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Les années 1950 à la campagne, l'agriculture d'alors est menée par des bras vigoureux, par les chevaux et les boeufs attelés aux outils. Les solides gaillards de l'époque vivaient en ces lieux de Basse Marche et du Poitou voisin, au rythme des saisons. Puis viendront les tracteurs, le matériel lourdement mécanisé, relégant les hommes au second rang au lieu de simplement les soulager dans leur quotidien. Commence la désertification des campagnes, la fuite en avant, le progrès sans bornes. Arsène résiste et reprend la ferme de ses parents. A vingt ans il n'a peur de rien. Il se confrontera toute sa vie à la politique agricole commune, à Bruxelles, aux décisions parfois iniques de certains dirigeants. Parvenu à la retraite, il se retrouve seul, sans femme ni enfants s'apercevant un peu tard que la terre lui a tout pris. Il se voit très mal vieillir seul dans sa grande maison devenue austère. A moins que ! Parfois le hasard.
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Seitenzahl: 200
Veröffentlichungsjahr: 2017
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Christian
Male
Ecrivain régional
Du Limousin
Originaire d’un hameau typique de la Basse Marche, Christian Male est un écrivain régional qui s’attache à faire revivre les histoires et coutumes de la paysannerie Limousine et du Bas Poitou voisin. Il a déjà publié les ouvrages suivants :
Aux éditions de la Vétizou – 87130 Neuvic Entier
Fils des quatre saisons
Fernand des chaumes
Aux éditions Books on Demand – 12/14 rond point des champs Elysées, Paris 8ème
Fernand des chaumes – réédition
Amours et trahison en haut Limousin
La roulotte bleue
On l’appelait l’idiot du village
Lorsque Grand-mère me racontait – La batteuse-
Embarqué à 17 ans sur un dragueur de mines
Arsène le vieux laboureur est son petit dernier !
Dans le but de favoriser la distribution de ce livre et d’en faire profiter un maximum de lectrices et de lecteurs, il a été imprimé en gros caractères (Times New Roman calibre 22 au format 14,8 x 21) afin de faciliter la lecture aux personnes malvoyantes. L’Auteur.
Photos :
Couverture et 4ème de couverture :
collection personnelle de l’auteur.
Intérieur :
Photos de : Christian Male, auteur,
Internet/club Vendeuvre
Ass. les vieilles soupapes
Ferme de la Bernardière (Millac 86)
Collection particulière (Darvizat 87)
Je tiens à remercier ici toutes les personnes qui m’ont aidé avec gentillesse et… patience afin de faire figurer dans ce nouveau roman un maximum de photos noir et blanc d’outils et appareils agricoles ayant servi depuis les années cinquante. Il importait de montrer combien les transformations se sont développées à grande vitesse. Le progrès a été fulgurant au cours des cinquante dernières années, provoquant même le départ de centaines de milliers d’hommes vers d’autres horizons. Autant d’animaux de trait allaient connaître le chemin des abattoirs ou pour les plus chanceux une reconversion dans les métiers de loisirs…
Ces photos n’ont qu’une seule prétention : celle d’accompagner le texte et permettre avec sans doute un peu de nostalgie, de revoir les instruments chers à nos grands parents. Il est difficile de trouver aujourd’hui ces « vieilles choses » rongées par le temps qui passe, par les intempéries, la nature, les ronces et les orties qui ont depuis longtemps repris leurs droits…
Un grand merci à ces agriculteurs qui ont fait avec moi le tour de leurs bâtiments afin de me permettre de prendre quelques photographies, notamment là-bas à « La Bernardière » près de Millac dans la Vienne ou encore à Darvizat non loin de Mezières sur Issoire en Haute Vienne.
Merci à tous, très sincèrement.
Ce nouveau roman est
La continuité (tome II)
Du roman
Fils des 4 saisons
Chers lectrices,
Chers lecteurs,
Ce nouveau roman peut à juste titre être considéré comme la suite logique de « Fils des quatre saisons ». En effet, les enfants de cette époque ont fait leur vie. Certains sont devenus artisans, commerçants, fonctionnaires ou encore militaires, avocats, notaires ...
