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Plus que tout autre créateur artistique, l'architecte est solidaire du milieu où il vit, de la société dont il exprime le caractère, qu'il travaille en conformité avec elle ou en opposition avec son temps. La création architecturale a ses exigences qui limitent les possibilités infinies de l'imagination ; elle ne peut négliger les structures...
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Seitenzahl: 76
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ISBN : 9782341002622
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Plus que tout autre créateur artistique, l’architecte est solidaire du milieu où il vit, de la société dont il exprime le caractère, qu’il travaille en conformité avec elle ou en opposition avec son temps. La création architecturale a ses exigences qui limitent les possibilités infinies de l’imagination ; elle ne peut négliger les structures politiques, sociales et économiques dont elle n’est souvent que l’interprète pour définir et créer, en rapport avec elles, le cadre de vie adapté aux membres de la communauté. Elle n’est pas moins tributaire, sur le plan esthétique, des techniques et des matériaux. Toute l’histoire de l’architecture tend à prouver combien les formes et les décors sont liés aux matériaux et combien grandes sont les pesanteurs qui retardent l’adaptation de l’esthétique architecturale à des matériaux nouveaux, eux-mêmes liés aux ressources, aux techniques, aux croyances et aux formes de pensée d’une société ou d’un moment de civilisation. L’architecte, en ce sens, est d’abord « l’homme de son temps », l’homme d’une situation politique, d’un moment historique.
Les structures politiques, sociales et religieuses des grands empires des IIIe et IIe millénaires avant notre ère ont déterminé la fonction de l’architecte. Il n’est d’architecture que religieuse, funéraire ou princière, car le roi ou le pharaon sont d’abord les serviteurs des dieux. L’architecture est donc essentiellement religieuse et royale ; elle doit fournir au dieu et au roi le cadre où ils pourront le mieux remplir leur fonction. L’architecte ne se distingue pas des fonctionnaires chargés d’administrer le pays ; il n’a pas de fonction indépendante, et tout grand personnage, quand ce n’est pas le roi lui-même, peut prendre ou recevoir la charge de faire construire l’édifice nécessaire à l’État. Car les règles de cette construction sont fixées par les théologiens, les prêtres, les ministres du culte. Les formes extérieures, les matériaux, les décors sont déterminés par la fonction rituelle de l’édifice ; la beauté ne vient que par surcroît pour réjouir le dieu. Les textes et l’iconographie témoignent de cette confusion des rôles. À Ur et à Lagash, c’est le roi qui est représenté avec une tablette sur les genoux, portant le plan de l’édifice ; ce sont les grands fonctionnaires qui, en Égypte, reçoivent la charge de diriger les chantiers de construction. La spécialisation technique ne se trouve qu’au niveau de l’exécution. Les chefs de chantier jouent tout à la fois le rôle d’architecte et d’entrepreneur ; ils appartiennent aux mêmes catégories sociales que les tailleurs de pierre ou les maçons. Les noms connus des responsables des grands chantiers se retrouvent parmi les plus grands dignitaires du royaume. Imhotep, auteur du plus grand ensemble funéraire de Djeser, était chancelier du roi ; Inéni, qui construisit la tombe de Thoutmôsis Ier ainsi que les quatrième et cinquième pylônes de Karnak, était préfet de Thèbes et chef des greniers d’Amon. Sénenmout, l’auteur du plus grand ensemble architectural connu après Karnak, le temple de Deir el-Bahari, était grand chef des domaines d’Amon et précepteur des enfants de la reine.
Dans le monde de la cité où se développe la civilisation grecque, le rôle et la place de l’architecte sont en relation avec la vie de la communauté, de la polis.
Comme il est naturel, c’est d’abord aux progrès de la technique que sont associés les noms des premiers architectes. Toxios serait l’inventeur des techniques de construction en argile et en brique crue ; Euryalos et Hyperbios auraient introduit à Athènes l’art de construire les maisons, et Kinyras aurait imaginé les couvertures de toit en tuile ; Thrason serait à l’origine des modes d’appareillage de la pierre et Trophonios aurait inventé la technique de la taille et du polissage de la pierre. D’après Diodore, Dédale, le symbole de l’artisan et du technicien, devrait sa renommée aux progrès qu’il a fait réaliser dans la taille des statues et dans la construction des ouvrages en pierres taillées.
