Année économique et politique mondiale - 2021 - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Année économique et politique mondiale - 2021 E-Book

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Retour sur l’année politique et économique mondiale de 2021 avec ce Grand Article Universalis.
Deux comptes-rendus portant sur l'année économique mondiale et l'année politique française sont accompagnés d'une chronologie détaillée des événements politiques, des conflits, des faits économiques et sociaux survenus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021.


À PROPOS DE L'Encyclopaedia Universalis

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782341013451

© Encyclopædia Universalis France, 2024. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Oleksiy Mark/Shutterstock

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Bienvenue dans L'année politique et économique mondiale 2021, publiée par Encyclopædia Universalis.

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ÉCONOMIE MONDIALE - 2021 : rebond, fractures sanitaires et économiques

Introduction

Après la récession quasi générale de 2020 en raison de la crise sanitaire due à la Covid-19, à l’exception notable de la Chine, 2021 est l’année d’un rebond économique inégal, la pandémie ayant elle-même connu des répliques variées selon les pays et les périodes de l’année. La croissance mondiale s’établit à 5,9 %, après une baisse de 3,1 % en 2020. La propagation du virus, et de ses variants plus transmissibles et plus dangereux, fait sentir ses effets : mesures de confinement et de déconfinement qui affectent la mobilité, l’activité et la consommation ; campagnes de vaccination afin de réduire la circulation du virus et les hospitalisations ; politiques de soutien des revenus des ménages et de l’activité des entreprises.

Croissance du PIB mondial (2019-2021). Les pays émergents d'Asie, dont la croissance avait été la moins affectée par la pandémie de Covid-19 en 2020 (à part l'Inde), sont aussi ceux qui ont le plus rebondi en 2021 (source : FMI World Economic Outlook, oct. 2021).  

Le plus souvent, c’est la même ligne de fracture qui distingue les pays : d’une part en fonction du degré de protection face à la pandémie – dans les pays avancés, plus de 60  % de la population est entièrement vaccinée à la fin de 2021, alors que le taux est inférieur à 10 % dans les pays à faible revenu –, et d’autre part, en fonction de leur capacité à mettre en place des politiques de soutien de la production et des revenus. La diversité des trajectoires souligne le profond fossé qui s’est creusé entre les nations. Les pays développés ont pu mieux juguler la pandémie et trouvé des ressources pour soutenir l’économie. Les autres sont confrontés à la combinaison d’un manque de moyens sanitaires et d’une impossibilité financière pour protéger les revenus de leur population et assurer la survie des entreprises. Actualisant les prévisions de trajectoires économiques effectuées avant la crise, les économistes du FMI mesurent son impact sur la production : en 2024, la production au niveau du monde devrait être inférieure de 2,9 % au niveau prévu avant la pandémie ; cette baisse serait de 5,5 % pour les pays émergents et en développement (hors Chine) et de 6,7 % pour les pays en développement à faible revenu. En revanche, pour les pays avancés, il s’agirait d’une hausse de 0,9 %, ce qui montre que, non seulement les inégalités entre les deux groupes de pays se sont creusées, mais que, de surcroît, les pays avancés tireraient un avantage du rebond postpandémique.

Une vague d’appauvrissement envahit donc une partie de la planète, de façon particulièrement aiguë pour certaines zones. Le constat de la Banque mondiale est alarmant : si pendant près de vingt-cinq ans, l’extrême pauvreté n’a cessé de reculer, aujourd’hui, pour la première fois en une génération, elle regagne du terrain. Le taux mondial d’extrême pauvreté a augmenté en 2020 du fait de la pandémie et environ 100 millions de personnes supplémentaires vivent désormais dans la pauvreté. De plus, pour les pays les plus fragiles, la catastrophe sanitaire se conjugue généralement avec une vulnérabilité climatique et une précarité politique, en raison des conflits qui les minent.

Dans ce contexte, la Chine fait toujours figure d’exception. Seul pays à ne pas avoir connu de baisse d’activité en 2020, elle poursuit sa route vers la place de première économie mondiale. Ce cas particulier, ainsi que la Russie et le Brésil, toujours très dépendants de leurs exportations de matières premières, rendent le concept de « BRICS » obsolète, en tout cas sur le plan économique, comme le reconnaît son inventeur, l’économiste britannique Jim O’Neill. Une nouvelle configuration mondiale se dessine, fragmentée en trois ensembles :

– le monde des pays avancés, avec, à leur tête les États-Unis, qui ont globalement jusqu’ici surmonté les effets les plus graves de la pandémie et profitent même de la crise pour opérer des investissements colossaux qui ne figuraient pas dans les agendas ;

– la Chine, un « deuxième monde » qui réalise ses rêves de puissance économique et politique ;

– un « troisième monde », dans lequel la pauvreté s’accroît rapidement et qui rassemble notamment trois anciens BRICS (la Russie, le Brésil et l’Inde) et le continent africain.

Au-delà de ces grandes disparités, l’économie mondiale dans son ensemble est frappée par des pénuries provoquées par des ruptures d’approvisionnement. Le rebond de l’activité s’inscrit dans un contexte où l’offre, marquée par la mondialisation des chaînes d’approvisionnement, subit de multiples interruptions dues aux effets de la pandémie auxquels s’ajoutent les restrictions commerciales imposées à certains pays, particulièrement à la Chine par les États-Unis et à la Russie en raison de la tension avec l’Ukraine. Des produits viennent à manquer, les voies maritimes sont embouteillées. Ces goulets d’étranglement limitent la production et engendrent des tensions inflationnistes qui pèsent sur le pouvoir d’achat.

Prix à la consommation dans le monde (2019-2021). La poussée de l'inflation est assez générale entre 2020 et 2021 excepté pour la Chine, l'Inde et le Japon (source : FMI World Economic Outlook, oct. 2021).

De surcroît, cette deuxième année de pandémie s’est conjuguée avec de nouveaux dégâts engendrés par le dérèglement climatique. Leur prise en compte, toujours insuffisante, est une nouvelle fois démontrée par la COP 26 qui s’est tenue au mois de novembre à Glasgow.

1. Le premier monde : pays avancés, un volontarisme historique

• États-Unis : une relance colossale

Aux États-Unis, l’année 2021 est marquée par le déploiement de plans de relance d’une ampleur sans précédent. Décidés par Joe Biden, le président démocrate nouvellement élu, ils s’inscrivent dans le programme Build Back Better (BBB, « reconstruire en mieux »). Un plan de 1 850 milliards de dollars représentant 8,8 % du PIB (American Rescue Plan Act) est voté en mars 2021 par le Congrès et consacré à l’aide aux ménages et aux collectivités infrafédérales. Un autre de 1 200 milliards de dollars (Infrastructure Investment and Jobs Act) est adopté par le Congrès en novembre,ciblant les infrastructures, en particulier celles concernant le transport et l’Internet. Ce deuxième plan doit être amputé de ses volets fiscaux – en particulier un impôt sur les hauts revenus – et climatiques, pour obtenir une majorité grâce à l’assentiment d’élus républicains. L’aile gauche du Parti démocrate espère faire passer à l’avenir un plan plus ambitieux en matière sociale et environnementale.

Ces politiques de soutien, l’avancée de la campagne de vaccination et le relâchement progressif des mesures de distanciation favorisent une reprise de l’activité américaine, malgré un ralentissement au cours de l’été en raison de la propagation du variant delta et des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement. En 2021 comme en 2020, les performances des États-Unis sont meilleures que la moyenne de celles des pays avancés, avec une croissance de 6 % consécutive à une baisse de 3,4 %.