Cependant, il en est un certain nombre qui sont restés à la ferme, au pays… pour y travailler la terre. Beaucoup étaient les fils des paysans de l’époque, propriétaires de leurs fermes. Ils ont poursuivi l’œuvre familiale entreprise et se sont frottés à l’agriculture devenue de plus en plus moderne. Ils ont labouré, élevé des bovins, des ovins, souvent les deux…
Aujourd’hui tous sont retraités, avec plus ou moins de bonheur. Ils ont travaillé toute une vie comme des forçats, se pliant par obligation beaucoup plus que par volonté aux décisions européennes venues de là-bas, de Bruxelles ou de Strasbourg, bref, d’endroits où ils n’avaient jamais mis les pieds. Les affaires de la ferme ont souvent été menées avec difficulté au point que certains ont été contraints de mettre la clé sous la porte.
Le progrès, arrivé assez tardivement dans ce coin de Basse Marche et du Bas Poitou voisin, est allé si vite par la suite… trop vite, au point que celui qui ne pouvait pas suivre ce mouvement et cette cadence d’adaptation moderne, a été irrémédiablement abandonné au bord du chemin.
Il semble que ce progrès annoncé n’ait pas été bien fameux pour le paysan, ni pour personne d’ailleurs puisqu’avec lui, ont également débarqué des millions de tonnes de produits chimiques, engrais, vaccins et tous autres produits phytosanitaires déversés sur l’immensité des cultures et prairies du pays…
Il aura fallu 60 ans avant que les populations réagissent à travers le monde, que l’on accepte de parler d’erreurs, d’abus, de destruction massive de la nature, faune et flore indifféremment.
Ce roman n’est ni à visée politique ni écologique et bien pensant. C’est juste l’histoire du jeune Arsène, agriculteur né dans les années 1950, au siècle dernier ! Agriculteur comme bien d’autres – car de nos jours le mot paysan est devenu tellement péjoratif… - Un agriculteur qui a voué sa vie entière à la culture et l’élevage, à sa ferme familiale et ses hectares de bonne terre nourricière et généreuse. Il s’est battu sans jamais renoncer contre le grand système de la fameuse consommation de masse et sa cohorte d’imbécilités et d’apprentis sorciers qui entre-autre ne juraient que par l’agriculture intensive et la production du même nom, destinées l’une et l’autre à nourrir la masse…
Parvenu enfin à la retraite, il se rend compte qu’il est seul ! Ses parents ont disparu depuis bien longtemps, lui est célibataire, sans aucun enfant, comme beaucoup de ses copains paysans. Certains de ses amis en grande difficulté, lâchés par les banques, abandonnés par l’impitoyable système ont préféré mettre fin à leur existence devenue misérable…
Seul ! Il est seul face à son destin, dans sa grande et belle maison de ferme… A moins que !
Mais je ne vous en dirai pas plus…
Les péripéties de toute une vie de paysan sont tellement nombreuses, elles pourraient faire sourire parfois… souvent pleurer aussi tant ce beau métier est torturé depuis plus d’un demi siècle.
Je vous souhaite en tous cas :
Bonne lecture !
La fin d’une vie autarcique
Productivité, rendement, intensification.
Le progrès change tout.
Une période charnière.
Les anciens lâchent les rennes.
Un garçon fait de la résistance.
Mais qui est donc Arsène ?
Arsène, apprenti paysan.
Années 80 et premières difficultés.
Quand l’étau du progrès se resserre.
Des initiatives de survie peu banales.
L’espoir renait dans le cœur d’Ernest.
L’heure de la retraite et le bilan d’une vie.
Epilogue.
Le fils des quatre saisons et sa petite sœur, nés en pleine période du baby boum, avaient connu un bonheur inestimable : celui de pouvoir vivre une enfance et un début d’adolescence heureuses, bercés tous les deux par les grands travaux d’une agriculture fort peu mécanisée et que certains (des mauvaises langues sans doute !) disaient moyenâgeuse.
Ce milieu très laborieux, n’en était pas moins immensément bucolique et chaque journée s’écoulait paisiblement, enveloppée dans son écrin de nature, aussi belle que variée. Nos jeux de gosses étaient sains, simples et géographiquement presque sans limites puisque nous pouvions courir à perdre haleine par champs et prairies. Quel enfant le peut encore aujourd’hui ?
