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Retour sur l’année politique et économique mondiale de 2023 avec ce Grand Article Universalis.
Deux comptes-rendus portant sur l'année économique mondiale et l'année politique française sont accompagnés d'une chronologie détaillée des événements politiques, des conflits, des faits économiques et sociaux survenus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023.
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Les fortes turbulences du début des années 2020 – pandémie, guerre en Ukraine, puis, à la fin de 2023, conflit israélo-palestinien – ont pour toile de fond des bouleversements majeurs : le changement climatique et la nouvelle révolution numérique née des progrès de l’intelligence artificielle, tous deux nécessitant d’énormes capitaux.
Le commerce mondial et les évolutions des économies nationales sont donc marqués par les séquelles de la pandémie de Covid-19, par les premières conséquences de la guerre en Ukraine, auxquelles s’ajoutent les perturbations dues à l’inflation et les effets des vigoureuses politiques monétaires destinés à lutter contre celle-ci.
Prix à la consommation dans le monde (2021-2023). Après une très forte inflation en 2022, de nombreux pays ont connu en 2023 un repli – plus ou moins marqué – de la hausse des prix (désinflation), sauf le Japon, pays pourtant traditionnellement de faible inflation, l'Afrique et le Moyen-Orient (source : FMI World Economic Outlook, oct. 2023).
Le commerce mondial est affecté dans son rythme et dans sa configuration, et a fortement ralenti sa progression, de 2,7 % en 2022 à 0,8 % en 2023. Cette réduction est plus marquée que celle de la croissance mondiale, qui passe de 3,5 % à 3 %, en raison d’une dynamique affaiblie des échanges portant sur les biens de consommation durables et les biens d’investissement. Les origines de cette relative stagnation sont multiples : à la fois économiques, avec l’inflation et l’élévation des taux d’intérêt, et géopolitiques, avec la fragmentation des flux commerciaux. La mise en place de nouveaux obstacles aux échanges, principalement les sanctions occidentales vis-à-vis de la Russie, atténue la dimension internationale des chaînes d’approvisionnement, sans toutefois la remettre en cause.
Croissance du PIB mondial (2021-2023). La croissance mondiale est moins forte en 2023 qu'en 2022, à l'exception notable de la Chine, de la Russie et, dans une moindre mesure, du Brésil (source : FMI World Economic Outlook, oct. 2023).
Solde de la balance des paiements au niveau mondial (2021-2023). Les États-Unis sont le seul pays parmi les économies avancées avec un solde de la balance des paiements négatif. La situation de la Russie et du Moyen-Orient, gros exportateurs d'hydrocarbures, s'est beaucoup dégradée (source : FMI World Economic Outlook, oct. 2023).
Si la pandémie avait montré l’importance des chaînes de production mondialisées des biens manufacturés, la guerre en Ukraine repositionne au premier plan le commerce des produits de base. La perturbation des marchés de combustibles et de céréales a engendré une insécurité alimentaire et énergétique dans de nombreux pays, ainsi qu’une hausse des prix, puis entraîné une redistribution des échanges. L’offre des produits de base est concentrée dans quelques pays, alors que la demande est mondiale ; d’où l’importance de la fluidité des échanges commerciaux.
Par ailleurs, face à l’inflation, la plupart des banques centrales ont mené des politiques strictes de resserrement monétaire aboutissant à une hausse des taux d’intérêt. Le renchérissement du crédit pèse sur l’investissement des entreprises et le niveau de production ; l’investissement immobilier est d’autant plus touché que les ménages disposent d’une épargne faible, notamment dans les pays occidentaux. Le tissu industriel commence à être fragilisé par la raréfaction du crédit. Les autorités monétaires, confrontées au dilemme classique entre assurer la stabilité des prix ou maintenir le niveau de croissance, accordent la priorité à la lutte contre l’inflation.
Dans ce contexte, seul aspect positif, le chômage reste globalement faible, sans toutefois que cela entraîne de fortes hausses salariales. En conséquence, d’une part, les salaires réels ont tendance à baisser, en raison de la hausse des prix, et, d’autre part, ne redoutant pas une détérioration de la situation de l’emploi, les décideurs monétaires sont encouragés dans la lutte contre l’inflation.
En ce qui concerne les relations internationales, le groupe des BRICS (initialement Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), réuni à Johannesburg en août 2023, a décidé de s’élargir. Sur 22 candidats, 6 ont été retenus : Argentine, Iran, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Égypte et Éthiopie ; toutefois, le président argentin Javier Milei, élu en novembre 2023, très proche des États-Unis, a déclaré ne pas donner suite pour son pays. Cet élargissement – prenant effet le 1er janvier 2024 –, qui crée un ensemble représentant 46 % de la population mondiale et plus du tiers de la production mondiale, est l’expression du recul du clan occidental ; il est aussi le théâtre de la rivalité entre la Chine et l’Inde, et du recul de la Russie. La réunion de Johannesburg réaffirme le rôle de la Nouvelle Banque de développement (New Development Bank), parfois appelée BRICS Development Bank, censée constituer une alternative aux institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), mais qui peine à se développer en raison de la guerre en Ukraine et des sanctions occidentales qui en découlent.
Part de la production mondiale et de la population mondiale par groupes de pays en 2023. La part des pays avancés dans la production mondiale est le triple de leur part dans la population mondiale, alors que celle des pays émergents et en développement représente à peine plus des deux tiers de leur part dans la population (source : World Economic Outlook 2023 ; Navigating Global Divergences).
Par ailleurs, le changement climatique, dont les conséquences ne cessent de s’amplifier, est au cœur des tensions commerciales entre l’Union européenne (UE) et les pays en voie de développement. L’UE, qui tente de mettre en place une forme de protectionnisme vert, se heurte à de fortes résistances, qu’il s’agisse de la taxe carbone ou des négociations avec le Mercosur. La déclaration finale de la COP 28 (Dubaï, décembre 2023) mentionne, quant à elle, pour la première fois dans une Conférence des parties sur les changements climatiques, que les parties sont convenues de « s’éloigner (movingaway) progressivement des combustibles fossiles dans le secteur de l’énergie d’ici à 2050 », cet objectif n’étant pas contraignant.
En octobre, l’accord européen sur une taxe carbone aux frontières commence à s’appliquer, son objectif étant d’éviter la délocalisation de la production manufacturière européenne vers des pays aux normes environnementales moins strictes. Le dispositif s’applique principalement au fer et à l’acier, au ciment, à l’aluminium, aux engrais et à l’électricité. Dans un premier temps, les importateurs doivent déclarer les émissions liées à la production du produit importé, les premiers paiements devant intervenir en 2026, de manière graduelle. Cet accord suscite de vives réactions de la part des pays exportateurs ; le ministère sud-africain du Commerce, de l’Industrie et de la Compétitivité, par exemple, déplore un mécanisme qui « transfère le coût du changement climatique sur les économies en développement » et « fait porter un fardeau injuste sur nos pays et nos industries », alors que « la forte dépendance de ces pays aux exportations de matières premières, qui sont ensuite valorisées dans des pays tiers, est un héritage historique qui leur a été imposé ».
