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On définit généralement l'allégorie en la comparant au symbole, dont elle est le développement logique, systématique et détaillé. Ainsi, dans la poésie lyrique, l'image de la rose apparaît souvent comme le symbole de la beauté, de la pureté ou de l'amour ; ...
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Seitenzahl: 55
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ISBN : 9782341001847
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On définit généralement l’allégorie en la comparant au symbole, dont elle est le développement logique, systématique et détaillé. Ainsi, dans la poésie lyrique, l’image de la rose apparaît souvent comme le symbole de la beauté, de la pureté ou de l’amour ; Guillaume de Lorris en a fait une allégorie en racontant les aventures d’un jeune homme épris d’un bouton de rose. Il est évident qu’entre le symbole et l’allégorie, la faveur du public moderne va plutôt au premier, qui semble plus riche et plus profond. Mais cette préférence tient parfois à une conception trop étroite et trop superficielle de l’allégorie, conception dont les grammairiens du Moyen Âge sont tout autant responsables que les critiques contemporains.
Le mot ἀλληγορία a remplacé tardivement chez les Grecs, à l’époque de Plutarque, le mot ὑπόνοια pour désigner la « signification cachée » sous la donnée sensible du langage, par exemple dans la narration ou la description. Mais ce changement de terme s’accompagne d’une restriction de sens : on désigne par le mot ἀλληγορία une forme de l’exposé littéraire plutôt qu’une méthode d’interprétation. Les grammairiens latins ont confirmé ce point de vue en présentant l’allégorie comme une figure de rhétorique, la métaphore continuée (Quintilien).
Trop soucieux d’étymologie, les théoriciens du Moyen Âge se contentent souvent de définir l’allégorie par un certain décalage entre ce qui est dit et ce qui est signifié : Allegoria est cum aliud dicitur et aliud significatur. D’où une certaine difficulté à distinguer, dans les Arts poétiques de Mathieu de Vendôme ou Geoffroi de Vinsauf, ce qu’ils appellent permutatio (allégorie) de ce qu’ils nomment translatio (simple métaphore). C’est chez les théologiens que nous trouvons les définitions les plus intéressantes et les plus subtiles, par exemple dans les œuvres attribuées à Raban Maur et chez Hugues de Saint-Victor : l’allégorie y apparaît comme une superposition plus savante encore que celle du sens propre et du sens figuré, ou celle de la littera et de la sententia ; à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie de la spiritualité, l’allégorie déploie les sens analogique, tropologique, anagogique. Ces définitions savantes cumulent, il est vrai, les inconvénients de la rhétorique et de la théologie. On doit néanmoins en tenir compte pour interpréter convenablement l’esthétique allégorique du Moyen Âge.
Dans le domaine de l’histoire de l’art, Erwin Panofsky a montré comment l’espace de la représentation, loin de se laisser appréhender directement, devait être soumis à une analyse iconographique portant sur l’univers des images, histoires et allégories. Une telle enquête permet de déterminer comment, « en diverses conditions historiques, des thèmes ou concepts spécifiques, tels qu’ils sont transmis par des sources littéraires, ont été exprimés par des objets et événements » (Essais d’iconologie, 1939). En ce sens, l’histoire de l’art est, au moins pour partie, une histoire de l’allégorie – de ses métamorphoses et de son déclin.
Cette esthétique, il ne faut pas la ramener à la seule pratique de la personnification. Cependant, c’est là le procédé le plus caractéristique, sinon toujours le plus agréable, de l’allégorie. Il prolonge une attitude primitive ou fondamentale de la pensée religieuse qui représente les forces naturelles par des divinités plus ou moins anthropomorphiques. En tout cas, à l’époque de Stace, on voit des entités morales comme Virtus, Clementia, Pietas, Natura jouer un rôle aussi important que les dieux de la mythologie latine. Les initiateurs de la philosophie médiévale font un usage constant de la personnification. Boèce figure la philosophie par une très vieille dame, Martianus Capella les arts libéraux par des femmes, Bernard Silvestre les notions philosophiques de la nature et de l’intellect par des personnages qu’on retrouvera chez Alain de Lille. La personnification suffit à animer tout un théâtre imaginaire que la sculpture et la peinture peuvent aisément fixer dans leurs images, et que le théâtre proprement dit pourra également mettre en scène. Ainsi les péchés mortels, fréquemment personnifiés par des moralistes comme le Reclus de Molliens, constituent aussi bien le sujet d’une tapisserie faite pour Charles V que celui d’une Moralité jouée en 1390.
Cependant, l’élément proprement dramatique de l’allégorie ne doit pas être oublié. Quelques thèmes semblent avoir suffi à assurer, au cours des siècles, cette dramatisation de la pensée intellectuelle. Ainsi la métaphore du conflit (entre les passions) est exploitée dans la narration ou la représentation plus ou moins détaillée d’une guerre épique. Dès la Thébaïde, l’épopée est devenue l’expression des combats intérieurs, Pietas et Fides s’opposant à Megaera et Tisiphona. C’est évidemment la Psychomachia de Prudence qui a le plus séduit le Moyen Âge ; et l’on fera ainsi s’affronter, tantôt sérieusement, tantôt pour rire, les vertus et les vices, les disciplines universitaires, Carême et Carnage. Autres thèmes allégoriques servant à la présentation dramatique des idées morales, philosophiques et religieuses : le mariage (et l’épithalame), le voyage, le songe. De Claudien à Alain de Lille, la littérature morale cherche ainsi à s’exprimer dans une sorte de mise en scène fantastique. Les auteurs de langue française continueront cette tradition à partir du XIIIe siècle (Raoul de Houdenc, Robert Grosseteste, le Reclus de Molliens, Huon de Méry). Mais ces œuvres se distingueront par un effort vers la cohérence et l’homogénéité du thème allégorique, un souci de la description détaillée, un parallélisme plus rigoureux entre le monde naturel, matériel et le monde abstrait, spirituel : jardins, châteaux, scènes de la vie quotidienne vont constituer la structure logique du discours. À ce moment, l’allégorie ne sera plus seulement un « ornement difficile » de la rhétorique, mais une forme d’imagination caractéristique et expressive, une vision du monde.
Cette vision du monde, on peut la situer avec plus de netteté dans l’évolution de la pensée occidentale. Il faut bien voir que l’allégorie n’est pas originellement, comme certains grammairiens l’ont fait croire, un simple procédé d’écriture, mais une forme d’investigation et d’interprétation. Dès le VIe