A bien y réfléchir, cette vie paysanne, héritée de toutes les générations précédentes, avec ses avantages bien palpables mais également ses défauts tout de même nombreux, se complaisait ainsi. Chacun vivait bien et tous avaient leur place dans cet univers. Ils ne manquaient pas de le faire savoir et n’auraient jamais imaginé que de leurs bureaux d’études parisiens, des technocrates, des ingénieurs agronomes, et autres techniciens spécialisés (en quoi, on se le demande ! disaient les anciens) étaient penchés sur de nombreux dossiers émanant d’une volonté des hommes politiques du moment. Ces politiciens voulaient mettre en œuvre une France entreprenante, imaginative, prospère et audacieuse… (Cela aurait pu être).
Ils commençaient à jeter les bases de ce que serait la nouvelle agriculture en utilisant des mots qui revenaient de plus en plus souvent dans leurs conversations, des mots tels que: moderne, rentable, exploitation, chiffre d’affaire et d’autres encore, s’inspirant sans l’ombre d’un doute du modèle américain et notamment de ce qui pouvait se passer en Californie à une époque où la technologie la plus avancée et la plus performante, après avoir balayé d’un revers de manche les animaux de trait, remplaçait l’homme, celui-ci étant devenu le serviteur de la machinerie technologique.
En soi, cela aurait peut-être pu fonctionner… mais pourquoi les responsables de notre pays ne nous disaient-ils pas que ces mêmes Californiens qui demeuraient ainsi « esclaves » des machines n’étaient que des sous-payés, de pauvres hères vivant misérablement et qui auraient beaucoup envié sans doute, les conditions de vie de nos agriculteurs Français considérés comme des moyenâgeux !…
Sur ces terres d’outre atlantique, les pauvres bougres étaient pris, happés inexorablement par un système recherchant le profit, la rentabilité à tout prix. Exploités par les grandes firmes, ils étaient payés une bouchée de pain pour conduire des machines qui effectuaient automatiquement le travail en lieu et place des bêtes et des hommes, ceux d’avant qui, en un rien de temps, étaient passés de la condition d’agriculteurs à celle de serviteurs. J’ai presque envie de dire de serfs ou de vilains… (Vous parlez d’un progrès !).
Il me semble que même si les intentions des hommes politiques Français des années 1960/1965 et suivantes, étaient louables en ce sens qu’ils souhaitaient extraire l’agriculture Française de sa condition artisanale et sans doute un peu archaïque, aucun d’entre eux, à mon sens n’a pris la réelle mesure de ce qu’il eut été vraiment nécessaire de réaliser pour nous rendre plus heureux.
Oui, l’homme a été oublié ! L’homme est passé à l’arrière-plan et dûment sacrifié sur l’autel de la rentabilité.
Les années cinquante et soixante étaient porteuses de projets qui touchaient à l’urbanisme, à l’économie et l’industrie. Cela était également valable pour le monde agricole, pour ce poumon vert, ce garde-manger de notre pays que les hauts responsables entendaient bien développer …
Mais comment ?
En effet, ne dit-on pas que l’on ne parle bien que… des choses que l’on connaît bien ?
Alors qu’à cela ne tienne, l’école d’agronomie allait engendrer des ingénieurs, des hommes formés beaucoup plus en technocrates qu’en experts agricoles à notre goût ….
D’ailleurs et pour la petite histoire, j’ai toujours trouvé croustillant de voir une telle école implantée en plein cœur de Paris… sauf à considérer que Paris soit un grand tas de fumier sur lequel on ferait pousser quelques fleurs… Mais c’est un point de vue de paysan !
Si Paris est la capitale du pays, elle n’est pas la France, très loin s’en faut! et nous autres les paysans n’étions pas dupes… D’ailleurs, nous nous sommes toujours méfiés viscéralement des ingénieurs dits agronomes et de leur cortège de techniciens. Que pouvait-on leur enseigner ? On ne fait pas pousser des poireaux et de la luzerne sur les avenues de Paris ! Le Boulevard St Michel ne me parait pas très fertile en la matière ! Il faut raison garder et appeler un chat un chat.
Si les grandes réformes politiques sont l’apanage de la capitale et de ses élites… et la encore ce mot nous fait tordre de rire, l’agriculture au quotidien est le travail des paysans du Limousin, du Languedoc, de lorraine ou d’ailleurs. A chacun son occupation et… les vaches seront bien gardées !
Le cheval tirait paisiblement le râteau à foin dans les prairies… C’était avant ! il y a longtemps. On l’appelait « la râteleuse » !