Ce conflit entre une Europe promouvant un protectionnisme vert et les pays en développement se retrouve dans le cadre de l’aboutissement d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. La conclusion de cet accord, en juin 2019, après de très longues négociations initiées en 2000, avait été suspendue deux mois après à l’initiative des pays européens, en raison de la politique agressive du Brésil de Jair Bolsonaro à l’égard de l’environnement. L’enjeu est considérable puisque cette zone de libre-échange concerne près de 780 millions de personnes et représente entre 40 et 45 milliards d’euros d’échanges commerciaux. Les négociations ont repris après l’accession au pouvoir de Lula da Silva, au début de 2023. Mais, en mars, l’UE a adressé au Mercosur un protocole additionnel au texte original, prévoyant de nouvelles exigences en matière de préservation de l’environnement, qui sont perçues par les partenaires sud-américains comme des mesures protectionnistes à l’encontre de leurs produits agricoles compétitifs.
La situation américaine en 2023 met en évidence de nombreux paradoxes. Les performances sont remarquables : une économie au plein emploi et un taux de croissance de 2,1 %, dont rêveraient de nombreux pays, en particulier européens. La consommation des ménages en est le principal moteur : leur revenu est poussé par un marché du travail particulièrement dynamique alors que la désinflation commence à produire des effets positifs ; surtout, l’épargne constituée durant la pandémie de Covid-19 est disponible pour financer les dépenses.
Pourtant, les citoyens sont insatisfaits de l’inflation et le paysage financier présente des aspects inquiétants sur tous les fronts, contrastant avec les performances économiques. La politique monétaire est devenue restrictive avec des taux directeurs qui sont passés, en 2022, de 0,25 % à 4,5 %, et qui ont poursuivi leur ascension en 2023 pour aboutir à 5,5 % ; le président de la Banque centrale (Fed), Jerome Powell, considère en effet que ces taux d’intérêt élevés se justifient par une hausse des prix (3,7 %) supérieure à l’objectif (2 %). Le faible taux de chômage, porteur en principe de hausses de salaire, est ainsi évoqué pour justifier la rigueur monétaire. Les taux d’intérêt à long terme ont suivi le mouvement et, proches de 5 %, pèsent sur la charge de la dette publique.
Le déficit public, de l’ordre de 6,5 % du PIB, s’est dégradé avec la hausse des dépenses, surtout dans le domaine social et dans l’armement, et une baisse des recettes, surprenante en période de croissance, qu’il s’agisse des prélèvements sur les ménages ou sur les entreprises. La dette publique américaine poursuit sa hausse, atteignant 110 % du PIB, et la charge de la dette représente 2,4 % du PIB, obligeant le Congrès à augmenter le plafond de celle-ci en juin pour écarter la menace d’un défaut de paiement. Les agences de notation répercutent cette situation : Fitch décide en août de faire passer la note de la dette des États-Unis de AAA à AA+, invoquant la détérioration de la gouvernance des finances publiques, qu’il s’agisse des républicains ou des démocrates ; Moody’s maintient la note AAA, mais abaisse en novembre « sa perspective de note » de crédit du pays ; Standard and Poor’s quant à elle avait dégradé la note de la dette américaine dès 2011.
Votée en août 2022, la loi IRA (Inflation Reduction Act) commence à être appliquée. Joe Biden reconnaît lui-même que, malgré son nom, elle a « moins à voir avec la réduction de l’inflation qu’avec des mesures génératrices de croissance économique ». En effet, le volet baisse des prix des produits pharmaceutiques et des dépenses en énergie a un effet mineur sur l’inflation. Mais il s’agit là, surtout, d’un engagement net en faveur du climat et d’une très grande offensive industrielle à dimension protectionniste sur de nombreux produits et technologies favorisant la décarbonation : crédits d’impôt pour la production d’électricité verte, de véhicules électriques, de composants pour le solaire et l’éolien.
Les pays européens connaissent un taux de croissance faible en 2023, moins de 1 % pour la zone euro, en raison de la combinaison du choc sur les prix des matières premières l’année précédente, du resserrement du crédit et du faible dynamisme de la demande extérieure.
Après six ans de maintien d’un taux directeur à un niveau proche de zéro, la Banque centrale européenne (BCE) le fait passer à 2 % au cours du deuxième semestre de 2022, puis à 4,75 % en 2023. En fin d’année, le taux réel augmente, étant donné que le taux nominal ne change pas et que l’inflation diminue. En résultent de multiples difficultés pour le secteur immobilier, pour le financement des dettes publiques – le coût des emprunts passe de 0 % à 3,5 %, entérinant non seulement la fin du « quoi qu’il en coûte » de la période Covid-19, mais aussi celle du financement indolore de la transition énergétique – et pour les entreprises les moins productives, fragilisées par la fin des financements faciles, le groupe Casino en étant un exemple flagrant.
Dans la période consécutive à la pandémie, l’activité des entreprises au sein de l’union monétaire a d’abord été essentiellement limitée par des contraintes d’offre (équipement, main-d’œuvre). Ces freins, qui se sont quelque peu réduits, demeurent néanmoins importants, et s’y ajoute désormais un affaiblissement de la demande. L’inflation baisse mais se maintient à un niveau supérieur à la norme européenne de 2 %. Toutefois, le ralentissement de l’activité n’affecte pas le chômage qui reste à un niveau modéré.
Par ailleurs apparaissent de grandes différences entre les pays européens en raison de leurs orientations sectorielles. Les pays dont l’économie est tournée vers les services, comme l’Espagne, le Portugal et la Grèce, s’en sortent mieux, alors que d’autres, comme l’Allemagne, sont freinés par une industrie grosse consommatrice d’énergie.
Le plan de relance « NextGenerationEU », adopté par l’Union européenne en 2020, monte en puissance, bien que sa mise en œuvre enregistre un net retard à la fin de 2023 (185 Mds sur les 232 prévus à cette échéance, soit un manque de 20 %). Il est remarquable pour trois raisons : son volume, 807 milliards d’euros sur une période de six ans (2021-2026) ; son mode de financement, par des emprunts de l’UE ; sa finalité essentielle, favoriser la transition écologique et la transformation numérique de l’Union européenne en versant subventions et prêts aux États.
En réponse à l’IRA, certains États européens accordent de très importantes aides pour attirer les capitaux étrangers dans le secteur des semi-conducteurs (Intel en Allemagne, STMicroelectronics en France).
En Allemagne, l’interruption de l’approvisionnement en gaz russe n’a pas eu les conséquences catastrophiques redoutées grâce au recours à des énergies de substitution, à la réduction de la demande des ménages, et à la mise en place par le gouvernement de mesures destinées à limiter la hausse des prix et la consommation. Mais elle a contribué à une crise de la production industrielle due au ralentissement de la demande étrangère, qui représente 40 % du PIB, en particulier celle venant de Chine. Concernant spécifiquement l’industrie automobile se sont ajoutées à ces facteurs des difficultés d’adaptation aux nouvelles règles liées au changement climatique, au regain de concurrence américaine né de l’Inflation Reduction Act et au dynamisme de la production chinoise de véhicules électriques.
De surcroît, le secteur de l’immobilier, qui avait été dopé par la demande de logement liée aux flux d’immigration, enregistre également une sévère crise en raison de la hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction, ainsi que de l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. Cette crise est lourde d’effets, sectoriellement avec des faillites et une réduction de l’emploi en perspective, plus globalement en raison des conséquences sociales et du poids de la construction dans l’économie. L’Allemagne connaît ainsi une croissance négative en 2023 (–0,5 %) pour la première fois depuis 2010 (en dehors de l’année 2020), et plus faible que celle des autres grands pays européens.
Enfin, le Tribunal constitutionnel fédéral veille au respect du « frein à l’endettement », inscrit dans la Loi fondamentale et qui limite le déficit budgétaire annuel à 0,35 % (sauf cas exceptionnels), limitant ainsi la marge de manœuvre du gouvernement.