Quant au taux de chômage, il s’améliore nettement en cours d’année par rapport au pic de 15 % enregistré en avril 2020 : il baisse à 4,6 % en novembre tout en restant supérieur à celui de 3,8 % d’avant la crise. Mais, de façon surprenante, le taux d’emploi (rapport entre la population active et la population en âge de travailler) se réduit rapidement, passant de 63,4 % en 2019 à 61,6 % en 2021, ce qui donne lieu à de multiples interprétations. On invoque une poussée des départs à la retraite, un non-retour à l’emploi de parents ayant gardé leurs enfants ou un plus grand nombre d’étudiants soutenus financièrement pendant la crise, comme si, disent certains économistes américains, cette crise avait débouché sur « une grande démission », là où celle de 1929 avait engendré une « grande dépression » et celle des subprimes « une grande récession ». À la différence de la politique européenne, qui maintient en le subventionnant le lien entre les entreprises et les salariés (chômage partiel), la politique américaine le rompt en laissant les entreprises licencier tout en indemnisant largement les ménages.

En outre, le taux d’inflation bondit. La hausse des prix est de plus de 6 % en octobre 2021, alors que le taux moyen d’inflation de 2012 à 2018 se situait autour de 1,6 % et était inférieur à 2% en 2019 et 2020. Cette inflation par les coûts (et non par la demande) comporte une dimension conjoncturelle, résultant d’une série de goulets d’étranglement, a priori réversibles : hausse des prix du bois, des semi-conducteurs, des coûts de transport en raison de la congestion du trafic maritime. Mais elle comporte également des aspects plus durables, tels que les loyers. Surtout, l’importance des emplois non pourvus, plus de 11 millions, pousse les salaires à la hausse, mais moins que les prix, ce qui entraîne une baisse de pouvoir d’achat pour certaines catégories de la population.

En dépit de ce taux d’inflation élevé, Jerome Powell, reconduit à la tête de la Réserve fédérale par le président Biden, défend son refus d’augmenter les taux d’intérêt : la politique monétaire doit continuer à être mobilisée pour lutter contre le chômage ; une politique monétaire restrictive serait inopérante face à une inflation par les coûts. Les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire au net de l’inflation, restent négatifs. En revanche, la politique monétaire se traduit en novembre par une restriction forte des volumes de liquidités injectées en contrepartie de bons du Trésor américain.

Pour ce qui est des relations commerciales, Joe Biden resserre sensiblement les relations avec l’Europe, à l’aide d’une trêve dans le conflit sur l’acier et l’aluminium : les droits de douane sont maintenus, mais une partie des exportations européennes en est exemptée et, en contrepartie, la surtaxation de produits américains comme le bourbon, les motos ou les jeans est suspendue. Pour contrer la Chine, les États-Unis renforcent leurs liens dans le Pacifique avec le « Quad » (dialogue quadrilatéral pour la sécurité), auquel participent l’Australie, l’Inde et le Japon. En septembre 2021, ils initient une alliance stratégique avec l’Australie et le Royaume-Uni, l’AUKUS (Australia-United Kingdom-United States), pour la construction de sous-marins à propulsion nucléaire. Cette alliance est à l’origine de la rupture par l’Australie d’un contrat de fourniture et d’entretien de douze sous-marins avec le groupe français Naval Group et d’une crise diplomatique.

• L’Europe à l’heure de la relance

La zone euro connaît une croissance de 5 % en 2021 après une baisse de 6 % en 2020.Les pays européens enregistrent des rythmes et des niveaux de croissance variés, selon l’expansion de la pandémie et la mise en place de mesures sanitaires. Dans tous les cas, la production de services est moins affectée que la production industrielle du fait des goulets d’étranglement nés de l’éparpillement de la chaîne de production. Le secteur automobile est particulièrement touché en raison notamment de la pénurie de puces électroniques. L’inflation repart à la hausse, mais elle est analysée comme une inflation passagère par les coûts ne nécessitant pas d’action de la Banque centrale européenne (BCE).

Les dogmes européens semblent s’adoucir, qu’il s’agisse de la rigueur budgétaire ou de la lutte contre l’inflation. Ainsi, la BCE a opéré au mois de juillet un virage politique en affirmant que l’objectif d’inflation n’est plus « en dessous, mais proche de 2 % », avec un 2 % « symétrique », le taux pouvant être légèrement au-dessus ou au-dessous.

Pour financer partiellement le plan de relance de l’Union européenne de 750 milliards d’euros « Next Generation EU », approuvé en juillet 2020, ratifié par les vingt-sept membres en mai 2021, distribué à hauteur de 13 % en 2021, la Commission européenne lance pour la première fois un emprunt, d’un montant de 20 milliards d’euros.

En France, la croissance dépasse 6,5 %, l’inflation remonte à 2 % (ici aussi il s’agit d’une inflation par les coûts, importée et a priori temporaire) et la crainte de tendances déflationnistes s’éloigne. Mais l’indice des prix reflète mal l’évolution du pouvoir d’achat des couches modestes de la population, qui consacrent une part plus élevée que la moyenne au logement, à l’énergie et à la nourriture, produits qui enregistrent les hausses les plus élevées. Au contraire, d’autres catégories socioprofessionnelles semblent acteurs d’une mobilité choisie et génératrice de gains de pouvoir d’achat ou de bien-être. Ces différences risquent de renforcer une fracture au sein de la société française. Alors que l’on prédisait une avalanche de faillites d’entreprises et de licenciement, les entreprises sont en bonne santé et le marché du travail français est très dynamique : créations d’emplois, baisse du chômage, progression de la part des CDI et mobilité géographique accrue. Le gouvernement français est particulièrement entreprenant dans le pilotage de l’économie. Outre le soutien aux revenus des ménages et des entreprises, le plan « France relance » de septembre 2020 de 100 milliards d’euros sur deux ans (avec pour priorité la transition écologique, la compétitivité et la cohésion) est suivi en octobre 2020 du plan « France 2030 » de 30 milliards orientés sur l’innovation et la transition énergétique (décarbonation et relance de l’énergie nucléaire). Ce « quoi qu’il en coûte » soutient les revenus des Français et favorise le dynamisme des entreprises, mais le déficit public atteint des records (8 % du PIB) de même que la dette publique (115 %), ce qui devrait conduire dans l’avenir à maîtriser les dépenses de fonctionnement pour cantonner le déficit au financement de l’investissement.

En Allemagne, le départ d’Angela Merkel, à la fin de l’année 2021, et l’arrivée au pouvoir d’une coalition dirigée par les sociaux-démocrates du SPD et le chancelier Olaf Scholz s’inscrivent dans une période charnière. L’épidémie ébranle fortement l’économie du pays, d’autant que son industrie manufacturière est très sensible à l’essoufflement de la demande extérieure et aux ruptures d’approvisionnement. Les dogmes d’austérité budgétaire et de rigueur monétaire s’effritent, les lourds problèmes de vieillissement de la population et leur conséquence sur le manque de main-d’œuvre s’accentuent.

En Italie, Mario Draghi, ancien président de la BCE, président du Conseil des ministres depuis le début de l’année, a fait adopter le « Piano Nazionale di Ripresa e Resilienza » (PNRR, Plan national de reprise et résilience), financé à hauteur de près de 200 milliards d’euros par l’Union européenne. Paradoxalement, c’est la pandémie de Covid-19 qui a permis à l’Italie, comme à d’autres pays, de recevoir des fonds pour soutenir des investissements de long terme que l’État n’avait pas réussi à financer jusque-là, en particulier pour des infrastructures, comme les trains à grande vitesse, destinés à désenclaver le sud de la péninsule. Toutefois, le pays reste confronté à des problèmes structurels : déclin démographique, faiblesse de la productivité, lourdeurs administratives et fossé profond entre le nord industriel et le sud.