Hélas ! Cela n’a pas été le cas et le monde agricole allait passer rapidement sous la férule d’apprentis sorciers dont les tours de passepasse qu’ils allaient tirer de leur chapeau finiraient par plonger la France verte dans un chaos inextricable dont nous ne sommes toujours pas sortis en ce vingt et unième siècle. D’ailleurs, en sortirons-nous ? si ce n’est par la clairvoyance et l’intelligence de nos petits-enfants. Ces derniers devront d’ailleurs déployer des montagnes d’ingéniosité pour redresser un monde tel que celui que nous sommes en train de leur laisser en héritage.
Dans l’idée même de modernisation de l’agriculture Française, il y avait déjà tromperie, il flottait comme un parfum de pourriture, d’infiniment malsain. Sans doute une manœuvre bien calculée. Nous avons toujours pensé que les responsables politiques trouvaient la paysannerie très nombreuse (sans doute trop) elle constituait en outre une catégorie de gens qui pouvait échapper en grande partie au contrôle de l’état, isolés dans leurs campagnes, utilisant pour travailler des méthodes ancestrales transmises de générations en générations, basées sur des centaines d’années d’observations, d’échecs et de réussites, examinant les cycles lunaires et se transmettant le savoir oralement. Oui ! Tout cela échappait aux dirigeants et dans notre pays il faut bien reconnaître que tout ce qui n’est pas « figé » sur le papier est douteux et attise la méfiance des élites. Il est de bon ton de ne laisser aucun vide juridique dans quelque domaine que ce soit et de bien réglementer tout ce qui peut l’être. Les paysans allaient être servis !…
Observer la lune et choisir précisément les derniers jours de son dernier quartier pour semer des radis en étant certain d’obtenir une récolte splendide et croquante à souhait n’est pas une pratique formelle, conventionnelle, et bien marquée dans les livres… c’est pourtant ainsi que ça fonctionne et ceci n’est qu’un tout petit exemple de ce qui devait inquiéter les grands de l’époque.
Encore un peu et les pratiques paysannes auraient été considérées comme de la sorcellerie ! …il n’aurait plus manqué que cela !
Ces vastes manœuvres bureaucratiques demeuraient pour nous les paysans, extrêmement confidentielles. Personne … ou si peu de gens, n’avaient vu venir l’événement. Tous vivaient en quasi autarcie sur les terres. La ferme fournissait la nourriture pour tous, qu’il s’agisse des volailles car poulets, canards, oies, pigeons étaient en grand nombre, ou encore les lapins pour lesquels la bonne herbe fraîche et nourrissante dont ils raffolaient était présente partout et en abondance. Et je passerai sous silence les cochons gros et gras qui venaient remplir les grands pots de grès et le saloir.
Les légumes ? N’en parlons pas ! le jardin était immense et si cela ne suffisait pas, quelques planches étaient tracées dans les champs les plus proches, pour les haricots secs, les carottes, les pommes de terre, que sais-je encore. Quant à maman qui n’avait pas toujours beaucoup d’argent dans le porte-monnaie, qu’à cela ne tienne, elle attendait de pied ferme l’épicier et sa camionnette qui sentait bon les petits gâteaux et le pain d’épice.
Ce jour là, elle lui prenait toutes les provisions dont elle avait besoin pour la famille et troquait l’ensemble contre un grand panier d’œufs frais dont la valeur représentait largement le prix de l’épicerie qui nous était indispensable. Le troc était une chose merveilleuse, un acte d’échange qui s’instaurait sur les bases du travail et de la confiance, une merveille de relation sociale hélas complètement disparue.
Notre vieil épicier, le « père Fleurant » passait nous voir une fois la semaine, venant d’Abzac une commune voisine de Charente limousine, il aimait bien pratiquer ce troc car lui même revendait un bon prix ces œufs très frais aux pâtissiers des alentours.
Bien sûr, le travail des paysans était fort pénible mais il ne manquait pas grand chose à notre bonheur fait de simplicité et de spontanéité. Les choses étaient pures, naturelles et dans ce monde là qui n’avait comme horizon que celui des buissons, des vastes prairies et au loin, les collines et les monts de Blond, qui aurait pu imaginer un seul instant que le progrès allait tout précipiter dans un tourbillon infernal dont aujourd’hui encore nous ne sommes pas sortis ?