Le nom même d’architektôn se réfère aux techniques primitives de construction en bois, puisqu’il désigne le maître charpentier.
Tous les architectes célèbres de la période archaïque, dont le nom est associé à quelque ouvrage connu par l’archéologie, doivent leur renommée à des prouesses techniques. Chersiphron sut résoudre les difficultés posées par la mise en place des énormes architraves du temple d’Artémis à Éphèse ; Rhoikos sut trouver les moyens techniques de donner au temple de Héra à Samos les fondations nécessaires à l’édifice construit en terrain marécageux ; son confrère Théodoros inventa le tour qui permit de sculpter rapidement les bases de colonne de ce grand temple diptère. Eupalinos sut résoudre les problèmes de topographie et de nivellement posés par le creusement à travers la montagne du grand aqueduc qui alimentait Samos en eau potable.
Tous ces ouvrages étaient des constructions commandées par la communauté ; l’architecte était au service de cette communauté. Il ne pouvait être question pour un citoyen, même de haut niveau, d’utiliser un architecte pour un ouvrage privé. Un des nombreux scandales causés à Athènes par Alcibiade, à la fin du Ve siècle, fut d’avoir engagé un architecte et un peintre pour embellir et décorer sa maison.
Dès lors, la création architecturale et le rôle de l’architecte se trouvent soumis à des contraintes assez précises. Le temple grec répond à des règles et à des formes culturelles que l’architecte doit respecter. Son rôle sera, dans un type d’édifice qui lui est imposé, de trouver les proportions, les aménagements intérieurs, les formes décoratives les mieux adaptés au site, à la structure intérieure spécifique de l’édifice.
Mais quel était, dans ce cadre politique et social de la cité, le mode d’action de l’architecte ? Les textes nous permettent d’établir une nette distinction entre trois catégories d’architectes.
Au premier groupe appartiennent ceux qu’on appellerait aujourd’hui les architectes de conception, les grands « patrons ». Ce sont eux qui répondent aux appels d’offres lancés par le Conseil de la ville et par l’administration des grands sanctuaires. Ils traitent directement avec les conseils ou commissions responsables à qui ils présentent leurs projets sous forme de maquette. Leurs noms sont connus et restent attachés aux grands édifices qu’ils ont conçus : Rhoikos à Samos, Ictinos pour le Parthénon, Pythéos pour le temple d’Athéna à Priène et le Mausolée d’Halicarnasse, Scopas pour le temple de Tégée, etc. Ils sont appelés hors de leur cité, perçoivent de fortes rétributions et leur renommée est grande.
Le deuxième groupe est constitué par les architectes d’exécution ; ils sont en général fixés dans leur cité et reçoivent la responsabilité du chantier ou, mieux, d’une partie du chantier. Ainsi, pour la reconstruction des fortifications d’Athènes au IVe siècle, Callicratès est le responsable du projet, et il répartit l’ensemble des travaux en dix chantiers confiés chacun à un architecte. Ils jouent le rôle d’experts auprès de la commission des travaux, veillent au respect des devis descriptifs et autorisent les paiements. Ils restent souvent anonymes. Leur salaire n’est guère plus important que celui des ouvriers spécialisés.
Les architectes fonctionnaires forment la troisième catégorie ; ils sont choisis par l’assemblée du peuple, comme tous les techniciens ; il y a un architecte pour le sanctuaire d’Éleusis, d’autres ont la charge des remparts. Ils peuvent constituer une sorte de service d’architecture de la ville, surveillant l’application des règlements de voirie, l’implantation des édifices ; ils assurent la défense du domaine public contre les empiétements privés. Ils touchent un salaire fixe.
Quelle que soit leur fonction, les architectes jouissent d’une considération certaine dans la société ; les textes ne laissent pas de doute sur ce point. Ils font partie des catégories de techniciens privilégiés que les cités honorent. Mais les grands maîtres qui avaient coutume d’écrire des commentaires sur leurs œuvres jouissaient d’une renommée particulière. On sait par Vitruve que Rhoikos et Théodoros avaient publié un traité sur leur temple de Héra à Samos, Chersiphron sur celui d’Artémis à Éphèse, Ictinos et Carpion sur le Parthénon.