Au Royaume-Uni, la chute du PIB en 2020 avait été plus accusée que celle des autres pays européens et le rebond de croissance en 2021 est également plus marqué. L’épidémie conduit le gouvernement de Boris Johnson à se démarquer, dès 2020, des politiques des Tories, caractérisées par une faible intervention de l’État et une austérité budgétaire, en particulier par la mise en œuvre d’un programme de chômage partiel. Le déficit public atteint 15,2 % du PIB sur l’année budgétaire 2020-2021 et le ratio dépenses publiques sur PIB atteint 54,4 % alors qu’il était de 41 % en 2019. Mais, en octobre, le gouvernement met fin au dispositif de chômage partiel et ramène les aides aux personnes au niveau d’avant la crise sanitaire. Bien que, le 1er mai 2021, l’accord commercial post-Brexit de décembre 2020 soit appliqué de façon définitive après une période provisoire de quatre mois, le dispositif de séparation, parfois qualifiée de « sans fin » (« Brexeternity »), bute sur les sujets de l’Irlande du Nord, de la pêche et des migrants. Le Brexit, qui aggrave les problèmes d’approvisionnement et favorise des pénuries de main-d’œuvre, pourrait entraîner une réduction du PIB à long terme d’environ 4 %. Dans l’immédiat, il impacte les échanges commerciaux avec l’Europe et l’investissement des entreprises, ce qui pèse sur la productivité. À la suite des accords signés en 2020 avec le Japon, le Canada et la Turquie, l’ambition du « Global Britain » se traduit par la conclusion d’accords avec des pays de l’Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande) ainsi qu’avec la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse, qui composent l’Association européenne de libre-échange (AELE).

• Japon : une situation singulière

Le Japon poursuit une trajectoire macroéconomique atypique au sein des pays avancés : une croissance lente, très en deçà des autres, en particulier parce qu’il est fortement dépendant de la demande externe ; une stabilité des prix exceptionnelle ; un niveau de chômage proche du plein emploi ; un excédent des paiements courants important (toujours au-dessus de 3 %), mais une dette publique faramineuse (près de 260 % du PIB).

Le déclin démographique devrait se poursuivre – la population pourrait se réduire d’un cinquième dans les trente ans à venir. Il a entraîné depuis 2012 des réformes favorisant l’emploi des catégories généralement les plus touchées par le chômage (les plus de 65 ans, les femmes) pour pallier la pénurie de main-d’œuvre. En outre, le nombre de travailleurs étrangers est passé de 0,7 million à 1,7 million au cours de la dernière décennie.

Les jeux Olympiques, reportés de 2020 à 2021, se sont déroulés à huis clos et sans le soutien de l’opinion publique, générant de médiocres retombées économiques (manque à gagner dû aux entrées non vendues et au déficit de recettes touristiques).

Yoshihide Suga succède comme Premier ministre à Shinzō Abe à la fin de 2020 et lance deux chantiers, un sur la digitalisation de l’économie et l’autre sur la croissance verte. Il laisse à son tour la place à Fumio Kishida en octobre 2021. L’équation énergie/environnement est particulièrement épineuse au Japon, en raison de la place prise par les énergies fossiles (près de 90 % de la consommation de l’énergie primaire) et du traumatisme toujours présent de la catastrophe de Fukushima. L’éviction en mars du patron de Toshiba rappelle le caractère suranné de certaines formes du capitalisme nippon dans lequel les actionnaires sont relégués au second plan alors que le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI) continue de jouer un rôle prépondérant.

2. Le deuxième monde : la Chine, les tensions d’un capitalisme triomphant

La croissance chinoise ralentit sous l’effet conjugué des effets de la pandémie et des mesures gouvernementales restrictives, en particulier dans le domaine du crédit. De plus, les coupures d’électricité se sont multipliées du fait d’une augmentation du prix du charbon couplée au blocage du prix de l’électricité. Plus fondamentalement, en matière d’énergie, la Chine se heurte à une contradiction entre ses engagements à réduire ses émissions de carbone, réaffirmés lors de la COP 26 (pic d’émissions avant 2030 et neutralité carbone avant 2060), et sa forte dépendance au charbon.

Du point de vue politique, Xi Jinping renforce son pouvoir personnel. Après l’adoption, en 2018, d’une décision ouvrant la possibilité d’un troisième mandat, la réunion du plénum du Comité central du Parti communiste chinois en novembre 2021 inscrit Xi Jinping dans l’histoire (en adoptant une « résolution historique ») au même titre que Mao Zedong et Deng Xiaoping. La Chine s’affirme sur la scène internationale, en particulier grâce au développement de la Belt and Road Initiative (appelée en français « Nouvelles Routes de la soie ») et à sa présence en Afrique, tout en prônant une forme de repli sur soi. En effet, le XIVe plan quinquennal, publié en mars, met en avant l’« autosuffisance » et préconise une « double circulation », qui vise à réduire la dépendance par rapport à l’économie mondiale : la demande intérieure est stimulée (« circulation interne ») en continuant à encourager la mobilité des travailleurs vers les zones les plus dynamiques et l’appareil productif est renforcé (« circulation externe »). Il en résulte la poursuite d’une politique différenciée à l’égard des investissements extérieurs. Si les investissements porteurs de transferts technologiques sont bienvenus, il n’en est pas de même pour les investissements des entreprises qui concurrencent directement les entreprises chinoises.

En outre, les trois grands problèmes de la croissance chinoise perdurent : inégalités sociales, fragilité financière et dégradation de l’environnement, auxquels s’ajoute, en 2021, une forme de crise de gouvernance des grandes entreprises.

Certains grands groupes, incarnation du dynamisme capitaliste congloméral chinois, enregistrent de graves difficultés que le gouvernement ne semble pas déterminé à atténuer. À l’automne, la quasi-faillite d’Evergrande, deuxième groupe immobilier chinois qui s’est largement diversifié, dévoile la fragilité d’une économie dans laquelle la construction et l’endettement constituaient des moteurs majeurs. Evergrande est une entreprise too big to fail (« trop grosse pour faire faillite »), mais le gouvernement chinois se refuse à relancer l’activité immobilière, tout en cherchant à trouver un prix d’équilibre entre, d’une part, les intérêts des promoteurs et des propriétaires et, d’autre part, ceux des jeunes qui cherchent à se loger. Toujours à l’automne, deux dirigeants de HNA, conglomérat construit autour de la compagnie Hainan Airlines, en faillite depuis le début de l’année à cause d’un excès de dettes et en voie d’être démantelé, se sont retrouvés en prison. De plus, le pouvoir durcit les règles par rapport à certains grands groupes : Alibaba, géant chinois du commerce en ligne, enregistre ainsi des pertes dues au durcissement de la régulation des entreprises du numérique.

3. Le troisième monde : les ombres de l’appauvrissement

• Russie : rigueur budgétaire et conversion climatique

La fin de l’année est marquée en Russie par de mauvaises nouvelles sur le front de la pandémie. Les statistiques de personnes contaminées et de décès s’envolent, alors même que seulement 35 % de la population est vaccinée, un chiffre qui révèle une forte méfiance à l’égard de l’État. Ces revers sanitaires devraient mettre à mal la fameuse résilience russe. La surmortalité provoquée par la Covid-19 accentue par ailleurs une baisse de la population due à la conjonction d’un faible taux de natalité, d’un système de soin défaillant et de vagues d’émigration, alors même que Vladimir Poutine voit dans la démographie un atout de puissance.

Sur fond de politique de rigueur budgétaire et monétaire et de congélation politique, les inégalités s’accroissent. À l’inverse de nombreux pays, la Russie limite fortement la distribution d’aides exceptionnelles (moins de 4 % du PIB) et opte pour la rigueur, tant dans sa politique budgétaire – d’où résultent un déficit de seulement 0,5 % du PIB et une dette publique de moins de 20 %, que dans sa politique monétaire, axée sur une hausse des taux d’intérêt.

Solde de la balance des paiements au niveau mondial (2019-2021). En dehors des pays exportateurs d'hydrocarbures (Russie, pays du Moyen-Orient, Brésil), les soldes extérieurs sont relativement stables en dépit de la crise liée à la pandémie de Covid-19 (source : FMI World Economic Outlook, oct. 2021).