Qui ? Je vous le demande ?
Personne ! Bien entendu…
Le nouveau venu à la ferme fait sensation !
Pour autant qu’il m’en souvienne, c’est en mil neuf cent cinquante neuf que par un beau matin frais de septembre est arrivé à la ferme un tracteur agricole. Le premier !
Personne ne s’y attendait. La surprise fut totale. Père, très étonné, fit le tour de l’engin, perplexe autant qu’admiratif. Appuyé sur le manche de sa fourche à fumier, il y avait quelque chose de singulier dans son comportement, de la méfiance peut être, il était visiblement partagé entre deux sentiments. Certes le tracteur était beau dans sa superbe « robe » orangée. Un Vendeuvre… bien campé sur ses énormes pneumatiques armés de crampons impressionnants. Une belle bête ! Mais de l’inquiétude se lisait dans les yeux du paternel, une interrogation aussi ! Comme un sentiment indéfinissable plus proche du malaise que de l‘appréhension.
Nous autres, les enfants, n’avions jamais vu de près ou de loin un pareil objet et nous en faisions le tour timidement. Il avait une odeur nouvelle que nous ne connaissions pas. Une odeur de peinture fraîche et de mécanique neuve mais pas seulement ! Nos narines habituées aux senteurs vraies et authentiques décelaient immédiatement quelque chose de très particulier, de nouveau : les effluves de gas-oil … ça c’était inédit, une drôle d’odeur ! Grasse, forte et pénétrante, bizarre !
Les ouvriers agricoles arrivés au pas de course, firent également et de concert, le tour de cette mécanique, n’en croyant pas leurs yeux. Les commentaires allaient bon train, du genre :
Un truc pareil, ça doit arracher du tonnerre de dieu !
Tu parles, disait un autre, ça doit bien tirer aussi fort que quatre ou cinq chevaux de trait !
Et c’est bien cela qui allumait une petite flamme de suspicion, de doute et de tristesse dans l’œil de mon père. Il avait horreur que l’on puisse comparer la mécanique et les chevaux, (la ferraille et les animaux) comme il disait. Il s’agissait de deux choses bien distinctes, la mécanique étant là pour soulager les chevaux et les hommes, non pour les éliminer.
Comme il avait raison !
Gros Robert ne montrait aucun empressement quant à l’admiration qui pouvait être portée envers cette mécanique nouvelle. D’ailleurs avait-il un jour admiré une quelconque mécanique ? Je ne le crois pas, tant il se débattait avec les faucheuses et la moissonneuse lieuse… Ce matin là, il avait fait le tour du tracteur avec circonspection, ponctuant son examen de quelques grognements caverneux… Il partageait totalement l’avis du père Germain dont il s’était rapproché insensiblement pour échanger avec lui quelques propos avisés et sans doute aussi pour rechercher quelque chose de rassurant. Il était très proche de notre paternel qu‘il respectait et estimait beaucoup.
Il attendait de voir la suite et ne manquait pas de faire des remarques à ses collègues de travail un peut trop empressés. Il leur disait :
Si quo faye l’ouvrage de trés ou quat gars à la vé qui qu’on vaye devnir nôtrés, bande d’abernoncios !
« Si cette machine fournit le travail de trois ou quatre gars, que va-t-on devenir nous autres, bande d’idiots ?»
Sous ses apparences de gros nounours, il était clairvoyant le Robert et ne manquait pas de tenir conciliabule avec le père Germain, à juste titre d’ailleurs !
Les outils appropriés arrivaient à la ferme au fil des semaines. D’abord la charrue, un brabant « à deux oreilles » réversibles permettant de labourer à plat et de retourner ainsi de vastes étendues de terre en si peu de temps que nos hommes en restaient bouche bée ! La machine était accrochée sur un attelage trois points commandé hydrauliquement et que nous trouvions magique tellement il avait de puissance à lever les charges.