En novembre, le chancelier Olaf Scholz, à la tête d’une coalition tripartite, regroupant sociaux-démocrates, libéraux et Verts, conclut un accord avec l’opposition conservatrice, qui opère un durcissement très net de la politique migratoire, visant à réduire l’immigration irrégulière, diminuer les prestations versées aux réfugiés et augmenter l’aide fédérale aux collectivités territoriales qui gèrent les flux de migrants, rompant ainsi avec la « politique de porte ouverte » lancée par la chrétienne-démocrate Angela Merkel.
En 2023, l’économie française enregistre une croissance lente de 1 %, avec, en début d’année, un décalage entre les entreprises, dont la situation financière satisfaisante nourrit des investissements soutenus, et les ménages, dont la consommation comme l’investissement pâtissent de l’érosion du pouvoir d’achat et des taux d’intérêt élevés. Le taux de chômage reste à un niveau relativement faible, mais avec une reprise en fin d’année (7,4 % de la population active).
Deux réformes concernent le marché du travail en 2023 : d’une part, la réforme de la « contracyclicité » – qui consiste à durcir les règles d’indemnisation de l’assurance-chômage quand la situation du marché du travail s’améliore et à les assouplir quand la situation se dégrade – est entrée en vigueur malgré la désapprobation de l’ensemble des syndicats ; d’autre part, Pôle emploi est remplacé par France Travail dans l’objectif de mieux accompagner les demandeurs d’emploi ainsi que les entreprises qui veulent recruter.
En Italie, où la croissance est faible (0,7 %), Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres nommée en octobre 2022 et issue du parti postfasciste Fratelli d’Italia, a mené dans un premier temps une politique prudente dans la lignée de celle de son prédécesseur, Mario Draghi, également ancien président de la Banque centrale européenne. Le gouvernement est soumis, d’une part, à la contrainte des institutions européennes qui distribuent des ressources financières précieuses, mais accompagnées de clauses de conditionnalité, et, d’autre part, à celle des marchés, impitoyables envers un pays à fort endettement (140 % du PIB). En août, la présidente du Conseil annonce une taxe exceptionnelle de 40 % sur les « surprofits » des banques, avant de faire machine arrière face à la forte réaction des marchés. Le projet de budget, déficitaire de 4,3 % en dépit de prévisions de croissance très optimistes, ravive aussi les tensions des milieux d’affaires.
Le Royaume-Uni traverse une période difficile, caractérisée par une croissance faible (0,5 %) et un taux d’inflation élevé (5,2 %). Le taux de chômage reste très modéré, même s’il passe de 3,5 à 4,3 % entre 2022 et 2023. Les agents économiques sont fragilisés par la politique monétaire restrictive menée par la Banque d’Angleterre, dont le taux d’intérêt est passé de 1,25 % en juin 2022 à 3,5 % en décembre 2022, et atteint en août 2023 le très haut niveau de 5,25 %. Sont touchés les entreprises et les ménages ; 3,3 millions de ces derniers, dont l’emprunt immobilier à taux fixe arrivera à expiration au cours de l’année 2024, devront se refinancer à des taux plus élevés. Même des collectivités locales – dont Birmingham et certaines villes de l’environnement londonien –, dans l’incapacité d’honorer leurs dettes, sont affectées et ont recours à un mécanisme d’aide national.
En mars 2023, le Premier ministre Rishi Sunak, se réjouissant de l’autonomie donnée à son pays par le Brexit, annonce que le Royaume-Uni rejoint l’Accord de partenariat transpacifique (Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership, CPTPP) s’ajoutant aux onze pays signataires situés de part et d’autre du Pacifique (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam).
Si la croissance place en 2023 le Japon en tête des pays avancés avec un taux de 2,2 %, son taux d’inflation est soutenu, sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie et de la baisse du yen. Le rythme en est modéré par rapport aux pays de l’OCDE, mais contraste avec la stabilité antérieure : resté à l’intérieur d’une fourchette comprise entre –0,2 % et 1 % entre 2015 et 2021, il est passé à 2,5 % en 2022 et à 3 % en 2023.
Pourtant, la Banque du Japon, au contraire de la plupart des banques centrales qui mènent de rigoureuses politiques de resserrement du crédit, laisse le taux directeur à –0,1 %, inchangé depuis sept ans, bien que le yen ait perdu de la valeur, le dollar atteignant un pic de 151 yens en novembre (soit une augmentation de 16 % sur 2023).
La grande modération des salaires confirme l’exception nipponne. De manière plus marquée que dans les autres pays, le faible taux de chômage et les pénuries de main-d’œuvre n’entraînent pas de hausses de salaire. Étonnamment, Kazuo Ueda, le gouverneur de la Banque du Japon, et le Premier ministre Fumio Kishida sont amenés à exhorter les entreprises à accorder des augmentations de rémunérations.
En novembre, le gouvernement lance un large plan destiné à alléger les effets de l’inflation pour les ménages à faibles revenus : réductions d’impôt et aides mensuelles de 70 000 yens (environ 500 €).
Assez curieusement, c’est une crise immobilière qui perturbe gravement la croissance de la Chine, deuxième puissance économique mondiale au développement technologique prodigieux. Cette crise se traduit de multiples façons : contraction des ventes et des mises en chantier (baisse de l’ordre de 40 %), baisses de prix, appauvrissement des ménages propriétaires et accès à la propriété plus difficile. De plus, les promoteurs sont fragilisés, les banques enregistrent des pertes et les collectivités locales perdent une partie importante des ressources provenant des transactions immobilières. Le taux de croissance, passant de 3 % en 2022 à 5 % en 2023, se situe très en deçà des performances antérieures. Il s’inscrit dans une tendance longue et est marqué par le poids de l’immobilier dans l’économie chinoise (environ 30 % du PIB).
Le gouvernement a nettement mené une politique de lutte contre cette tendance : en faveur du secteur immobilier par un soutien de la demande de logement, et, plus généralement, par des aides fiscales à destination des ménages et des PME, une stimulation des dépenses publiques locales financées par émission de titres (en dépit d’un fort endettement) et un assouplissement de la politique monétaire (baisse des taux d’intérêt et du taux de réserves obligatoires).
En effet, à contre-courant des pays occidentaux, ce n’est pas l’inflation qui menace la Chine, mais, au contraire, la déflation, due principalement à l’atonie de la demande des ménages. Cette politique monétaire plutôt accommodante est confrontée à la faiblesse de la monnaie nationale face au dollar en raison de la différence des taux d’intérêt entre les deux pays. Le dollar enregistre un pic à 7,3 yuans en novembre 2023, soit une hausse de 8 % par rapport à janvier 2023 et de 16 % par rapport à mars 2022.
Les exportations chinoises, globalement en baisse, subissent une triple évolution : le fort ralentissement du commerce mondial ; la baisse des flux à destination des États-Unis en raison du raidissement américain initié par Donald Trump et poursuivi par Joe Biden ; un redéploiement des exportations vers d’autres destinations.
Le chômage des jeunes s’accroît, du fait d’une combinaison de deux facteurs : une contraction de l’emploi qui les touche plus particulièrement et de nouveaux comportements d’une génération plus diplômée, mais issue de formations de moindre qualité et réfractaire aux dures conditions de travail.