L’économie russe cumule une croissance ralentie, avec un léger rebond en 2021 (4,7 %), un taux de chômage faible, un taux d’inflation élevé, qui progresse (5,9 %) et menace le pouvoir d’achat des ménages, et un excédent extérieur prononcé, poussé par les prix comme par les volumes des exportations de combustibles, de bois et de métaux.

Toutefois, la pauvreté d’une grande partie de la population, déjà très marquée, tend à s’accentuer : le taux de pauvreté, pourtant défini à un faible niveau (de l’ordre de 150 euros par mois), est à 13 %, en hausse constante depuis 2012 et, selon une agence officielle, les ressources de plus de 60 % des Russes sont consacrées exclusivement à la nourriture et à l’habillement.

Pour l’avenir, le gouvernement fixe deux réorientations majeures : la digitalisation de l’économie et, plus récemment, la décarbonation avec l’annonce d’une conversion climatique à la COP 26.

• Inde : le nationalisme libéral face aux désastres sanitaires et sociaux

Alors que l’Inde avait réussi à éviter le pire lors de la première vague de la pandémie, la gestion par le gouvernement de Narendra Modi de la deuxième vague se révèle désastreuse en 2021 : sous-estimation du phénomène, diffusion d’informations fantaisistes sur les remèdes, refus de vaccination, mauvaise communication conduisant à l’abandon des gestes barrières. Premier producteur de vaccins au monde, l’Inde se retrouve dans une situation de pénurie face à la Covid-19.

Par ailleurs, le pays s’enfonce dans la pauvreté. En 2021, 230 millions de personnes supplémentaires tombent sous le seuil de pauvreté (fixé à 375 roupies par jour soit 4,20 euros), alors que la période 2005-2015 en avait vu 270 millions en sortir. À cela s’ajoutent une augmentation du chômage, une baisse des revenus pour la quasi-totalité de la population, le recours à l’endettement en raison des lacunes de l’assurance santé, la crise alimentaire...

Pour essayer de faire face à la dégradation des finances publiques, le gouvernement, qui s’interdit une hausse de la fiscalité, se lance dans de nouvelles privatisations et dans la location au secteur privé d’actifs publics (routes, voies ferrées, oléoducs, lignes téléphoniques), ce qui devrait permettre de renflouer les caisses publiques de près de 70 milliards d’euros. Au sein de la mouvance nationaliste hindoue, certains soulignent la contradiction entre ces privatisations et la volonté de rendre l’Inde autonome en matière de santé, de transport et d’énergie.

Toutefois, dans le domaine agricole, Narendra Modi est obligé de reculer dans sa volonté de libéralisation à outrance : il abandonne en novembre une réforme qui visait à supprimer les marchés contrôlés par l’État et continue ainsi à garantir un prix minimal pour certaines denrées telles que le blé ou le riz, dispositif vital pour les paysans, très pauvres en grande majorité, endettés et ne possédant que de petites parcelles.

La place de l’Inde dans les relations internationales est marquée par le désir de contrebalancer le poids grandissant de la Chine. De crainte de se faire envahir par les produits chinois, l’Inde ne se joint pas au RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) signé en 2020 et en cours de ratification, qui vise à inclure dans une zone de libre-échange autour de l’océan Pacifique les dix membres de l’ASEAN ainsi que l’Australie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande. Dans le même souci de rééquilibre, auquel s’ajoutent les questions sanitaires et environnementales, l’Union européenne – en dépit d’une détérioration des droits de l’homme et des difficultés rencontrées par les femmes et les groupes minoritaires du pays – et l’Inde décident en mai 2021 de reprendre les négociations relatives à un accord de libre-échange interrompues depuis 2013.

• Brésil : une vague de pauvreté

En 2020, la baisse de la production au Brésil est plus forte que la moyenne mondiale et le rebond de 2021 plus faible. En effet, la crise sanitaire se conjugue avec le ralentissement de l’économie des partenaires commerciaux et avec des accidents climatiques (sécheresse affectant gravement l’approvisionnement en hydro-électricité et les récoltes, également affectées par le gel). De plus, le président Jair Bolsonaro distille une forte incertitude économique par ses déclarations, jetant une suspicion sur les élections à venir parce qu’elles lui paraissent défavorables. Le taux de chômage s’élève, selon les chiffres officiels, à près de 14 % de la population. Sous l’effet de la hausse du prix des matières premières et de la rupture de chaînes d’approvisionnement, l’inflation s’accélère avec des hausses de prix particulièrement critiques : plus de 30 % pour le riz, les haricots, la viande, l’essence. La banque centrale a entamé une hausse des taux d’intérêt qui risque d’avoir des effets négatifs sur l’activité.

La pauvreté explose. En deux ans, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (5,5 dollars par jour) a augmenté de 2 millions pour atteindre plus de 60 millions de personnes, soit plus d’un tiers de la population, affectant particulièrement le secteur informel, c’est-à-dire les pans non officiels de l’activité économique, donc majoritairement les femmes et les Noirs. L’insécurité alimentaire touche un dixième de la population. L’Auxílio Emergencial, vaste système d’aide pour les travailleurs formels et informels et les personnes en dessous du seuil de pauvreté mis en place en 2020, est reconduite, mais réduite en fin d’année ; elle touche près de 67 millions de ménages, alors que la Bolsa Família, le système précédent, ne bénéficiait en 2019 qu’à 14,6 millions.

Après avoir accéléré la déforestation, à un rythme atteignant désormais 10 000 kilomètres carrés par an, et mené une politique destructrice à l’égard des peuples indiens, le gouvernement de Bolsonaro prend des engagements de réduction du rythme de déforestation lors de la COP 26, sous la pression de grandes entreprises, de gouvernements étrangers et de menaces sur les accords au sein du Mercosur.

• L’Afrique : catastrophe humanitaire et espoir d’une relance du continent

Pour la première fois depuis la fin du XXe siècle, l’Afrique subsaharienne subit une récession (–1,7%) en 2020, entraînant, compte tenu de la croissance démographique (2,7 %), une baisse du PIB par tête de 4,5 %. Elle enregistre en 2021 un niveau de rebond de 3,7 %, nettement inférieur au taux de croissance mondial (5,9 %). Avec en fin d’année une couverture vaccinale de 3 %, alors que le taux est de 60 % pour l’Europe, l’Afrique cumule naufrage économique et catastrophe sanitaire. Le dispositif Covax (Covid-19 Vaccine Global Access), qui devait matérialiser une solidarité internationale pour la vaccination, reste très en deçà des engagements : sur les dix premiers mois de l’année, 370 millions de doses sont expédiées dans le monde sur les 3 milliards prévus.

Les difficultés économiques liées, comme ailleurs, à l’essoufflement des partenaires commerciaux, aux ruptures d’approvisionnement et à l’effondrement du tourisme, s’accentuent avec la situation sanitaire critique, mais également à cause de faibles marges de manœuvre budgétaires qui limitent les possibilités de soutien des revenus et de l’activité. En Afrique, la crise a des effets d’autant plus désastreux qu’une grande partie de la population est vulnérable et que les filets de protection sociale sont faibles. Environ 30 millions d’Africains sont tombés dans l’extrême pauvreté en 2020 à cause de la pandémie et 39 millions d’autres risquent de subir le même sort en 2021.

Au terme de presque dix années de négociations, et dans un contexte où la Covid-19 fait clairement ressentir la dépendance de l’Afrique pour des approvisionnements vitaux (riz, blé, légumes, produits médicaux…), le 1er janvier 2021 voit la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cet accord, ratifié par cinquante-quatre pays, prévoit une suppression des droits de douane pour 90 % des produits sur cinq ans pour les pays les plus développés et sur dix ans pour les autres. Des suppressions ultérieures seront mises en œuvre pour 7 % de produits supplémentaires. Cet accord part du constat d’un retard des flux commerciaux intracontinentaux, 17 % pour l’Afrique, par rapport aux autres continents (55 % pour l’Amérique, 60 % pour l’Asie, 68 % pour l’Europe). Ainsi, comme le marché unique pour l’Europe, l’intégration des différentes économies nationales par la ZLECAf vise à doper les échanges commerciaux et, par voie de conséquence, accélérer l’industrialisation des appareils productifs.