Bien entendu le conducteur de cet engin n’appartenait pas au domaine. Pourquoi en avait il été décidé ainsi ? En tous cas les hommes en gardaient une profonde blessure, une amertume qui ne disparaîtrait jamais. En effet le préposé au tracteur venait du bourg… un savant paraît-il ! Un homme fort expérimenté en mécanique nous disait le patron, car bien entendu les hommes de la ferme, ces besogneux, ces primitifs, n’étaient pas capable de conduite un tel attelage motorisé. Non ! Tout compte fait, il valait mieux affecter à cette tâche moderne et délicate un individu inconnu, un ouvrier venu d’ailleurs, travaillant dans un tout autre milieu et qui ne connaissait pas grand-chose à la terre mais … le patron avait dit alors c’était bien comme ça ! A l’époque les instructions données par un patron n’étaient en aucun cas mises en doute.
Les hommes ne se sont doutés de rien, admirant à n’en plus finir les performances de la mécanique nouvelle.
Et les outils ont continué de s’entasser sous le hangar métallique, la remorque gigantesque qui devait bien contenir cinq à six fois plus que le tombereau ordinaire, des herses impressionnantes avec leurs pointes d’acier, acérées comme des épées, et enfin, le semoir automatique.
Ce dernier outil a aidé à la prise de conscience pour certain mais aussi à une confirmation d’un vrai problème pour d’autres.
En effet, l’arrivée du semoir a été houleuse à postériori. Père qui ne s’en laissait guère compter, avait pris tout son temps afin de réaliser un point très précis de ce qui depuis quelques mois, était en train de se dérouler sur la ferme.
Au train où allaient les affaires, il avait calculé que trois à quatre années tout au plus suffiraient pour que les machines soient définitivement parvenues à remplacer les hommes. Bien entendu, il n’avait pas de confirmation de cela et ne pouvait se livrer qu’à des supputations mais son idée était claire et il s‘y tenait. Un jour prochain, il finirait bien par découvrir le détail qui lui donnerait définitivement raison !
Et ce jour là était arrivé. Un magnifique semoir venait d‘être livré sous le grand hangar métallique. Un appareil qui, pensait on, servirait aux semailles des blés, avoines, orges … Néanmoins et comme père était décidé à poursuivre son enquête jusqu’au bout, il n’avait pas manqué d’examiner sous toutes ses coutures le nouvel outil. C’est avec une mine triste et résignée qu’il devait maintenant livrer ses conclusions aux hommes de la ferme. Elles étaient simples, redoutables, consternantes .
L’appareil était conçu, non pour semer des graines comme l’avaient d’abord cru nos braves agriculteurs, mais pour épandre une quelconque poudre, sans doute très fine, compte tenu de la légèreté et de l’extrême finesse de la trémie intérieure et du système de « descente » du contenu.
A cette époque, il ne pouvait s’agir que des engrais en sacs. Ces fameux sacs en papier bourrés de cinquante kilos de scories qu’il avait déjà aperçus, entassés en piles gigantesques chez le marchand de grains et d’engrais à l’Isle Jourdain, lors de la dernière foire mensuelle. Les frères Fleurant en livraient des tonnes dans les fermes voisines et souvent, en revenant de l’école nous croisions le gros camion Berliet gris qui s’en revenait de sa tournée.
Cela pouvait vouloir dire que les engrais allaient à court terme remplacer le fumier de la ferme, que s’il n’y avait plus besoin de fumier, il n’y aurait sans doute plus de vaches ou tout au plus quelques têtes seulement … Que ferait on en lieu et place de ce qui s’était toujours fait jusqu’à ce jour ? Quel sort était donc réservé à cette terre si belle, si généreuse qui nourrissait l’humanité depuis la nuit des temps ?
Les hommes demeuraient sans réponse, sans voix. Le patron devait cacher quelque chose, mais quoi ? Et pourquoi ce silence qui ressemblait de plus en plus à une trahison.
C’était comme si on avait voulu casser le monde agricole. Les hommes sentaient qu’à ce train là ils seraient bientôt trop nombreux dans les domaines et qu’il faudrait sans doute aller se louer ailleurs.
Un grand nombre d’outils anciens avaient été remisés à l’extérieur dans un coin de la ferme, non loin du hangar… dehors. Désormais, ils n’étaient plus protégés des intempéries et s’entassaient pêle-mêle le long des grands buissons, se recouvrant de rouille lentement, inexorablement comme si la modernité naissante tenait absolument à cacher le passé, comme si, comparés aux outils nouveaux, les anciens n’engendraient plus désormais que du mépris, de la moquerie, presque de la honte !
D’ailleurs, juché sur son Vendeuvre, le conducteur savant