En dépit des sanctions occidentales, l’économie russe bénéficie en 2023 de grandes recettes pétrolières, en hausse nette par rapport à l’année précédente. Cette manne s’explique par la hausse du prix du pétrole, la recherche par la Russie de débouchés alternatifs aux marchés occidentaux, principalement vers l’Inde et la Chine, et la mise en place d’une flotte de « pétroliers fantômes » qui permettent d’échapper aux sanctions. Il en résulte un cercle vertueux : un taux de croissance inespéré de 2,2 %, soit plus de 1,5 point de plus que la zone euro, une capacité à financer un effort de guerre colossal, une forte baisse du déficit budgétaire qui allège le recours au financement sur les marchés, ainsi qu’une amélioration de la balance commerciale qui atténue les pressions sur le rouble. Par ailleurs, la Russie de Vladimir Poutine pallie les effets néfastes des sanctions occidentales sur l’approvisionnement en composants militaires par le développement d’une industrie locale, la mise en place de récupération et de réparation du matériel endommagé, le recours pour les importations à des sociétés-écrans, ainsi que l’augmentation des importations en provenance de pays amis comme la Chine, la Corée du Nord et l’Iran.
Dans ce contexte moins défavorable que prévu, l’économie russe bute sur un sérieux problème démographique. Bien que Poutine ait fait de la lutte contre le déclin démographique russe une priorité, le vieillissement et la diminution de la population se poursuivent. De plus, le départ de centaines de milliers de Russes à l’étranger, souvent très qualifiés, et la mobilisation sur le front de centaines de milliers d’autres concernent particulièrement la population active et ne sont que faiblement compensés par les multiples migrations venant en particulier d’Asie centrale et de Corée du Nord.
En dépit d’un début marqué par des tentatives de renversement de la part du clan Bolsonaro, la première année du troisième mandat de Lula da Silva s’est déroulée pour le mieux sur le plan économique. Le PIB progresse de plus de 3 %, tiré par la demande intérieure et une offre dynamique (hydrocarbures, agriculture), entraînant de bons résultats en termes d’emploi et de commerce extérieur. L’inflation recule.
Le gouvernement a mis en place une politique énergique à destination des ménages : revalorisation du salaire minimum, transferts sociaux (reprise du programme « Bolsa Familia »), renégociation des dettes des plus modestes, actions en faveur du logement (« Minha Casa, Minha Vida », « Ma maison, ma vie »), du réseau électrique rural, et de la lutte contre la faim. Il a également lancé un nouveau programme d’investissement dans les infrastructures, le troisième Programme d’accélération de la croissance (PAC, « Programa de Aceleração do Crescimento »), les deux premiers ayant été initiés sous les précédents mandats de Lula et sous celui de Dilma Rousseff. D’importants efforts pour la transition énergétique ont été entrepris sous la forme d’investissements, qui devraient atteindre 14 % du PIB, dans les secteurs des transports, de l’énergie, du logement, des écoles et des hôpitaux.
Concernant les finances publiques, deux innovations sont à noter : d’une part, une réforme fiscale visant à augmenter les recettes de TVA en déplaçant le prélèvement du lieu de production au lieu de consommation dans le but de promouvoir les échanges et la concurrence en réduisant le « dumping fiscal » entre États ; d’autre part, la limitation de la hausse des dépenses publiques et de celle du déficit primaire (hors paiements d’intérêt sur la dette). Toutefois, la dynamique de l’économie brésilienne est menacée par trois types de vulnérabilité : climatiques, affectant en particulier l’agriculture ; politiques, en raison de la fragilité de la coalition gauche-droite au pouvoir ; budgétaires, les ressources des ambitieux programmes de réforme devant être trouvées.
Le taux de croissance de plus de 6 %, qui met l’Inde en tête des performances mondiales en 2023, devant son concurrent la Chine, est tiré principalement par la consommation nationale. L’investissement est lui aussi dynamique, qu’il s’agisse de l’investissement public, par le biais de programmes phares dans les infrastructures tels que le National Infrastructure Pipeline et la National Logistics Policy, ou de l’investissement privé, stimulé par les incitations gouvernementales « Make in India » et l’amélioration de la situation financière des entreprises (désendettement et augmentation des profits). En revanche, les exportations pâtissent, comme ailleurs, du ralentissement du commerce mondial.
De nouveau, le pays s’est montré très fragile face aux événements climatiques qui ont dévasté la production agricole et renchéri le prix d’aliments de base de la population : la « crise de la tomate », en juillet, a vu le prix enregistrer un pic d’augmentation de 700 %, puis a été suivie de la « crise de l’oignon » et de pénuries sur les céréales (blé et riz). La hausse du prix de ces produits pèse d’autant plus que les dépenses alimentaires représentent la moitié du budget des ménages de référence et qu’elle affecte particulièrement les couches les plus pauvres de la population. Le gouvernement a réagi de trois façons : en allouant des subventions destinées à limiter la hausse des prix ; en interdisant ou taxant les exportations des produits alimentaires ; en encourageant les importations de tomates et de blé, en particulier par des baisses de taxe. Ce sont donc des événements climatiques qui, dans ce cas, contribuent à la mise en place de restrictions commerciales et perturbent le commerce mondial : les restrictions imposées par l’Inde, premier exportateur de riz, poussent les prix mondiaux vers le haut et affectent les pays importateurs, notamment d’Afrique subsaharienne.
La croissance en Afrique subsaharienne ralentit nettement en 2023 pour atteindre 2,7 %, contre 3,8 % en 2022 ; compte tenu du taux de croissance de la population (2,5 %), le PIB par tête ne progresse pratiquement pas. La région pâtit du faible dynamisme des grandes économies, qu’il s’agisse de l’Afrique du Sud (0,5 %) ou de l’Angola (1,3 %), pays exportateurs de produits de base victimes de la « malédiction des matières premières », alors que les pays à économie plus diversifiée (Sénégal, Côte d’Ivoire, Kenya ou Rwanda) enregistrent de meilleurs résultats. Deux zones connaissent ainsi une croissance plus forte, la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) avec une croissance de 4,9 % et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) (5,1 %). La hausse des prix ralentit, mais reste à un niveau élevé avec un taux moyen de 7,3 % en 2023, contre 9,3 % en 2022. Les pressions inflationnistes affectent les prix des denrées alimentaires et des carburants, ce qui pèse sur le revenu des ménages et, ici aussi, particulièrement sur les plus pauvres. Certains pays sont pris dans le cercle vicieux forte inflation-dépréciation de la monnaie-renchérissement des importations. De surcroît, l’instabilité politique et les coups d’État (Niger en juillet, Gabon en août) ne sont pas favorables à la vie économique, alors que les activités terroristes aux pays du Sahel ont des effets dévastateurs sur les vies humaines, les structures sociales et les moyens de subsistance. Ces pays sont particulièrement affectés par le resserrement du crédit et la hausse des taux d’intérêt qui freinent la consommation et l’investissement et, alourdissant la dette publique, réduisent encore les marges de manœuvre budgétaire et entraînent des réductions de dépenses sociales.
Les problèmes structurels demeurent en Afrique subsaharienne. Le surendettement des États s’accroît et la dette est réorientée vers des emprunts au profit de créanciers privés et de créanciers bilatéraux n’appartenant pas au Club de Paris, institution qui tente de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement de pays endettés.
La création d’emplois est insuffisante face à la croissance démographique et la qualité des emplois reste très défaillante, qu’il s’agisse des statuts – seul un travailleur sur six a un emploi salarié – ou des qualifications. L’insécurité alimentaire perdure : de nouvelles causes (multiplication des dérèglements climatiques et effets des conflits et des guerres) s’ajoutent aux facteurs anciens – héritage colonial, dans lesquels les pays exportateurs de produits agricoles sont aussi de grands importateurs en raison de leur spécialisation, conséquence néfaste de la protection des agricultures des pays riches et des dumpings alimentaires (lait en poudre, par exemple).