4. Conclusion

2021 est donc une année noire pour une grande partie de la population mondiale. Mais la pandémie a fait naître des réactions volontaristes allant bien au-delà des réparations des dégâts qu’elle a engendrés, qu’il s’agisse des plans de relance des pays avancés ou de l’accord de libre-échange du continent africain.

Part de la production mondiale et de la population mondiale par groupes de pays en 2021. Rapportée à sa population, la production de la Chine est trois fois inférieure à celle des pays avancés, mais deux fois et demi supérieure à celle de l'Inde (source : FMI World Economic Outlook. Recovery during a pandemic).

Dans ce contexte de crise sanitaire et de prise de conscience du réchauffement climatique, le débat ancien portant sur la capacité de la production et du PIB à mesurer le bien-être de la population connaît un regain d’actualité. De nouveaux courants traversent les sociétés, comme le montrent, particulièrement parmi les jeunes générations, la recherche de sens dans le travail ou la popularité de la décroissance, en dépit des ambiguïtés de cette dernière. Ce débat renaît de la conjonction d’une multitude de facteurs. Les inégalités entre pays et à l’intérieur de chaque pays conduisent à dissocier le bien-être des plus pauvres des performances globales. Les dépenses et la production de biens et de services de réparation – réparation des dommages de la pollution et du dérèglement climatique – explosent alors qu’elles ont pour but de simplement maintenir le bien-être et non de l’accroître. La ponction sur les stocks de ressources non renouvelables et les agressions contre la biodiversité soulignent les limites d’une approche entièrement focalisée sur la production et les flux commerciaux. Plus que jamais la question de la qualité de la croissance se pose.

Jean-Pierre FAUGÈRE

FRANCE - L’année politique 2021

Introduction

Les six premiers mois de l’année 2021 sont encore marqués par un ensemble de mesures contraignantes visant à enrayer la pandémie de Covid-19 et qui ne s’effaceront que très progressivement. La reprise économique est nette, mais la menace sanitaire persiste. La sortie encore très incertaine de la crise sanitaire s’accompagne d’une augmentation des prix de l’énergie, d’une reprise de l’inflation, d’une persistance de la pauvreté et d’un accroissement de la précarité, autant de facteurs lourds de conflits sociaux potentiels.

Déjà, la scène politique est touchée par l’exacerbation des tensions. Le président Emmanuel Macron, que son rôle dans la crise sanitaire paraît préserver dans une certaine mesure, dispose d’une popularité stable et se maintient à un assez bon niveau dans les sondages. Mais son parti, La République en marche (LRM), ne s’enracine pas dans le pays. En juin, les élections régionales et départementales sont un revers pour les candidats du gouvernement, délaissés au profit des forces politiques traditionnelles. Plusieurs réformes importantes annoncées par Emmanuel Macron sont d’ailleurs reportées à l’après-présidentielle. Au milieu de l’année, l’apparition, à l’extrême droite, d’un nouveau candidat à l’élection présidentielle bouscule le paysage politique. Le polémiste Éric Zemmour invite les thèmes d’une droite néomaurrassienne dans la campagne : rejet de l’immigration et de l’islam, de l’Europe, des droits de l’homme, plaidoyer pour Pétain et les régimes autoritaires… Marine Le Pen est déstabilisée. De son côté, la droite républicaine tente de se reconstruire en organisant une primaire tardive, où les thèmes chers à l’extrême droite s’invitent et tendent à focaliser les débats. Quant à la gauche, elle étale ses divisions et multiplie les candidatures à la présidentielle, aucune d’entre elles ne parvenant à s’affirmer dans les sondages.

La France est également confrontée à une crispation des rapports internationaux, où elle peine à s’affirmer. L’annonce de la fin de l’opération Barkhane montre les limites de l’interventionnisme français à l’extérieur. La préparation de la présidence française de l’Union européenne (UE) de 2022 vient clore une année diplomatique qui a vu la constitution – au détriment de la France et de l’UE – d’une alliance entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie conduisant à l’annulation du « contrat du siècle » pour la livraison de sous-marins par la France, ainsi que le départ de la chancelière allemande Angela Merkel, longtemps considérée comme l’une des principales inspiratrices de la politique de l’Union.

1. Crise sanitaire : vers un retour à la normale ?

L’année 2021 commence donc dans un contexte de mesures prises en lien avec la pandémie de Covid-19. Les contraintes se renforcent ensuite puis s’allègent progressivement jusqu’à la fin du printemps. Comme en 2020, le président de la République est au centre des décisions en matière de lutte contre la pandémie, dans le cadre de « conseils de défense sanitaire ». Le second confinement de 2020 avait pris fin le 15 décembre. À partir de janvier, Emmanuel Macron choisit un régime de restrictions limitées, pariant sur la protection collective que doit apporter la vaccination. La campagne de vaccination (non obligatoire) se déploie au fur et à mesure de la mise à disposition des doses de vaccins. Au début de l’année, elle est réservée aux personnes les plus âgées et les plus fragiles, puis s’ouvre peu à peu à l’ensemble de la population résidant en France : à toutes les personnes majeures le 31 mai, aux mineurs de plus de douze ans le 15 juin, aux enfants de plus de cinq ans le 22 décembre.

À la sortie du confinement de décembre 2020, les lieux de loisirs et de culture étaient restés fermés et un couvre-feu mis en place de 20 heures à 6 heures. Le 14 janvier, le Premier ministre Jean Castex annonce un couvre-feu dès 18 heures. D’autres mesures complètent encore le dispositif – limitation des déplacements interrégionaux, renforcement du contrôle aux frontières (puis interdiction du territoire aux voyageurs venus de l’extérieur de l’Union européenne), maintien du travail à distance quand il est possible… Les cours « en présentiel » ne sont pas suspendus dans l’enseignement primaire et secondaire, mais l’accueil des élèves varie en fonction des situations locales. À l’université, les cours se font à distance, sauf en première année où ils peuvent se dérouler en présentiel avec une demi-jauge. La circulation du virus progressant toujours, un troisième confinement de l’ensemble du territoire – entraînant, entre autres, la fermeture des classes, des commerces « non essentiels », etc. – est mis en place à partir du 5 avril, pour une durée de quatre semaines.

La situation sanitaire s’améliore ensuite, et la plupart des établissements scolaires rouvrent le 3 mai. Le 19 mai, les terrasses des cafés et des restaurants accueillent du public, ainsi que les commerces, les lieux culturels, les universités, mais avec des effectifs limités. Le 9 juin marque une étape décisive dans l’allègement des mesures prises pour lutter contre la pandémie : réouverture des frontières, assouplissement du télétravail, report du couvre-feu à 23 heures, réouverture des salles de restaurant et de café (avec effectifs limités à l’intérieur, sans limitation en terrasse). Le 17 juin, le port du masque n’est plus obligatoire à l’extérieur, sauf rassemblements. Le 20 juin, le couvre-feu prend fin.

En dehors du personnel de santé auquel elle s’applique (à partir du 16 octobre), l’obligation vaccinale ne sera pas imposée à la population générale au cours de l’année 2021. Mais force est de constater que les activités des non-vaccinés seront de fait restreintes avec la création d’un « passe sanitaire » au mois de juin. Celui-ci consiste en une preuve de « parcours vaccinal complet », d’une guérison récente de la Covid-19 ou de non-contamination (résultat de test PCR ou antigénique très récent). Le 9 juin, le passe devient obligatoire pour participer à des événements accueillant plus de 1 000 personnes, le 21 juillet pour tout lieu ou manifestation en rassemblant plus de 50. À partir du 9 août, il doit être présenté pour accéder aux « lieux de convivialité [dont les cafés, les restaurants et leurs terrasses], lieux de santé, transports publics longue distance et centres commerciaux supérieurs à 20 000 mètres carrés dans les départements ayant un fort taux d’incidence du virus ». Le 30 août, il devient obligatoire pour les personnes intervenant dans les lieux où le public doit le présenter.

