dans le bon sens. Depuis qu’ils ont hérité de la ferme en Lettonie, ils ont le projet de construire une ģulbuve (maison traditionnelle en rondins de bois) sur les terres de Rozkalnis. Mais comme il n’y a pas urgence à quitter Rīga, ils seraient prêts à laisser cette maison à Agnese et Imants pour qu’ils reviennent ensemble dans de bonnes conditions. Agnese aime cette modeste ferme où elle a vécu plus de quinze ans avec Imants et leurs jeunes enfants. Līva et Jānis, s’ils réussissent leur stratégie, pourront plus tard restaurer la vieille masure où vit actuellement Imants. Ensuite les autres projets suivront et il n’en manque pas !