L’année économique 2023 est ainsi marquée par des dynamiques contrastées, positives pour les États-Unis, la Russie, l’Inde et le Brésil, ralenties pour la Chine et moroses pour l’Europe. La fragmentation des échanges s’accentue, la transition énergétique demande, outre un changement dans les mentalités, de très importants capitaux, et la rigueur monétaire fait planer de lourdes menaces.
Jean-Pierre FAUGÈRE
En 2023, l’agenda des autorités françaises est encore marqué par l’actualité internationale et ses conséquences sur la vie économique et politique du pays. À la guerre menée par Moscou contre l’Ukraine s’ajoute, à compter de l’attaque terroriste et des massacres conduits par le Hamas le 7 octobre, la violente riposte d’Israël sur la bande de Gaza. Les événements internationaux ne sont pas sans conséquence sur le sentiment d’inquiétude partagé par des Français par ailleurs confrontés à l’inflation, à une très faible croissance, à un chômage qui ne recule pas ou très peu et à une grande pauvreté de plus en plus prégnante. En outre, le pays connaît deux attentats terroristes, dont l’un coûte la vie à un professeur de lycée, et plus de quarante Français trouvent la mort dans les attentats du Hamas. Par ailleurs, de nombreux projets d’attaques terroristes d’ultradroite sont déjoués au cours de l’année, la question préoccupant de plus en plus le pouvoir.
L’opinion française s’avère de plus en plus fracturée. L’exécutif dirigé par Élisabeth Borne impose sa réforme des retraites contre une part considérable de la société française et après plusieurs mois de mobilisations syndicales exceptionnelles. Cependant, il ne doit sa victoire qu’à l’usage de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution (mars). Faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale, l’utilisation de cet article devient pour lui de plus en plus régulière et, en empêchant la représentation nationale de se prononcer, donne l’impression à un nombre croissant de citoyens qu’il gouverne contre le pays. Quant à l’adoption de son projet de loi sur l’immigration (décembre), censé répondre aux « inquiétudes des Français », le gouvernement ne peut l’obtenir qu’au prix de lourdes concessions à la majorité de droite (Les Républicains, LR) du Sénat – dans le cadre d’une commission mixte paritaire – et de la défection d’une partie importante de sa propre majorité à l’Assemblée nationale. Parallèlement, le Rassemblement national (RN), qui a voté le texte en en revendiquant la paternité idéologique, continue sa progression dans les sondages et s’impose alors comme le favori des élections européennes de 2024.
Les événements des années précédentes avaient freiné les ambitions réformatrices du chef de l’État. Après le mouvement des gilets jaunes (2018-2019), les confinements liés à la pandémie de Covid-19 (2020-2021), ainsi que les élections présidentielle et législatives de 2022, Emmanuel Macron entend reprendre le chemin des réformes. Pourtant, cette entreprise s’avère pour le moins délicate en raison de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, d’une majorité relative elle-même tiraillée entre son aile gauche et son aile droite, d’une opinion sourdement – et souvent ostensiblement – défavorable au pouvoir, ainsi que d’un camp présidentiel peinant de plus en plus à dessiner une ligne politique claire dans une France marquée par le reflux des partis traditionnels et l’affirmation de mouvements « antisystème ». Le destin des deux grandes lois (retraite et immigration) portées par l’exécutif en 2023 démontre amplement dans quelles difficultés se trouve le président pour définir et imposer sa politique.
Le projet de réforme des retraites du gouvernement provoque l’une des plus fortes mobilisations sociales qu’ait connues le pays depuis des décennies, sans être toutefois équivalente à celle qui avait marqué les réformes d’Alain Juppé à la fin de l’année 1995. Pendant toute la durée du premier semestre, les principaux syndicats français regroupés en intersyndicale – ce qui acte la rupture entre la CFDT « réformiste » et l’exécutif – prennent la tête de la contestation. Pourtant, ni les journées de mobilisation particulièrement suivies avec leurs grandes manifestations populaires, essentiellement pacifiques, sillonnant toutes les villes du pays (jusqu’aux plus petites d’entre elles), ni les déclarations de Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (dépendant directement de Matignon, limogé en octobre), affirmant que « les dépenses de retraite ne dérapent pas », ni les réticences d’une part significative des parlementaires de la droite traditionnelle, ni enfin l’opposition de la grande majorité des Français à la réforme (selon des sondages récurrents) ne font reculer le gouvernement. Finalement, l’adoption de la réforme des retraites (loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023) n’est rendue possible que grâce à l’usage de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Ce dispositif, auquel la Première ministre Élisabeth Borne aura eu recours vingt-trois fois au cours de son mandat, permet au gouvernement d’obtenir l’adoption d’un texte sans que les députés n’aient à se prononcer sur celui-ci : s’ils ne renversent pas le gouvernement, il est considéré comme adopté. Le 20 mars, la motion de censure déposée par le groupe parlementaire Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) n’est rejetée qu’à neuf voix près. La loi comporte plusieurs dispositions importantes : passage de l’âge légal de départ à la retraite à taux plein porté de soixante-deux à soixante-quatre ans d’ici à 2030, passage de la durée de cotisations requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein de quarante-deux à quarante-trois ans d’ici à 2035, suppression des principaux régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés à compter du 1er septembre 2023, indexation de la pension minimum sur le SMIC et non plus sur l’inflation… La loi aménage ces dispositions afin de permettre aux personnes ayant eu des carrières longues de partir plus tôt à la retraite. L’âge de soixante-sept ans est maintenu pour les départs en retraite sans décote pour les personnes n’ayant pas suffisamment d’annuités de cotisation. Selon le gouvernement, certaines dispositions seraient de nature à bénéficier aux femmes ayant eu une carrière hachée. Le congé parental est ainsi comptabilisé, dans la limite d’un an, pour le décompte des annuités, mais il ne permettra pas de partir à la retraite avant la date légale en cas de carrière longue.
Le projet de loi sur l’immigration a quant à lui divisé la majorité présidentielle elle-même. Plusieurs fois ajourné, finalement présenté au Sénat en novembre 2023 après bien des hésitations, le projet s’inscrit dans un contexte où les inquiétudes d’une partie des Français vis-à-vis des populations d’origine étrangère se sont trouvées exacerbées par plusieurs événements et leur traitement dans certains médias. À la fin du mois de juin, la mort d’un jeune Nanterrois franco-algérien, tué à bout portant par un policier au cours d’un contrôle routier, provoque plusieurs jours d’émeutes urbaines dans la plupart des quartiers défavorisés du pays. Le 13 octobre, le professeur de français Dominique Bernard est assassiné à Arras par un jeune islamiste originaire d’Ingouchie (une république de Russie), fiché S et en situation irrégulière. Le 19 novembre, un adolescent est tué à la sortie d’un bal populaire à Crépol (Drôme), à la suite d’une altercation entre jeunes du village et jeunes venus d’un quartier défavorisé de Romans-sur-Isère (Drôme). Le 2 décembre, un franco-iranien se réclamant de l’État islamique tue un touriste germano-philippin au couteau et blesse deux autres passants. Ces événements, sans rapport les uns avec les autres, sont abondamment exploités par l’extrême droite, une grande partie de la droite traditionnelle et un certain nombre de médias. Le président de la République et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en appellent à l’ordre et à la fermeté, tout en affirmant leur volonté de répondre aux « inquiétudes des Français », notamment à travers la loi immigration qu’ils soumettent au Parlement en fin d’année.