Le gouvernement a fait le choix d’une forte incitation à la vaccination, ce qui s’est avéré efficace  : à la fin décembre, 76,7 % des personnes résidant en France (environ 91 % des plus de 18 ans) avaient reçu deux doses de vaccin et 78,3 % au moins une dose (environ 93 % des plus de 18 ans). En fin d’année, de nombreuses personnes reçoivent une troisième dose, condition nécessaire pour disposer, à partir de la mi-janvier 2022, d’un passe sanitaire – censé se transformer en « passe vaccinal », la vaccination devant devenir obligatoire pour certaines activités. Environ un dixième de la population adulte est tout de même resté réfractaire à la vaccination. Dès l’été, une opposition minoritaire mais résolue s’exprime contre le passe sanitaire. Des cortèges défilent le samedi, au sein desquels se côtoient « antivax », courants complotistes et une partie de l’extrême droite, mais aussi des manifestants se réclamant de la gauche ou des gilets jaunes (ou non marqués politiquement) qui critiquent avant tout des mesures qu’ils jugent liberticides, sans forcément s’opposer au principe du vaccin. C’est aux Antilles, en particulier en Guadeloupe en novembre, que la contestation de la politique sanitaire du gouvernement est la plus forte – grève contre l’obligation vaccinale des soignants, manifestations violentes, blocages… – ce qui, au-delà de cette question, révèle une grande défiance par rapport au pouvoir politique, accusé d’avoir laissé par le passé se propager les ravages du chlordécone et de ne pas prendre en compte la dégradation de la situation socio-économique de l’île.

En fin d’année, en tout cas, les formes les plus graves de la Covid-19 se déclarent en grande majorité parmi les non-vaccinés. La période des fêtes est marquée par la propagation fulgurante du variant omicron sur lequel les connaissances sont encore incertaines.

2. Reprise économique et creusement des inégalités

L’année n’en reste pas moins marquée par un contexte général de nette amélioration des indicateurs économiques, qui n’efface pas les conséquences de la crise sanitaire (plus de 8 % de récession en 2020). En fin d’année, l’OCDE estime la croissance française de 2021 à 6,8 %, l’INSEE à 6,7 %. Ces résultats relativement bons doivent beaucoup au soutien apporté par l’État à la demande intérieure – aides aux ménages et aux entreprises, à l’investissement… –, mais qui pèse sur le déficit et l’endettement public – la dette publique s’établirait à environ 115 % à la fin de l’année. Quant au taux de chômage, il reste stable (environ 8 % à la fin du troisième trimestre, soit le même niveau qu’en 2019). Le chômage de longue durée augmente toutefois légèrement (2,4 % au troisième trimestre, soit 0,2 % de plus qu’à la fin de 2019). Les conjoncturistes espèrent une diminution du chômage en 2022, dépendante des suites de la crise sanitaire. Quant aux difficultés du commerce mondial, elles aggravent le déficit du commerce extérieur, l’un des points faibles de l’économie française.

L’INSEE estime le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France à 9,3 millions de personnes (14,6 % de la population française), dont au moins 2 millions en situation de grande pauvreté. Au-delà de ces chiffres bruts qui sont restés stables pendant la pandémie – sans doute en partie grâce aux aides de l’État –, plusieurs études signalent une augmentation de la précarité. En 2020, le nombre de personnes inscrites à l’aide alimentaire avait ainsi augmenté de près de 11 %. Parallèlement, le taux d’épargne atteint des niveaux record : les 20 % des ménages les plus aisés concentrent 70 % du surplus d’épargne accumulé pendant le début de la crise sanitaire. Enfin, l’augmentation des prix de l’énergie et le retour d’une inflation dont la plupart des pays occidentaux avaient perdu l’habitude, en France comme dans d’autres pays, font craindre une érosion du pouvoir d’achat.

3. Une contestation politique larvée

Les débats politiques de l’année sont centrés autour de la gestion de la crise sanitaire et de la critique, plus ou moins appuyée, de certaines des mesures du gouvernement. En septembre, la question se déplace vers le champ judiciaire quand la Cour de justice de la République met en examen Agnès Buzyn, ministre de la Santé jusqu’en février 2020, pour « mise en danger de la vie d’autrui » – elle a reconnu avoir laissé le public dans l’ignorance des dangers réels du coronavirus. Les polémiques sur la gestion de la crise viennent d’horizons divers, sans doute en raison de la voie médiane choisie par le gouvernement pour affronter la crise. Certains lui reprochent une gestion trop « autoritaire », ainsi que la limitation des libertés. D’autres trouvent imprudentes des mesures qu’ils ne jugent pas assez restrictives, notamment quand il maintient coûte que coûte les écoles ouvertes. La droite s’offusque de la dérive des dépenses publiques et de l’accroissement de la dette provoqués par le fameux « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron, tandis qu’une partie de la gauche dénonce l’abandon des plus démunis, des jeunes et des étudiants.

Dans ce contexte, le dernier volet de la réforme de l’assurance-chômage, engagée deux ans plus tôt, mis en place le 1er décembre – baisse des allocations pour une partie des chômeurs, réduction du temps d’indemnisation – s’attire les critiques de la gauche et des syndicats. L’état général des services publics français continue d’inquiéter : état de l’hôpital bien sûr – la pandémie a mis ses grandes faiblesses au premier plan –, mais aussi de la police et de la justice. Un « Beauvau de la sécurité » se tient de février à septembre. En octobre s’ouvrent des « états généraux de la justice » dans une ambiance tendue. Environ 3 000 magistrats dénoncent leur manque de moyens et une « justice maltraitante ». Par ailleurs, fait inédit, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti est mis en examen en juillet pour « prise illégale d’intérêts », ce qui le fragilise vis-à-vis de magistrats peu convaincus par les différentes réformes de la justice du quinquennat.

4. Un petit vent de réformes

En 2021, Emmanuel Macron tente de ranimer les ambitions réformatrices du début de son mandat.

En juillet, il renonce au référendum sur le climat qu’il avait annoncé au profit de la loi Climat et résilience du 22 août – la gauche soulignera le recul du texte par rapport aux ambitions affichées. La loi du 24 août dite de « lutte contre le séparatisme » est censée « apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical ». Elle est l’occasion de discordes jusqu’au sein de la majorité, évoquant les polémiques qui, en février, avaient suivi les propos de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, réclamant au CNRS – qui s’y était refusé – une enquête sur « l’islamo-gauchisme » dans l’université. En octobre, Emmanuel Macron présente un plan d’investissement « France 2030 » dont le but est de « faire émerger les futurs champions technologiques de demain ». Après un moment d’hésitation, il annonce en novembre un plan de relance du nucléaire, destiné à répondre aux défis de l’indépendance énergétique du pays et de la lutte contre le changement climatique.

La réforme de la haute fonction publique de novembre, si elle n’a pas de conséquences immédiates, en aura cependant d’importantes à long terme. Un corps unique d’administrateurs de l’État « plus ouvert » est créé. Il remplace seize anciens corps de hauts fonctionnaires. L’École nationale d’administration (ENA) est supprimée et remplacée par un Institut national du service public (INSP) à vocation plus large. La réforme des retraites et le projet d’extension du régime de base de la sécurité sociale (diminution de la part prise en charge par les mutuelles) annoncé par le ministre de la Santé, Olivier Véran, sont quant à eux reportés à l’après-présidentielle de 2022.