Le « projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » est d’abord amendé et adopté en première lecture par le Sénat – à majorité LR – dans une version plus répressive que celle initialement soutenue par le gouvernement (14 novembre). Rejeté par l’Assemblée nationale après adoption d’une motion de rejet préalable du groupe écologiste (11 décembre), soumis à une commission mixte paritaire dominée par Les Républicains, il est finalement adopté par les deux Chambres le 19 décembre, notamment grâce au vote des députés du RN. Cependant, environ un quart des députés de la majorité présidentielle votent contre ou s’abstiennent. En effet, ce texte, considéré comme une « victoire idéologique » par Marine Le Pen (RN), rompt avec nombre des principes défendus par le camp macroniste. Ainsi, cette loi – qui devra être examinée avant promulgation par le Conseil constitutionnel à la fin du mois de janvier 2024 – instaure des quotas annuels d’immigration, la possibilité de refuser un titre de séjour en cas de « rejet » des « principes de la République », le conditionnement de certaines aides sociales « non contributives » à cinq ans de séjour régulier, l’exclusion de l’hébergement d’urgence des personnes visées par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), la suppression de l’acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers (limitation du droit du sol), l’augmentation de la durée de séjour nécessaire pour obtenir un regroupement familial, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, la suppression des protections contre l’expulsion d’étrangers réguliers condamnés pour certains crimes et délits, ainsi que la légalisation des OQTF visant certaines catégories d’étrangers jusque-là protégés (enfants arrivés en France avant l’âge de treize ans, conjoints de Français). Réclamée par LR, la suppression de l’aide médicale d’État (AME, qui offre un accès limité aux soins aux étrangers en situation irrégulière) n’est pas incluse dans la loi mais, sous la pression, le gouvernement s’engage à proposer, en 2024, un texte allant dans ce sens. La victoire de l’exécutif s’avère paradoxale : comme il le souhaitait, il a obtenu l’alliance avec LR sur le vote de la loi, mais la version finale est très différente de celle qu’il défendait initialement. Le gouvernement et le président considèrent d’ailleurs qu’un certain nombre de dispositions sont a priori inconstitutionnelles et comptent sur le Conseil constitutionnel pour corriger le texte en 2024.
Le travail législatif de 2023 ne se limite cependant pas à ces deux textes sur les retraites et l’immigration. Malgré les reports successifs de la loi de programmation quinquennale énergie-climat (LPEC), l’exécutif tient à manifester son engagement dans le domaine de l’écologie et de la transition énergétique. Ainsi, le Parlement vote la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et celle du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, deux textes qui veulent combiner transition énergétique et réindustrialisation du pays. À l’issue d’un « Conseil de planification écologique » (25 septembre), Emmanuel Macron affirme sa vision d’une « écologie à la française », plus incitative que contraignante, construite autour d’objectifs mobilisateurs (installation d’un million de pompes à chaleur par an, création de « RER » dans les grandes métropoles françaises, sortie du charbon en 2027…), mais jugée trop timorée par les mouvements écologistes.
La loi relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030 du 1er août 2023 entend remédier au sous-équipement militaire de la France, dénoncé depuis plusieurs années, mais devenu flagrant pour les spécialistes après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine en février 2022. Elle prévoit un budget de 413 milliards d’euros sur sept ans, soit une hausse de 40 % par rapport à la précédente LPM.
Enfin, après avoir remplacé en juillet le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye par le ministre délégué chargé des Comptes publics Gabriel Attal – qui se dit aussitôt favorable à une expérimentation de l’uniforme à l’école –, le président affirme en août vouloir faire de l’éducation le « domaine réservé » de la présidence. À la fin du mois, à la suite d’une longue polémique médiatique sur la question, une circulaire du nouveau ministre de l’Éducation nationale interdit dans tous les établissements scolaires le port de tenues « de type abaya ou qamis », originaires du Moyen-Orient et considérées par l’exécutif comme une atteinte à la loi du 15 mars 2004 interdisant les signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. À la rentrée scolaire, environ trois cents élèves (sur 12 millions) se présentent porteuses de la tenue incriminée, la plupart acceptant d’en changer le jour même après le « dialogue » prévu par la circulaire. La publication, en décembre, du classement annuel PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves, enquête menée tous les trois ans par l’OCDE) attestant une baisse significative du niveau des élèves français en compréhension de l’écrit et en mathématiques amène Gabriel Attal à des annonces remettant en cause le collège unique (création de groupes de niveaux) et centrées autour du principe de sélection (conditionnement de l’accès au lycée à l’obtention du brevet, retour au redoublement…).
Les élections sénatoriales du 24 septembre (renouvellement de la moitié des membres du Sénat tous les trois ans) constituent l’unique scrutin de 2023. Les résultats de ces élections indirectes ne bouleversent pas les équilibres politiques à la Chambre haute. La droite sénatoriale perd quelques sièges (LR une dizaine de sièges, l’Union centriste 1 siège), mais conserve aisément la majorité. À gauche, socialistes, écologistes et communistes avaient conclu un accord et gagnent un peu moins de 10 sièges, malgré la concurrence des listes autonomes de La France insoumise (qui n’obtient pas de siège à la Chambre haute). L’ancien candidat à l’élection présidentielle d’Europe Écologie-Les Verts (EE-LV), Yannick Jadot, fait quant à lui son entrée au Sénat. Les partis proches de la majorité gouvernementale gagnent quelques sièges et le RN retrouve le chemin de la Chambre haute avec 3 élus. Sans surprise, le Républicain Gérard Larcher est réélu président du Sénat.
Plus généralement, dans la sphère politique, les partis traditionnels, affaiblis depuis les mauvais scores de leurs candidats à l’élection présidentielle de 2022 et l’arrivée en force de l’extrême droite à l’Assemblée nationale, sont à la peine. Le président des LR, Éric Ciotti, qui compte sur la candidature de Laurent Wauquiez à la présidentielle de 2027 – bien que celui-ci s’abstienne pour l’essentiel d’intervenir sur la scène politique nationale –, continue d’imposer à son parti une ligne très droitière, centrée sur la sécurité et la lutte contre la « submersion migratoire ». Sa direction est pourtant loin de faire l’unanimité au sein de son propre camp, les plus à droite des LR penchant chaque jour davantage vers le RN, les plus modérés regardant du côté d’Horizons, le parti de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe (majorité présidentielle). Par ailleurs, Éric Ciotti ne peut passer outre l’influence des deux présidents des groupes parlementaires LR – Olivier Marleix (Assemblée) et Bruno Retailleau (Sénat).
À gauche, le Parti socialiste (PS) dirigé par Olivier Faure, qui ne se relève toujours pas de son cuisant échec de 2017, semble incapable de tirer profit de la droitisation d’Emmanuel Macron et de ramener à lui une partie de son ancien électorat. Plusieurs courants continuent de s’opposer au choix d’Olivier Faure d’une alliance au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) dominée par La France insoumise (LFI). En juin 2023, Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande, lance ainsi son propre mouvement, La Convention. Sa capacité à fédérer les déçus du PS et du macronisme de gauche et à présenter sa candidature à la présidentielle de 2027 reste cependant hypothétique. De son côté, le député européen Raphaël Glucksmann (Place publique), qui avait bénéficié du soutien du PS lors des élections européennes de 2019, entend renouveler l’expérience en 2024 et attirer les électeurs qui ne se reconnaissent ni dans le Parti socialiste d’aujourd’hui ni dans les positions eurocritiques et antiatlantistes de la gauche de la NUPES, tout en bénéficiant de l’apport de voix de l’aile gauche de l’électorat d’Emmanuel Macron.
Au cours de l’année 2023, les invectives acerbes échangées entre Jean-Luc Mélenchon (qui n’a plus de mandat électif) et Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste, ainsi que le ton très polémique du fondateur de LFI vis-à-vis d’autres membres de la NUPES fragilisent l’union électorale construite à l’occasion des législatives de 2022. Elles avivent les tensions au sein même des Insoumis, partagés entre une direction fidèle au leader du mouvement (Manuel Bompard, Mathilde Panot…) et un groupe de députés assumant de plus en plus le rôle d’opposition interne (François Ruffin, Raquel Garrido, Alexis Corbière, Clémentine Autain…). Le refus par Jean-Luc Mélenchon de qualifier de « terroriste » l’attaque du Hamas du 7 octobre – au nom du « langage du droit international » – aggrave les tensions. En octobre, le Parti communiste (PC) estime devoir « tourner la page » de la NUPES et le PS se prononce pour un « moratoire » sur sa participation à la coalition. À la fin du mois de novembre, Jean-Luc Mélenchon déclare qu’« il n’y a plus de NUPES ». La sanction qui frappe Raquel Garrido en novembre – le groupe parlementaire LFI lui interdit de prendre la parole en son nom pendant quatre mois – confirme que la remise en cause de la stratégie du « bruit et de la fureur » de LFI traverse toute la gauche.
À l’extrême droite, faute de députés, Éric Zemmour occupe encore sporadiquement les plateaux de télévision, mais n’a pas de réel poids politique. Le Rassemblement national, dont la liste aux élections européennes sera dirigée par son président, le député européen Jordan Bardella, continue de progresser dans les intentions de vote (30 % selon différents sondages) et de jouer la carte de la normalisation. Selon le journal Le Monde, entre le début de la mandature et le mois de juin, le RN avait ainsi approuvé la moitié des projets et propositions de loi présentés par le gouvernement et sa majorité. Il s’abstient en outre de tout éclat de voix sur les bancs de l’Assemblée nationale (en dépit de quelques dérapages isolés).
Quant au parti d’Emmanuel Macron dirigé par Stéphane Séjourné, Renaissance, il peine à s’affirmer en tant que force politique autonome et ne parvient pas à faire émerger de nouvelles figures, comme le montrent les incertitudes sur la tête de liste Renaissance aux élections européennes de 2024 et le flou qui entoure l’éventuelle succession d’Élisabeth Borne en fin d’année, sans même parler du choix d’une personnalité susceptible de se présenter à la présidentielle de 2027. A contrario, les partis alliés de la majorité, Horizons et le Modem, semblent plus identifiés dans l’opinion, d’autant qu’ils savent faire entendre leurs différences au sein du camp présidentiel.
Dans le contexte d’une inflation élevée (5,7 % en moyenne annuelle selon la Banque de France), la croissance française est faible et devrait s’établir autour de 1 % pour l’ensemble de l’année 2023. Malgré une légère reprise de la consommation des ménages, le pays continue d’être pénalisé par ses mauvais chiffres du commerce extérieur. Dans ce contexte, le taux de chômage (7,4 % au troisième trimestre selon l’INSEE) reste élevé quoique relativement contenu.
La loi de finances initiale pour l’année 2024 estime le déficit budgétaire de 2023 à 4,9 % soit, selon l’Agence France Trésor, un montant de 172,1 milliards d’euros, ce qui porterait la charge de la dette à 55,5 milliards d’euros pour l’année. Il faut y voir la conséquence d’un déficit structurel important et de l’effet rémanent des dépenses liées à la crise de la Covid-19. Avec une dette dont le montant s’élève à 3 000 milliards d’euros, soit plus de 110 % du PIB, la France connaît une situation particulièrement délicate par rapport à d’autres pays européens. Cela pèse sur sa capacité à terme à réduire tant son déficit budgétaire que son endettement. Malgré ces résultats, l’agence Standard & Poor’s maintient la notation du pays à AA (décembre), ce qui permet à la France d’accéder à un refinancement favorable sur les marchés – dont dépend quasiment la moitié de son budget.
De manière plus inquiétante, on assiste à un fort décrochage de la productivité (–3,75 % entre le deuxième trimestre de 2019 et celui de 2023), alors que les autres pays européens connaissent une baisse moins marquée ou une amélioration. Cette évolution est largement due à une augmentation de 6,5 % des effectifs salariés quand la valeur ajoutée n’a progressé que de 2 % pendant la période considérée. Ce décrochage est encore plus spectaculaire par rapport aux États-Unis et au Canada. Il illustre un niveau d’emploi qui se maintient – en particulier pendant la crise sanitaire –, mais aussi une évolution défavorable de la croissance et des niveaux de salaire, et pourrait bien entraîner, à terme, une remontée significative de la courbe du chômage.
Cette situation ravive le désarroi des Français : pour 77 % d’entre eux, l’année 2023 a constitué une mauvaise année pour le pays. Une enquête IPSOS de décembre montre qu’ils placent en tête de leurs inquiétudes le niveau de l’inflation (52 %), les difficultés en matière de pouvoir d’achat (44 %) et l’avenir du système de santé (43 %). Toutefois, celui du système des retraites (20 %), le niveau de la dette et des déficits publics (17 %), le niveau du chômage (10 %) et les conditions de travail (9 %) ne font pas partie de leurs préoccupations principales.
Jusqu’à l’automne, la politique étrangère de la France continue d’être focalisée par la guerre en Ukraine. Si, en 2022, au début du conflit, le président de la République avait cherché à ménager la sensibilité de Moscou (pour « ne pas humilier la Russie »), le tournant pro-ukrainien de ses prises de position se confirme largement en 2023. Ce changement se concrétise dans le discours que prononce Emmanuel Macron le 31 mai à Bratislava (Slovaquie). Rompant avec ce qui était perçu comme une forme de condescendance pour les pays d’Europe centrale et orientale, il reconnaît que leurs avertissements précoces sur le danger russe n’ont pas été assez pris en compte, et que le veto franco-allemand ayant abouti au rejet d’un plan d’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN au sommet de Bucarest (Roumanie), en avril 2008, constituait une erreur. Il propose la mise en place d’une pérennisation des garanties de sécurité à l’Ukraine par l’OTAN et ouvre la porte – ce qui sera officialisé peu après – au soutien de Paris à un processus d’adhésion – qui ne peut, selon les règles de l’Alliance atlantique, aboutir en temps de guerre. Il réaffirme la responsabilité exclusive de Moscou dans l’ouverture du conflit. Ce ton nouveau est très apprécié par les principaux dirigeants et analystes des pays d’Europe centrale et orientale, qui considéraient jusque-là la France comme un partenaire peu fiable. Cette position est également saluée lors du sommet de l’OTAN de Vilnius (Lituanie) des 11 et 12 juillet 2023, car elle contraste avec l’opposition américaine et allemande à une adhésion de l’Ukraine rapide et définie dans le temps.