5. Une année électorale sans bouleversements

Reportées de trois mois en raison de la crise sanitaire, les élections régionales et départementales se tiennent les 20 et 27 juin 2021. La participation est généralement assez faible pour ce type d’élections, mais l’abstention est cette fois exceptionnelle. Le recul de la participation est très fort par rapport à 2015 : pour les élections départementales de 16,9 % au premier tour, de 15,6 au second ; pour les régionales de 16,6 % au premier tour, de 23,7 au second. Le phénomène a certainement des causes multiples : campagne électorale entravée par la crise de la Covid-19, offre politique jugée insatisfaisante, absence d’enjeux déterminants perceptibles, lassitude après plus d’un an de crise sanitaire… Le fait est que les élections sont marquées par une stabilité des forces politiques locales.

France : abstentionnisme aux élections régionales, cantonales (1982-2011) et départementales (2015-2021). Les abstentions sont exprimées en pourcentage des inscrits.

France : élections régionales 2021. À l'issue des élections régionales de 2021, la carte politique métropolitaine reste inchangée. La Guyane, La Réunion et la Martinique passent à gauche.

Les élections départementales – renouvellement de 94 conseils départementaux et de l’assemblée d’Alsace, élection de 4 108 conseillers départementaux – se soldent pour la droite par un gain net de deux présidences de département, pour la gauche par une perte nette de deux présidences, pour le centre par le maintien de ses quatre présidences. Le Parti communiste (PCF) perd la seule présidence qu’il détenait encore (Val-de-Marne). Outre le Val-de-Marne, quatre autres départements basculent à droite : Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche, Finistère et Puy-de-Dôme. En revanche, la gauche remporte deux départements gérés par la droite : Charente et Côtes-d’Armor. Quant au parti d’Emmanuel Macron, il gagne deux présidences : l’Eure et la Guadeloupe – la GUSR (Guadeloupe unie, solidaire et responsable) étant affiliée à LRM. Quant au Rassemblement national (RN), il n’obtient aucun département, échouant de peu dans les Pyrénées-Orientales. Il perd six sièges dans l’Aisne et quatre des six sièges qu’il avait conquis dans le Pas-de-Calais en 2015.

Aux élections régionales – qui concernent au total les sièges de 1 757 conseillers régionaux (pour les 12 régions métropolitaines, la Guadeloupe et La Réunion) et de 153 conseillers territoriaux (pour la Corse, la Martinique et la Guyane) –, la droite perd 34 sièges, la gauche en gagne quatre et l’extrême droite en perd 106. En métropole, la carte électorale de 2021 ressemble à celle de 2015, mais la Guyane, La Réunion et la Martinique passent à gauche. Ces élections sont un échec pour LRM, qui ne parvient pas à imposer ses candidats. Mais le principal perdant du scrutin est le RN, qui perd plus de 40 % de ses sièges et ne remporte aucune région, notamment en raison d’une consigne de front républicain en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Un autre scrutin important se déroule à la fin de l’année en Nouvelle-Calédonie. Conformément aux accords de Nouméa du 5 mai 1998, les Néo-Calédoniens se rendent aux urnes pour un troisième et dernier référendum d’autodétermination le 12 décembre 2021. Comme en 2018 et en 2020, l’indépendance est rejetée. Le « non » l’emporte à 96,5 % des suffrages (56,4 % en 2018 et 53,26 en 2020). Mais le taux d’abstention est de 56,13 %. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) avait en effet demandé le report du scrutin, en raison de la situation sanitaire et sociale du territoire. Le report lui ayant été refusé, le FLNKS avait appelé au boycott du référendum. Les indépendantistes dénient toute légitimité au résultat ; le gouvernement défend quant à lui la stricte légalité d’un processus issu des accords signés en 1998. Indéniablement légal, le scrutin ouvre cependant une période d’incertitude pour la Nouvelle-Calédonie.

6. La droite sous la pression de l’extrême droite

Après une année d’exposition au grand jour des rivalités entre dirigeants ou ex-dirigeants du parti Les Républicains (LR), la droite finit par trouver un accord en vue de la tenue d’un congrès tenant lieu de « primaire fermée », interne au parti. Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, longtemps persuadé de ses capacités à rassembler la droite sur son nom, et la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse ne sont plus membres de LR, mais le réintègrent à cette occasion. L’élection se tient du 1er au 4 décembre 2021. Les quatre débats télévisés organisés pour l’occasion montrent qu’il y a peu de différences programmatiques entre les candidats. Les principaux thèmes abordés sont l’immigration, la sécurité, l’Europe, mais aussi la relation transatlantique – en septembre, un contrat de vente de sous-marins français à l’Australie a été rompu par Canberra au profit des États-Unis. Les candidats Éric Ciotti et Xavier Bertrand se distinguent par une ligne assez favorable au régime russe et plutôt réservée, sinon hostile, envers l’alliance atlantique et l’OTAN. Il est indéniable que le surgissement en cours d’année de la candidature – putative en juin, officielle en novembre – d’Éric Zemmour, polémiste médiatique d’extrême droite, a lourdement pesé sur les thèmes abordés par chacun des candidats LR. Soucieux de « coller » aux thèmes de prédilection du polémiste, tout en tentant de paraître plus respectables, les candidats de la droite ne donnent guère de précisions sur leur programme, notamment sur les questions économique, sociale, éducative ou environnementale.

Xavier Bertrand et Michel Barnier, l’ancien négociateur du Brexit, étaient considérés comme les favoris du scrutin par la plupart des observateurs. Pourtant, ce sont Éric Ciotti (25,59 %) et Valérie Pécresse (25 %) qui accèdent au second tour. La ligne très « droitière » du premier a profité du phénomène Zemmour. En outre, la moitié des électeurs sont de nouveaux adhérents, ce qui explique en grande partie le démenti subi par les prévisionnistes. À l’issue du second tour, c’est Valérie Pécresse, plus modérée, et à laquelle se sont finalement ralliés les candidats malheureux et les principaux caciques du parti, qui remporte le scrutin avec plus de 60 % des suffrages. Quant à l’ancien président Nicolas Sarkozy, toujours populaire parmi les sympathisants du parti qu’il a fondé – malgré sa condamnation en septembre, en première instance, à un an de prison ferme dans l’affaire Bygmalion –, il ne donne aucune consigne de vote à l’occasion de ces primaires. L’incertitude sur le candidat qu’il choisira de soutenir en 2022 reste donc entière.

À l’extrême droite, Marine Le Pen est sortie affaiblie des élections régionales et continue de pâtir de la mauvaise gestion financière de son parti. À partir de l’été, Nicolas Dupont-Aignan et surtout Florian Philippot (ancien numéro deux du Front national) tentent de profiter des mouvements de protestation contre le passe sanitaire pour occuper l’espace médiatique. Dans ce contexte intervient la candidature d’Éric Zemmour. Fin juin, une importante campagne d’affiches « Zemmour président » ouvre le banc. Longtemps qualifié de « probable candidat », Zemmour se déclare officiellement en novembre, à la veille des primaires de la droite, dans une vidéo crépusculaire postée sur les réseaux sociaux. Plutôt proche de Jean-Marie Le Pen, largement promu, dès avant sa candidature, par la chaîne CNews, propriété du milliardaire Vincent Bolloré, Zemmour était avant tout connu pour ses positions brutales sur l’immigration et l’islam, sa misogynie, son anti-européisme viscéral et ses remises en cause de vérités historiques élémentaires – en particulier la participation spontanée du régime de Vichy à la déportation des juifs de France. Il avait d’ailleurs été condamné à plusieurs reprises pour provocation et incitation à la haine raciale. Zemmour s’attache le soutien d’autres personnalités d’extrême droite, telles que Philippe de Villiers, ainsi que de groupes, parfois violents, situés à la droite du RN. Il dépasse un temps Marine Le Pen dans les sondages, mais la popularité de celui qui est aussi la « personnalité la moins aimée des Français » s’effrite en fin d’année.