Ce changement de position du président français doit être lu dans une triple perspective : ambition européenne qui passe par un soutien accru à l’Ukraine et une opposition la plus dure possible aux menées russes ; prise de distance envers l’Allemagne avec laquelle les relations ne sont pas au plus haut ; affirmation d’un leadership français, à un moment où la position de Washington se fait moins offensive et devient de plus en plus incertaine, dans la perspective de la présidentielle américaine de novembre 2024. Il n’en reste pas moins que la France est loin de figurer parmi les premiers contributeurs nets à l’effort de guerre en faveur de l’Ukraine, que le projet exprimé par le président en juin 2022 de passer à une « économie de guerre » ne s’est pas réellement concrétisé et que la France fait tout au plus figure de suiviste sur des questions telles que les sanctions extraterritoriales, la confiscation des avoirs gelés de la Banque centrale russe ou le futur jugement des crimes de guerre de la Russie. Emmanuel Macron ne semble pas, en outre, avoir renoncé à l’idée de négociations entre l’Ukraine et Moscou. En revanche, Paris n’a pas ménagé son soutien à des négociations en vue de l’élargissement de l’Union européenne à l’Ukraine et à la Moldavie, telles qu’elles ont été officiellement ouvertes lors du Conseil européen de décembre.
Emmanuel Macron a continué son travail diplomatique en direction de certains pays du « Sud global », qui adoptent une forme de neutralité bienveillante envers la Russie. Ces tentatives n’ont pas été totalement couronnées de succès, notamment avec la Chine où il s’est rendu en avril. Les alliés européens de la France lui ont reproché des déclarations trop conciliantes envers Pékin, notamment sur Taïwan et les droits de l’homme, et la distance qu’il a prise vis-à-vis de Washington sur ces sujets. Il a ainsi affirmé à son retour que la « pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur [le] sujet [de Taïwan] et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ». Pourtant, dans le même temps, une frégate française patrouillait dans le détroit de Taïwan, en plein exercice de la marine chinoise. La veille du 14 juillet, la remise de la grand-croix de la Légion d’honneur au Premier ministre indien, Narendra Modi, dont la politique intérieure est de plus en plus autoritaire, a également été mal comprise.
Le président a pris des positions plus novatrices en matière de financement du développement, à l’occasion du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui s’est tenu à Paris les 22 et 23 juin 2023. Cependant, la France connaît plusieurs reculs d’importance en Afrique au cours de l’année, d’une part avec l’achèvement du retrait des troupes françaises du Mali en août, mais surtout avec le retrait de celles déployées au Niger (septembre-décembre) à la demande de la junte qui, au pouvoir depuis juillet, paraît vouloir se rapprocher de Moscou dans le sillage de Bamako et d’Ouagadougou. Fait exceptionnel, la France a également fermé son ambassade à Niamey. Par ailleurs, la France condamne le coup d’État au Gabon (30 août) qui s’est produit après l’élection contestée d’Ali Bongo pour un troisième mandat présidentiel. La réaction française reste cependant mesurée, l’opinion gabonaise, lasse de l’emprise du clan Bongo sur le pays, ayant salué favorablement le coup d’État, indépendamment de toute influence étrangère.
Dans le cadre de la guerre entre le Hamas et Israël, déclenchée par l’attaque du 7 octobre, la France entend garder une position équilibrée. D’un côté, Emmanuel Macron a montré sa pleine et totale solidarité avec Israël, notamment à l’occasion de sa visite à Tel-Aviv du 24 octobre, au point, dans un premier temps, de proposer une coalition internationale contre le Hamas sur le modèle de celle contre Daech, sans que cette idée, rapidement abandonnée, ait fait l’objet de quelque précision que ce soit. D’un autre côté, il a plaidé de manière constante pour une trêve humanitaire et un soutien à la population gazaouie prise sous le feu de Tsahal. Encore faudrait-il que cette position soit susceptible de bénéficier d’une influence réelle, compte tenu notamment de la division de l’Union européenne sur le sujet.
En France, le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas provoque une recrudescence des actes et propos antisémites : 1 518 entre le 7 octobre et le 15 novembre, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Devant cette inquiétante recrudescence, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et le président du Sénat Gérard Larcher lancent un appel à une marche apolitique contre l’antisémitisme, dont sont bannis les slogans relatifs à la guerre en cours (12 novembre). Y participent notamment la Première ministre Élisabeth Borne, plusieurs membres du gouvernement et les deux anciens présidents de la République François Hollande et Nicolas Sarkozy. La participation du RN à la manifestation, le refus de LFI d’y participer pour cette raison, entre autres, ainsi que l’absence du président Emmanuel Macron troublent la perception de l’événement.
Le 29 décembre, deux jours avant ses traditionnels vœux télévisés à la nation, le président Emmanuel Macron publie dans le journal Le Monde une tribune destinée à présenter son plan de lutte contre le changement climatique et la pauvreté, dans laquelle il appelle à une ambitieuse réforme des institutions de Bretton Woods, « à commencer par la Banque mondiale et le FMI ».
Les partis politiques classiques ne sont pas en reste, et les citoyens peinent de plus en plus à déchiffrer les grands axes et les projets dont ils sont porteurs. Quant au RN, davantage que sur son programme, il table avant tout sur l’accroissement de divers sentiments de rejet au sein de la société : rejet des populations immigrées ou d’origine étrangère, rejet de la construction européenne, rejet de l’OTAN, rejet des « élites » – celles-ci semblant de plus en plus incapables d’en prendre la mesure et d’en considérer ouvertement les causes et les conséquences…
Dès lors, les élections européennes de 2024 pourraient constituer, une fois de plus, l’occasion d’une nouvelle progression, plus que symbolique, du RN dans les urnes et de l’abstention. Pourtant, la guerre russe contre l’Ukraine a donné de nouvelles dimensions au projet européen et la crédibilité de la France sur la scène internationale repose plus que jamais sur la présence de députés au Parlement européen, susceptibles de pousser des réformes et de faire entendre une voix responsable. La politique française ne peut être considérée indépendamment des effets qu’elle produit sur la scène européenne et internationale.
Nicolas TENZER
1er janvier - Canada. Interdiction des achats immobiliers par des non-résidents.
1er janvier - Suède – Union européenne. Présidence du Conseil de l'Union européenne.
1er janvier - Suisse. Alain Berset, président de la Confédération pour un an.
1er janvier - Suisse – O.N.U. Entrée de la Suisse au Conseil de sécurité de l'ONU.
1er-5 janvier - Mexique. Évasion massive de la prison de Ciudad Juárez.
1er-10 janvier - Brésil. Assaut de milliers de militants bolsonaristes contre le siège des institutions à Brasília.
1er-31 janvier - Ukraine – Russie. Accord de Washington et Berlin pour la livraison de chars lourds à l'Ukraine.
2 janvier - Belgique. Nouvelle directive relative au traitement des accusés au procès des attentats de Bruxelles.
2 janvier - France. Non-lieu dans l'affaire du chlordécone.
2-23 janvier - Burkina Faso – France. Dénonciation par le Burkina Faso de l'accord de défense liant le pays à la France.
2-25 janvier - Union européenne – Belgique. Accord entre Pier Antonio Panzeri et la justice dans l'affaire du « Qatargate ».
3 janvier - Canada. Record d'admission de nouveaux résidents en 2022.
3 janvier - France. Enquête préliminaire contre l'ancien archevêque de Paris Michel Aupetit.
3-7 janvier - États-Unis. Élection difficile de Kevin McCarthy à la présidence de la Chambre des représentants.
3-30 janvier - Israël – Autorité palestinienne. Aggravation des tensions.
3-31 janvier - France. Forte mobilisation contre la réforme du système de retraite.
4-14 janvier - Chine. Reprise des voyages à l'étranger pour les ressortissants chinois.
4-28 janvier - Pérou. Marche vers Lima des contestataires contre le pouvoir.
5 janvier - France. « Plan d'action » du ministère de la Justice.
6 janvier - France. Plan présidentiel de réforme du système de santé.
6-12 janvier - France