7. L’éternelle division de la gauche ?

Les rivalités au sein de la gauche sont tout aussi marquées qu’à droite, si ce n’est plus. Tant et si bien qu’à la fin de l’année, rien ne semble pouvoir l’empêcher de partir divisée à l’élection présidentielle.

Le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, incapable de renouer avec la popularité dont il avait bénéficié lors de la présidentielle de 2017, exclut toute forme d’alliance, si ce n’est par le ralliement des autres candidats à sa bannière. En septembre, le député européen Yannick Jadot, tenant d’une « écologie de gouvernement », devient le candidat d’Europe Écologie-Les Verts (EE-LV). Il est élu au second tour d’une primaire avec 51,03 % des voix, face à Sandrine Rousseau, partisane d’une ligne plus radicale. Les divergences internes du parti et les positions radicales des candidats du premier tour (Éric Piolle, Delphine Batho) expliquent un résultat serré qui le fragilise. Sa candidature ne décolle pas et il plafonne entre 6 et 8 % dans les sondages.

En septembre, l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande, Arnaud Montebourg, annonce sa candidature sur un programme de réindustrialisation du pays et de rupture avec les critères de convergence européens. Il est persuadé de pouvoir bénéficier de la révélation des faiblesses économiques du pays dévoilées par la crise sanitaire, mais sa candidature solitaire ne fait qu’ajouter à la confusion. La maire de Paris, Anne Hidalgo, devient en octobre la candidate du Parti socialiste, à l’issue d’une primaire remportée avec plus de 72 % des suffrages. Stagnant dans les sondages à 4 % des intentions de vote, elle propose la tenue d’une primaire ouverte à toute la gauche en décembre. Soutenue par Montebourg, sa proposition est rejetée par LFI, EE-LV et le Parti communiste – qui soutient de son côté son propre candidat, Fabien Roussel, député du Nord et premier secrétaire national du PCF. Cette année décidément bien confuse pour la gauche s’achève sur une vidéo de Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux de François Hollande, dans laquelle elle « constate l’impasse » et où elle annonce qu’elle « envisage d’être candidate à la présidence de la République ».

8. La mémoire au cœur du politique

Particulièrement goûtée par le président de la République, la « politique de la mémoire » est intense au cours de l’année 2021.

À la suite du rapport de la commission présidée par l’historien Vincent Duclert, le chef de l’État se rend à Kigali le 27 mai pour reconnaître la « responsabilité accablante » de la France dans le génocide rwandais, tout en se refusant à employer le terme de « complicité ».

L’Algérie reste au cœur de la mémoire française. En janvier, l’historien Benjamin Stora remet à Emmanuel Macron un rapport sur « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». Le président de la République s’inspire ensuite de plusieurs recommandations de ce rapport. En mars, il reconnaît la responsabilité de la France dans l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel en 1957. En mars également, afin de faciliter le travail des historiens, il annonce un accès simplifié aux archives classifiées de plus de cinquante ans. En décembre, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, complétera la mesure par l’annonce de l’ouverture, avec quinze ans d’avance, des archives judiciaires de la guerre d’Algérie. En septembre, Emmanuel Macron « demande pardon » aux harkis et leur promet une loi dite « de reconnaissance et de réparation ». En octobre, à propos du massacre d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, il dénonce des « crimes inexcusables » et déclare sans ambiguïté qu’ils ont été commis sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon. Certains regrettent cependant que l’expression « crime d’État » ne soit pas utilisée. Le mois d’octobre est aussi marqué par les propos moins consensuels du président de la République qui, en affirmant que l’Algérie indépendante s’est construite sur « une rente mémorielle » et sur un discours de « haine de la France », provoque un incident diplomatique avec l’Algérie.

L’année mémorielle est également marquée par le bicentenaire de la mort de Napoléon, occasion pour beaucoup d’évoquer les pages sombres du premier Empire, en particulier le rétablissement de l’esclavage. Plus consensuelles ont été les cérémonies d’hommage à Hubert Germain – dernier compagnon de la Libération, mort le 12 octobre à l’âge de cent un ans –, et à Joséphine Baker, qui a fait son entrée au Panthéon le 30 novembre.

9. Quelle prise de la France sur le monde ?

Le président de la République avait prononcé de vibrants plaidoyers en faveur de l’universalité des droits de l’homme et des « défenseurs de la liberté » à la tribune des Nations unies en 2017 et en 2018. Les critiques des organisations des droits de l’homme ne l’ont pas épargné en 2021. On lui reproche une attitude trop restrictive en matière d’accueil des réfugiés et un traitement parfois brutal des migrants – en particulier à Calais –, mais aussi des prises de position internationales peu offensives. En effet, il ne dénonce pas explicitement la violente répression de l’opposition à Hong Kong et, bien qu’il ait condamné, en septembre 2020, les crimes contre l’humanité – sans employer le terme – commis par le régime chinois dans le Xinjiang contre les Ouïgours, les comptes rendus d’un entretien du président avec Xi Jinping en février ne mentionnent pas la question. Devant le pouvoir russe, Emmanuel Macron reste depuis plusieurs années dans une sorte d’entre-deux. D’un côté, il dénonce les actes d’agression ou d’intimidation du Kremlin, la violation de certains droits fondamentaux – sans toutefois dénoncer les crimes de guerre russes. De l’autre, il cherche à maintenir une possibilité de dialogue avec Moscou. En juin, Angela Merkel et lui vont jusqu’à proposer la tenue d’un sommet réunissant l’Union européenne et la Russie, ce qui provoque les vives protestations des pays de l’Europe centrale et orientale. Enfin, le texte de « Présentation de la présidence française du Conseil de l’UE » de décembre prévoit des initiatives pour préserver les Balkans occidentaux des influences russe, chinoise ou turque, mais il ne dit pas un mot de la menace russe sur l’Europe centrale et orientale, et en particulier sur l’Ukraine.

Les ventes d’armes de la France dans le monde arabe font aussi l’objet de vives critiques : vente en mai de 30 avions Rafale à un régime égyptien de plus en plus répressif ; en décembre de 80 Rafale aux Émirats arabes unis, coresponsables avec l’Arabie Saoudite de frappes contre les civils au Yémen. En décembre, le président rend une visite officielle au prince héritier saoudien Mohammed ben Salman, alors que celui-ci est considéré par la CIA comme le commanditaire de l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi en 2018, au consulat saoudien d’Istanbul. Quelques jours après la rencontre, l’affaire s’invite d’ailleurs dans le débat public, lors de l’interpellation d’un des assassins présumés du journaliste – finalement remis en liberté en raison d’une probable erreur sur la personne (homonymie) – à l’aéroport de Roissy–Charles-de-Gaulle. Quant aux initiatives françaises au Liban et en Libye, elles sont loin de porter leurs fruits.

C’est en Afrique que se situe l’un des principaux défis du président. Un soin particulier est d’ailleurs consacré à l’organisation du sommet Afrique-France d’octobre, à Montpellier, où l’Élysée reçoit des représentants de la jeunesse et de la société civile plutôt que des chefs d’État, ce qui est diversement apprécié. En juin, Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane au Sahel « en tant qu’opération extérieure » et le redéploiement de « forces spéciales structurées » – opération Takuba où la France serait associée à des « forces africaines, européennes, internationales ». Malgré plusieurs opérations réussies contre des groupes djihadistes, la menace terroriste reste en effet élevée dans la région, quand elle ne s’aggrave pas. À l’automne, des manifestations contre la présence française se multiplient dans les pays du Sahel, où l’influence de Moscou se fait de plus en plus sentir. Les milices russes du groupe Wagner (également impliqué en Ukraine, en Syrie, ailleurs en Afrique…) se déploient, en particulier au Mali et en République centrafricaine, sur la demande des gouvernements des pays concernés.

L’année 2021 est aussi marquée par une dégradation des relations entre la France et le Royaume-Uni – mise en œuvre